Histoire du Maroc

Histoire du Maroc
Histoire du Maroc
Coat of arms of Morocco.svg
Antiquité
AtlantesPhéniciensCarthaginois
RomainsVandalesByzantins
Conquête arabo-musulmane (681789)
Califat omeyyade • Califat abbasside
Révoltes berbères
Fondation du Maroc
IdrissidesÉmirat de Sijilmassa
Émirat de NekorBarghwata
Suzerainetés cordouane et fatimide
Califat de CordoueCalifat fatimide
IfrénidesMeknassasMaghraouas
Dynasties berbères (10401554)
AlmoravidesAlmohades
MérinidesWattassides
Dynasties chérifiennes (depuis 1554)
SaadiensAlaouites
Protectorat européen (19121956)
Crise de TangerConférence d'Algésiras
Coup d'AgadirTraité de Fès
Protectorat françaisProtectorat espagnol
Guerre du rifBataille d'Anoual
Dahir berbèreManifeste de l'indépendance
Époque moderne (depuis 1956)
Grand MarocMohammed VHassan II
Guerre des sablesCoup d'État des aviateurs
Coup d'État de SkhiratAccords de Madrid
Marche verteConflit du Sahara occidental
Années de plombMohammed VI
Carte du Maroc moderne avec le territoire revendiqué du Sahara occidental en haché.

Habité dès la préhistoire par des populations berbères, le territoire marocain a connu des peuplements phéniciens, carthaginois, romains, vandales, byzantins avant d'être islamisé par les Arabes. C'est en 788, lors de son exil qu'Idris Ier, fuyant les persécutions du califat des Abbassides, a donné naissance à un État dans ce Maghreb el-Aqça (Maghreb extrême ou extrême couchant)[1]. Le Maroc a toujours gardé, si ce n'est une indépendance absolue, du moins une très forte autonomie[2].

Selon l'historien Bernard Lugan, l'attrait, entre autres, des richesses provenant du commerce du Sud (le Sahara) vers le Nord (l'Occident) va attirer les convoitises de diverses tribus avec pour ville carrefour Marrakech (la porte du désert) qui deviendra naturellement la capitale de diverses dynasties, en particulier celles venant du Sud (Almoravides, Almohades, Saadiens) ; c'est la raison pour laquelle, toute l'histoire du Maroc (des Idrissides aux Alaouites) fut marquée par le commerce des richesses du Sud vers le Nord. L'histoire et l'origine du Maroc furent, sont et seront marquées par le lien avec le Sahara[3].

Sommaire

Les premières traces de peuplement

L'Homme a laissé de nombreuses traces au cours de toute la période préhistorique, marque d'un peuplement très ancien, sans doute facilité par un climat plus favorable qu'aujourd'hui[4],[5].

À l'Acheuléen (Paléolithique inférieur), des indices datant d'au moins 700 000 ans traduisent une première activité humaine. Ces hommes vivaient principalement de la cueillette et de la chasse. Les outils de cette époque sont les galets aménagés, le biface, les hachereaux découverts notamment dans les régions de Casablanca et de Salé.

Le Moustérien (Paléolithique moyen) entre 120 000 et 40 000 ans avant l'ère chrétienne, se caractérise par l'évolution de l'outillage. Cette période a livré des racloirs et des grattoirs, en particulier au sein de l'industrie lithique de Jbel Irhoud.

La période de l'Atérien (de Bir el-Ater en Algérie) est connue uniquement en Afrique du Nord. Cette période se caractérise par la maîtrise de la production d'outils présentant des pédoncules destinés à faciliter l'emmanchement. Cette période a aussi connu un changement climatique, puisque la faune et la flore se raréfient, laissant place au désert qui coupe aujourd'hui l'Afrique en deux.

Peuplement ibéromaurisien

Le Paléolithique supérieur est marqué par l'arrivée d'Homo sapiens, porteur de l'industrie ibéromaurusienne. À Taforalt (Oujda), les outils retrouvés datent de 30 à 20 000 ans avant J.-C. Des rites funéraires sont identifiés : les morts ont le corps en décubitus latéral et les os peints.

Ces populations se maintiennent jusque vers 9 000 ans avant J.-C. puis elles vont être éliminées ou absorbées par l'arrivée des premiers ancêtres des populations berbères actuelles : les capsiens (nom issu de la ville antique de Capsa, aujourd'hui Gafsa) arrivent de l'est (comme le montrent les études linguistiques, qui classent dans la même famille l'égyptien et le berbère).

Des sites néolithiques, montrant l'apparition d'une sédentarisation et la naissance de l'agriculture sont découverts près de Skhirat (Nécropole de Rouazi-Skhirat) et de Tetouan (grottes de Kaf Taht el Ghar et de Ghar Kahal)

Antiquité

Les Phéniciens, commerçants entreprenants originaires du pays de Canaan, installent leur premiers établissements sur les côtes marocaines dès le XIe siècle av. J.‑C. et fondent des comptoirs comme Tingi (Tanger) ou Lixus (près de Larache). C'est à partir de la fondation de Carthage (en Tunisie, Maghreb de l'Est) que la région commence à être réellement mise en valeur. L'influence de la civilisation carthaginoise se fera sentir près de mille ans au Maroc : en effet à partir du VIe siècle, les Carthaginois en quête de métaux précieux (extraits des mines de l'Atlas et de la vallée du Draâ), de pourpre (issu d'un coquillage, le murex, que l'on trouve à Mogador par exemple, à l'origine de la teinture du même nom), vont commercer avec les populations locales et introduire des éléments culturels propres à la société phénicienne.

Buste de Ptolémée de Maurétanie, v. 30–40 ap. J.-C., musée du Louvre

C'est à partir du IVe siècle av. J.‑C. que, dans le nord du Maroc, apparaît la première organisation politique du pays : le royaume de Maurétanie, résultat de la fédération de différentes tribus berbères imprégnées des valeurs phénico-puniques d'État unitaire[6]. La Maurétanie connaît dès lors une organisation centralisée autour du roi, détenteur de tous les pouvoirs. Les cités sont administrées par des magistrats appelés suffètes, inspirés du modèle carthaginois. Les chefs des tribus conservent une certaine autonomie mais sont tenus de fournir des contingents variables de guerriers. Le punique est la langue officielle utilisée pour les documents administratifs, les rapports diplomatiques et les cultes de Baal et de Tanit.

Maurétanie Tingitane à l'ouest, Maurétanie Césarienne au centre-ouest, Numidie au centre-est et Africa à l'est.

Lorsque les Romains arrivent vers le IIe siècle av. J.‑C., après la destruction de Carthage, ils s'allient au roi Bocchus de Maurétanie. Cette stratégie leur permet de prendre à revers leur ennemi, le chef numide Jugurtha, gendre de Bocchus. Celui-ci y gagne le titre d'Ami du peuple décerné par la République romaine ainsi que l'estime de Caius Marius. La Maurétanie devient un royaume vassal, un « État-client », qui, s'il dépend étroitement de Rome et prendra part à toutes les querelles internes de l'Empire, reste de fait autonome. Le roi Juba II (25 av. JC) se distingue par son ouverture à toutes les cultures du bassin méditerranéen. Nourri à la culture grecque la plus classique, il épouse ainsi Cléopâtre Séléné, fille de Marc-Antoine et de Cléopâtre VII. Une civilisation maurétanienne se constitue ainsi, principalement urbaine, synthétisant avec originalité l'héritage punique et les influences hellénistiques et égyptiennes.

En 40, le royaume des Maures perd son dernier monarque, Ptolémée de Maurétanie. Caligula, qui l'a fait assassiner, fait face à la guerre d'Aedemon : Il faudra quatre ans pour mater cette révolte et en 46, l'empereur Claude annexe le royaume qui devient la province de Maurétanie Tingitane avec pour chef-lieu la cité de Tingi. La domination romaine se limite aux plaines du nord (jusqu'à la région de Volubilis près de Meknès) et l'Empire ne cherche pas à contrôler la région brutalement : il semble que les tribus autonomes et pacifiques comme celle des Baquates, sont imbriquées dans le territoire de la province. Pour autant Rome doit lutter sans cesse contre les Berbères des montagnes de l'Atlas et ceux des plaines atlantiques, comme les fameux Autololes issus du grand peuple gétule [7].

La Maurétanie Tingitane est une province militaire relevant directement du gouvernement impérial, administrée par un procurateur issu de l'ordre équestre romain (chevalier). Le procurateur est assisté de cohortes d'auxiliaires recrutés en Hispanie, en Gaule, en Britannia, en Illyrie et en Syrie. Ces unités sont principalement réparties dans le triangle Tingi-Sala-Volubilis, dispositif appuyé par d'importants camps militaires comme Oppidum Novum (Ksar el Kébir), Thamusida (près de Kénitra) et les structures de la région de Sidi Kacem. De la même manière, des troupes maures sont recrutées par les Romains mais pour aller défendre les frontières de l'Empire sur le Rhin, le Danube et l'Euphrate. Le plus connu des Maures entrés ainsi au service de Rome est le général Lusius Quietus. Ce dernier, fils du chef d'une importante tribu maure, se couvre de gloire au cours des campagnes contre les Daces et les Parthes, conquit la Médie, l'Arménie et la Babylonie et écrase les révoltes de Judée. Sa puissance et son prestige militaires deviennent tels qu'il est envisagé pour succéder à l'empereur Trajan.

