Jean d'Angleterre

Jean d'Angleterre
Jean
King John.jpg
Jean sans Terre

Titre
Roi d'Angleterre et seigneur d'Irlande
6 avril 119918 octobre 1216
&&&&&&&&&&&0640517 ans, 6 mois et 12 jours
Couronnement 27 mai 1199[1] en l'Abbaye de Westminster
Prédécesseur Richard Ier
Successeur Henri III
Duc d'Aquitaine
6 avril 119918 octobre 1216
Prédécesseur Richard Ier
Successeur Henri III
Duc de Normandie
6 avril 1199Juin 1204
Prédécesseur Richard Ier
Successeur Couronne de France
Biographie
Dynastie Plantagenêt
Date de naissance 27 décembre 1166
Lieu de naissance Palais Beaumont, Oxford (Angleterre)
Date de décès 18 octobre 1216 (à 49 ans)
Lieu de décès Château de Newark (Angleterre)
Père Henri II d'Angleterre
Mère Aliénor d'Aquitaine
Conjoint Isabelle de Gloucester (1189-1199)
Isabelle d'Angoulême (1200-1216)
Enfants Henri III Red crown.png
Richard d'Angleterre,
comte de Cornouailles
Jeanne d'Angleterre
Isabelle d'Angleterre
Aliénor d'Angleterre
Héritier Henri Ier du Palatinat
(1199-1207)
Henri d'Angleterre
(1207-1216)

Royal Arms of England (1198-1340).svg
Monarques de Grande-Bretagne

Jean d'Angleterre[2] (27 décembre 1166[3]18 octobre 1216), fut duc de Normandie (1199-1204) et roi d'Angleterre de 1199 à 1216. Son sobriquet, Jean sans Terre (en anglais, John Lackland), vient du fait que son père était mort alors qu'il était mineur, et que les enfants cadets de rois décédés ne pouvaient posséder de biens tant qu'ils n'étaient pas censés être capables de s'en occuper ; cet âge était fixé à 21 ans par la loi[4].

Membre de la dynastie angevine des Plantagenêts, il était le cinquième et dernier fils du roi Henri II d'Angleterre et d'Aliénor d'Aquitaine.

Sommaire

Biographie

Jean naquit au palais de Beaumont, à Oxford, très certainement en 1166, et non en 1167, comme il a été affirmé[5].

Le roi Henri et la reine Aliénor n'étaient pas ensemble durant les neuf mois qui précèdent décembre 1167, mais bien en mars 1166. Par ailleurs, Jean vit le jour à Oxford vers Noël, mais Aliénor et Henri passaient Noël en Normandie, en 1167.

Le chanoine de Laon, écrivant un siècle après, affirma que Jean fut nommé en référence à l'apôtre Jean, dont la fête est célébrée le 27 décembre.

Raoul de Dicet considère également que Jean naquit en 1166, et que c'est la reine Aliénor qui choisit son prénom.

Il était le demi-frère de Marie de France et d'Alix de France, filles nées lors du premier mariage de sa mère avec Louis VII de France, demi-frère de Guillaume de Longue-Épée fils illégitime d'Henri II, le frère de Guillaume, comte de Poitiers, d'Henri le Jeune, de Mathilde d'Angleterre, de Richard cœur de lion, de Geoffroy II, duc de Bretagne, d'Aliénor d'Angleterre et de Jeanne d'Angleterre, reine de Sicile.

Jeunesse

Alors que Jean était le fils préféré d'Henri, étant le plus jeune, il ne pouvait espérer une part importante de l'héritage. La vie de sa famille fut tumultueuse, ses frères aînés entrant en révolte contre leur père en 1173-1174. Henri fit emprisonner Aliénor en 1173, alors que Jean était enfant.

Sa mère confia une partie de son éducation à l’abbaye de Fontevraud[6]. En 1185, son père l'envoya gouverner la seigneurie d'Irlande, dont il fut contraint de partir après seulement huit mois. Par son insolence, il avait réussi à s'aliéner les Irlandais. Toutefois, il garda la faveur de son père, une faveur qui causa la révolte de son frère aîné Richard en 1188. Finalement, Jean abandonna le roi pour soutenir le révolté. Henri II meurt peu après cette trahison, en juillet 1189.

