Langue niçoise

Langue niçoise

Niçois

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niçois
niçard (norme classique)
niçart, nissart (norme mistralienne)
Parlée en France
Région Comté de Nice
Typologie SVO
Syllabique
Classification par famille
(Dérivée de la classification SIL)
Codes de langue
ISO 639-1 oc
ISO 639-2 oci
ISO/DIS 639-3 oci
type : L (langue vivante)
étendue : I (langue individuelle)

Le niçois est le nom donné à l'occitan parlé à Nice et dans quelques communes avoisinantes du comté de Nice. Par extension, ce mot peut aussi désigner l'ensemble des dialectes occitans utilisés dans l'ancien comté de Nice : provençal maritime à l'ouest, niçois à Nice et environs, vivaro-alpin dans le nord.

En niçois aussi nissart ou niçart [niˈsaʀt][1].

Sommaire

Origine

Les peuplades ligures qui occupaient le territoire actuel du Comté de Nice avant l'arrivée des Phocéens parlaient un langage d'origine indo-européenne[2]. Les Grecs qui s'installèrent n'eurent vraisemblablement que peu d'influence sur ce langage en raison du fait qu'ils ne se mêlaient pas à la population locale habitant l'intérieur des terres, et occupaient uniquement l'actuelle colline du Château de Nice. C'est l'arrivée des Romains qui modifia le langage des autochtones. Celui-ci se mélangea peu à peu au latin ce qui fut à l'origine de l'occitan en général et du dialecte niçois en particulier.

Pour l'intellectuel niçois Pierre Isnard, qui fut membre de l'Acadèmia Nissarda, le niçois était donc au départ très proche des autres langues romanes, y compris de l'ancêtre de la langue d'oïl[3]. Ainsi, le texte des Serments de Strasbourg datant du IXe siècle et qui constitue l'une des premières traces écrites de ce qui sera à l'origine de la langue d'oïl puis du français, montre une très importante proximité avec le niçois, plus qu'avec le français moderne.

Classification

Le niçois est classé par beaucoup de linguistes comme une variété de la langue occitane. La démonstration scientifique de cette classificaction a été établie notamment dans la thèse de Jean-Philippe Dalbera[4], aujourd'hui professeur de linguistique à l'Université de Nice et directeur du programme Thesaurus occitan[5]. Selon Dalbera, le comté de Nice se compose de trois grandes aires :

  • le niçois, à Nice, se rattache à l'occitan.
  • le gavot, s'étendant dans la zone alpine et jusqu'à Menton (voir mentonasque), se rattache au dialecte vivaro-alpin de l'occitan.
  • le royasque, dans la vallée de la Roya, se rattache au ligure.

L'appartenance du niçois à l'occitan ou langue d'oc est un fait établi par la communauté des linguistes et des universitaires[6] et par plusieurs associations culturelles niçoises[7].

Les Niçois appellent leur langue « niçois »: certains d'entre eux ne font presque jamais référence aux autres parlers provençaux ou occitans et ne reconnaissent pas la filiation du niçois au provençal et à l'occitan; d'autres au contraire affirment que le niçois est de l'occitan. Ainsi l'intellectuel niçois Pierre Isnard dans son ouvrage intitulé Considérations sur le dialecte niçois et le rattachement à la France, écrit en 1960 que le niçois est issu du latin vulgaire de la même manière que toutes les langues romanes, mais qu'il est, de par son « archaïsme », un « ancêtre ou au moins un frère aîné » de celles-ci. Selon lui, le niçois est resté beaucoup plus proche du latin dont il est issu, que les différentes variétés de l'occitan qui ont à l'inverse fortement évolué, même s'ils ont tous, niçois et occitan, la même origine.

Le grammairien niçois du XVIe siècle Honoré Drago, parle en 1535 du niçois comme d'un tout autre langage que le provençal[3]. Il fut chargé par un lieutenant de l'empereur Charles Quint, Alphonse Davallo, d'établir un traité de phonétique et de vocabulaires provençaux[3]. Rendant son travail avec beaucoup de retard, il explique la « trop grande difficulté de l'entreprise » par le fait que le niçois et le provençal se sont tellement modifiés que les auteurs des siècles précédents qui écrivaient dans ces langues auraient eu du mal à les comprendre[3].