La cavalerie maure attaquant les Daces sous les ordres de Lusius Quietus, bas-relief de la Colonne de Trajan à Rome
mosaïque romaine du char d'Amphitryon à Volubilis

Les cités de la Tingitane adoptent le schéma urbanistique romain classique, avec ses avenues rectilignes, son forum, son arc de triomphe, sa basilique et son capitole, le temple dédié au culte de la triade capitoline (Jupiter, Junon, Minerve). Des quartiers résidentiels destinés aux classes sociales favorisées sont également bâtis à proximité des monuments officiels. La cité de Volubilis, la plus connue de la Maurétanie Tingitane, compte à son apogée jusqu'à 10 000 habitants, dont une forte proportion de Maures romanisés mais aussi des Romains originaires d'Italie et d'Hispanie, des Grecs, des Judéens et des Arabes de l'Arabie Pétrée. Certaines familles de l'aristocratie locale réalisent de brillantes carrières, au point d'envoyer leurs membres siéger au Sénat romain. Les campagnes proches sont mises en valeur par les grands propriétaires terriens également issus de ce patriciat provincial. La richesse agricole principale de la Tingitane est l'huile d'olive, largement exportée dans le reste de l'Empire. Les plaines produisent aussi du blé et des fruits, et les forêts sont exploitées pour le bois de cèdre et de thuya. Toutes ces substances sont acheminées vers les ports comme Tingi et Sala qui connaissent une très forte activité commerciale[8].

vestiges du capitole de Volubilis

Au même titre que le reste de l'Afrique du Nord, la Maurétanie Tingitane va connaître la christianisation. Des dizaines d'évêchés couvrent la région, s'adressant d'abord aux populations romaines puis aux romanisés. C'est en 298, à Tanger, sous Dioclétien que saint Marcel, centurion romain, est décapité[9]. Deux évêchés ont été identifiés en Tingitane (à Tanger et à Lixus), mais il est possible qu'il y en ait eu quatre. La diffusion du christianisme demeure cependant très faible en comparaison des autres provinces d'Afrique. La petite communauté chrétienne de Tingitane semble fidèle au catholicisme romain et reste en dehors de la querelle du donatisme qui agite les provinces voisines.

Au IIIe siècle, l'Empire recule. C'est aussi le cas en Afrique du Nord et en particulier au Maroc : la Maurétanie Tingitane se retrouve réduite à la seule ville de Tingi et à la côte nord. Elle est d'ailleurs rattachée administrativement au diocèse d'Hispanie. Les cités de la province sont presque toutes évacuées par les autorités officielles, y compris Volubilis. Au sud du fleuve Loukkos seul le port de Sala est conservé par l'Empire. Les raisons de ce repli sont mal connues : pression des Berbères montagnards et du Sud ? Crise économique plus violente dans cette région ? Affaiblissement dû aux conflits internes de l'Empire avec l'épisode des Gordiens[10]?

Profitant de l'affaiblissement de l'Empire romain d'Occident, une coalition de barbares en majorité germaniques, formée de Suèves, de Vandales et d'Alains traverse le Rhin en 406. Les Vandales descendent alors en Espagne et passent en Afrique en 429. Ils atteignent Hippone (Algérie) en 430. Le gouvernement de Constantinople engage en vain une expédition navale contre cette invasion. Les Vandales s'installent dans l'Afrique du Nord-Ouest pour plus d'un siècle. Il faut attendre 533-534, pour que s'engage la campagne d'Afrique décidée par Justinien Ier et dirigée par le général thrace Bélisaire. Le corps expéditionnaire byzantin anéantit le royaume vandale et déporte ses élites en Asie mineure. La pacification du territoire reconquis est plus laborieuse et se heurte à la pugnacité des Maures, notamment ceux de l'ouest de l'Afrique du Nord[11].

La Maurétanie Tingitane n'est d'abord pas touchée par la conquête et la domination vandales. Les Germains ne contrôleront jamais que quelques points des côtes méditerranéennes du Rif. La région passe sous contrôle byzantin en 534. Mais les Maures, habitués à une indépendance réelle depuis plus d'un siècle, résistent farouchement autour du prince Garmel et harcèlent les légions de Bélisaire[6]. Les Byzantins érigent l'extrême Nord marocain, autour de Tanger, Ceuta et Lixus, en province de Maurétanie Seconde, administrée par un exarque et par un comes (comte), avec prolongement sur le sud de l'Espagne pris aux Wisigoths (préfecture de Bétique). La Maurétanie Seconde connaît un certain renouveau économique et démographique. Cette présence byzantine fragile, menacée à la fois par les Goths et par les Maures, subsiste jusqu'à la conquête arabo-musulmane.

Conquête arabo-musulmane

Article détaillé : Émirat de Nekor.

En 638, les Arabes prennent Alexandrie. En 649, ils atteignent le Maghreb. Mais ce n'est qu'à la cinquième campagne (681) qu'ils entrent au Maroc. Ils font alors face à une farouche résistance berbère, à la suite de certaines erreurs diplomatiques. Les Berbères, qu'ils soient montagnards, ou des plaines aujourd'hui marocaines ou algériennes, vont permettre à l'Empire byzantin de se maintenir jusqu'en 698. La présence byzantine est alors vaincue et ne subsiste que la résistance berbère. Cette résistance tient encore quinze ans. En 708, l'antique Maurétanie se convertit massivement à l'islam. Cette conversion, qui touchait des populations qui n'avaient jamais été christianisées, ne fut à aucun moment remise en cause par les Berbères. La région connut par la suite des révoltes anti-arabes, mais elles ne furent jamais anti-musulmanes[12]. Très vite, Les musulmans utilisent les capacités guerrières des nouveaux convertis : l'Espagne wisigothique est conquise en trois ans, les troupes arabes et berbères arrivent en Navarre en 715. Ils seront vaincus à Poitiers en 732.

L'ensemble du Maroc côtier est sous domination omeyyade. Dans la région du Rif s'établit un petit émirat berbère autonome : l'émirat de Nekor ou Nokour[13].

En 740 a lieu la première révolte berbère face au pouvoir arabe : aucunement une remise en cause de l'islam, le kharijisme sert de prétexte pour remettre en cause le califat d'orient. C'est, pour ses fidèles, la volonté de choisir « le meilleur » pour gouverner, et non pas forcément un descendant du prophète (ce que veut le chiisme), ou un candidat choisi par les sages (ce que veut le sunnisme). Le kharijitisme est la thèse la plus appréciée par les peuples berbères, qui ont des sentiments relativement démocratiques : le chef se doit d'être choisi par tous, et non pas imposé[14]. Le califat omeyyade ne peut l'accepter, et un conflit éclate. En 750, à Damas, les Omeyyades sont renversés par les Abbassides. Le Maghreb al Aqsa se retrouve dans une quasi-anarchie.

Fondation du Maroc

Monnaie idrisside, année 840, marque de la création d'un État indépendant.

La fondation du Maroc, pays se considérant arabo-berbère, africain et musulman, se fait avec les Idrissides qui allièrent à leur cause diverses tribus contrôlant des petits royaumes ou territoires indépendants de tout pouvoir central[15]. Au fur et à mesure des alliances, les Idrissides vont étendre leur influence territoriale avec des populations autochtones et lancer les bases de l'organisation d'un État constitué (Makhzen) reprises par les dynasties suivantes. Si les Idrissides vont commencer à dessiner les bases de l'État et des frontières de l'actuel Maroc, ce sont les Almoravides qui en créant leur capitale Marrakech donneront au pays son nom (le nom Maroc est dû à la déformation linguistique française de Marrakech) ; ils consolideront et élargiront l'œuvre débutante et fragile des Idrissides ; les dynasties suivantes hériteront de l'expérience étatique précédente.

Même si d'autres civilisations du bassin méditerranéen (Rome, Carthage…) ont enrichi l'histoire du pays et même, si des populations de l'actuel Maroc vont participer à l'essor de ces civilisations, les historiens du Maroc considèrent que l'impact de ces civilisations a été limité à l'extrême nord du Maroc et à certains comptoirs commerciaux.

À propos du Maroc, le terme Empire est parfois utilisé car par définition, un empire est un ensemble d'états ou de royaumes (voir les différentes cartes du Maroc). Ceci explique l'appellation « villes impériales » utilisée encore de nos jours pour qualifier les villes de Fès, Marrakech, Meknès et Rabat[16].

Lorsque le Maroc se forme, le reste du Maghreb est éclaté sous forme de royaumes ou territoires indépendants, parfois concurrents ou en guerre, sans pouvoir central c'est-à-dire non organisés en État dirigé par des populations autochtones. L'organisation en État structuré permit aux Saadiens et aux Alaouites de s'opposer à l'expansion ottomane qui s'arrêta au fleuve de la Moulouya et qui s'étendait sur une grande partie des autres pays arabes actuels.

Des désaccords apparus au début du XXe siècle dans la famille alaouite et dans le makhzen plus globalement suite à des problèmes de gestion du pays, créent une période d'instabilité dont vont profiter plusieurs puissances coloniales (Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, France) pour essayer de s'emparer du pays en raison entre autres une position géostratégique intéressante. Après bien des tractations houleuses et secrètes qui faillirent déclencher, dès 1911, la Première Guerre mondiale (coup d'Agadir), le Maroc est partagé entre la France et l'Espagne.

Rôle des tribus au cours de l'histoire du Maroc

Lors de leur conquête du pouvoir et pour étendre et assoir leur influence géographique sur des périodes plus ou moins longues, les dynasties marocaines devront passer des alliances (intéressées, religieuses, maritales, forcées, pacifiques ou négociées) avec les différentes tribus musulmanes et juives du pays. L'islam sunnite sera alors le principal ciment entre les différentes tribus qui composent le royaume. Néanmoins, le fait que certaines dynasties se soient clairement affichées comme chérifiennes ne leur garantit pas la pérennité de leur pouvoir sur le pays. Pendant le XXe siècle, l'aspect tribal du Maroc perd en importance, notamment suite à l'exode des populations rurales vers les grandes villes. Cependant, cet aspect est encore présent et d'une grande importance dans les campagnes. Le Maroc demeure un pays fortement tribal, mais ce point ne signifie pas l'absence d'un pouvoir central organisateur: De nos jours encore, les représentants des différentes tribus du pays continuent à réitérer leur allégeance (bay'a) au roi au cours de la fête du Trône.

