Jugement de Louis XVI par les députés de la Convention 1793

Jugement de Louis XVI par les députés de la Convention 1793

Procès de Louis XVI

L’interrogatoire de « Louis le dernier » par la Convention.

Le 10 août 1792, le Palais des Tuileries est pris d'assaut. Louis XVI, accompagné de sa famille, s'est réfugié dans l'enceinte de l'Assemblée législative, mais celle-ci se retournant contre lui, le suspend de ses fonctions. Le roi est alors enfermé à la prison du Temple. La Convention, la nouvelle assemblée constituante, élue pour la première fois au suffrage universel se réunit pour la première fois le 20 septembre 1792. Elle décide d'abolir la royauté. Le 21 septembre 1792, l'abolition de la royauté est proclamée. Les députés se déchirent sur le sort à réserver au roi. Mais la découverte de « l'armoire de fer » aux Tuileries le 20 novembre 1792 rend le procès inévitable. Les documents trouvés dans ce coffre secret prouvent sans contestation possible la trahison de Louis XVI. Le procès commence le 10 décembre.

Sommaire

Séance du 11 décembre 1792

C’est Bertrand Barère de Vieuzac qui préside la Convention nationale. Il fait lire l’acte énonciatif d’accusation qui fut rédigé sur la base du Rapport sur les crimes imputés à Louis Capet de Robert Lindet. Il procède personnellement à l'interrogatoire de Louis XVI.

Louis XVI fait son entrée dans la salle de la Convention nationale.

« Louis, dit Barère de Vieuzac, la Nation française vous accuse, l’Assemblée nationale a décrété, le 3 décembre, que vous seriez jugé par elle ; le 6 décembre, elle a décrété que vous seriez traduit à sa barre. On va vous lire l’acte énonciatif des délits qui vous sont imputés... Vous pouvez vous asseoir. »

Les principaux chefs d’accusation

  • D’avoir tenté d’empêcher la réunion des États généraux, et par là avoir attenté à la liberté.
  • D’avoir rassemblé une armée contre les citoyens de Paris et de ne l’avoir éloignée qu’après la prise de la Bastille.
  • De n’avoir pas tenu ses promesses à l'Assemblée constituante, d’avoir éludé l’abolition de la féodalité et laissé piétiner la cocarde tricolore provoquant ainsi les journées des 5 et 6 octobre 1789.
  • D’avoir prêté serment lors de la fête de la Fédération pour essayer ensuite de corrompre l'Assemblée constituante en particulier par l’intermédiaire de Mirabeau.
  • D’avoir trompé l’Assemblée constituante en lui adressant copie d’une lettre adressée aux agents diplomatiques indiquant qu’il avait accepté librement la Constitution, tout en prodiguant l’argent du peuple pour préparer la fuite de la famille royale.
  • Convention passée entre Léopold II et le roi de Prusse pour rétablir la monarchie française.
  • D’avoir envoyé des sommes considérables au marquis de Bouillé et aux émigrés.
  • D’avoir eu une part dans l’insurrection du 10 août 1792.
  • D’avoir autorisé septeuil à faire un commerce considérable de grains, de sucre et de café.
  • D’avoir mis son veto au décret prévoyant la formation d’un camp de 20 000 fédérés.
  • D’être responsable de la fusillade du Champ-de-Mars le 17 juillet 1791.

Interrogatoire[1]

Louis XVI écouta les chefs d’accusation assis dans le fauteuil où il avait accepté la Constitution. Après que le secrétaire lui a donné lecture de l’acte énonciatif d’accusation, le président Bertrand Barère de Vieuzac reprend ensuite chaque article de l’accusation et questionne Louis XVI.

Barère de Vieuzac : Vous êtes accusé d’avoir attenté à la souveraineté du peuple, le 20 juin 1789.
Louis XVI : Aucune loi ne me défendait alors de faire ce que je fis à cette époque.
Barère de Vieuzac : Le 14 juillet 1789, la veille de la prise de la Bastille, vous avez fait marcher des troupes contre Paris ; vous avez fait répandre le sang des citoyens.
Louis XVI : J’étais le maître de faire marcher des troupes où je voulais. Jamais mon intention n’a été de faire couler le sang.
Barère de Vieuzac : Vous avez longtemps éludé de faire exécuter les décrets du 4 août. Vous avez permis que, dans des orgies faites sous vos yeux, la cocarde tricolore ait été foulée aux pieds.
Louis XVI : J’ai fait les observations que j’ai cru justes et nécessaires sur les décrets qui m’ont été présentés. Le fait est faux pour la cocarde ; jamais il ne s’est passé devant moi.
Barère de Vieuzac : Vous avez répandu de l’argent parmi les ouvriers du faubourg Saint-Antoine, pour les mettre dans votre parti[2].
Louis XVI : Je n’avais pas de plus grand plaisir que celui de donner à ceux qui avaient besoin ; il n’y avait rien en cela qui tînt à quelque projet.
Barère de Vieuzac : Vous avez feint une indisposition pour aller à Saint-Cloud ou à Rambouillet, sous le prétexte de rétablir votre santé.
Louis XVI : Cette accusation est absurde.
Barère de Vieuzac : Le 17 juillet, vous avez fait verser le sang des citoyens au Champ de Mars.
Louis XVI : Ce qui s’est passé le 17 juillet ne peut m’être imputé.
Barère de Vieuzac : Vous avez payé vos gardes du corps à Coblentz ; les registres de Septeuil en font foi.
Louis XVI : Dès que j’ai su que les gardes du corps se formaient de l’autre côté du Rhin, j’ai défendu qu’ils reçussent aucun paiement.
Barère de Vieuzac : Vous vous êtes tu sur le traité de Pilnitz, par lequel des rois étrangers s’étaient engagés à rétablir en France la monarchie absolue.
Louis XVI : Je l’ai fait connaître sitôt qu’il est venu à ma connaissance. Au reste, c’est une affaire qui, d’après la constitution, regarde les ministres.
Barère de Vieuzac : Vous avez fait couler le sang au 10 août.
Louis XVI : Non, monsieur ; ce n’est pas moi !

