Alphabetisation

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Alphabétisation

L'alphabétisation est «l'acquisition des connaissances et des compétences de base dont chacun a besoin dans un monde en rapide évolution [et] un droit fondamental de la personne humaine.»[1]

Sommaire

L'alphabétisation

En apparence, un individu peut apprendre tout seul à déchiffrer un nom simple. En réalité, il réussira ce décodage grâce aux diverses indications qu'on lui aura fournies ça et là et qu'il recoupera. C'est donc essentiellement dans un cours que l'alphabétisation est possible.

Le public des cours d'alphabétisation

Apprendre à lire et à écrire à un élève de l'école primaire, c'est, littéralement, faire de l'alphabétisation. Mais, en général, on restreint le public analphabète aux personnes qui ne possèdent pas les connaissances et les compétences de base requises pour fonctionner dans la société. En France, on fait une distinction entre analphabète (qui n'a jamais appris à lire et à écrire étant jeune) et illettré, terme qui y désigne une personne qui a été capable de lire et d'écrire mais qui ne l'est plus du fait d'un parcours psycho-social compliqué ou très éloigné de la culture écrite. Cependant la notion d'illettrisme n'est pas courante dans d'autres pays francophones: en Belgique et au Canada. Aussi, ces personnes font toutes partie du public potentiel des cours d'alphabétisation.

L'alphabétisation concerne donc tout public (adultes ou enfants) qui ne possède pas les bases de l'écrit en français. Parfois, l'apprenant n'a jamais été scolarisé : il découvre ce qu'est l'écriture, prérequis essentiel à l'intégration dans la plupart des sociétés.

D'autres fois, l'apprenant a été scolarisé, mais dans une langue dont l'alphabet ou le syllabaire n'a rien à voir avec le français ou toute autre langue ayant hérité du latin ; c'est notamment le cas du chinois, du thaï, de l'arabe. L'alphabet du pays d'origine peut encore être différent et pourtant issu de l'alphabet latin (alphabet viêtnamien). Par ailleurs, un cours d'alphabétisation s'accompagne souvent de l'apprentissage des bases du calcul utilisant les chiffres arabes.

Histoire de l'alphabétisation des adultes

Avant 1920, l’alphabétisation était essentiellement destinée à compenser chez des adultes le manque d’accès à la formation de base. Souvent les cours d'alphabétisation étaient destinés à des ouvriers, c'est le cas par exemple du Montreal Mechanic's Institute, fondé en 1828[2]. Le Collège Frontière (en:Frontier College), une organisation en alphabétisation du Canada a initié en 1899 son programme d'alphabétisation par des «ouvriers-enseignants», des étudiants universitaires recrutés pour enseigner, pendant l'été, dans des «tentes de lectures» montés dans les camps de bûcheron.

À partir de 1919, l’alphabétisation devient une priorité pour certains gouvernements. En Grande-Bretagne, le United Kingdom Report on Education présente un programme politique pour l’alphabétisation et affirme que chaque adulte a besoin de formation continue, et en Union soviétique, le Décret du Conseil des commissaires nationaux sur l’élimination de l’analphabétisme parmi les populations de la République socialiste fédérative soviétique de Russie oblige «l’ensemble de la population de la République, âgée de huit à cinquante ans, et qui ne savait lire ou écrire [à] apprendre à le faire soit dans sa langue maternelle, soit en russe.» [3]

Définitions et courants de l'alphabétisation

L'alphabétisation scolarisante

En 1949, lors de la Première Conférence internationale sur l’éducation des adultes (CONFINTÉA 1, Elseneur, Danemark), l'analphabète est définie comme étant «une personne incapable de lire et écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec la vie quotidienne.» [3]

L’alphabétisation fait alors partie des préoccupations et des priorités sur le plan international, mais elle ne fait pas partie intégrante de l’éducation des adultes; elle est une étape préliminaire, la conception demeure scolarisante.

Dans les années 1960, les réalités changent : de nouveaux pays, anciennes colonies, intègrent les institutions internationales, entraînant une perspective du développement international. Ces changements sociaux amènent de nouvelles conceptions de l’alphabétisation. En 1960, lors de la Deuxième Conférence internationale sur l'éducation des adultes (CONFINTÉA 2), qui se tient à Montréal, on y fait le lien entre l’alphabétisation et le développement international. Reconnaissance de l’alphabétisation comme étant l’aspect «le plus urgent» de l’éducation des adultes. [4]

L'alphabétisation fonctionnelle

En 1962, l'alphabétisation fonctionnelle fait son apparition. Une personne qui n’est plus analphabète est définie comme «une personne qui a acquis les connaissances et compétences indispensables à l’exercice de toutes les activités où l’alphabétisation est nécessaire pour jouer efficacement un rôle dans son groupe et sa communauté et dont les résultats atteints en lecture, en écriture et en arithmétique sont tels qu’ils lui permettent de continuer à mettre ces aptitudes au service de son développement propre et du développement de la communauté et de participer activement à la vie de son pays.» (UNESCO, 1962) Cette définition annonce un changement de la finalité de l’alphabétisation : de fin en soi, elle devient un moyen, un outil au service du développement économique. Un effet de ce nouvel objectif est que l'alphabétisation change de cible. Au lieu de cibler toute la population par des campagnes massives, on cible la population active, misant sur le développement d’un capital humain qui générera de la richesse pour permettre au pays de consolider le reste des réseaux d’enseignement.