Royaume de Sijilmassa (758-1055)

Article détaillé : Sijilmassa.
Ruines de Sijilmassa

Un émirat fondé par les Zénètes émerge dans la région du Tafilalet à partir de 758[17]. Dirigé par la dynastie des Midrarides (dont le fondateur est Semgou Ibn Ouassoul), il prend pour capitale la cité de Sijilmassa. Ce royaume professe officiellement le kharidjisme de rite sufrite mais finit par reconnaître à partir de 883 la suprématie religieuse du califat sunnite des Abbassides. Les Midrarides se consacrent cependant à maintenir une alliance avec les autres États kharidjites, comme le royaume des Rostémides de Tahert, et à établir un fructueux commerce caravanier de l'or avec le royaume du Ghana, à l'époque maître des plus importants gisements aurifères de l'Afrique de l'Ouest. L'émirat de Sijilmassa atteint ainsi son apogée au IXe siècle grâce à son rôle de plaque tournante du trafic des métaux précieux, et sa renommée s'étend ainsi jusqu'aux pays méditerranéens et au Moyen-Orient. C'est précisément cette position de débouché de l'or africain qui excite les convoitises des Omeyyades et des Fatimides qui s'affrontent pour sa domination. Ce sont finalement les Almoravides qui s'emparent du royaume midraride en 1055. Par la suite, la fondation de Marrakech éclipse définitivement le prestige de Sijilmassa.

Royaume des Berghouata (entre le VIIIe et le XIe siècle)

Article détaillé : Berghouata.
Royaume des Berghouata

Les Barghawata (ou encore Barghwata ou Berghouata) forment un émirat berbère, appartenant au groupe de l'ethnie des Masmoudas. Après que les kharijites ont échoué dans leur rébellion au Maroc contre les califes de Damas, ils établissent (7441058) un royaume dans la région de Tamesna sur les côtes de l’Atlantique entre Safi et Salé sous l’égide de Tarif al-Matghari. La particularité de cet État est de créer une religion purement berbère, s'appuyant sur un livre saint inspiré du Coran, et dirigé par un gouvernement théocratique fixant les rituels d'un nouveau culte empruntant à la fois à l'islam, au judaïsme et aux antiques croyances locales. Les Barghwata maintiennent leur suprématie dans la région des plaines atlantiques durant quatre siècles, et entretiennent des relations diplomatiques et commerciales avec le califat omeyyade de Cordoue qui voit probablement en eux des alliés potentiels contre les Fatimides et leurs alliés zénètes. Il semble que sur les 29 tribus constitutives de ce royaume, douze aient adopté réellement la religion barghwata, les dix-sept autres étant restées fidèles au kharijisme[18].

Dynastie Idrisside (789-985)

Article détaillé : Dynastie Idrisside.
Hâroun ar-Rachîd, calife abbasside de Bagdad et adversaire des Idrissides

L'histoire des Idrissides commence, lorsqu'un prince arabe chiite de la famille de `Ali (quatrième calife de l'islam) et son affranchi Rachid Ben Morched El Koreichi, se réfugient dans le Moyen Atlas. Fuyant la menace des Abbassides (qui avaient massacré des Alides et leurs partisans chiites lors de la bataille de Fakh près de La Mecque), ils séjournent en Égypte avant de s'installer à Walilah (Volubilis), sous la protection de la tribu berbère des Awarbas. Réussissant à rallier les tribus à sa cause, Idriss est investi Imam et fonde la ville de Fès en 789 sous le nom d'Idriss Ier. C'est le début de la dynastie des Idrissides. Idris Ier est assassiné par un émissaire du calife Haroun al-Rachid de Bagdad, un certain Sulayman al Zindhi. Ne se doutant que la femme d'Idris Ier (Kenza) est enceinte, Haroun al-Rachid pense que la menace est vaincue. Mais quelques mois plus tard, naît Idris II. Son éducation a été confiée à l'affranchi de son père Rachid. Onze années plus tard, il est proclamé Imam des croyants de Fès. Au fil du temps, sa sagesse et son sens pour la politique s'affirment, il réussit à fédérer plus de tribus, le nombre de ses fidèles s'accroît et la puissance de son armée désormais professionnelle (dans laquelle s'engagent des Kaisites issus des tribus du nord de la péninsule arabique) se développe. Le royaume idrisside englobe ainsi toute la portion de territoire s'étendant de Tlemcen à l'est jusqu'au Souss au sud et au Gharb à l'ouest. Il semble que la dynastie idrisside, du moins à ses débuts, ait professé le chiisme et plus précisément le zaïdisme, réputé être le plus modéré des rites chiites[19].

Mosquée Al Qaraouiyyine de Fès, abritant une université fondée au IXe siècle sous le règne des Idrissides

Se sentant à l'étroit à Walilah, Idriss II quitte l'antique cité romaine pour Fès, où il fonde le quartier des Kairouanais sur la rive gauche (Idris Ier s'était établi sur la rive droite, le quartier des Andalous). Les Kairouanais sont issus de puissantes familles arabes orientales et arabo-perses (originaires du Khorassan) établies en Ifriqya depuis l'époque abbasside. Elles sont expulsées de Kairouan en raison des persécutions politiques que leur infligent les Aghlabides. Les Andalous qui s'installent à Fès sont quant à eux des opposants aux Omeyyades, originaires des faubourgs cordouans (notamment du faubourg du Rabad, d'où le nom de Rabadis attribué aux éléments de cette première vague d'immigration en provenance d'Al-Andalus)[20]. Le royaume idrisside connaît de manière générale une importante phase d'urbanisation, illustrée par la création de villes nouvelles comme Salé, Wazzequr et Basra, cette dernière inspirée de la Bassorah d'Irak. Ces centres urbains sont des foyers de diffusion de culture arabe et des vecteurs d'islamisation. À cette même époque, les Vikings du chef Hasting venus de la lointaine Scandinavie, attirés par les richesses éventuelles des terres méridionales, se signalent par leurs incursions dévastatrices sur les côtes nord du Maroc (notamment dans les régions d'Asilah et de Nador)[21].

En 985, les Idrissides perdent tout pouvoir politique au Maroc et sont massivement exilés en Al-Andalus. Installés à Malaga, ils récupèrent peu à peu leur puissance, au point d'engendrer une dynastie pendant l'époque des taifas, les Hammudites. Ces derniers prétendront même à la fonction califale à Cordoue en lieu et place des Omeyyades déchus en 1016[22].

Suzeraineté des Omeyyades de Cordoue et des Fatimides

Articles détaillés : Meknassa, Maghraoua et Ifrenides.

À partir de 985, date de la destruction du dernier noyau de l'État idrisside, le Maroc est contrôlé par les Meknassa et les Maghraoua, vassaux des Omeyyades de Cordoue et exerçant, alternativement, le commandement à Fès de l'an 313 de l'hégire (925-926) à l'an 462 (1069-1070)[23]. La région de Tlemcen sera, pendant la même période, sous le contrôle des Ifrenides[24], qui entreront en compétition avec les Maghraoua et les Meknassa pour le contrôle de Fès et du reste du Maroc[25]. Ces trois dynasties se partagent le pouvoir jusqu'au milieu du XIe siècle ; elles seront anéanties par les Almoravides.

Les Meknassa et les Maghraoua

Le pouvoir meknassien s'appuie sur son ribat de Taza. Il doit sa puissance presque légendaire à Moussa Ben Abi Elafia Ben Abi Bassil qui parvient à conquérir Fès, Taza, Tanger et Larache en 924, avant de s'emparer, par la suite, d'une part importante des régions marocaines suite aux allégeances des diverses tribus. Il chasse les Idrissides de leurs positions. Ces derniers se retranchent dans la forteresse de Hisn Hajar Annasr[26],[27]. En 932, ils s'emparent de Tlemcen puis de Tekkour (Haute Moulouya) et sa région. Ils s'allient au calife omeyyade de Cordoue Abd al-Rahman III, mais sont défaits par les Fatimides. En conséquence ils se replient à Guercif, Tekkour et Taza.

On attribue aux Meknassa la construction des forteresses de Taza et de Meknès, ainsi que de la ville de Tsoul (détruite plus tard par les Almoravides).

Vers 954, Selon Ibn Khaldoun, les Zénètes s'emparent de plusieurs villes au Maghreb el Aqsa, comme Fès, Oujda, Salé, Sijilmassa en profitant de l'éclipse politique des Idrissides. Pendant la conquête, les Maghraouas, les Banou Ifrens et les Meknassa ont des points de vue divergents, ce qui provoque une instabilité dans la région.

Les Fatimides désormais installés au Caire profitent de ces divisions entre les trois tribus zénètes et envoient les Zirides de l'Ifriqiya pour conquérir le Maghreb el Aqsa. Le Ziride Ziri ibn Menad réussit à conquérir une partie du Maroc actuel. En 971, son fils Bologhine ibn Ziri affirme sa souveraineté sur la majorité des villes importantes.

Durant cette période, les Berghouata (confédération de tribus Masmoudas et Sanhadja pratiquant une religion particulière, devenue distincte de l'islam) sont donc attaqués par les Zirides. Les Maghraoua demandent donc l'aide des Omeyyades. Bologhine ibn Ziri est contraint de reculer devant l'armée omeyyade venue d'Andalousie par voie maritime, et qui débarque à Ceuta[28]. Par la suite, Ziri Ibn Attia entre en conflit avec les chefs des Banou Ifrens et des Meknassa. Une lutte au pouvoir acharnée éclate entre les fractions zénètes. Les Banou Ifren attaquent les Berghouata et prennent plusieurs fois Fès aux Maghraouas. Ces derniers rétablissent l'équilibre du Maghreb el Aqsa[28]. Ces périodes d'instabilité ne permettent à aucune de ces trois tribus de constituer une dynastie durable.

Les Ifrenides

Drapeau ifrenide
Dynastie Ifrenide (entre le VIIIe siècle - 1066

Régnant sur la région de Tlemcen dès le Xe siècle, les Ifrenides, ou Banou Ifren, occuperont presque la totalité du Maroc actuel aux côtés des Maghraouas, vassaux des Omeyyades de Cordoue, et ce jusqu'à l'arrivée des Hilaliens et des Almoravides. Au XIe siècle, les Banou Ifren conquièrent le territoire des Berghwata[29]. Ils restent maitres des régions qu'ils ont conquises et des villes qu'ils ont fondées et exerceront périodiquement le pouvoir à Fès[30]. Vaincus par les Almoravides dès 1057, ils perdent tout pouvoir pendant le règne de ces derniers. Ce n'est qu’à la chute des Almoravides que les Ifrenides reprendront le contrôle de la région de Tlemcen, mais ils seront de nouveau vaincus par les Almohades et leur territoire conquis par ces derniers. Vers 1437, les Banou Ifren chasseront les Mérinides du Maghreb central et établiront de nouveau leur pouvoir à Tlemcen[31].