Richard devint ainsi le nouveau roi d'Angleterre. Peu avant son couronnement en septembre 1189, il fait Jean comte de Mortain[7]. Le comté de Mortain consiste en un ensemble de terres s'étendant en Normandie et en Angleterre (Cornouailles)[8]. Le 29 août 1189, il épousa Isabelle, comtesse de Gloucester et devint comte en son droit. Peu après son accession au trône, en 1199, il se débarrassa de son épouse en faisant annuler ce mariage par le pape Innocent III pour cause de consanguinité (ils étaient cousins au second degré, tous deux descendants d'Henri Ier d'Angleterre).

L'absence de Richard Cœur de Lion

Durant l'absence de Richard, lors de la troisième croisade, entre 1190 et 1194, Jean tenta de renverser Guillaume de Longchamp, évêque d'Ely, désigné régent par Richard. C'est l'un des événements qui amenèrent plus tard des écrivains à le présenter comme un traître dans leurs récits de la légende d'Hereward l'Exilé, devenu Robin des Bois, qui se situe à l'origine un siècle avant l'époque de Jean.

Jean était plus populaire que Longchamp à Londres et, en octobre 1191, les principaux citoyens londoniens lui ouvrirent les portes de la ville, tandis que Longchamp était emprisonné dans la Tour. Jean promit à la cité de lui accorder le droit de se gouverner elle-même en contrepartie d'une reconnaissance comme héritier présomptif de Richard[9]. Lors de son retour de la croisade, Richard fut capturé par Léopold V, duc d'Autriche et emprisonné par l'empereur Henri VI. Il a été dit que Jean avait envoyé une lettre à Henri pour lui demander de garder Richard loin d'Angleterre aussi longtemps que possible, mais les partisans de Richard payèrent une rançon pour sa libération car ils pensaient que Jean serait un mauvais roi. À son retour en Angleterre, en 1194, Richard pardonna à Jean et le désigna comme son héritier.

Plusieurs historiens avancent que Jean n'avait pas tenté de renverser Richard, mais, au contraire, fait de son mieux pour améliorer la situation d'un pays ruiné par les taxes excessives levées par Richard pour financer la croisade. Il est plus probable que cette image de trahison attachée au personnage de Jean soit venue plus tard, par la plume des moines chroniqueurs indignés par son refus de prendre part à la quatrième croisade.

Le règne

Conflit avec le roi de France et Arthur de Bretagne

Quand Richard Coeur de Lion mourut, le 6 avril 1199, lors du siège du château de Châlus-Chabrol en Limousin, Jean se fit reconnaître duc de Normandie le 25 avril à Rouen et couronner roi d'Angleterre le 27 mai à Londres[10], mais tous n'étaient pas prêts à le reconnaître. Plusieurs regardaient son jeune neveu, Arthur Ier de Bretagne, fils de son frère Geoffroy, comme l'héritier légitime. Et de fait, il l'était. Fils du troisième fils d'Henri II, Geoffroy, mort en 1186, primait dans la liste de succession à la couronne d'Angleterre sur son oncle Jean, le quatrième fils d'Henri II. Seulement, Arthur était jeune (il n'avait que douze ans en 1199, à la mort de son royal oncle) et semblait ne pas être à la hauteur aux yeux de Richard Cœur de Lion, de Jean et de sa grand-mère Aliénor d'Aquitaine. Arthur entra donc en lice contre son oncle et revendiqua le trône, avec le soutien du roi Philippe-Auguste. Le conflit entre Arthur et le roi Jean eut des conséquences fatales. Par le traité du Goulet, en mai 1200, Philippe reconnut Jean contre Arthur, et les deux souverains s'accordèrent sur les termes concernant les conditions de la vassalité de Jean à propos de la Normandie et des territoires angevins. Cependant, la paix fut éphémère.