Un exemple de ce changement sur le plan des politiques nationales : en 1967 la Loi sur la formation professionnelle des adultes permet, au Canada la formation de base pour les travailleurs jusqu’à l’équivalence du diplôme d'études secondaires[5]. Cependant, cette loi ne permet pas aux adultes «inactives» (mères ou épouses au foyer, par exemple) de se former[6].

L'alphabétisation conscientisante

La fin des années 1960 et le début des années 1970 voit l’émergence d’une nouvelle pédagogie militante, qui relie l'alphabétisation à la libération. Cette approche développée surtout par Paulo Freire, ouvre une troisième voie en alphabétisation. Après les approches scolarisante fonctionnelle, qui partent du point de vue de l’environnement lettré et visent respectivement à combler les lacunes de l’adulte en formation ou à lui assurer un développement dans une perspective économique, l’alphabétisation dite conscientisante part du monde et du vécu de la personne analphabète. Elle repose sur une relation égalitaire entre l’intervenant(e) et l’apprenante ou apprenant afin d’encourager l’émergence des capacités critiques, et donc transformatrices de la réalité, de ces derniers.

Autrement dit, cette pédagogie vise l’autonomisation, l’empowerment de l’apprenant(e) ou de l’apprenant comme acteur dans tous les champs d’activité. Au Canada, le courant de l’alphabétisation populaire naît à cette époque, par la fondation de comités de citoyens ou de groupes communautaires faisant de l’alphabétisation selon une approche conscientisante.

Cette approche trouve son echo lors de la 3ème CONFINTEA, tenue en 1972 à Tokyo. Sans mentionner spécifiquement l'alphabétisation, CONFINTÉA déclare que «L’éducation des adultes est pour le citoyen un outil de libération dans une société qu’il est appelé à construire de l’intérieur en le transformant.»[7]

L'alphabétisation en tant que droit

Le droit à l’éducation est mentionné dans le cadre de l'Article 26 de la Déclaration universel des droits de l’homme : «Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite. 2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié …»[8]

Lors de la Quatrième Conférence internationale sur l'éducation des adultes à Paris, le droit d’apprendre est défini comme étant : • le droit de lire et d’écrire, • le droit de questionner et de réfléchir, • le droit à l’imagination et à la création, • le droit de lire son milieu et d’écrire l’histoire, • le droit d’accéder aux ressources éducatives, • le droit de développer ses compétences individuelles et collectives. [9]

Mesurer l'alphabétisation

Les enquêtes internationales

Taux d'alphabétisation dans le monde selon la CIA, NSA, et la NASA[10]

L' Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes a été menée conjointement par plusieurs pays à l'automne 1994[11]. Elle visait à établir des profils d'alphabétisme comparables sans égard aux frontières nationales, linguistiques et culturelles. En 2003, l'Enquête sur la littératie et les compétences des adultes (ELCA), projet conjoint du gouvernement du Canada, du en:National Center for Education Statistics (NCES) aux États-Unis et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a permis de reprendre le pouls de ces mêmes pays. Ces enquêtes offrent une information riche sur l’état de la situation et permettent de mieux comprendre l’alphabétisation, qui était difficile à mesurer à partir des données des recensements, qui mesurent la scolarisation et non l’alphabétisation. Les enquêtes donnent pour 22 pays (1994) ou pour 11 pays (2003) des mesures pour les compétences suivantes: compréhension de textes suivis, schématiques, numératie + (2003) ajout de résolution de problèmes. Avec les deux enquêtes, on peut voir l’évolution de la situation sur une période de 10 ans. En 2003, un suréchantillonage de certaines populations permet d’établir un portrait plus nuancé d’une réalité complexe.

Statistique Canada et Ressources naturelles Canada présentent les résultats canadiens de l'EIACA sous forme de carte géographique.

Belgique

Publié en 2006, le rapport intitulé Etat des lieux de l’alphabétisation en Communauté française[12] croise les données collectées par les acteurs administratifs et les opérateurs associatifs impliqués en alpha pour faire le portrait global de l’alphabétisation en Communauté française de Belgique. En utilisant à la fois les sources quantitatives (statistiques et enquêtes) et qualitatives entrevues d’opérateurs de terrain, compte-rendus d’expériences pilotes) il offre une représentation globale de la situation dans la partie francophone de la Belgique tout en ouvrant des pistes pour des recherches futures.