Les dynasties berbères

Les Almoravides (1059-1147)

Article détaillé : Almoravides.
Empire des Almoravides

Les Almoravides sont issus des tribus berbères sanhadjas des Lamtounas et des Guzzalas qui nomadisaient dans le désert saharien entre l'Adrar mauritanien et le Tafilalet[32],[33],[34]. Ces tribus guerrières se structurent au sein d'un puissant mouvement religieux, sous l'impulsion du prédicateur Abdullah Ibn Yassin. Leur but est d'instaurer l'islam sunnite de rite malékite dans toute l'étendue de l'Occident musulman (Al-Andalus et Afrique du Nord)[34]. Ainsi leur vient leur nom d'al-Murabitoun, c'est-à-dire les combattants du ribat, une forteresse de la guerre sainte dressée contre leurs ennemis animistes. Les Almoravides sont victorieux dans leur guerre contre les royaumes noirs du Tekrour et du Ghana. Ils s'emparent ainsi du Ghana et de sa capitale Aoudaghost, avec tout l'or que produit ce pays et parviennent à remonter les pistes caravanières vers le nord, jusqu'au Tafilalet dans les années 1050, où ils mettent fin à l'existence du royaume de Sijilmassa. Leurs chefs sont successivement Abu Bakr Ibn Omar al Lamtouni puis Youssef Ibn Tachfin[34].

La guerre éclate entre les Almoravides et les Zénètes. Les deux dynasties zénètes des Banou Ifren et les Maghraouas disparaissent après la victoire finale des Almoravides. C'est Youssef Ibn Tachfin qui fonde Marrakech en 1062, au départ simple campement nomade destiné à devenir la capitale d'un empire. Les Almoravides font disparaître dans les régions qu'ils contrôlent toutes les doctrines qu'ils suspectent d'hérésie. C'est ainsi qu'ils suppriment le chiisme dans le Souss et qu'ils détruisent le royaume berghouata qui prospérait dans les plaines centrales de Tamesna (correspondant aux actuelles régions de Doukkala-Abda et de Chaouia-Ouardigha) et du Tadla. Partout les Almoravides imposent le sunnisme malékite le plus strict, tel qu'enseigné par les écoles théologiques de Médine et de Kairouan. Cette unification religieuse se double d'une unification politique. Les Almoravides étendent ainsi leurs conquêtes jusqu'au Maghreb central, à la limite du royaume hammadide.

En 1086, Youssef Ibn Tachfin, appelé par les rois des Taifas d'Al Andalus, franchit le détroit de Gibraltar à la tête de ses forces sahariennes composées de nomades Sanhadjas et de guerriers africains du Bilad as-Sûdan, et parvient ainsi à briser l'offensive du roi de Castille Alphonse VI à Zallaqa (bataille de Sagrajas). Les Almoravides mettent fin au règne des roitelets, exilent l'émir de Séville Al Mutamid Ibn Abbad et celui de Grenade, Abdallah ben Bologhin, à Aghmat près de Marrakech. Ils unifient ainsi Al-Andalus, qui est incorporée à leur empire à partir de 1090. Ils ne parviennent cependant à récupérer Tolède tombée aux mains des Castillans en 1085. Youssef Ibn Tachfin, qui a pris le titre d'émir des Musulmans (mais non celui de calife, considérant ce privilège dévolu aux Abbassides), règne sur un ensemble géopolitique s'étendant du Sénégal jusqu'aux abords des Pyrénées et des côtes atlantiques jusqu'à Alger.

Vue intérieure de la coupole almoravide de Qubbat Barudiyin (1120) à Marrakech.

Cette domination almoravide se manifeste par une symbiose des identités andalouses, ouest-maghrébine et sahariennes, préparant la voie à l'émergence d'une civilisation hispano-mauresque. Les édifices subsistant à Marrakech, Tlemcen et Alger montrent ainsi une forte influence de l'école artistique andalouse (héritage des Omeyyades et des Taïfas) adaptée au goût berbère. Dans le domaine économique, l'État almoravide se distingue par sa maîtrise des flux de l'or, dont il contrôle les zones de production et les voies d'acheminement, du Ghana au bassin méditerranéen. Le dinar d'or almoravide, appelé marabotin, circule sur tous les grands marchés commerciaux comme devise de référence.

Après la mort de Youssef Ibn Tachfin en 1106, son fils Ali Ben Youssef lui succède[34], mais déjà la dynastie est contestée aussi bien en Espagne qu'en Afrique. La famille régnante prend en effet goût aux plaisirs et aux délices de la vie de cour raffinée. Dans le même temps, les populations subissent la dictature rigoriste des cadis malékites et les exactions locales des chefs militaires d'origine sanhadja qui exercent leur commandement à partir des villes marocaines et andalouses. Une telle conjoncture favorise un mécontentement généralisé dans l'ensemble du grand royaume almoravide.

Dynastie almohade

Article détaillé : Almohades.
Empire Almohade entre 1147 et 1269 (Apr JC)
Drapeau Almohade

Mohammad Ibn Toumert, futur Mahdi et fils d'un amghar, chef de village de la tribu des Harga, dans le Haut Atlas. Très précocement animé par un zèle religieux, il entreprit dès sa jeunesse de multiples voyages l’amenant à visiter Baghdad, Le Caire et peut-être même Damas où il découvre tout l'ampleur de la tradition musulmane, et notamment le soufisme. Au cours de ce périple, Ibn Toumert rencontre probablement le fameux mystique persan Ghazali, dont les œuvres avaient été condamnées par les cadis almoravides en Occident d'Islam. Rapidement, il entretient une profonde aversion pour l'étroitesse du malékisme régnant en maître en sa patrie. C'est en 1117 qu'il regagne le Maghreb, via Tripoli, puis Tunis et enfin Béjaïa où ses prêches pieuses galvanisent les foules. À Melalla, il se lie d’amitié avec le Zénète Abd al-Mumin (Almohades) qui devient son meilleur disciple.

C'est à Tinmel, au cœur de la très isolée vallée du N'fis qu’il établit sa « capitale ». Ses prêches rencontrent un écho considérable et il clame ouvertement son intention de liguer toutes les tribus insoumises des montagnes contre les Almoravides. Son aura grandissante suscite de jour en jour davantage d'inquiétudes de la part des Almoravides qui lancent contre lui en 1121 une expédition militaire commandée par le gouverneur du Souss, Abou Bakr Ben Mohammed El-Lamtouni. L'expédition est littéralement écrasée. Suite à cette déconvenue, ses désirs s'estompent un temps mais en 1127 (ou 1129), une nouvelle expédition parvient dans les contreforts du Haut-Atlas aux environs d’Aghmat dans l'espoir de frapper un grand coup en pays Hintata, fief de la doctrine « Unitaire ». Mais Abd El Moumen et El Béchir contrarient ce plan et profitant de l'effet de surprise, ils parviennent même à assiéger ponctuellement Marrakech, capitale almoravide. Cependant, leurs faiblesses en combat de plaine les poussent à se retrancher en toute hâte (El Béchir mourut). Quelques mois plus tard, en septembre 1130, Ibn Toumert décède.

Intérieur de la mosquée de Tinmel, fief originel de la doctrine almohade

Abd El Moumen succéde d'abord secrètement au fondateur de la secte et privilégie une politique d'alliance avec les tribus de l'Atlas. Pour ce faire, il joue non seulement de ses origines Zénètes mais aussi de ce qui restait de cercles d'initiés qu'avait fondé son prédécesseur. Dès 1140, une intense campagne permet aux Almohades de s'attirer les faveurs des oasis du sud. Taza puis Tétouan sont les premières grandes cités à tomber. À la faveur du décès d’Ali Ben Youssef en 1143, il s'empare de Melilla et d'Al-Hoceima, faisant ainsi du nord du Maroc sa véritable base logistique. La mort du redoutable Reverter en 1145 suivie la même année de celle de Tachfin Ben Ali permet aux Almohades les prises respectives d’Oran, de Tlemcen, d'Oujda et de Guercif. S'ensuit ensuite le long et éprouvant siège de Fès qui durera la bagatelle de neuf mois durant lesquels Abd El Moumen se charge personnellement de prendre Meknès, Salé et Sebta. La conquête du Maroc s'achèvera finalement en mars 1147 par la prise de Marrakech, capitale du désormais déchu empire almoravide et dont le dernier roi Ishaq Ben Ali sera ce jour-là impitoyablement tué. Pour fêter cette victoire, Abd El Moumen fait bâtir la très célèbre Koutoubia sur les ruines de l'ancien Dar El Hajar.

Kasbah des Oudaïas de Rabat construite par les Almohades

De manière assez inédite, les premiers efforts militaires d'Abd El Moumen désormais « intronisé » se tournent vers l'est du Maghreb, sous la menace des Normands de Sicile menés par Roger II (qui ont pris le contrôle de Djerba et Mahdia et menacent la prospère Bejaïa) et des cohortes bédouines envoyées depuis Le Caire par les souverains fatimides, furieux de voir Zirides et Hammadides échapper à leur contrôle. Les opérations lancées s'avèrent largement fructueuses puisque les bédouins sont complètement écrasés à Béjaïa puis Sétif en 1152. En 1159, une puissante armée terrestre est levée depuis Salé, secondée par une flotte de soixante-dix navires, obligeant les Normands à se retrancher sur Sfax et Tripoli. Ainsi l'empire Almohade s'étendait-il à la fin des années 1150 de l'Océan Atlantique jusqu'aux portes de la Libye.

