Hydrolienne

Hydrolienne
Hydrolienne (vue d'artiste)

Une hydrolienne est une turbine sous-marine (ou subaquatique, ou posée sur l'eau et à demi-immergée) qui utilise l'énergie cinétique des courants marins ou de cours d'eau, comme une éolienne utilise l'énergie cinétique de l'air.

La turbine de l'hydrolienne permet la transformation de l'énergie hydraulique en énergie mécanique, qui est alors transformée en énergie électrique par un alternateur. Une d'elle est en phase de test en Bretagne.

Sommaire

Principe de départ

La puissance cinétique d'un fluide traversant un disque de section  S \, est :

 P_{cin} = \frac{1}{2} . \rho . S . V^3  \, en W, avec :
\rho  \,  : masse volumique du fluide (eau douce 1 000 kg·m-3, eau de mer 1 025 kg·m-3)
 V  \,  : vitesse du fluide en m/s.

Encore plus strictement que pour une éolienne, l'incompressibilité du fluide impose que le produit de la vitesse V par la section S de la veine de fluide qui traversera ou a traversé le disque soit constant. Devant le disque de l'hydrolienne, le fluide est ralenti et la veine s'élargit. Au niveau de l'hydrolienne, le changement de section est négligeable et donc (paradoxalement) la vitesse du fluide est constante. Après le disque, le fluide est encore ralenti et la veine s'élargit encore. Un modèle élémentaire de fonctionnement des hélices, dû à Rankine et Froude permet d'évaluer la fraction de la puissance cinétique récupérable au moyen d'un disque perpendiculaire à un fluide en mouvement. C'est la limite de Betz, égale à 16/27 = 59 %. Cette limite peut être dépassée si le courant de fluide est forcé dans une veine de section variable au lieu de circuler librement autour de l'hélice.

Par rapport à une éolienne, les hydroliennes tirent profit de la masse volumique de l'eau, 832 fois plus élevée que celle de l'air (environ 1,23 kg·m-3 à 15 °C). Malgré une vitesse de fluide en général plus faible, la puissance récupérable par unité de surface d'hélice est beaucoup plus grande pour une hydrolienne que pour une éolienne.

Pourquoi l’hydrolienne est-elle récente ?

Le système SeaFlow déployé au large de la Grande Bretagne
Le système SeaGen déployé au large de la Grande Bretagne

Nous commençons à prendre conscience qu’il faut trouver des énergies inépuisables pour remplacer le pétrole couramment utilisé. Le milieu marin est particulièrement exigeant et agressif (corrosion due au sel, organismes « encroûtants »). Le terrestre a donc eu la priorité, mais il ne peut plus répondre à tous nos besoins.

L’hydrolienne bénéficie des énormes efforts techniques qui ont déjà été faits dans le développement de l’éolien, mais a moins fait l'objet de recherches.

Le développement des nouveaux matériaux (composites, béton composite, alliage métallique, etc.) apporte des propriétés nouvelles qui favorisent la conquête du milieu marin.

Avantages et inconvénients

Avantages

  • Les hydroliennes sont beaucoup plus petites que les éoliennes pour une même puissance, cela étant dû à la masse volumique de l'eau qui est environ 800 fois supérieure à celle de l'air.
  • Les courants marins sont prévisibles (notamment en consultant les éphémérides), on peut donc estimer avec précision la production d'électricité.
  • Les potentiels des courants marins sont très importants, EDF estime que 5 GW (soit environ 3 réacteurs nucléaires de type EPR) peuvent être installés à proximité des côtes françaises.
  • L’hydrolienne utilise une énergie renouvelable (le courant marin) et elle ne pollue pas, en termes de déchets issus de combustion tels que CO2 ou de déchets radioactifs.
  • De nouveaux modèles d'hydroliennes semi-immergés peuvent être adaptés aux rivières, même modestes, sans avoir les impacts écologiques des turbines classiques dont les pêcheurs craignent qu'elles aient des impacts sous-estimés sur les poissons[1]. Ces hydroliennes produisent moins d'électricité que les turbines classiques, mais pourraient être beaucoup plus légères, et demander bien moins d'investissement.