Pierre Isnard affirme également dans son ouvrage que la volonté d'assimilation du niçois au provençal cache des arrière-pensées politiques. Il explique ainsi qu'après l'annexion du comté de Nice à la France en 1860, le gouvernement français a favorisé cette assimilation afin de mieux intégrer le pays niçois à la France. Ainsi il encouragea la création de la « Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes » en 1861. Isnard raconte que la revue de cette Société publia une étude d'un de ses membres, Alexandre Sardou, qui affirmait que le niçois n'était qu'une sorte de provençal altéré par la graphie pseudo-italienne. Isnard indique aussi qu'à cette époque la lecture des œuvres de l'auteur provençal Frédéric Mistral et des troubadours était encouragée alors que le niçois était « méprisé et proscrit ». Selon Isnard, le Trésor du Félibrige écrit par Frédéric Mistral pour tenter d'unifier tous les dialectes de langue d'Oc dont le niçois pour lui faisait partie, comporte des erreurs sur des mots niçois qui prouvent que le niçois et le provençal sont deux langues distinctes.

Les conceptions de l'intellectuel niçois Pierre Isnard, qui fut membre de l'Acadèmia Nissarda, sont contestées par les linguistes et par certains spécialistes du niçois, comme André Compan[8].

La revue Lou Sourgentin, une revue culturelle bilingue français-niçois, indique que le niçois « occupe une place bien définie, à parité avec les autres langues dans ce que l’on pourrait appeler l’aire de langue d’oc ». Et elle rajoute : « Qu’il semble loin le temps où, sous de faux prétextes unitaires, d’éminents linguistes ne voyaient dans le nissart qu'un patois provençal, lui déniant toutes les qualités d’une langue spécifique »[9].

Les noms du niçois

En niçois les habitants de Nice ( Nissa ou Niça ) se désignent par le gentilé niçard, niçarda (norme classique) ou bien niçart niçarda (nissart nissarda) (norme mistralienne). La graphie la plus populaire, la plus vulgarisée, la plus utilisée aujourd'hui étant Nissa.

Quelle que soit la graphie utilisée, on prononce dans tous les cas [niˈsaʀt(e), niˈsaʀda].

Dans la forme masculine [niˈsaʀt(e)], le [t] est le résultat d'un assourdissement d'un d en finale. L'adjonction facultative d'un son [e] final d'appui, après [t] final, est une particularité de la phonétique niçoise (mais ce [e] n'a pas de valeur phonologique et n'est pas noté dans l'orthographe, qu'elle soit classique ou mistralienne).

Il existe des variantes graphiques innombrables en raison des difficultés à véhiculer une norme linguistique stable: avec -ç- ou -ss-, avec -d ou -t (voire -te). Le ç est une graphie préconisée par Frédéric Mistral par exemple. Georges Castellana indique lui aussi : « Nice : Niça ; lu Niçart ».

En français, pour qualifier les habitants de Nice , le gentilé habituel est niçois . Nissart et niçard s'emploient depuis peu en français, pour désigner tout ce qui a trait aux traditions et aux gens qui parlent la langue de Nice du comté de Nice, une forme de renaissance de cette culture ou d'usage folklorique.

Normes, graphies, standardisation

Le niçois peut utiliser deux normes :

  • La norme classique, qui privilégie les traditions autochtones de la langue. Elle a été développée par Robert Lafont (Phonétique et graphie du provençal, 1951; L'ortografia occitana, lo provençau, 1972) puis Jean-Pierre Baquié (Empari lo niçard, 1984).
  • La norme mistralienne, plus proche des habitudes écrites du français. L'utilisation de cette dernière est liée au contexte historique, avec le rattachement du Comté de Nice à la France en 1860. Elle est régie en principe par le Félibrige mais il existe aussi une Acadèmia Nissarda.

Des graphies italianisantes ont existé mais elles ont été abandonnées suite au rattachement de Nice à l'empire français. C'est Joseph-Rosalinde Rancher, grand auteur classique niçois qui se pose en 1830, dans son oeuvre la Nemaiada, la question de la graphie, bien avant Mistral. Il est normal qu'aujourd'hui on la qualifie d'« italianisante » puisque Nice appartenait à cette époque au Royaume de Piémont-Sardaigne.