En Andalousie la fin de la période almoravide a permis la résurgence des reinos de taifas et un regain de vigueur des chrétiens. En 1144 ils prennent même le contrôle de Cordoue. À l'ouest, Lisbonne et Santarem sont prises également. Almeria est également prise par les Aragonais pour une décennie entière. Directement menacées, les taifas se voient obligés de faire de nouvel appel aux maîtres du Maghreb. Ainsi, avant la prise de Marrakech par les Almohades, Jerez et Cadix s'offrent à ces derniers. Dans le sillage de la prise de Marrakech, des corps expéditionnaires permettent la conquête de tout le sud de la péninsule (Grenade, Séville, Cordoue ...) puis de Badajoz. En 1157, Almeria est reprise. Abd El Moumen décèdera finalement en 1163 à Salé. Son fils Abu Yaqub Yusuf lui succède, d'abord reconnu à Séville puis à Marrakech. Il s'efforcera jusqu'à son décès en 1184 de régner en véritable « despote éclairé », soucieux de desserrer l'étau d'orthodoxie religieuse pesant sur le Maghreb.

Histoire de Bayâd et Ryâd, manuscrit maghrébin d'époque almohade

Sous son impulsion fleurissent des arts autrement plus épanouis que sous la dynastie précédente. L’architecture en particulier atteint son apogée, se traduisant par la construction de la Giralda à Séville, honorée du statut de capitale andalouse, ainsi que de la Tour Hassan à Rabat (dont le minaret ne fut jamais achevé) et de la Koutoubia à Marrakech, toutes trois bâties sur un modèle sensiblement équivalent. Dans d’autres registres, le palais de l’Alhambra est érigé sur les hauteurs de Grenade et les Jardins de l'Agdal sont plantés à Marrakech (cf. l'article Art almoravide et almohade). C’est également sous les Almohades que vécurent le brillant philosophe Averroès (de son vrai nom Ibn Rûshd ابن رشد), de même qu'Ibn Tufayl ainsi que Maïmonide qui ira néanmoins s’exiler au Caire afin de pouvoir pratiquer librement sa religion (il était de confession hébraïque).

À la mort d’Abu Yaqub Yusuf, les Almoravides demeurés maîtres des Baléares s’en vont porter le glaive là où jadis sévissaient les Normands. Ils arrachent Alger, Miliana, Gafsa et Tripoli aux Almohades et subventionnent des tribus bédouines d’Ifriqiya qui s’en iront mener des razzias dans tout le Maghreb médian et descendront même jusque dans les oasis du Drâa. Matées par les vigilantes milices d’un certain gouverneur Abu Yusf, ces tribus bédouines seront par la suite sédentarisées dans l’ouest marocain, dans l’ancien pays bergouata où elles contribueront à l’effort d’arabisation des plaines du Gharb et de la Chaouia. Après la victoire d’Alarcos durant laquelle Alphonse VIII est battu par le souverain Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, les derniers fauteurs de troubles Almoravides sont écrasés dans le sud tunisien. C’est l’âge d’or almohade.

Tour Hassan construite par le calife almohade Yacoub El Mansour à Rabat

Muhammad an-Nasir succède à son père en 1199. Le 16 juillet 1212, son armée de 200 000 hommes est mise en déroute par une coalition de près de 220 000 chrétiens venus de France, d’Aragon et de Catalogne, de León et de Castille répondant à l'appel à la Croisade contre les Almohades lancée par le pape Innocent III. C’est la Bataille de Las Navas de Tolosa que l’histoire retiendra comme l’évènement charnière de la Reconquista. L’autorité des Almohades sur leur empire sera durablement affaiblie par cette débâcle, au point que le Muhammad an-Nasir renoncera à son trône l’année suivante, le cédant à son fils. À 16 ans, Yusuf al-Mustansir accède donc au trône. Dépourvu d’autorité, il voit rapidement le Maghreb médian lui échapper. Il en va de même en Andalousie où le gouverneur almohade de Murcie réclame une régence et franchit le détroit pour le faire savoir. À Séville, Al-Mamoun fait sensiblement de même. Les taifas renaissent de leurs cendres et imposent le malékisme. À Marrakech même les cheikhs souhaitent procéder à l’élection d’un nouveau calife, ne laissant d’autre alternative au jeune souverain que la fuite pour un temps. Son fils, Abd al-Wahid al-Makhlu lui succède en 1223. Il mourra étranglé l’année même.

Les cheikhs de Marrakech procèderont alors à l’élection d’ Abu Muhammad al-Adil. Les Hafsides, du nom d’Abû Muhammad ben ach-Chaykh Abî Hafs, autrefois vizir de Muhammad an-Nasir déclarent leur indépendance en 1226, sous l’impulsion de Abû Zakariyâ Yahyâ. La mort d’Abu Muhammad al-Adil marquera le début de l’ingérence du Royaume de Castille dans les affaires marocaines. Ferdinand III de Castille soutiendra Abu al-Ala Idris al-Mamun tandis que les cheikhs de la hiérarchie soutiendront le fils de Muhammad an-Nasir, Yahya al-Mutasim. C’est le premier qui prend pour un temps l’ascendant, parvenant à s'emparer de Marrakech et à massacrer les cheikhs. Il renie la doctrine religieuse almohade au profit du malékisme et consent en paiement de sa dette à construire l’église Notre-Dame de Marrakech en 1230. L’édifice est détruit deux ans plus tard. En 1233, son fils Abd al-Wahid ar-Rachid reprend Marrakech et chasse de Fès les Bani Marin futurs Mérinides (ces derniers faisaient payer à la ville et à sa voisine Taza un tribut depuis 1216), permettant de réunifier le Maroc. En Andalousie, Cordoue tombe aux mains de Ferdinand III de Castille dès 1236. Valence lui emboitera le pas deux ans plus tard, puis ce sera au tour de Séville en 1248. Entre temps, Abu al-Hasan as-Said al-Mutadid parviendra à rétablir un semblant d’unité sur le Maroc mais accumulera les échecs face aux Mérinides dont l’avancée est irrésistible sur le Maroc septentrional. Pour une trentaine d’année, les Almohades survivront, repliés sur la plaine du Haouz et payant un tribut à leurs voisins septentrionaux. En 1269, Marrakech tombe. En 1276, c’est au tour de Tinmel. Un siècle et demi plus tard, l'empire almohade n'est plus.

Le Maroc au cours des croisades

Le califat almohade, sous le règne d'Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, établit un partenariat stratégique avec l'Égypte du sultan Saladin. Le point d'orgue de cette relation est l'ambassade d'Abou al Harith Abderrahman Ibn Moukid envoyé par Saladin auprès de la cour de Marrakech. Cette mission se concrétise par la participation de la flotte marocaine aux opérations maritimes contre les Croisés (sur les côtes du Proche-Orient et en mer Rouge)[35]. Suite à la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, de nombreuses familles originaires du Maroc viennent participer au repeuplement de la ville sainte. Ils établirent ainsi en 1193 un quartier qui porte jusqu'à nos jours le nom de « Quartiers des Marocains »[36] ; de nombreux Palestiniens descendent de ces Marocains installés en Terre sainte.

Dynastie des Mérinides

Article détaillé : Mérinides.
Empire mérinide à son apogée (1347-1348), à la veille de la défaite de Kairouan (1348)
Drapeau des mérinides

Contrairement aux deux dynasties précédentes, la montée en puissance des Mérinides n’est pas à mettre sur le compte d’une démarche personnelle associable à un individu mais plutôt à l’affirmation collective d’une tribu. L’autre rupture que marque l’accession au pouvoir des Mérinides est l’abandon du leitmotiv de la purification religieuse au profit d’une conception de la conquête du pouvoir plus classique, plus conforme à l’identité tribale des protagonistes.

La Medersa de Salé, construite par les Mérinides.

La tribu en question est une tribu zénète dont les origines sont issues des Wassin [37]. Toujours est-il que les Beni Merin (ou Bani Marin) constituent tout au long du XIIe siècle l’archétype d’une tribu berbère caractéristique, nomadisant entre le bassin de la Haute-Moulouya à l’ouest (entre Guercif et Missour) et le Tell algérien, au sud de Sidi bel Abbès à l’est. La première occurrence de la tribu des Beni Merin dans l'historiographie marocaine coïncide avec leur participation en tant que groupe à la bataille d'Alarcos (1196), bataille finalement remportée par le camp almohade. C’est à cette occasion que s’illustre Abd al-Haqq considéré comme le véritable fondateur de la dynastie mérinide. De retour au pays, la tribu retombe dans un anonymat relatif jusqu’à la cinglante défaite almohade de Las Navas de Tolosa à l’issue de laquelle les troupes Mérinides iront défaire 10 000 soldats almohades. Suite à ce succès, les Mérinides s’installent temporairement dans le Rif, soutenus par des Miknassas sédentarisés au nord de Taza.

Dès 1216, ils se faisaient payer tribut par les cités de Fès et Taza. Les Almohades soucieux de restaurer leur autorité sur tout leur territoire lancent de nombreuses contre-offensives, le plus souvent vaines. C’est au cours d’une de ces manœuvres que décède Abd al-Haqq. Son fils Uthman ben Abd al-Haqq lui succède. Dès 1227, toutes les tribus entre le Bou Regreg et la Moulouya ont fait allégeance aux Mérinides. En 1240, Uthman ben Abd al-Haqq décède, assassiné par son esclave chrétien. C’est son frère Muhammad ben Abd al-Haqq qui lui succède, assiégeant avec un succès relatif Meknès. Il décède en 1244, tué par des milices chrétiennes au service des Almohades. Au milieu de la décennie 1240, les troupes Almohades sont mises en déroutes à Guercif. Les Mérinides s’engouffrent alors dans la très stratégique Trouée de Taza, tremplin qui leur permit d’entreprendre le siège de Fès en août 1248 et d’envisager la prise de toute la moitié nord du Maroc. Mais la moitié sud n’est pas en reste. Abu Yahya ben Abd al-Haqq ayant précédemment succédé joue des amitiés traditionnelles des Beni Merin avec les Béni-Ouaraïn du Moyen Atlas et d’autres tribus du Tafilalet pour contrôler les oasis et détourner les revenus du commerce transsaharien de Marrakech vers Fès, désignée comme capitale mérinide.