France : l'enquête Information et Vie Quotidienne

À l'été 2007, L'Agence Nationale de Lutte contre l'Illettrisme (ANLCI) a publié des chiffres détaillés et commentés sur la situation de l'illettrisme en France, issus de l'exploitation de l'enquête Information et Vie Quotidienne de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) 2004-2005. Cette enquête, qui comprenait un module de tests spécialement conçu pour et par l'ANLCI, «proposait aux personnes interrogées à leur domicile des situations proches de celles qu'elles peuvent rencontrer dans leur vie quotidienne, afin d'évaluer leurs niveaux de compétence à l'écrit (lecture, écriture, calcul...).»

L'enquête a été menée sur un échantillon représentatif de 10000 personnes de la population adulte âgée de 18 à 65 ans (représentant ainsi 40 millions de personnes) et l'Agence, afin de mesurer l'illettrisme, fait porter l'exploitation de l'enquête sur la partie de la population qui a été scolarisée en France.

Les structures pour l'alphabétisation

France : Structures publiques

Pour adultes

Les CAF ou les mairies,notamment par le biais des centres sociaux, organisent souvent (grâce à des bénévoles) des cours d'alphabétisation pour adultes. L'objectif est de donner des bases en écriture et en lecture, ainsi souvent qu'en calcul, pour que l'apprenant trouve plus facilement du travail, par exemple. Quelquefois, les apprenants suivent un cours d'alphabétisation simplement pour faire un pas symbolique vers la culture écrite ou, dans le cas de certaines femmes, pour s'émanciper de leur mari.

Pour les mineurs

En France, tous les mineurs vont (ou doivent aller) à l'école, au collège ou au lycée. Or, les problèmes d'alphabétisation ne sont pas rares chez les mineurs étrangers primo-arrivants. Au lieu de suivre un cours de Fls, qui nécessite de bonnes bases à l'écrit, ces élèves suivent des cours spécifiques, dans des classes de NSA (dans la mesure du possible, car ces classes sont assez rares - trois dans l'Essonne, par exemple). L'alphabétisation des enfants et des adolescents est ainsi l'une des missions des Casnav. On ne parle pas vraiment d'illettrisme pour des enfants, que l'on considère encore dans leur premier parcours.

Structures privées et ONG

La lutte contre l'illettrisme et la lutte pour l'alphabétisation sont très souvent fondues dans les mêmes cours, par exemple à la Croix-Rouge.

La décennie 2003-2013 est la Décennie des Nations Unies pour l'alphabétisation.

Notes et références

  1. CONFINTÉA V (1997)
  2. Turgeon, Jocelyn ; Bourque, Louise ; Thibeault, Danielle. Une histoire de l'éducation des adultes : apprendre tout au long de la vie. [Québec] : Ministère de l'éducation, du loisir et du sport, 2007.
  3. a  et b Verhaagen, Alain. Alphabétisation 1919-1999 : Mais... que sont devenues nos campagnes?. Hambourg: Institut de l'UNESCO pour l'éducation, 1999.
  4. Conférence mondiale sur l'éducation des adultes, Montréal (Canada), 21-31 août 1960 : rapport final. Paris : Unesco, 1960.
  5. Shohet, Linda. Chronologie de l'alphabétisation et de la formation de base des adultes au Canada
  6. http://www.mels.gouv.qc.ca/dfga/liste/pdf/41-7018.pdf Turgeon, Jocelyn ; Bourque, Louise ; Thibeault, Danielle. Une histoire de l'éducation des adultes : apprendre tout au long de la vie. [Québec] : Ministère de l'éducation, du loisir et du sport, 2007.
  7. [ttp://www.unesco.org/education/uie/confintea/tokyo_f.pdf Rapport final : troisième conférence internationale sur l'éducation des adultes réunie par l'Unesco, Tokyo, 25 juillet - 7 août 1972 / Conférence internationale sur l'éducation des adultes (3e : 1972 : Tokyo, Japon). Paris, France : Unesco, 1972.]
  8. Déclaration universelle des droits de l'homme, Article 26
  9. [1] Rapport final : quatrième conférence internationale sur l'éducation des adultes, Paris, 19-29 mars. Paris : Unesco, 1985.]
  10. Taux d'alphabétisation par pays sur le site des rapports CIA et de la NSA
  11. http://www.statcan.gc.ca/bsolc/olc-cel/olc-cel?catno=89-552-M&lang=fra
  12. http://www2.cfwb.be/actu/actuPage.asp?option=une&mode=art&themeId=1&uneId=6934&artId=3758

Voir aussi

Articles connexes

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