Les maladresses de Jean à l'égard de quelques barons du Poitou amenèrent ces derniers à chercher réparation auprès du roi de France, suzerain de Jean pour ses possessions continentales. En 1202, Jean fut convoqué à la cour de France afin de répondre des charges portées contre lui. L'une d'elles était le fait qu'il ait enlevé la toute jeune Isabelle d'Angoulême, fille unique d'Aymar Taillefer, comte d'Angoulême, alors fiancée à Hugues X de Lusignan, pour l'épouser le 24 août 1200, à Bordeaux. Face à cette forfaiture, Hugues IX de Lusignan, le père du jeune Hugues X, fit alors appel au roi de France. Appelé à se justifier devant la cour de Philippe le 28 avril 1202, Jean ne se présenta pas. Conformément à la loi féodale, le roi de France prononça la commise – confiscation – de ses biens continentaux (1202). Encore fallait-il s'emparer de ces territoires. Des soulèvements, inspirés par Philippe, éclatèrent en Anjou, en Touraine au Poitou et dans le Maine; il lança également Arthur de Bretagne à la tête d'une troupe à l'assaut de l'Anjou.

Devant mener la guerre sur le continent, en 1203, Jean ordonna à tous les chantiers navals d'Angleterre (y compris à l'intérieur des terres, comme à Gloucester) de fournir au moins un bateau, plusieurs villes, comme la nouvelle base navale de Portsmouth, ayant la responsabilité de plusieurs chantiers. Il fit de Portsmouth le nouveau siège de la marine (les rois anglo-saxons, comme Édouard le Confesseur, avaient un port royal à Sandwich, dans le Kent). À la fin de 1204, quarante-cinq grandes galères furent disponibles, avec une moyenne de quatre nouveaux navires par an. Il créa également une amirauté de quatre amiraux pour commander cette nouvelle marine. Durant le règne de Jean, des améliorations sensibles furent réalisées dans la conception des bateaux, notamment l'addition de voiles et les châteaux amovibles à l'avant. Il créa également les premiers grands navires de transport, appelés « buisses ». Jean est parfois crédité de la fondation de la Royal Navy moderne. Les éléments dont nous disposons, concernant cette marine, viennent de registres officiels de l'époque, ce qui explique que ces réussites aient été complètement ignorées par les chroniqueurs et les premiers historiens.

Dans le cadre de la guerre, Arthur tenta de s'emparer de sa grand-mère, Aliénor d'Aquitaine, qui, n'admettant pas que l'on dispose de ses domaines, avait pris parti pour son fils et venait de quitter Fontevrault pour Poitiers. Assiégée dans le château de Mirebeau, elle fut secourue par Jean qui, prenant à revers les troupes d'Arthur, les anéantit le 1er avril 1203 et captura son neveu[11]. Arthur fut emprisonné d'abord à Falaise, puis à Rouen. Nul n'est certain de ce qu'il advint d'Arthur par la suite. D'après les Annales de Margam, le 3 avril 1203 : « Après que le roi Jean eut capturé Arthur et l'eut jeté vivant pour quelque temps en prison dans le château de Rouen... comme Jean avait bu, il tua Arthur de sa propre main et jeta le corps, attaché à une lourde pierre, dans la Seine. ». Cependant, Hubert de Burgh, l'officier commandant la forteresse de Rouen, affirma avoir remis Arthur, autour de Pâques 1203, aux agents du roi, envoyés pour le châtrer ; Arthur serait mort de cette opération. Par la suite, Hubert se rétracta et affirma qu'Arthur vivait toujours, mais personne ne revit jamais Arthur. La rumeur de son assassinat provoqua en Bretagne, puis en Normandie, une révolte contre Jean.

Outre Arthur, Jean captura également sa nièce, Aliénor de Bretagne. Aliénor demeura prisonnière le reste de sa vie (qui s'acheva en 1241) ; par ce geste, Jean acquit une réputation d'homme impitoyable.

Dans l'espoir d'éviter des troubles en Angleterre et au Pays de Galles, tandis qu'il combattrait au loin pour recouvrer ses possessions françaises, Jean constitua en 1205 une alliance en mariant sa fille illégitime, Jeanne, au prince des Gallois Llywelyn le Grand.