Le roi prononça ces mots avec une véhémente indignation.

L’interrogatoire fut terminé. « Louis, avez-vous quelque chose à ajouter ? », lui demanda Bertrand Barère de Vieuzac.

« Je demande communication des accusations que je viens d’entendre et des pièces qui y sont jointes et la facilité de choisir un conseil pour me défendre ». On lui présenta les pièces produites à l’appui de l’acte énonciatif d’accusation. Louis XVI dit : « Je ne les reconnais pas ». Il ne reconnut pas davantage sa signature et son cachet aux armes de France au bas d’une lettre à l’évêque de Clermont, et affirma ignorer l’existence de « l’armoire de fer » aux Tuileries. L’audience fut terminée.

La Convention nationale accorde des défenseurs à Louis XVI

Le 12 décembre 1792, la Convention accorde des défenseurs à Louis XVI : François Denis Tronchet, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, Guy-Jean-Baptiste Target, Raymond de Sèze.

Extrait de la plaidoirie[3] de Romain de Sèze en faveur de Louis XVI, le 26 décembre 1792

« Citoyens représentants de la Nation, commença-t-il, il est donc enfin arrivé ce moment où Louis accusé au nom du peuple français, peut se faire entendre au milieu de ce peuple lui-même ! Il est arrivé ce moment où entouré des conseils que l’humanité et la loi lui ont donnés, il peut présenter à la Nation une défense et développer devant elle les intentions qui l’ont toujours animé ! Citoyens je vous parlerai avec la franchise d’un homme libre : je cherche parmi vous des juges, et je n’y vois que des accusateurs ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et c’est vous mêmes qui l’accusez ! Vous voulez et vous avez déjà émis votre vœu ! Vous voulez prononcez sur le sort de Louis et vos opinions parcourent l’Europe ! Louis sera donc le seul Français pour lequel il n’existe aucune loi, ni aucune forme ! Il ne jouira ni de son ancienne condition ni de la nouvelle ! Quelle étrange et inconcevable destinée ! Français la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus ; mais craignez, qu’elle n’ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l’humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses ! Entendez d’avance l’Histoire, qui redira à la renommée : "Louis était monté sur le trône à vingt ans, et à vingt ans il donna l’exemple des mœurs : il n’y porta aucune faiblesse coupable ni aucune passion corruptrice ; il fut économe, juste et sévère ; il s’y montra toujours l’ami constant du peuple. Le peuple désirait la destruction d’un impôt désastreux qui pesait sur lui, il le détruisit ; le peuple demandait l’abolition de la servitude, il commença par l’abolir lui-même dans ses domaines ; le peuple sollicitait des réformes dans la législation criminelle pour l’adoucissement du sort des accusés, il fit ces réformes ; le peuple voulait que des milliers de Français que la rigueur de nos usages avait privés jusqu’alors des droits qui appartient aux citoyens, acquissent ces droits ou les recouvrassent, il les en fit jouir par ses lois. Le peuple voulut la liberté, il la lui donna ! Il vint même au devant de lui par ses sacrifices, et cependant c’est au nom de ce même peuple qu’on demande aujourd’hui... Citoyens, je n’achève pas... JE M’ARRÊTE DEVANT L’HISTOIRE : songez qu’elle jugera votre jugement et que le sien sera celui des siècles ». En venant à la réfutation des chefs d’accusation, Romain de Sèze les divisa adroitement : tenant pour nuls ceux qui étaient antérieurs à la Constitution ou qui avaient été amnistiés par elle, et ceux qui lui étaient postérieurs mais dont les ministres assumaient légalement, la responsabilité, il nia l’appel à l’étranger et déclara Louis XVI irresponsable des tractations menées par ses frères avec l’Autriche. Il nia pareillement l’envoi des subsides aux émigrés, l’accusation manquant à vrai dire de preuves formelles. Ce fut la partie la moins solide de la défense, ce qui importait d’ailleurs assez peu, les députés de la Convention ayant la conviction que Louis XVI avait pactisé avec l’ennemi.

Déclaration de Louis XVI pour sa défense le 26 décembre 1792[4]

«  On vient de vous exposer mes moyens de défense, je ne les renouvellerai point ! En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne me reproche rien, et que mes défenseurs ne vous ont dit que la vérité.
Je n’ai jamais craint que ma conduite fût examinée publiquement, mais mon cœur est déchiré de trouver dans l’acte d’accusation l’imputation d’avoir voulu répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du 10 août me soient attribués.
J’avoue que les preuves multipliées que j’avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m’étais toujours conduit, me paraissaient devoir prouver que je craignais peu de m’exposer pour épargner son sang, et éloigner à jamais de moi une pareille imputation. »[5]

Notes

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