En 1258, Abu Yusuf Yaqub Ben Abd Al-Haqq succède à son frère enterré dans l’antique Nécropole de Chella qu’il avait commencé à réhabiliter[38]. Le début de son règne est marqué par une lutte avec son neveu qui réclamait la succession. Ce dernier parvient à prendre Salé. La situation à l’embouchure du Bou Regreg profite à la Castille qui prendra la cité en otage durant deux semaines. L’ouest du Rif est également en proie à de nombreuses insurrections Ghomaras tandis que Ceuta et Tanger sont alors aux mains d’un sultan indépendant, un dénommé El Asefi. Rapidement le nouveau souverain exprime son désir d’en découdre rapidement avec les Almohades retranchés dans le Haouz, l’est des Doukkala et une partie du Souss. Une première tentative en ce sens se solda par un échec en 1262. Les Almohades pressent alors les Abdalwadides d’attaquer leurs rivaux Mérinides par surprise. Yghomracen, célèbre souverain abdalwadide est défait en 1268. L’année suivante, Marrakech est définitivement prise[39].

Durant les années qui suivent, il boute les Castillans hors de tous leurs établissements atlantiques jusqu’à Tanger. En 1276, Fès, nouvelle capitale du royaume se voit augmentée d’un nouveau quartier administratif et militaire, à l’écart de l’ancienne ville, où se côtoient notamment le nouveau palais royal et le Mellah. C’est Fès El Jedid. Globalement la ville connaîtra sous l’ère mérinide un second âge d’or, après celui connu sous les Idrissides. Après la pacification totale du territoire et la prise de Sijilmassa aux Abdalwadides, le sultan franchit le détroit et tente de reconstituer la grande Andalousie musulmane des Almohades. Les entreprises espagnoles des Mérinides sont complexes mais n’accouchent que de peu de résultats concrets. Suite au siège de Xérès, un traité de paix stipulant le retour de nombreux documents et ouvrages d’art andalous (tombés aux mains des chrétiens lors des prises de Séville et Cordoue) vers Fès. En 1286, Abu Yusuf Yaqub Ben Abd Al-Haqq décède à Algésiras. Il est inhumé à Chella. Son fils Abu Yaqub Yusuf[38], plus tard dit an-nāsr, lui succède et se voit confronté dès son intronisation à un durcissement des révoltes dans le Drâa et à Marrakech et à un désaveu de certains membres de sa famille, s’alliant tantôt avec les Abdalwadides ou les révolté. Il rendit Cadix aux Nasrides de Grenade en guise de bonne volonté mais 6 ans plus tard, en 1291, ces derniers, alliés aux Castillans dont ils sont les vassaux, entreprennent de bouter définitivement les Mérinides de la Péninsule Ibérique. Après quatre mois de siège, Tarifa est prise par les Castillans. Mais les yeux d’Abu Yaqub Yusuf an-Nasr sont plutôt rivés sur Tlemcen, capitale des éternels rivaux des Beni Merin que sont les Abdalwadides. Il se dirige vers Tlemcen à la tête d’une armée cosmopolite puisqu’essentiellement composée de mercenaires chrétiens (Castillans et Aragonais principalement), de Turkmènes Oghouzes et de Kurdes. Le siège durera 8 ans et se poursuivra jusqu’à l’assassinat du souverain, des mains d’un des eunuques de son harem, en 1307.

Jusqu’à l’avènement d’Abu al-Hasan ben Uthman en 1331, la dynastie est marquée par une forme de décadence dont les principaux symptômes sont la multiplication :

  • Des querelles de succession
  • Des révoltes populaires (des difficultés dans le Rif, à Ceuta et Tanger se surajoutèrent au climat insurrectionnel croissant à Marrakech et dans le Souss)
  • Des révoltes militaires (mutineries)...

En 1331 donc, Abu al-Hasan ben Uthman (surnommé le « Sultan noir ») succède à son père, quelques mois seulement après avoir obtenu son pardon. Rapidement, l’obsession de ses aînés pour Tlemcen le rattrape. Il entame un nouveau siège sur la ville qui s’avèrera vain. Il évince ceux qui dans son entourage familial le jalousent mais sait faire preuve d’une grande dextérité dans sa gestion des ambitions tribales. Tlemcen tombe enfin en 1337. Abu al-Hasan ben Uthman est auréolé de gloire. Cette victoire lui ouvre la voie du Maghreb médian mais avant de s’engouffrer dans cette brèche ouverte en direction d’Ifriqiya, le souverain tient à venger la mort de son fils Abu Malik, surpris par les Castillans après son succès à Gibraltar en 1333. La bataille de Tarifa, le 30 octobre 1340 se solde par une lourde défaite qui signe la fin définitive des ambitions marocaines en terre espagnole. Sept années plus tard, le sultan et ses armées parviennent à soumettre l’Ifriqiya. L’année suivante pourtant, les Mérinides essuient une cuisante défaite à Kairouan. L’écho de la déconvenue est grand, au point que nait et se répand une folle rumeur selon laquelle Abu l’Hassan serait mort au combat. À Tlemcen, Abu Inan Faris est alors intronisé. C’est de sa volonté qu’émanera la construction de la medersa Bou Inania de Fès. Il a d’ailleurs également parachevé la construction de la Medersa Bou Inania de Meknès, entamé par son aîné. Ce dernier tentera un vain retour via Alger puis Sijilmassa. Il est finalement défait et tué par les armées de son fils sur les rives de Oum Errabiaa. Abu Inan Faris, profondément chagriné par ce décès, tentera alors de faire asseoir son autorité sur l’ensemble du royaume, de nouveau fragilisé par la recrudescence des volontés insurrectionnelles. Il s’entoure à ces fins d’Ibn Khaldoun, penseur de génie et véritable précurseur de la sociologie moderne. Son neveu, maître de Fès, est exécuté, mais à l’occasion de ce déplacement au Maroc, c’est Tlemcen qui se soulève. Une intense campagne permet un certain regain de vigueur des Mérinides mais Abu Inan est étranglé des mains d’un de ses vizirs, un certain al-Foudoudi, le 3 décembre 1358, neuf ans seulement après son accession au pouvoir.

Mansourah, ancien fief mérinide lors du siége de Tlemcen en Algerie

L’anarchie est alors à son paroxysme. C’est le premier grand déclin de la dynastie. Chaque vizir tente de porter sur le trône le prétendant le plus faible et manipulable. Les richesses patiemment accumulées par les souverains précédents sont pillées. Un premier prétendant venu de Castille parvient à se soustraire pour un temps à ce diktat des vizirs. Il s’appelle Abû Ziyân Muhammad ben Ya`qûb plus simplement appelé Muhammad ben Yaqub. Reconnu et acclamé dans le nord du Maroc, il règne à partir de 1362 sur un royaume dont seule la moitié nord (de la Tadla aux contreforts méridionaux du Rif) est demeurée loyale à l’autorité mérinide. Tout au long de son bref règne, il tentera de faire évincer un à un les vizirs jugés encombrants mais c’est des mains d’un de ces derniers, le grand vizir Omar, qu’il périra en 1366. Omar désincarcère alors le fils d’Abu l’Hasan, Abu Faris Abd al-Aziz ben Ali ou plus simplement Abd al Aziz. Après avoir réussi le tour de force d’évincer bon nombre de vizirs dont celui qui l’a porté au pouvoir, il parvient à mater le pouvoir parallèle en place à Marrakech (pouvoir dit d’Abou l'Fadel, vaincu en 1368). Il parvient à asseoir son autorité en pays Hintata, puis dans le Souss et à Sijilmassa. En 1370, Tlemcen, où s’était reconstitué le pouvoir abdalwadide, retombe aux mains des Mérinides. Mais deux ans plus tard seulement, il s’éteint. Le royaume est à nouveau scindé en deux, les zaouias prenant le pouvoir à Marrakech. La peste noire se fait dévastatrice.

S’ensuivent 21 années de déclin durant lesquelles se multiplient les intrigues dynastiques, les coups politiques des différents vizirs, les ingérences nasrides et de vaines tentatives de coup d’éclat militaires face à Tlemcen. Durant les deux périodes de déclin, la pratique de la course se développe, tant dans le nord, dans les environs de Tanger et Ceuta, que sur la côte atlantique.

En 1399, alors que le Maroc est en proie à une anarchie des plus totales, le roi Henri III de Castille arme une expédition navale destinée à annihiler la pratique de la course depuis Tétouan. En fait, la ville est non seulement mise à sac mais également totalement vidée de sa population (la moitié est déportée en Castille). En 1415, c’est au tour de Ceuta de tomber aux mains des navires de Jean Ier, roi du Portugal, lui aussi en croisade contre la course.

Ibn Battuta, grand voyageur tangérois de l'ère mérinide qui visita trois continents

La dynastie mérinide connait un tragique déclin[40]. Abu Said Uthman ben Ahmad dit Abu Said succède à Abu Amir Abd Allah dans des circonstances troubles. Prince taciturne, il se tourne à nouveau vers Tlemcen. Mais le vent a tourné et Abou Malek, souverain abdalwadide, pétri de haine à l’encontre des maîtres de Fès, parvient à prendre la ville et impose un souverain fantoche. Les document concernant cette période sont très flous et se contredisent. Toujours est-il que Abu Muhammad Abd al-Haqq succède à Abu Said alors qu’il n’a qu’un an (1421). Cette accession au trône appela bien sûr une régence. Les vizirs wattassides s’avèreront incontournables.

Wattassides (1471-1554)

Article détaillé : Wattassides.
Le Maroc au début du XVIe siècle : en rouge, le domaine des Wattasides

Les Wattassides ou Ouattassides ou Banû Watâs sont une tribu de Berbères zénètes comme les Mérinides. Cette tribu, qui serait initialement originaire de l'actuelle Libye, était établie dans le Rif, au bord de la Méditerranée. De leur forteresse de Tazouta, entre Melilla et la Moulouya, les Beni Wattas ont peu à peu étendu leur puissance aux dépens de la famille régnante mérinide (voir l'article détaillé sur les Wattassides). Ces deux familles étant apparentées, les Mérinides ont recruté de nombreux vizirs chez les Wattassides. Les vizirs wattassides s'imposent peu à peu au pouvoir. Le dernier sultan mérinide est détrôné en 1465. Il s'en suit une période de confusion qui dure jusqu'en 1472. Le Maroc se trouve coupé en deux avec, au sud, une dynastie arabe émergente, les Saadiens, et au nord un sultanat wattasside déclinant.