En trois ans, le roi de France Philippe Auguste réussit à s'emparer d'une bonne moitié des possessions continentales du roi d'Angleterre, en particulier de la Normandie et de l'Anjou (1204-1205). Château-Gaillard tomba le 6 mars 1204, Rouen le 24 juin, tandis que les Bretons, furieux de l'assassinat d'Arthur, incendiaient le Mont Saint-Michel[12]. L'« empire Plantagenêt » qu'avait créé son père se trouvait très sérieusement amputé.

Portrait du roi Jean d'Angleterre dans l'Historia Anglorum (1250-1259), British Library, Royal

Relations avec Bordeaux

En 1203, Jean exempta les citoyens et les marchands de Bordeaux de la « Grande Coutume », qui était la principale taxe sur leurs exportations. En échange, les régions de Bordeaux, Bayonne et Dax s'engagèrent à le soutenir contre les rois capétiens. Cette mesure donnait aux seuls marchands gascons libre accès au marché du vin en Angleterre. Les années suivantes, Jean octroya les mêmes privilèges à La Rochelle et au Poitou[13].

Jean sans Terre et la papauté

Après la mort, le 13 juillet 1205, d'Hubert Walter, archevêque de Cantorbéry, les moines du chapitre de la cathédrale s'affirment seuls en droit d'élire son successeur. Toutefois, les évêques anglais et le roi avaient un intérêt dans le choix de cette fonction stratégique. Le roi souhaitait voir accéder à cette charge son ami John de Gray, évêque de Norwich. De leur côté, les moines, qui défendaient la candidature de Réginald, l'un des leurs, l'élirent secrètement. Une seconde élection, imposée par Jean, aboutit à une autre élection. Quand les deux candidats comparurent à Rome, le pape Innocent III désavoua l'un et l'autre et consacra un théologien anglais, Etienne Langton, malgré les objections des ambassadeurs de Jean. Innocent passait ainsi outre les droits du roi à choisir ses propres vassaux. Les barons anglais et de nombreux évêques soutinrent le roi et refusèrent d'accepter Langton.

Jean expulsa les moines de la cathédrale de Cantorbéry en juillet 1207 et refusa l'entrée de Langton en Angleterre. En réponse, le Pape jeta l'interdit sur le royaume, le 23 mars 1208. Jean réagit aussitôt en confisquant les biens de l'Église, au nom de la rupture du serment féodal. Le Pape, cependant, était conscient des dangers que le retrait de l'Église faisait peser sur la foi du peuple et donna la permission à plusieurs églises d'accueillir leurs ouailles en 1209. En 1212, il autorisa les derniers sacrements aux mourants. Malgré son poids, l'interdit n'aboutit à aucune rébellion contre Jean.

En novembre 1209, Jean fut lui-même excommunié et, en février 1213, Innocent menaça de prendre des mesures plus sévères si Jean ne se soumettait pas. En mai 1213, le roi fut obligé de se plier à une humiliante capitulation, en présence du légat pontifical (selon Matthieu Paris, à l'église des Templiers de Douvres). Le favori du pape, Étienne Langton fut admis comme archevêque. Jean dut payer des dédommagements au clergé et se reconnaître vassal du Pape, tout en acceptant de lui verser un tribut annuel équivalent à environ un soixantième des taxes directes de tout le royaume (1000 marks annuels, 700 pour l'Angleterre et 300 pour l'Irlande)[14]. Grâce à cette soumission, formalisée dans la Bulla Aurea (bulle d'or), Jean put obtenir le soutien du Pape dans la querelle qui l'opposait aux barons anglais.

Querelle avec les barons

Le roi Jean d'Angleterre signe la Magna Carta

Ayant vaincu avec succès l'insurrection galloise de 1211 et résolu sa dispute avec la Papauté, Jean tourna son attention vers ses intérêts continentaux. Allié avec l'empereur germanique Otton IV, son neveu, contre le roi de France, il débarqua en 1214 avec une armée à La Rochelle. Après avoir fait de Rochefort-sur-Loire sa base d'opérations[15], il fut battu par le fils de Philippe Auguste, Louis, à la Roche aux Moines (en fait il ne combattit pas mais préféra fuir devant l'adversaire), tandis qu'Otton perdait la bataille de Bouvines. Vaincu, Jean dut accepter une paix défavorable avec le roi de France.

