Joseph Récamier

Joseph Récamier

Joseph, Claude, Anthelme Récamier (1774-1852) est un chirurgien français, Professeur au Collège de France, créateur de la gynécologie médicale et chirurgicale moderne.

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Sommaire

Biographie

Joseph Récamier naquit, le 6 novembre 1774, à Cressin-Rochefort dans l’ancien Bugey, aujourd’hui département de l’Ain, où son père était notaire royal ; son cousin, Jean Anthelme Brillat-Savarin, l’auteur bien connu de la Physiologie du goût, fut son parrain. La famille Récamier faisait partie de la bourgeoisie et plusieurs de ses membres furent magistrats, notaires, médecins dont Anthelme Récamier (1745-1791), chirurgien à Belley, tout comme son père et son grand-père. Par ailleurs, Jeanne Françoise Julie Adélaïde Bernard dite Juliette prit le nom de Madame Récamier Juliette Récamier par son mariage, en 1777 à Lyon, avec Jacques Récamier[1] qui descend de la même lignée.

Suite au décès de sa mère, qu’il perdit très jeune, il eut pour précepteur son oncle Jean-Claude Récamier, curé de Villebois qui lui enseigna le latin et lui donna une éducation rigoureuse en rapport avec ses origines familiales. Il termina ses humanités au collège de Belley, où il fut le condisciple de Anthelme Richerand avant d’entrer dans un cabinet de procureur, où il devait s’initier au Droit, dans la perspective de prendre la succession de son père. Il n’y resta que peu de temps et avec l’accord paternel, il s’orienta vers la médecine : il entra à l’hôpital de Belley dans le service de son cousin qui dirigeait le service de chirurgie ; il s’initia rapidement aux données de l’anatomie et il se fit remarquer pour son application.

En 1793, Récamier fut réquisitionné comme chirurgien auxiliaire de troisième classe dans le Service de Santé de l'armée des Alpes et envoyé en mission à Lyon pour prendre en charge les blessés du soulèvement de Lyon contre la Convention nationale ; à l’issue de ces événements, il fut envoyé à l’hôpital de Bourg-en-Bresse et c’est là qu’il rencontra Marie François Xavier Bichat avec qui il se lia d’amitié et les deux étudiants étudièrent l’anatomie ensemble pendant quelques mois. Suite à une nouvelle réquisition, il demanda à être affecté dans l’Armée de Mer et envoyé à Toulon.

Il embarqua aussitôt sur la corvette Labrune puis sur un vaisseau de quatre vingt canons le « Ca-Ira » (anciennement La Couronne) : nommé aide-major, il fut désigné pour occuper le poste de second chirurgien puis premier-aide major. En mars 1795, la flotte française fut impliquée dans la Bataille de Gênes : après un combat héroïque, le « Ca-Ira » fut capturé par les Anglais et son équipage interné en Corse, à Saint-Florent[2]. Récamier y soigna non seulement ses compagnons d’infortune mais aussi la population de l’ile, qui lui fit des propositions pour qu’il s’y installe définitivement. Finalement, il fut échangé contre un chirurgien–major britannique et il put regagner Toulon en octobre 1795.

Cette période fut, pour Joseph Récamier, particulièrement éprouvante et, dans les lettres qu’il écrivit à son père, il se plaindra plusieurs fois d’avoir faim et d’être dans le dénuement le plus complet ; malgré ces privations, il poursuivit avec détermination l’approfondissement de ses connaissances et il participa au concours pour une place d’élève à l’Hôtel-Dieu de Lyon, en juin 1796 : il avait pu se libérer des contraintes militaires, grâce à l’intervention de Dominique Larrey.

En septembre 1797, il se rendit à Paris pour postuler à l’École de Santé nouvellement créée ; il se fit rapidement remarquer par son application mais aussi par son expérience et il fut admis dans l’intimité de Philippe Pinel et d’Alexis Boyer ; il se présenta et fut admis, peu après, aux concours d’entrée de l’École pratique et, en décembre 1799, il obtint le Grand prix de l’École. Il soutint sa thèse le 18 frimaire de l’an VIII (9 décembre 1799) avec pour sujet « Essai sur les hémorroïdes »[3].

En 1799, il fut désigné comme médecin suppléant de l’ Hôtel-Dieu de Paris, puis, le 19 octobre 1803, il remplaça Joseph Bourdier[4] avant de devenir, le 8 décembre 1806, médecin chef.

