Hoplitique

Hoplitique

Hoplite

Gravure d'une statuette en bronze d'hoplite

L’hoplite (en grec ancien ὁπλίτης / hoplítês, de ὅπλον / hóplon « arme » ; l'h français n'est pas « aspiré ») est un fantassin lourdement armé, par opposition au gymnète et au peltaste, armés légèrement.

Sommaire

Armement

L'équipement hoplitique reste sensiblement le même du milieu du VIIe siècle av. J.-C. à l'époque hellénistique. Il comprend :

  • un casque (κράνος / krános)
  • une cuirasse (θώραξ / thốrax)
  • des cnémides (jambières) (κνημῖδες / knêmĩdes)
  • un bouclier (ἀσπίς / aspís, parfois appelé ὅπλον / hóplon par les historiens)
  • une lance (δόρυ / dóry)
  • une épée courte (ξίφος / xíphos)

Le poids total de l'équipement n'est pas connu avec certitude, mais il est assez important, de l'ordre de trente kilogrammes.

Armes

La lance mesure plus de deux mètres. Les héros homériques utilisent le frêne[1] pour la hampe, et les Macédoniens le cornouiller[2], mais on ignore quel bois emploient les Grecs à l'époque archaïque et historique. La pointe est en fer et plus rarement en bronze. Elle comporte une douille pour y attacher la hampe ; l'ensemble est fixé par des rivets. Le fer de lance n'a pas de forme standard, mais le type le plus fréquent est une feuille de saule avec une nervure centrale, dont la longueur varie entre 20 et 30 cm. L'autre extrémité de la hampe est dotée d'un talon ou saurotère, généralement en bronze, de forme pointue. Il sert à ficher la lance en terre quand le soldat ne combat pas. On a également suggéré qu'il permettait d'achever l'ennemi tombé à terre[3] ou qu'il permettait à l'hoplite de disposer d'une lance courte de rechange quand la hampe se brisait dans le premier choc du combat.

L'épée courte constitue la deuxième arme de l'hoplite. Son statut est clairement secondaire. L'escrime n'existe guère en Grèce et le grec parle de conquête « par la lance » là où le français dirait « par l'épée ». Elle mesure généralement moins de 60 cm. Celle des Spartiates est réputée pour être particulièrement courte : les autres Grecs la raillent comme une « épée de jongleur ». Interrogé un jour à ce sujet, Antalcidas aurait répondu : « c'est parce que nous combattons l'ennemi de près[4]. »

Armure

Jeune homme portant la panoplie complète de l'hoplite, stèle funéraire, 350–325 av. J.-C., Musée national archéologique d'Athènes

Le bouclier est à la fois une arme offensive et défensive : il sert à parer les coups mais aussi à pousser pour enfoncer les lignes adverses[5]. Il est de forme ronde et concave et doté sur sa face interne d'un brassard (porpax) et d'une poignée (antilabe) qui permettent de le porter sur l'avant-bras gauche. Le bouclier est en bois cerclé de bronze ; le rebord (itus) permet à l'hoplite de le reposer sur son l'épaule gauche pour soulager son bras, en attendant le choc avec l'ennemi. À partir de 425 av. J.-C. au moins, les Spartiates utilisent un bouclier entièrement recouvert d'une feuille de bronze.[6]

La cuirasse est d'abord constituée de deux plaques de bronze, l'une pour la poitrine et l'abdomen, l'autre pour le dos, modelées sur l'anatomie de leur porteur. À l'époque archaïque, les plaques sont complètement séparées et attachées ensemble par des boucles et des courroies ; par la suite, les plaques sont reliées par une charnière sur le côté droit. Elles se terminent, au niveau des hanches, par une collerette qui permet une meilleure liberté de mouvement. Ce type de cuirasse, lourde mais efficace, est en vigueur du VIIe au Ve siècle av. J.-C.. Elle est ensuite remplacée par des modèles plus légers, à lambrequins ou entièrement en lin (linothorax).

Le casque est initialement de type corinthien, doté d'un nasal et de couvre-joues fixes, puis d'un couvre-nuque. Il est constitué d'une plaque de bronze martelée, équipée de fixations pour une doublure en cuir ou en feutre. Il possède un cimier (lophos) en crin de cheval, le plus souvent du front vers la nuque ou plus rarement d'une oreille à l'autre. Son objectif est de protéger le plus possible la tête et le visage, au détriment de la vision et l'ouïe du soldat. À partir du Ve siècle av. J.-C., le casque corinthien est remplacé, d'abord chez les Spartiates, par le pilos, une sorte de bonnet pointu en cuir rigide et plus rarement en bronze.

Acquisition

Les hoplites constituent l'infanterie lourde des cités grecques antiques, formée de citoyens qui ne peuvent subvenir à l'entretien d'un cheval, mais qui ont les moyens de s'équiper d'une armure et de subvenir aux besoins de leur famille lorsqu'ils sont en campagne. L'équipement hoplitique complet est assez coûteux. À la fin du VIe siècle av. J.-C., il représente au moins 20 drachmes – à titre de comparaison, c'est le coût de six bœufs au temps de Solon[7],[8]. Au IVe siècle av. J.-C., la panoplie qu'offre la cité de Thasos aux orphelins de guerre coûte 300 drachmes, ce qui représente le prix d'un esclave qualifié[8]. À Athènes, le service hoplitique n'est requis que des trois classes soloniennes les plus riches ; la quatrième, celle des thètes, fournit des peltastes (fantassins légers) ou des rameurs dans la marine athénienne.