Cet échec et cette paix conduisirent à la révolte des barons (plusieurs s'étaient déjà rebellés contre lui après son excommunication). Il rencontra leurs chefs à Runnymede, près de Londres, le 15 juin 1215, où il signa la Grande Charte, appelée en latin Magna Carta, document limitant les pouvoirs royaux. Par cette charte, qui est l'une des bases de la démocratie britannique, la royauté en Angleterre n'est dorénavant plus absolue. Prétendant avoir signé sous la contrainte, Jean résolut, avec l'approbation du Pape, de reprendre sa parole. Mécontents, une partie des barons anglais offrirent la couronne à Louis, le fils de Philippe Auguste. Cependant, ce dernier, s'il réussit à débarquer sur l'île en 1216, ne parvint pas à conquérir le royaume qui lui était offert. Jean traversa le pays pour s'opposer aux forces rebelles, notamment lors du siège de deux mois contre le château de Rochester.

La mort

Retraitant devant les troupes du prince Louis, Jean emprunta une route dégagée vers le pays marécageux du Wash, pour éviter la région rebelle d'Est-Anglie. Plus lent, cependant, le train des bagages (comprenant les joyaux de la Couronne), prit une route directe à travers la région, où il fut emporté par une marée montante inattendue. Cette perte causa à Jean une grande tristesse, qui affecta sa santé et son état d'esprit. Atteint de dysenterie et se déplaçant par petites étapes, il séjourna une nuit au château de Sleaford, avant de mourir, dans la nuit du 18 au 19 octobre 1216, au château de Newark, dans le Nottinghamshire (à cette époque, dans le Lincolnshire, maintenant sur la frontière du Nottinghamshire avec ce comté). Très vite, de nombreux récits, tous fictifs, circulèrent après sa mort, affirmant qu'il aurait été victime d'un meurtre, tué par de la bière ou des prunes empoisonnées, ou d'un « excès de pêches »[réf. incomplète][16].

Inhumé dans la cathédrale de Worcester, il est le premier roi de la dynastie Plantagenêt à être enterré en Angleterre.

Il laissait un fils âgé de neuf ans, qui lui succéda sous le nom d'Henri III d'Angleterre. Bien que Louis continuât à revendiquer le trône anglais, les barons prêtèrent allégeance au nouveau roi, forçant le prince français à renoncer à ses projets et à signer le traité de Lambeth en 1217.

Unions et descendance

Le 29 août 1189, Jean épousa Isabelle de Gloucester, fille et héritière de Guillaume fitz Robert, 2e comte de Gloucester, avec laquelle il n'eut aucun enfant. Peu après son accession au trône, en 1199, il fit annuler ce mariage par le pape Innocent III pour cause de consanguinité. Isabelle épousa en secondes noces Geoffrey de Mandeville, puis Hubert de Burgh.

Jean se remaria à Bordeaux, le 24 août 1200, avec Isabelle d'Angoulême, de vingt ans sa cadette, fille d'Aymer Taillefer, comte d'Angoulême, puis la fit couronner reine d'Angleterre à Westminster le 8 octobre[17]. Jean l'avait enlevée, alors qu'elle était fiancée à Hugues X de Lusignan. Ils eurent ensemble cinq enfants :

Les chroniqueurs de son temps accordent à Jean un goût très sensuel, ajoutant divers embellissements à leur récit. Matthieu Paris l'accuse d'avoir été envieux de nombre de ses barons et d'avoir séduit leurs filles et sœurs les plus attirantes. Roger de Wendover décrit un incident qui eut lieu quand Jean tomba amoureux de Margaret, l'épouse d'Eustace de Vesci et fille illégitime du roi Guillaume Ier d'Écosse. Eustace aurait placé une prostituée à la place de sa femme au moment où, profitant de l'obscurité de la nuit, le roi aurait rejoint le lit de Margaret ; le lendemain matin, quand Jean serait venu se vanter devant Vesci des dons de son épouse au lit, Vesci aurait confessé la tromperie et se serait enfui.