Inconvénients

  • Les hydroliennes créent des zones de turbulences, qui modifient la sédimentation et le courant, avec de possibles effets sur la flore et faune juste en aval de leur positionnement. Ces aspects sont analysés par les études d'impacts.
  • Des poissons ou mammifères marins pourraient heurter les hélices. Ces dernières peuvent néanmoins tourner très lentement (cela dépend de la résistance opposée par l'alternateur et donc du modèle d'hydrolienne). Toutefois, la première étude sur le sujet (fish Survival Study on Hydrokinetic Power Turbine) menée en 2009, par Hydro Green Energy LLC et déposée à la Federal Energy Regulatory Commission (USA), a démontré clairement la sécurité du procédé. Selon ces résultats, seulement un poisson sur 402 aurait montré des signes de blessure; des signes peut-être plus attribuable à la mise en place du protocole qu’aux turbines elles-mêmes. Cette étude s'applique toutefois aux poissons et non aux plus gros mammifères marins.
  • Dans les eaux turbides, du fait de la présence de sable en suspension (pas de Calais par exemple), l’érosion des pales d’hélice ou des pièces mobiles par le sable est très forte. Ainsi l’entretien doit être très fréquent, mais il est plus difficile qu’à l’air libre puisqu’on ne peut pas l’ouvrir sans que l’eau ne pénètre à l’intérieur et n’endommage tous les systèmes (mécanique et électrique). Pour cette raison, certaines hydroliennes ont une structure émergeant de l’eau, qui peut être gênante pour la navigation. Des systèmes à ballast pourraient permettre de faire monter ou descendre les unités de production.
  • Pour éviter le développement des algues et organismes encroûtants sur l'hydrolienne, il faut utiliser un antifouling. Cet antifouling doit être refait régulièrement, ce qui induit un coût d'entretien important (intervention en mer, ...). De plus il s'agit, par définition, de produits toxiques pour la faune et la flore marine.
  • Elles coûtent très cher à l’entretien et à l’installation.

Impacts possibles

Les impacts potentiels de ces capteurs sont encore mal connus, et préoccupent notamment les pêcheurs qui travaillent dans les zones d'intérêt ; selon certaines hypothèses, les turbines créeraient des zones de turbulence, empêchant les dépôts de sédiment et donc le développement de la flore, et créant ainsi à long terme une zone morte. Ces turbulences pourraient aussi remettre en suspension plus de nutriments et favoriser le plancton qui nourrit certains poissons. Les hydroliennes pourraient aussi perturber quelques animaux marins qui, trop curieux, se seraient trop approchés.

Le captage de l'énergie des courants ralentit la vitesse du fluide dans l'axe de la turbine ce qui provoque une légère accélération des courants de contournement ; ce phénomène se rencontre quand l'eau passe le long d'une roche : les poissons évitent les obstacles en suivant les lignes de plus fortes vitesses ou utilisent les contre-courants des turbulences. D'autre part, le régime de rotation du rotor est limité par la vitesse en bout de pale à cause du phénomène de cavitation. Ainsi, les grandes hydroliennes ne tourneront qu'au rythme de 10 à 20 tours par minute et leurs effets se limiteraient aux turbulences en aval de l'hydrolienne. Les sédiments ne se déposeraient pas autour de l'hydrolienne, ce qui éviterait l'envasement que connaît l'usine marémotrice de la Rance, et faciliterait l'entretien. De plus, une vitesse de rotation suffisamment faible ne perturberait pas les poissons.

Il faut aussi considérer que les sites préférentiels pour l'installation d'hydroliennes sont des sites de courants forts à très forts (plus de 3 m/s), où les conditions sont peu favorables au développement d'une faune et d'une flore sédentaire et fixée. Les cartes marines montrent que ces zones sont exclusivement composées de roches ou de gravières de gros calibre.
L'impact environnemental de l'énergie hydrolienne est actuellement étudié dans de nombreux projets de recherche et développement en Europe dans la Manche, la mer du Nord et la mer Baltique.

Potentiel

Le potentiel européen de l'énergie hydrolienne est, selon plusieurs études menées il y a quelques années axées sur ce projet d'envergure mondiale, à environ 12,5 GW qui pourraient produire 48 TWh annuels, ce qui représente la capacité de trois centrales électriques récentes[citation nécessaire].

D'après EDF[2], la France posséderait la deuxième ressource européenne, soit 20 % du potentiel européen, correspondant à 10 TWh pour 3 GW « installables », répartis entre la Bretagne et le Cotentin. C'est d'ailleurs là qu'est installée en septembre 2011 la première hydrolienne industrielle française, près de l'île de Bréhat[3].

Les courants marins pourraient être exploitables partout dans le monde ; les courants de marée constituent toutefois pour l'instant le domaine préférentiel de ce type de technologie : les courants de marée présentent en effet, par rapport aux courants généraux (comme le Gulf Stream[4]), des caractéristiques particulièrement favorables :

  • intensité importante (dans certaines zones les courants de marée peuvent atteindre ou dépasser 10 nœuds, soit 5 m/s, alors que les courants généraux dépassent rarement 2 nœuds) ;
  • proximité de la côte : les veines de courant intense apparaissent dans des zones de faibles profondeurs situées à proximité de la côte, ce qui en facilite l'exploitation ;
  • direction stable : les courants de marée sont généralement alternatifs, ce qui simplifie le dispositif de captage ;
  • enfin, prédictibilité : les courants de marée sont parfaitement prévisibles, puisqu'ils ne dépendent que de la position relative des astres générateurs - Lune et Soleil - et de la topographie locale.