Tenu à l'écart pendant près d'un demi-millénaire de l'évolution linguistique des autres parlers occitans influencés par la domination française, le niçois a gardé une forme archaïque, autrefois partagée par le provençal. Ainsi Pierre Isnard parle du niçois comme d'un « îlot, pur roman, au milieu d’un véritable océan de parlers, certes de même origine, qui l’entourent et cherchent à l’engloutir[3] ».

Enseignement

Des milliers de jeunes et d'adultes prennent des cours de niçois, sans être nécessairement d'origine niçoise. Il s'agit le plus souvent d'options facultatives dans le cadre universitaire destinées à compenser un déficit de points dans les autres matières. Le niçois à l'école est enseigné à l'école primaire et secondaire, avec option au baccalauréat (école Calandreta de Drap, cours optionnels dans l'enseignement public, une heure par semaine au lycée d'État Masséna).

Présence culturelle, littérature, musique

Le niçois est l'objet d'une présence culturelle constante, avec des créations littéraires et de la chanson.

  • Théâtre : Francis Gag, théâtre Barba Martin, théâtre de la Ciamada nissarda, Serge Dotti, Raoul Natiez.
  • Poésie : Joseph-Rosalinde Rancher, François Guisol, Eynaudi, Alan Pelhon, Jan-Luc Sauvaigo.
  • Prose : Bertran dau pujet, Raymon Ferraud, Reinat Toscano, Joan Badat, Francés Pelós (XVe siècle) puis Fulconis (XVIe siècle) ont fait imprimer des traités de mathématiques en niçois.
  • Musiques,Chansons : Jouan Nicola, Menica Rondelly, Louis Génari, Eugène Emmanuel, Jean-Luc Sauvaigo, Mauris, Christian Bezet, Nux Vomica, L'Ontario, Dédé Trucchi, Gigi de Nissa.
  • Mélonious quartet sous la direction de Patrick Vaillant, L'As Pagat lou Capeù, Corou de Berra sous la direction de Michel Bianco (chant polyphonique), Bachas, les Mourtairets, li Banés,Paure nautre; li Rauba Capeu
  • Ouvrages pour apprendre le nissart[10] :
    • L'épreuve de nissart au baccalauréat, écrit par Jean Phillipe Figheira
    • Pràtica e gramàtica par Jacques Chirio
    • Lou Nissart a l'escola par lou Sourgentin

Revues

  • Lou Sourgentin, La Ratapinhata Nòva (années 1980), La Beluga, "L'Estrassa"...

Notes et références

  1. Georges Cestellana, 1952, Dictionnaire niçois-français, reéd. 2001, Nice: Serre.
  2. Bernard Sergent(1995) Les Indo-Européens: histoire, langues, mythes, Paris: Payot
  3. a , b , c , d  et e Pierre Isnard, Considérations sur le dialecte niçois et le rattachement à la France, 1860
  4. Jean-Philippe Dalbera(1984) Les parlers des Alpes Maritimes : étude comparative, essai de reconstruction [thèse], Toulousse: Université de Toulouse 2 [éd. 1994, Londres: Association Internationale d’Études Occitanes]
  5. Thesaurus occitan
  6. Département de langue d'oc de l'Université de Nice
  7. L'Institut d'études occitanes des Alpes-Maritimes, le Centre culturel occitan-Pays Niçois, l'école Calandreta Niçarda, le Félibrige avec ses écoles locales, la Fédération des associations du Comté de Nice, l'éditeur Serre et la revue Lou Sourgentin
  8. André Compan (1971) Anthologie de la littérature niçoise, coll. Biblioutèco d’istòri literàri e de critico, Toulon: L’Astrado
  9. Pour en savoir plus sur les langues régionales - La langue niçoise, Lou Sourgentin, extrait de Roger Rocca, Le Mémorial du pays Niçois 1968-1998, Nice-Nouméa, Éditions Planète Memo, 1999
  10. Les ouvrages de nissart

Compléments

Articles connexes

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