Jean eut plusieurs enfants illégitimes :

D'une ou plusieurs maîtresse(s) inconnue(s), Jean eut également plusieurs autres enfants :

  • Geoffrey FitzRoy († 1205), qui prit part à l'expédition du Poitou où il trouva la mort.
  • John FitzRoy († après 1214), devenu clerc en 1201.
  • Henry FitzRoy († 1245)
  • Osbert Gifford († 1248), qui reçut des terres dans l'Oxfordshire, à Norfolk, dans Suffolk, et dans le Sussex.
  • Eudes FitzRoy, qui accompagna son demi-frère Richard, comte de Cornouailles en croisade et mourut en Terre sainte en 1241.
  • Bartholomew FitzRoy († après 1254), clerc, chapelain papal, membre de l'Ordre des frères prêcheurs.
  • Maud FitzRoy († 1252), nonne puis abbesse de Barking en 1247.
  • Isabel FitzRoy, épouse de Richard Fitz Ives.
  • Philip FitzRoy, encore en vie en 1263.

Le surnom franco-normand FitzRoy signifie fils du roi (cf. Fitz).

Réputation et vue d'ensemble

Jean signant la Magna Carta. Fresque originale par Ernest Normand (1900). Reproduction de 1910.

Le règne du roi Jean est traditionnellement regardé comme le plus désastreux de l'histoire anglaise : il commence avec la perte de la Normandie devant Philippe-Auguste durant ses cinq premières années de règne et s'achève avec l'Angleterre sombrant dans la guerre civile, lui-même étant tout prêt d'être contraint d'abandonner le pouvoir. En 1213, il fait de l'Angleterre un fief papal pour résoudre le conflit qui l'oppose à l'Église ; et ses barons, en rébellion, le forcent à signer la Magna Carta en 1215, l'acte pour lequel il demeure le plus dans les mémoires. Plusieurs historiens ont affirmé, cependant, que le gouvernement de Jean ne fut ni meilleur ni pire que celui des rois Richard Ier ou Henri III, ajoutant qu'il passa (au contraire de Richard) la majorité de son règne en Angleterre. Toutefois, sa réputation demeure si entachée qu'aucun monarque anglais n'a plus prénommé Jean son héritier présomptif.

Dans l'administration de son royaume, Jean était un gouvernant compétent, mais il gagna la désapprobation des barons anglais en les taxant au-delà des règles féodales traditionnelles de la suzeraineté. La taxe connue sous le nom de "scutage", que l'on payait en échange des combattants que l'on ne pouvait fournir (comme l'exigeait la loi féodale) devint particulièrement impopulaire. Jean était un roi impartial et bien informé. Beaucoup de plaignants en appelèrent à la justice royale[18]. En outre, l'emploi par Jean d'un chancelier extrêmement capable et de clercs sûrs aboutit à la première série correcte d'archives - les Pipe Rolls.

L'historien médiéviste C. Warren Hollister considère Jean comme une "figure énigmatique" : « ...doué en plusieurs aspects, bon au niveau administratif, mais suspicieux, sans scrupule et méfiant. Il a été comparé, dans un article de recherches récent, peut-être injustement, à Richard Nixon. Sa carrière encline à la crise fut sabotée à maintes reprises par le manque d'enthousiasme avec lequel ses vassaux le soutinrent - et l'énergie avec laquelle plusieurs d'entre eux s'opposèrent à lui. »

Winston Churchill a résumé le legs du règne de Jean : « La nation britannique et le monde anglophone doivent bien plus aux vices de Jean qu'aux labeurs de souverains vertueux[19] ».

Jean d'Angleterre dans la littérature

Jean d'Angleterre est représenté dans de nombreux récits. On le retrouve dans la pièce de William Shakespeare, Le Roi Jean, dans le roman de sir Walter Scott, Ivanhoé, dans le roman de Thomas Love Peacock, Maid Marian, et dans d'autres versions de la légende de Robin des Bois où il est généralement représenté à l'époque de sa régence en l'absence de Richard, et désigné sous le titre de « Prince Jean ». Il apparaît encore dans le cycle intitulé Le Fleuve de l'éternité de Philip José Farmer, où il est l'archétype du despote cruel et calculateur.