Perspectives

Les rotors du SeaGen aux chantiers Harland and Wolff à Belfast

Plusieurs entreprises britanniques et une française se sont spécialisées dans le domaine ; les projets les plus avancés concernent à ce jour essentiellement la Grande-Bretagne. La compagnie londonienne TidalStream a mis au point en 2006-2007 un système d'hydrolienne adapté aux eaux profondes et aux courants marins rapides, pour la production d'électricité. Le Semi-Submersible Turbine comporte quatre turbines montées sur une bouée tubulaire placée verticalement et amarrée au fond de la mer par un bras pivotant. Ce bras sert à l'installation et la maintenance des turbines et supprime les travaux sous-marins coûteux et dangereux. Le prototype testé à Pentland Firth comporte quatre turbines de 20 mètres de diamètre pour une puissance maximale de 4 MW. Le coût de l'électricité pourrait atteindre 0,045 euro/kWh. Selon TidalStream, le système sera compétitif avec les éoliennes offshore et onshore, et opérationnel en 2010.

La technologie des hydroliennes en est à un stade expérimental.

Le coût élevé de l'investissement d'une centrale hydrolienne et le faible tarif d'achat de l'électricité produite peuvent pour l'instant faire reculer les investisseurs.

Le projet le plus avancé en France dans ce domaine est le projet HARVEST (Hydrolienne à Axe de Rotation Vertical STabilisé). Ce projet est issu d'un regroupement de plusieurs laboratoires, 3S-R de l'université Joseph Fourier (UJF), G2ELab et LEGI (de Grenoble Institut National Polytechnique (G-INP)) et LAMCOS (de l'INSA de Lyon). L’objectif de ce regroupement est le développement d'un nouveau concept d'hydrolienne pour la récupération de l'énergie des courants marins et fluviaux. Le projet entre dans une seconde phase, où il s’agit d’implanter une première tour à Pont de Claix (Isère) dans un canal EDF pour la fin 2008 ; les turbines seront alors à l’échelle 1/2. L’ultime étape consistera à mettre en commun plusieurs tours pour former un parc, avec l’objectif de tester une telle « ferme fluviale » en 2010.

En France toujours, le projet industriel Marenergie, mis en œuvre par le pôle de compétitivité Mer de Bretagne, rassemble des acteurs bretons et une machine de démonstration de 10 kW Hydrohelix-Projet Sabella qui a été immergée à Benodet dans l'estuaire de l'Odet en avril 2008. La différence principale entre ces deux projets réside dans le fait que l'un est porté par des laboratoires universitaires reconnus dans ce domaine et l'autre par une PME.

Un autre démonstrateur de 10 kW, Hydro-gen 10[5], développé par une PME, est produit et testé en Bretagne. Cette hydrolienne a pour caractéristique d'être flottante et d'utiliser une turbine amovible, coulissante ou basculante, afin de faciliter entretien, nettoyage et réparation. C'est la première hydrolienne à avoir produit du courant électrique en France en 2006[1].

Un projet pilote est développé au Québec à l'été 2010, les deux turbines TREK, conçues et construites au Québec et d'une capacité de 250 kilowatts chacune, seront immergées dans le fleuve Saint-Laurent près du Vieux-Port de Montréal, leur production sera suffisante pour alimenter en énergie l'équivalent de 750 foyers[6].

L'Ecosse a inauguré en septembre 2010 la plus grande hydrolienne, d'une taille record de 22,5 mètres de hauteur avec un rotor de 18 mètres de diamètre. Conçue par Atlantis Resources Corporation, ce modèle AK1000 pèse 130 tonnes et devrait produire 1MW[7]

Conçue par la société irlandaise OpenHydro et assemblée à Brest en Bretagne par les équipes de DCNS, la première hydrolienne du parc EDF de Paimpol-Bréhat, baptisée "l'Arcouest", est entrée en phase de test au large de l'île de Brehat, depuis le 22 octobre 2011. L'engin, de 16m de diamètre et de 850 tonnes, est placé pour quelques mois à 35 m de profondeur afin de tester en conditions réelles ses performances et vérifier sa bonne tenue aux conditions marines. C'est la première étape d'un projet de parc hydrolien EDF qui devrait regrouper 4 turbines d'une puissance unitaire de 1 MW pic pouvant alimenter environ 3000 logements en électricité[8].

Le projet Hammerfest Strøm est par ailleurs développé en Norvège.

Références

  1. a et b Exemple de modèle flottant où la turbine n'est qu'à demi-immergée
  2. http://www.edf.com/53971d/Accueilfr/LesenergiesEDF/PDFsEnergiesEDF/pdfhydrolienne
  3. (fr) EDF lance sa première hydrolienne à Bréhat, Mer et Marine, 2011-09-06. Consulté le 2011-09-06
  4. Il ne s'agit, avec cet exemple, que de préciser ce qu'on entend par courants généraux : dans la pratique le Gulf Stream présente un potentiel énergétique considérable au niveau du détroit de Floride
  5. Hydro-Gen
  6. Deux hydroliennes seront installées dans le fleuve Saint-Laurent
  7. [1] Une hydrolienne de 5 étages bat un record
  8. Bretagne: EdF immerge son hydrolienne (25/10/2011)

Annexes

Articles connexes

Liens externes



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Hydrolienne de Wikipédia en français (auteurs)

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