Amour de la chair

Amour de la chair

Éros

Éros, bobine attique à figures rouges, 470-450 av. J.-C., musée du Louvre
Éros est une figure fréquemment représentée dans l'antiquité, ici sur un Skyphos attique à figures rouges (420-410 av. J.-C) provenant d'Athènes

Dans la mythologie grecque, Éros (en grec ancien Ἔρως / Erôs) est le dieu de l’Amour.

Sommaire

Mythologie

Dans la Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.), Éros constitue, avec Chaos et Gaïa, une des trois divinités primordiales[1]. C'est le seul des trois qui n'engendre pas, mais qui permet à Chaos et Gaïa de le faire. Il est beau, immortel, « dompte l'intelligence et la sagesse ». Jean-Pierre Vernant le présente comme le principe qui « rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l'unité »[2]. Éros (Amour) et Himéros (Désir) accompagnent Aphrodite depuis sa naissance[3].

Dans la théogonie des Rhapsodies, qui est la théologie orphique, Éros est à l'origine de la création. Il nait de l'œuf cosmique issu de l'union de l'Éther et du Chaos. À la fois mâle et femelle, il a de nombreuses têtes d'animaux. Il engendre Nyx (la Nuit) et le monstre Échidna. Il est nommé Phanès, mais aussi Protogonos, Èrikèpaios et Métis[4]. Dans l'orphisme, Phanès est assimilé à Dionysos-Zagreus et Zeus le dévore et devient ainsi le Dieu souverain.

Dans Les Oiseaux[5] d’Aristophane (450 - 385 av. J.-C.), Éros naît aussi de l'œuf, issu de la Nuit aux ailes noires. Il a deux ailes d'or et engendre, avec Chaos ailé et ténébreux, la race des Hommes, avant même celle des Immortels.

Dans Le Banquet de Platon (427 - 348 av. J.-C.), Éros est présenté différemment en fonction des personnages du dialogue. Pour Phèdre, Éros est une divinité primordiale, « celui qui fait le plus de bien aux hommes », « il inspire de l'audace », « est le plus ancien, le plus auguste, et le plus capable de rendre l’homme vertueux et heureux durant sa vie et après sa mort ». Pausanias fait la distinction entre deux amours. Comme il y a deux Aphrodite, l'Aphrodite céleste, plus âgée, née d'Ouranos, et l'Aphrodite née du mâle et de la femelle, Zeus et Dioné, plus jeune et appelée Aphrodite triviale ou populaire ; il y a deux Éros, un Éros populaire, « c’est l’amour qui règne parmi les gens du commun. Ils aiment sans choix, non moins les femmes que les jeunes gens, plutôt le corps que l’âme », « ils n’aspirent qu’à la jouissance ; pourvu qu’ils y parviennent, peu leur importe par quels moyens », et un Éros fidèle, qui « ne recherche que les jeunes gens », qui n'aime que le sexe masculin, « naturellement plus fort et plus intelligent ». Suit un éloge de l'amour vertueux, fidèle, non attaché au corps. Faisant parler Éryximaque, Platon approuve la distinction des deux Éros faite par Pausanias et la complète : l'Éros ne réside pas seulement dans l'âme mais aussi dans la beauté, « dans les corps de tous les animaux, dans les productions de la terre, en un mot, dans tous les êtres ». L'Éros légitime et céleste est celui de la muse Uranie. « Mais pour celui de Polymnie, qui est l'Éros vulgaire, on ne doit le favoriser qu’avec une grande réserve, en sorte que l’agrément qu’il procure ne puisse jamais porter au déréglement ».

Aristophane parle de la puissance de l'Éros et du mythe de l'androgyne (il y a trois sexes originels : le masculin, produit par le soleil, le féminin par la terre et l'androgyne, celui qui est composé des deux autres, par la lune). Éros est la force qui pousse les moitiés les unes vers les autres après leurs séparations par les Dieux. Celle, homme, qui s'unit à une moitié femme devient féconde, celle qui s'unit à une moitié homme n'accouche que de choses de l'esprit. « Les hommes qui proviennent de la séparation des hommes primitifs recherchent le sexe masculin », de sorte que la sympathie, l’amitié et l'amour les saisissent l'un l'autre, et de façon à ne plus former qu’un seul être avec lui, « bonheur qui n’arrive aujourd’hui qu’à très peu de gens ». Agathon le présente comme le plus beau et le plus jeune des Dieux, n'en déplaise à Hésiode et Parménide. C'est un Dieu délicat qui « marche et se repose sur les choses les plus tendres » et « s'éloigne des cœurs durs ». Il est formé d'une essence subtile – c'est la grâce qui le distingue –, ne peut recevoir aucune offense, est de la plus grande tempérance. C'est le plus fort des Dieux, plus fort qu'Arès même. Il est très habile car il rend poète celui qui est inspiré de lui.

