Langue Originelle

Langue Originelle

Langue originelle

La langue originelle, également appelée langue-mère ou protolangue originelle, est un langage hypothétique qui constituerait un idiome vieux d'au moins 50 000 ans, parlé par les populations homo sapiens primitives, et aurait été le premier langage de l'être humain. Cette hypothèse est rattachée à la notion d'unicité: toutes les langues découleraient indirectement de celle-ci.

Sommaire

Thèses en faveur d'une protolangue originelle

Selon Merritt Ruhlen[1], le principal défenseur de cette thèse, six chercheurs ont principalement contribué à l'émergence de l'hypothèse d'une protolangue originelle unique :

  • Dans le premier quart du XXe siècle le linguiste italien Alfredo Trombetti compara des racines lexicales et grammaticales de langues du monde entier. Certaines de ses conclusions se sont révélées fausses, mais d'autres ont été confirmées par d'autres chercheurs.
  • Entre 1910 et 1930 le linguiste américain Edward Sapir fit un certain nombre de propositions visant à réunir en familles plus larges des langues indigènes d'Amérique identifiées au siècle précédent.
  • Morris Swadesh, un étudiant de Sapir, qui partageait les intérêts de Sapir et de Trombetti.
  • Au début des années 1960 deux savants russes, Vladislav Illitch-Svitytch et Aron Dolgopolski, redonnèrent vie, chacun de son côté, à une proposition antérieure du Danois Holger Pedersen qui réunissait l'indo-européen à d'autres familles d'Eurasie et d'Afrique du Nord en un phylum qu'ils baptisèrent « nostratique ». Selon eux l'hypothèse du Nostratique était soutenue par environ 400 étymologies. Cette thèse a été reprise en 1989 par Vitalij Sevorskin[2] qui soutient l'existence d'un proto-indo-européen qui aurait été une des 6 branches d'une famille linguistique plus vaste remontant au Nostratique. Cette supra famille serait issue d'un proto-nostratique parlé il y a dix mille ans au moins et dont les partisans ont reconstruit un dictionnaire d'une centaine de termes.
  • Le linguiste américain Joseph Greenberg classa les langues africaines dans les années 1950. Il aboutit à quatre familles ou phyla pour toutes les langues africaines, classification qui forme la base des recherches actuelles sur les langues d'Afrique. En 1971 Greenberg établit l'existence d'un phylum indo-Pacifique qui regroupe les langues très diverses de Papouasie-Nouvelle-Guinée, puis en 1987 il apporta des éléments en faveur d'un phylum amérindien, qui regroupe toutes les langues du Nouveau Monde à l'exception des familles Na-Dene et Esquimau-Aléoute.
  • Enfin, une trentaine de racines présentes dans des langues du monde entier ont été identifiées par Merritt Ruhlen (voir le menu déroulant ci-dessous)


Débat sur l'existence d'une langue originelle

Les travaux de Merritt Ruhlen et John Bengtson sur la question d'une langue originelle, ainsi que ceux de Pierre Bancel et Alain Matthey de l'Etang, suscitent de nombreuses critiques dans les milieux de recherche linguistique. Le linguiste et bascologue français Michel Morvan considère qu'il convient de s'en tenir à une position modérée incluant certains résultats valables des long-rangers et en en rejetant d'autres manifestement faux.

Langue originelle ou réinventée ?

Une explication généralement avancée pour l'existence de racines communes de mots de base parmi les langues est l'explication physiologique. Ainsi les mots « mama » et « papa » sont utilisés dans des langues aux quatre coins du monde. Comment expliquer ce phénomène si ces langues ne sont pas apparentées ? Le linguiste russe Roman Jakobson a avancé dans les années 1950 la solution suivante: certains sons, parmi les plus simples à prononcer pour le bébé humain, comme m, p et a, apparaissent très tôt. Il est donc raisonnable de penser que ces sons sont associés aux concepts sémantiques les plus fondamentaux, la mère et le père, ce qui serait une explication de l'occurrence de la racine « mama » pour désigner la mère dans de multiples langues.

Certains mots auraient ainsi pu être réinventés par plusieurs générations de sapiens. Ainsi, ces mots ne pourraient constituer nécessairement des vestiges d'une langue originelle.

Pour les linguistes soutenant l'idée d'une unique langue mère, l'hypothèse physiologique ne peut valoir que pour un petit nombre de mots. Elle est donc insuffisante et n'explique pas la fréquence parmi les protolangues d'une racine comme (k)aka (« frère aîné », « oncle » etc. qui serait à l'origine du latin avunculus, lui-même à l'origine du français « oncle »). Merritt Ruhlen fait valoir que les consonnes vélaires comme k ne s'apprennent pas particulièrement tôt, contrairement à m et p. Il faudrait alors supposer que dans le monde entier les enfants attendent d'avoir maîtrisé les consonnes vélaires pour nommer leurs frères aînés.

Hypothèse génétique

Les recherches en génétique menées en 1991 par Cavalli-Sforza[3] tendent à démontrer une corrélation entre les affinités génétiques et les affinités linguistiques. Ces travaux penchent ainsi en faveur de l'hypothèse d'une langue originelle, qui se serait ensuite différenciée consécutivement à l'évolution des groupes humains. Ainsi, l'homme serait apparu une seule fois à la surface du globe et se serait répandu ensuite, entraînant l'apparition de nouvelles langues en raison de la séparation des groupes humains. Ce couple humain origine (on parle en Anglais d'Eve's hypothesis) serait probablement originaire d'Afrique, et ses descendants auraient émigré ensuite au Proche-Orient, puis se seraient répandus partout en Eurasie, pour finalement atteindre l'Australie et les Amériques.

Voir aussi

Bibliographie

  • L'Origine des langues (éd. Belin, collection « Débats »), 1994, Merritt Ruhlen, John Bengston

Littérature

Liens internes

  • Langue adamique : la même thématique traitée en théologie, ainsi qu'en Histoire des civilisations

Notes

  1. http://www.merrittruhlen.com/files/Origin.pdf
  2. Reconstructing Languages and Cultures, (Abstracts and materials from the First International Interdisciplinary Symposium on Language and Prehistory, Ann Arbor, novembre 1988)
  3. "Genes, peoples and languages", Scientific American, 265, p. 104-110
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