En 1472, les sultans wattassides de Fès ont perdu tous leurs territoires stratégiques et n'ont plus le contrôle du détroit de Gibraltar. Les Portugais prennent possession de Tanger en 1471 [41]puis cèdent la ville à l'Angleterre en 1661 comme dot apportée par Catherine de Bragance à son époux Charles II d'Angleterre. La domination anglaise sur Tanger, relativement courte (1661-1684), sera contestée en permanence par le Parlement de Londres malgré l'octroi d'une charte à la colonie par Charles II, et ce en raison des difficultés financières qu'entraîne l'entretien de sa garnison soumise en permanence à la pression des assauts marocains. L'évacuation de Tanger est finalement décidée et confiée à l'amiral Lord Dartmouth [42], les troupes de Moulay Ismail prennent alors possession de la ville après 193 années d'une triple domination étrangère (portugaise, espagnole, anglaise).

Ancienne colonie portugaise de Mazagan à El Jadida

Durant la domination portugaise (1471-1661, avec un intermède espagnol entre 1580 et 1640), Tanger constitue la capitale de l'Algarve d'Afrique, car il existe alors deux Algarves, celle d'Europe et celle d'Afrique, toutes deux considérées comme territoires relevant personnellement de la dynastie d'Aviz puis de la dynastie de Bragance (le roi du Portugal porte aussi le titre de roi des Algarves). Sous les règnes successifs d'Alphonse V, Jean II et Manuel Ier (période marquant l'apogée de l'expansion portugaise) l'Algarve africaine englobe presque tout le littoral atlantique marocain, à l'exception de Rabat et de Salé. Les Portugais contrôlent la portion côtière s'étendant de Ceuta à Agadir et à Boujdour, avec pour points de jalon les places fortes de Tanger, Asilah, Larache, Azemmour, Mazagan, Safi et Castelo Real de Mogador. D'Azemmour est originaire Estevanico (de son vrai nom Mustapha Zemmouri), un Marocain réduit en esclavage par les Portugais puis revendu aux Espagnols, et qui s'illustrera par son exploration et sa reconnaissance de l'Amérique jusqu'aux confins du Mexique et de l'Arizona dans les rangs des conquistadors hispaniques.

Les possessions de la Couronne lusitane constituent des fronteiras, équivalent portugais des presidios espagnols, et sont utilisées comme escales sur la route maritime du Brésil et de l'Inde portugaise. Néanmoins la plus grande partie du Maroc portugais est reconquise par les Saadiens en 1541. La dernière fronteira est celle de Mazagan, récupérée par les Marocains en 1769. Les Espagnols pour leur part s'attribuent la côte méditerranéenne avec les présides de Melilla et le rocher de Vélez de la Gomera, ainsi que la région de Tarfaya faisant face aux îles Canaries. Ils prennent également le contrôle de Ceuta à l'issue de la débâcle portugaise à la Bataille des Trois Rois qui se solde par l'établissement de l'Union ibérique (1580)[43].

Les Wattassides affaiblis donnent finalement le pouvoir à une dynastie se réclamant d'une origine arabe chérifienne (les Saadiens) en 1554[44].

Les dynasties chérifiennes

Dynastie des Saadiens (1509-1659)

Article détaillé : Saadiens.
Empire Saadi (1554 - 1659).
Le roi Sébastien Ier de Portugal, ennemi d’Abd al-Malik al Saadi à la Bataille des Trois Rois.
Sultan ottoman Murad III, allié occasionnel des Saadiens.
Le sultan Ahmed al-Mansur Saadi, dont le règne marque l’apogée de la dynastie saadienne.

Les Saadiens, appelés parfois Zaydanides[45], constituent une dynastie arabe chérifienne originaire de la vallée du Draâ. Elle arrive au pouvoir en 1511 avec le sultan Muhammad al-Mahdi al-Qaim bi-Amr Allah et choisit Marrakech pour capitale définitive après Taroudant. À partir de 1554 elle contrôle entièrement le Maroc, alors que le Maghreb central et oriental est sous la domination des Ottomans. Mohammed ech-Cheikh est un adversaire résolu du sultan-calife ottoman Soliman le Magnifique. Pour conjurer la menace exercée par les gouverneurs turcs d’Alger, le sultan saadien n’hésite pas à chercher l’alliance des Espagnols qui occupent Oran et lui permettent de s’emparer de Tlemcen. Malgré un raid dévastateur contre Fès les troupes ottomanes ne pénètrent pas vraiment l’intérieur du territoire marocain, et les Saadiens peuvent étendre leur occupation sur le nord-ouest algérien. La diplomatie de Mohammed ech-Cheikh lui vaut l’inimitié tenace de la Sublime Porte. En effet, en 1557 des assassins à la solde du pacha d’Alger Hasan Corso décapitent le sultan marocain et envoient sa tête en trophée à Istanbul, où Soliman peut contempler ainsi son implacable ennemi de l’Ouest[46]. Ce meurtre n’a cependant pas d’incidence sur le front militaire et consolide même les assises de la dynastie saadienne.

Désignés par les confréries mystiques et notamment la Chadilya et la Jazoulya, les Saadiens ont la lourde tâche de réunifier le Maroc et de combattre le jeune roi Sébastien Ier de Portugal désireux de mener sa croisade personnelle en Afrique. En 1578 à Ksar el-Kébir (bataille des Trois Rois), l’armée portugaise composée de mercenaires originaires de toute la chrétienté occidentale (chevaliers portugais, miliciens espagnols, lansquenets allemands et hallebardiers pontificaux italiens) est complètement anéantie par les forces saadiennes[47]. À l’issue de cette bataille, la dynastie se concentre sur le nord-est du Maroc afin de protéger le royaume contre les ambitions ottomanes. Malgré leur opposition à la Sublime Porte, les Saadiens organisent leur makhzen et leur armée sur le modèle ottoman. L’administration adopte les titres de pachas et de beys, et les sultans se dotent d’une garde d’élite composée de peiks et de solaks, reprenant la discipline et le costume des janissaires turcs. Un représentant du sultan doté du titre de "khalifa"[48]exerce le pouvoir de vice-roi depuis Fès sur les provinces du nord et de l’est. Beaucoup de pachas et de caïds sont des renégats et des Andalous chargés de la perception fiscale et de la répression de toute révolte contre le makhzen.

L’influence turque[49] s’explique par l’exil des princes Abu Marwan Abd al-Malik et Ahmed (futur Ahmed al-Mansur Saadi) à Alger et à Istanbul durant le règne de leur demi-frère Moulay Abdallah el-Ghalib, qui avait voulu les éliminer afin d’être l’unique représentant de la dynastie. Le soutien du sultan ottoman Murad III aux prétentions des deux princes saadiens peut paraître paradoxal en raison de la nature conflictuelle des relations maroco-turques, mais Abd al-Malik puis son frère savent exploiter intelligemment cet appui pour récupérer le trône et éliminer leur neveu Mohammed el-Mottouakil (fils d’al-Ghalib) qui de son côté s’était allié au Portugal. La mort de Murad III en 1595 met fin par ailleurs aux appétits hégémoniques de la Sublime Porte et renforce ainsi l’indépendance marocaine[50].

Si les Turcs sont surtout présents dans l’état-major et dans l’artillerie, l’essentiel de l’armée saadienne est composée de renégats européens et de tribus militaires arabes Cheragas ainsi que de contingents du Souss (les Ehl el-Souss, constituant l’ossature militaire de la dynastie). Cette force considérable, estimée à 40 000 hommes par l’historien Henri Terrasse, fait du sultan Ahmed al-Mansur le plus puissant chef politique et militaire de cette partie de l’Afrique. Il le prouve en lançant un de ses plus brillants officiers, le général Yuder Pacha, à la conquête de l’Empire songhaï du Mali qui devient après la bataille de Tondibi le pachalik marocain de Tombouctou et du Soudan occidental, incluant les prestigieuses cités de Gao et de Djenné. Sur le plan religieux, la primauté du califat saadien est reconnue jusqu’au Tchad par Idriss III Alaoma, souverain du royaume du Kanem-Bornou[51]. Cette reconnaissance marque une victoire indéniable pour le sultan al-Mansur sur la scène africaine au détriment de l’Empire ottoman.

Les Askia du Mali renversés, l’or de la vallée du fleuve Niger prend le chemin des oasis marocaines puis de Marrakech par le circuit de caravanes sous forte escorte. Grâce à cet or malien, le sultan se lance dans une politique de grand prestige, achève son immense palais El Badi et l’on voit même la reine de France Catherine de Médicis tenter de recourir à un emprunt de 20 000 ducats auprès du richissime al-Mansur[52]. De son côté la reine Élisabeth Ire d’Angleterre veut nouer une alliance stratégique anti-espagnole avec le puissant califat saadien, afin de contrer les ambitions de Philippe II. Cette politique se concrétise par l’attaque conjointe anglo-marocaine contre Cadix (1596) et par l’échange d’ambassadeurs entre les cours de Londres et de Marrakech en 1600. Mais cette page brillante s’achève par le décès d’Ahmed à Fès en 1603. Dès 1612, les pachas de Tombouctou se conduisent en princes indépendants et l’or du Mali cesse de parvenir jusqu’à Marrakech. La dynastie s’éteint en 1659 à la mort du sultan Ahmed el-Abbas, qui met fin à une longue guerre dynastique opposant les différents héritiers de la famille saadienne[53].

À la veille de la disparition de la dynastie saadienne, le Maroc se fractionne en plusieurs pouvoirs locaux, dont certains ambitionnent de dépasser leur cadre régional et de s’imposer à l’échelle nationale. Parmi ces puissances, les plus remarquables sont la zaouia de Dila, basée dans le Moyen-Atlas, et dont la force repose sur les tribus berbères des montagnes, notamment les Sanhadjas, ainsi que la zaouia d’Illigh qui fonde le royaume du Tazeroualt dans le Souss et contrôle d’importantes routes caravanières en provenance du Sahara. À côté de ces États théocratiques soufis, le chef de guerre el-Ayyachi, champion du jihad dans les provinces atlantiques, se taille un fief important dans le Gharb. Les villes côtières à dominante andalouse s’érigent également en entités politiques indépendantes, comme la République de Salé et la principauté des Naqsides à Tétouan. Enfin, à Marrakech et dans le Haouz émerge la seigneurie des anciens caïds du palais saadien. Mais de tous ces protagonistes en présence, ce sont les Alaouites, émirs du Tafilalet qui s’imposent grâce à une conquête méthodique et graduelle du Maroc, mettant à profit les faiblesses internes et les dissensions de leurs adversaires. La dynastie alaouite parvient ainsi au pouvoir sur l’ensemble du territoire au milieu du XVIIe siècle.