Histoire

Une reconstitution moderne d'hoplites grecs en formation de phalange.

Les hoplites combattaient en phalange, formation qui se répandit dans toute la Grèce probablement de 700 à 650 av. J.-C.. On parle de « révolution hoplitique ». Cette datation traditionnelle se fonde sur un passage de la Politique d'Aristote évoquant le remplacement des combattants à cheval (hippeis) par la phalange hoplitique. Elle s'appuie également sur l'absence de description de combats de masse dans Homère. Or l'Iliade décrit bien des affrontements de nature hoplitique : faut-il considérer les passages comme interpolés ? Il est certain que des évolutions ont eu lieu à cette époque dans l'armement. La cuirasse a été modifiée, le bouclier s'est vu adjoindre une seconde courroie, permettant une meilleure prise. Cependant, certaines de ces améliorations remontent au VIIIe siècle av. J.-C. : ainsi, la tombe renfermant la « cuirasse d'Argos » est datée de 720.

Les représentations graphiques de la guerre, par exemple sur la céramique géométrique, ne sont pas nécessairement concluantes : la représentation de duels résulte aussi d'une convention symbolisant une bataille entière comme l'affrontement de quelques-uns. Inversement, le Vase aux Guerriers de Mycènes, daté de 1120, montre des files de fantassins lourds armés de boucliers ronds et échancrés, et portant des cuirasses de cuir et de métal.

Le passage d'Aristote est donc sans doute plus révélateur d'une évolution politique intervenue dans les cités du VIIe siècle av. J.-C.. En effet, l'incorporation de non-nobles dans les hoplites, et l'entraînement régulier requis pour pouvoir effectuer des manœuvres en formation donne à la classe moyenne un sens de cohésion qui eut d'importantes conséquences politiques : les chevaliers, Hippeis (Ἱππείς), perdent leur prestige et les hoplites, au rôle désormais décisif dans les batailles, réclament un rôle plus grand dans le gouvernement. Puisque cette classe sociale participe désormais à la défense de la cité, elle a logiquement la parole lorsqu'il s'agit de partir en guerre. De plus, la solidarité née lors des combats et des campagnes perdure lors des débats politiques. La classe moyenne acquiert également un pouvoir de décision dans d'autres domaines de la vie politique dans les cités démocratiques.

L'armure des hoplites se répandit jusqu'en Étrurie et à Rome vers la fin du VIIe siècle av. J.-C.. Celle-ci fut ensuite modifiée, si bien que le bouclier des hoplites (clipeus) fut remplacé par le scutum plus long. Quant au javelot connu sous le nom de pilum, il fut peut-être introduit vers 400 par Camille à l'époque du siège de Véies. [réf. nécessaire]

Étymologie

On dérive habituellement le mot « hoplite » du grec ancien ὅπλον / hóplon, qui désigne le bouclier, c'est-à-dire l'élément le plus important de son équipement[9]. Les sources anciennes donnent peu d'indications à ce sujet. Diodore de Sicile indique que le nom du peltaste provient du nom du bouclier léger, πέλτη / péltê, tout comme le nom de l'hoplite provient de celui du bouclier lourd, ἀσπίς[10]. Cependant, Thucydide est le seul auteur classique à utiliser hoplon pour désigner le bouclier, les autres auteurs utilisant aspis. Cette étymologie a donc été contestée : le mot viendrait plutôt du pluriel τά ὅπλα / tá hópla, qui recouvre l'ensemble des armes et de l'armure[11].

Notes et références

  1. Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 47 ; XIX, 390, etc.
  2. Théophraste, Histoire des plantes, III, 12, 2.
  3. Anderson, p. 24.
  4. Plutarque, Apophtegmes lacédémoniens, 237e.
  5. Anderson, p. 25.
  6. P. Cartledge, « Hoplites and Heroes: Sparta's Contribution to the Technique of Ancient Warfare », JHS 97 (1977), p. 13 [11-27].
  7. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] Solon, XXIII, 3.
  8. a  et b A.H. Jackson, « Hoplites and the Gods. The Dedication of Captured Arms and Armour » dans V.D. Hanson, Hoplites: The Classical Greek Battle Experience, Routledge, 1993 (1re édition 1991), p. 229 [228-249].
  9. Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, Paris, 1999 (édition mise à jour) (ISBN 2-252-03277-4) au mot ὅπλον.
  10. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XV, 44, 3.
  11. J.F. Lazenby et D. Whitehead, « The Myth of the Hoplite's Hoplon », CQ no46/1 (1996), p. 27-33.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) J. K. Anderson, « Hoplite weapons and offensive arms » dans V. D. Hanson (éd.), Hoplites. The Classical Greek Battle Experience, Routledge, Abingdon et New York, 1991 (ISBN 0-415-09816-5).
  • Giovanni Brizzi, Le Guerrier de l'Antiquité classique : de l'hoplite au légionnaire, éd. du Rocher, coll. « L'Art de la guerre », 2004.
  • Pierre Ducrey, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Hachette, coll. « Pluriel », Paris, 1999 (rééd.).
  • Jean-Claude Poursat, La Grèce préclassique, des origines à la fin du VIe siècle, Seuil, coll. « Points », Paris, 1995.
  • Victor Davis Hanson, Le modèle occidental de la guerre, éd. Tallandier, coll. «Texto», Paris, 2007.
  • Margaret Howatson (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité : Mythologie, Littérature, Civilisation, Paris, Robert Laffont, 1993, p. 516.

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