Liens externes

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Sources

Bibliographie

  • W. L. Warren, King John, Yale University Press, 1997, 376 p.
  • Franck Barlow, The Feudal Kingdom of England 1042–1216, Londres, Longman, 1972, 475 p.
  • C. Warren Hollister, Medieval Europe: A Short History, MCGraw-Hill, 1994, 456 p.
  • Matthieu Paris, La grande chronique d'Angleterre, tome 4 Jean sans Terre 1199-1216, Paleo Éditions, collection Sources de l'histoire d'Angleterre, 2004

Notes et références

  1. John Gillingham, « John (1167–1216) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.
  2. (en) Généalogie de Jean d'Angletrre sur le site Medieval Lands
  3. Marie-Aline de Mascureau, Chronologie, primitivement publiée dans Aliénor d'Aquitaine. Revue 303, hors-série n° 81, p. 218-223, Nantes, 2004, in Edmond-René Labande, Pour une image véridique d’Aliénor d’Aquitaine, réédité avec une préface de Martin Aurell par la Société des antiquaires de l'Ouest-Geste éditions en 2005. ISBN 2-84561-224-9, p. 131.
  4. John Lingard, Histoire d'Angleterre, Carié de la Charie éditeur (1825).
  5. Marion Meade, Aliénor d'Aquitaine, p. 283-285.
  6. Martin Aurell, in Edmond-René Labande, Pour une image véridique d’Aliénor d’Aquitaine, paru dans le Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1952, p. 175-234 ; réédité avec une préface de Martin Aurell par la Société des antiquaires de l'Ouest-Geste éditions en 2005. ISBN 2-84561-224-9, p 10
  7. W. L. Warren, King John, Revised Edition, University of California Press, 1978, p.39
  8. Nicholas Vincent, « Jean sans Terre et les Normands avant 1199 : le comte de Mortain à la lumière de ses chartes » in 1204, la Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, sous la direction d'Anne-Marie Flambard Héricher et de Véronique Gazeau, Caen, Publications du CRAHM, 2007. Jean Sans Terre n'a pas été comte de Cornouailles mais la possession du titre de comte de Mortain lui octroyait d'importantes terres dans cette région anglaise
  9. Stephen Inwood, Une Histoire de Londres, Londres, Macmillan, 1998, p.58.
  10. Alain de Sancy, Les ducs de Normandie et les rois de France, 911-1204, Lanore, 1998, p. 112.
  11. Alain de Sancy, Les ducs de Normandie et les rois de France, 911-1204, Lanore, 1998, p. 113.
  12. Alain de Sancy, Les ducs de Normandie et les rois de France, 911-1204, Lanore, 1998, p. 113-114.
  13. Hugh Johnson, Vendanges : l'Histoire du vin, Simon and Schuster, 1989, p.142
  14. Christopher Harper-Bull, « Jean et l'Église de Rome », dans S. D. Church, Le roi Jean : Nouvelles interprétations, p. 307.
  15. Paul Wagret, Jacques Boussard, Levron Jacques, Visages de l'Anjou', Horizons de France, Collection Provinciales, 1951, p. 61
  16. La version officielle des derniers jours du roi Jean est donnée dans Austin Lane Poole, Domesday Book to Magna Carta, 1087-1216, Oxford, Oxford at the Clarendon Press, coll. « Oxford History of England », 1955 (ISBN 0-19-821707-2) [lire en ligne], p. 485 .
  17. Alain de Sancy, Les ducs de Normandie et les rois de France, pp. 112-113.
  18. Georges Minois, « La légende noire de Jean sans Terre », dans L'Histoire, n°164, p. 24-31
  19. James C. Humes, The Wit & Wisdom of Winston Churchill, 1994, p.155
Précédé par Jean Suivi par
Richard Ier
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1199-1216
Henri III
Richard Ier
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1199-1204
Domaine royal de la couronne de France
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