Pour Socrate, Éros est amour de quelque chose : c'est l'amour de la beauté. Comme tous les démons, c'est un intermédiaire entre les hommes et les Dieux, entre la condition de mortel et celle d’immortel. Il apporte « au ciel les prières et les sacrifices des hommes » et rapporte « aux hommes les ordres des dieux et la rémunération des sacrifices qu’ils leur ont offerts ».

Il est issu de l'union de Poros (l'Abondance), fils de Métis (la Prudence), et de Pénia (la Pauvreté), au moment du festin de la naissance d'Aphrodite, c’est-à-dire que sa conception coïncide avec la naissance de la déesse. Comme fils de Pénia, il est « toujours pauvre, et, loin d’être beau et délicat, comme on le pense généralement, il est maigre, malpropre, sans chaussures, sans domicile, sans autre lit que la terre, sans couverture, couchant à la belle étoile auprès des portes et dans les rues ». Comme fils de Poros, il « est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est mâle, hardi, persévérant, chasseur habile, toujours machinant quelque artifice, désireux de savoir et apprenant avec facilité, philosophant sans cesse, enchanteur, magicien, sophiste »… Éros est un amant de la sagesse.

Dans des traditions plus récentes (à partir du VIe siècle av. J.-C.), il passe pour le fils né sans père de la déesse des Naissances Ilithyie[6], ou selon la plupart des auteurs pour celui d'Aphrodite par Arès, voire, mais plus rarement, d'Aphrodite par Zeus, Hermès, Héphaïstos ou même encore par Ouranos[7]. En tant que fils d'Aphrodite et d'Arès, il a pour frère jumeau ou cadet Antéros, dieu de l'amour mutuel, et pour sœur Harmonie.

Culte

Il est honoré en Grèce antique spécialement comme le dieu de la pédérastie. Les Spartiates et les Crétois lui sacrifient avant une bataille, le bataillon sacré de Thèbes lui est consacré, et Athènes l'honore comme le dieu libérateur de la cité en l'honneur d'Harmodius et d'Aristogiton, les tyrannoctones. Son sanctuaire principal est situé à Thespies.

Représentations artistiques

L'Amour bandant son arc, copie romaine d'un original de Lysippe, musées du Capitole.

À l'origine, Éros est représenté comme un être androgyne. La figure du jeune homme ailé apparaît à la fin du VIe siècle av. J.-C. sur des vases attiques à figures rouges. Il n'est alors que rarement associé à Aphrodite et apparaît souvent sous de multiples instances ; parfois, l'un des Amours est nommé Himéros ou Pothos (désir).

Sa représentation devient très populaire à partir de 490 av. J.-C. On le voit alors sur les vases, la lyre ou avec un lièvre — cadeau pédérastique par excellence — à la main, ou encore poursuivant un garçon. Par la suite, il est plus fréquemment associé avec Aphrodite et le monde des femmes, notamment sur les vases nuptiaux comme les lébétès gamikoi, les loutrophores ou encore les lékanis. Au reste, on recourt au blanc pour le représenter, de même que pour le corps des femmes. L'arc et le carquois sont des attributs habituels à partir du IVe siècle av. J.-C. L'exemple le plus célèbre est sans doute la statue d’Éros bandant son arc, type attribué au sculpteur Lysippe.

À partir de l'époque hellénistique, le type de l'Éros-enfant apparaît concurremment à celui de l'Éros-éphèbe. Dès cette époque, Éros perd sa signification religieuse pour devenir ornemental. À partir de la Renaissance, sa représentation est assimilée à celle des anges pour parvenir au type du putto.

Son avatar romain, Cupidon, est souvent représenté sous les traits d'un jeune enfant espiègle, joufflu, avec deux petites ailes dans le dos et portant un arc, qui lui sert à décocher des flèches d'amour.

On peut voir une statue le représentant sur la place Piccadilly Circus à Londres.

Sources

Notes

  1. Théogonie 116-123
  2. Jean-Pierre Vernant, L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989
  3. Théogonie 201-202
  4. Alain Verjat, Éros est renversant. Sur les valeurs heuristiques de la figure mythique d'Éros dans Éros volubile - Les métamorphoses de l'amour du Moyen Âge aux Lumières sous la direction de D. Jiménez et J.-C. Abramovici, Éd. Desjonquères, 2000, [1], [2]
  5. Les Oiseaux d’Aristophane, v.676 et suiv.
  6. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (IX,27,1).
  7. Sources diverses dont Cicéron, Nonnos de Panopolis, Sappho, etc.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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