Chargé d’un service important, il défendit l’école anatomo-pathologique de Théophile Laennec contre la doctrine physiologique de François Broussais. Il se fit surtout remarquer par des décisions thérapeutiques hardies qui surprirent ses contemporains, telle sa méthode de réfrigération dans les fièvres ou l’usage de préparation d’antimoine dans le traitement des pneumonies ; de même, son enseignement désarçonna ses collègues tout autant que ses élèves : « ses leçons étaient une suite d’improvisations sur toutes sortes de sujets : à plusieurs reprises, on a essayé de rédiger les leçons de Récamier, de leur donner quelque chose de fixe et de durable, c’était tenter l’impossible ; ses admirateurs les plus dévoués, ses interprètes les plus fidèles, n’ont rien pu reproduire des ses brillantes allocutions » écrivait Fr. Dubois dans l’éloge de Récamier à l’Académie de médecine[5].

La chaire du Collège de France qu’occupait Laennec étant devenue vacante suite à son décès en août 1826, Récamier posa sa candidature : postulaient également à ce poste François Magendie présenté par l’ Institut de France et Etienne Pariset[6] soutenu par la Cour de France, Récamier était défendu par l’Académie et la Faculté de Médecine. Une violente campagne fut menée dans la presse à propos de ces candidatures : on reprocha à Récamier de ne briguer ce poste que pour les avantages financiers qui y étaient attaché et la Cour s’en mêla, d’autant que Joseph Récamier avait refusé le poste de médecin de Louis XVIII et décliné le titre de baron. Récamier fut nommé mais les polémiques continuèrent dans la presse et l’agitation gagna les milieux universitaires de sorte que ses premiers cours furent troublés par des manifestations de désapprobation : même si ces désordres furent de courte durée, Récamier en fut profondément affecté.

Suite à la Révolution de 1830 et des événements qui suivirent, les professeurs d’universités se virent dans l’obligation de prêter serment et la faculté fut réunie en séance extraordinaire, le 30 septembre 1830 pour satisfaire à ce devoir : Récamier ne se déplaça pas et il notifia son refus au doyen : « Soumis aux lois de mon pays, je ne dois compte de ce refus qu’à ma conscience et à ma famille et je préfère la cessation de mes fonctions à la prestation d’un serment dont la demande est arbitraire … » : il fut révoqué.

Il avait épousé, en 1803, Marguerite Jeanne de Poillevé de la Guérinais, veuve d’un conseiller du Présidial ; son épouse étant décédée en 1819, il se remaria, le 1er août 1822, à Claire Pauline Boistard : rendu à la vie privée après sa révocation, il se retira en Suisse, dans les environs de Fribourg, où il avait acquis une propriété, pour tenter d’améliorer la santé de son épouse qui était gravement atteinte : elle décéda peu après (le 22 septembre 1830) et Récamier revint à Paris, où il se consacra à sa clientèle. Marié en troisièmes noces à Adélaïde Titon, (le 27 mai 1833), il en eut deux enfants, Etienne Louis Marie[7]né en 1834 et Maximilien, né en 1835 qui deviendra Général de Brigade. En 1837, il reprit, sous la forme de cours libres, ses leçons cliniques à l’Hôtel-Dieu.

Il est décédé subitement le 28 juin 1852 à son domicile parisien : il avait 78 ans ; ses obsèques eurent lieu le 1er juillet en l’Église Saint-Sulpice et il fut inhumé au cimetière du Sud (Cimetière du Montparnasse) ; l’éloge funèbre, au nom de la Faculté de Médecine, fut prononcée par Armand Trousseau, par Camille Gibert[8] au nom de l’Académie de Médecine et par Paul Caffe au nom de la Société Médicale d’Emulation, dont Récamier avait été secrétaire.

Publications et œuvre scientifique

Joseph Récamier est considéré comme l’un des pionniers de la gynécologie médicale et chirurgicale, au point, que le professeur Daniel Dargent créa, en 1980, le « Cercle Récamier » avec pour objectif de faire connaître de nouvelles techniques dans le domaine de la chirurgie vaginale[9]; c’est en effet, en 1829, que Récamier réalisa la première hystérectomie par voie vaginale, en France pour une tumeur du col utérin[10]. En 1829, il publie un ouvrage sur le traitement du cancer par la compression méthodique dans lequel apparaît, la définition moderne du mot « métastases[11] ».

Récamier est l’inventeur de deux modèles de spéculum qu’il utilise, dès 1801, dans le cadre des examens gynécologiques mais aussi du principe du curetage utérin et en 1843, il mit au point différents modèles de curettes[12].

En 1832, parait une publication, en deux volumes, sur le traitement du choléra morbus.

Bibliographie

  • Baraud, (A.) Artistes, littérateurs et savants au XIXe siècle Paris J. Lefort, 1892
  • Eyraud, J. (Dr) Conférence sur le professeur Joseph-Claude-Anthelme Récamier, 1774-1852, à la Société historique et archéologique "le Bugey", tenue le 7 mai 1913 dans la salle des fêtes de la ville de Belley Publication : Belley : Montbarbon, 1913
  • Busquet (P.) Biographies médicales. no 23 novembre 1928. Paris Lib. Baillière et Fils
  • I. de Fourmestraux : Histoire de la chirurgie française (1790-1820) / Paris, 1934.
  • Hubert (H.) - Récamier, précurseur de la chirurgie moderne.- Th. Méd. Paris 1933
  • Cercle Joseph Récamier http://cercle-recamier.com/index.php
  • Récamier (Joseph Claude Anthelme) http://web2.bium.univ-paris5.fr/bio/?cle=3443
  • Malaret (J-M.) Hystérectomies totales percoelioscopiques Thèse de médecine Université Paris Descartes 2008 https://www.medecine.univ-paris5.fr/IMG/pdf/Malaret_.pdf
  • Carr (J. et I.) The Origin of Cancer Metastasis Archives et artefacts de la pratique médicale http://www.cbmh.ca/index.php/cbmh/article/viewFile/644/641

Notes et références

  1. Jacques Récamier était banquier dans la maison « Jacques Récamier et Cie », administrateur de la Caisse des Comptes Courants et régent de la Banque de France ; il démissionna en 1806 suite à la faillite de son établissement.
  2. Cet épisode se situe à l’époque du royaume anglo-corse Histoire de la Corse).
  3. http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?TPAR1799x015
  4. Joseph-François Bourdier de la Moulière, Professeur de pathologie médicale (1795-1818), de clinique médicale (1818-20). Docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, médecin de l'Hôtel-Dieu.
  5. Mémoires de l’Académie de médecine 1856 t. XX
  6. E. Pariset (1770-1847) était médecin de l’hôpital Bicêtre et puis de l’hôpital de la Salpêtrière. Secrétaire perpétuel de l'Académie de médecine. Membre libre de l'Académie des sciences
  7. Son fils, Joseph Claude Anthelme Marie Récamier (1861-1935) sera chirurgien et l’un des fondateurs de l'Hôpital Saint-Michel à Paris
  8. Camille Melchior Gibert (1797-1866) était Professeur agrégé de la Faculté de médecine de Paris. Dermatologue de l'Hôpital Saint-Louis. Membre de l'Académie de médecine (1847)
  9. Fondé en 1980, le Cercle Joseph Récamier rassemble une trentaine de chirurgiens gynécologues. Chaque année, il organise une journée de démonstration opératoire « en direct » en urogynécologie. L’objectif est de faire connaître les nouvelles techniques dans le domaine de la chirurgie vaginale et laparoscopique. Durant cette journée, 250 à 300 des meilleurs spécialistes français et européens se réunissent à Lyon pour des conférences et des exposés incluant parfois la retransmission en direct d'une opération chirurgicale.
  10. Plusieurs manuscrits rapportent que des hystérectomies par voie vaginale auraient été pratiquées, dès 1507, par Berangarius da Capri à Bologne ; c’est en 1813, que Langenbeck réalisa, avec succès, la première exérèse utérine par voie basse pour un cancer du col utérin
  11. Recherches sur le traitement du cancer par la compression méthodique simple ou combinée, et sur l'histoire générale de la même maladie, suivies de notes 1° sur les forces et la dynamétrie vitales, 2° sur l'inflammation et l'état fébrile, par J.-C.-A. Récamier,... Paris : Gabon, 1829 deux volumes in-8
  12. http://www.aly-abbara.com/museum/medecine/pages_01/instruments_medicaux/speculum_recamier_bivalve.html



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