L'arrivée des Andalous et des Moriscos (morisques)

Dès le début des succès de la Reconquista, des musulmans andalous ont commencé à se replier vers le Maroc ; ainsi dès le XIIe siècle certains Andalous décidèrent de quitter l'Espagne maure mais la majorité d'entre eux ont été contraints de quitter l'Espagne principalement en deux temps : à la chute de Grenade en 1492, et en 1609 avec l'expulsion des Morisques suivi du repli vers le Maghreb.

Il est nécessaire de rappeler qu'avant 1492, la proximité géographique du Maroc avec l'Espagne andalouse a naturellement induit des échanges constants et divers entre ces deux pays.

La proximité du Maroc et la volonté de retour en Espagne va entraîner la présence d'une grande concentration d'Andalous sur les rives Nord du Maroc. Les Rois catholiques espagnols voyant dans cette concentration un danger, situé à juste à 14 km de leur rive, attaquèrent les rives Nord du Maroc et du Maghreb et prirent les villes de Melilla et de Penon de Velez afin de prévenir toute tentative de retour.

L'arrivée massive de ces Andalous, que le Maroc devra intégrer dans les tissus social et économique, va marquer un nouveau tournant dans la culture, la philosophie, les arts et la politique. Notons que de nombreux intellectuels et artistes andalous rejoindront les cours royales, ce mouvement sera initié par le célèbre Averroes de Cordoue (décédé à Marrakech) et par le dernier poète arabe classique de l'Espagne musulmane, Ibn al-Khatib de Grenade qui finit sa vie à Fès.

Représentation de Salé à l'époque de Jan Janszoon, plus connu comme l'amiral corsaire Murad Raïs.

Les Moriscos installés à Rabat (appelé la Nouvelle-Salé) et Salé (Salé l'Ancienne) forment un État corsaire à partir de 1627, la République du Bouregreg dite aussi République des Deux Rives. Cette entité politique, comparable aux autres Régences barbaresques du Maghreb, subsiste de courses commerciales fructueuses qui amènent ses caïds gouvernants à négocier avec les principales puissances européennes. La témérité des capitaines salétins est en effet réputée, et certains d'entre eux mènent des raids audacieux jusqu'en Islande voire jusqu'en Amérique du Nord (Terre-Neuve, Baltimore). Après une période d'indépendance au début du XVIIe siècle, le sultan alaouite Moulay Rachid met fin à l'existence de la république salétine et l'annexe à l'Empire chérifien. Au Maroc, la guerre de course décline à la fin du XVIIIe siècle, avec arrêt définitif en 1829, suite aux attaques de représailles de la flotte autrichienne contre la ville d'Asilah (qui faisait suite à la capture d'un navire de cette nation par des corsaires marocains[54]). La majorité des capitaines salétins est d'origine morisque mais sont aussi présents des renégats (le plus célèbre étant le Néerlandais Jan Janszoon devenu Mourad Raïs), des Marocains autochtones et des marins turcs ou turquisés originaires d'Alger et de la Régence de Tripoli.

Les sultans Alaouites (de 1664 à nos jours) et la consécration de l'État chérifien marocain

Article détaillé : Dynastie alaouite.
le Grand Maroc et le commerce transsaharien
Drapeau du sultanat chérifien de 1666 à 1915

L'un des plus illustres Alaouites est le sultan Moulay Ismaïl, deuxième souverain de la dynastie, à qui les chroniqueurs et les témoins d'époque s'accordent à donner 26 ans lors de son avènement (1672). Il est le demi-frère de Moulay M'hammed et de Moulay Rachid, né d'une esclave noire dont il gardera un teint mat prononcé. Son règne se situe entre 1672 et 1727. Moulay Ismaïl succède à son demi-frère Rachid, mort accidentellement à Marrakech. Le sultan impose son autorité sur l'ensemble de l'Empire chérifien, grâce à son armée composée de milices d'esclaves-soldats noirs originaires du Sénégal, du Mali et de Guinée (les Abid al-Bukhari, véritables janissaires africains dévoués à la personne exclusive du sultan) et des tribus arabes guich (Oudayas, Cherrardas, Cheragas). Dans le système guich, les tribus bénéficient d'exonérations fiscales et de cessions de terres agricoles en échange de leur service, mais cela conduit à la formation d'une caste militaire toute puissante au sein de laquelle le makhzen recrute également une grande partie de son personnel. L'État ismaïlien est une formidable machine administrative qui contrôle le pays depuis Meknès, nouvelle capitale impériale en remplacement de Fès et de Marrakech. Sous le règne d'Ismaïl Meknès se dote d'une véritable cité interdite à la manière marocaine, avec ses ensembles de palais, de bassins, de mosquées, de jardins et de forteresses.

Porte de Bab Mansour el Aleuj dans la cité impériale de Meknès, achevée en 1732.
Moulay Ismail, sultan du Maroc de 1672 à 1727.

On a longtemps comparé Ismaïl à Louis XIV, par ailleurs le sultan marocain entretient une correspondance suivie avec le roi de France, auquel il demande la main de sa fille, Marie Anne de Bourbon (1666-1739), princesse de Conti dite aussi Mademoiselle de Blois. Demande demeurée sans suite auprès du Roi-Soleil. L'ambassadeur marocain en France en 1699, l'amiral des « mers marocaines » Abdallah Ben Aïcha, est l'auteur du premier essai en langue arabe décrivant Versailles et les splendeurs de la Cour royale française. Il suivait de quelques années (1693) le baron François Pidou de Saint-Olon, ambassadeur de France à Meknès, auteur d'une « relation » sur le « royaume de Fez et de Maroc ». Les rapports entre les deux pays connaissent une phase de déclin en raison de l'échec des rachats des captifs chrétiens par les missions religieuses, et en raison également du sort des galériens musulmans retenus en France. Le rapprochement franco-marocain avait été motivé par l'opposition des deux pays envers l'Espagne de Charles II, mais l'accession au trône espagnol de Philippe V (Philippe de France, comte d'Anjou), petit-fils de Louis XIV, met fin à cette entente. Par conséquent les liens diplomatiques officiels sont rompus entre Meknès d'une part et Paris et Madrid d'autre part en 1718. Ils ne seront rétablis qu'en 1767. Ismaïl considère en effet la monarchie hispano-française des Bourbons comme désormais entièrement hostile aux intérêts du Maroc. La France est donc supplantée dans l'Empire chérifien par l'Angleterre, ce qu'illustre la brillante ambassade britannique du commodore Stewart et de John Windus à Meknès en 1721[55].

Ismaïl mène une guerre continuelle contre les tribus rebelles de l'Atlas (qu'il finit par soumettre) mais aussi contre les ennemis extérieurs : les Espagnols, les Anglais (du moins avant leur évacuation de Tanger en 1684) et les Ottomans de la Régence voisine d'Alger qui convoitent incessamment la région d'Oujda. Le sultan étend l'autorité chérifienne sur la Mauritanie jusqu'au fleuve Sénégal grâce au concours des émirs maures de l'Adrar, du Trarza et du Brakna, réaffirmant la souveraineté du makhzen sur le pays de Chinguetti. À l'est, les oasis du Touat sont soumises. Dans les années 1700, Ismaïl livre également des campagnes militaires contre quelques-uns de ses propres fils désireux de se tailler des principautés dans le Souss, à Marrakech et dans l'Oriental.

Mohammed Temim, Ambassadeur du Maroc, à la Comédie Italienne (1682), Antoine Coypel (1661-1722), Versailles.

De 1727 à 1757 le Maroc connaît une grave crise dynastique au cours de laquelle les Abid al-Bukhari font et défont les sultans, tandis que les tribus guich se soulèvent et razzient les villes impériales. Les autres tribus profitent de l'anarchie pour entrer en dissidence (siba). De cette période troublée émerge la figure de Moulay Abdallah II du Maroc, renversé et rétabli à plusieurs reprises entre 1729 et 1745. Il doit subir les sécessions de ses demi-frères qui fondent de véritables royaumes dans chacune des provinces, avec l'appui de telle faction des Abids ou des guich. De même, les habitants de Salé et de Rabat renouent avec l'autonomisme corsaire, et dans le Nord marocain les pachas de la famille Rifi établissent une véritable dynastie qui contrôle Tanger et Tétouan. Les puissantes confédérations, comme les Aït Idrassen et les Guerrouanes, rentrent en dissidence et s'emparent du trafic caravanier qui relie les centres commerciaux de l'Empire chérifien aux oasis sahariennes et au Soudan occidental.

Lettre de George Washington adressée à Mohammed III à l'occasion du traité de paix et d'amitié maroco-américain signé à Marrakech en 1787.

L'ordre est rétabli par Mohammed III du Maroc (1757-1790) qui restaure l'unité du sultanat et l'autorité du makhzen officiel. La politique de Mohammed III se caractérise par l'ouverture diplomatique et commerciale du Maroc. Des traités sont conclus avec les principales puissances européennes, qui entretiennent des consulats et des maisons de commerce dans les nouveaux ports marocains de l'Atlantique fondés par Mohammed III. L'exemple le plus connu de ces nouvelles places de commerce est la ville de Mogador (Essaouira), conçue par l'ingénieur français Théodore Cornut travaillant pour le compte du sultan. Les ports d'Anfa (Casablanca) et de Fédala (Mohammédia) sont également aménagés et symbolisent le développement économique du littoral atlantique, libéré de toute occupation étrangère après la reconquête de Mazagan sur les Portugais et la fin définitive du Maroc portugais en 1769. Mohammed III est également le premier chef d'État à reconnaître l'indépendance de la jeune république américaine des États-Unis en 1777. Le souverain chérifien établit une amitié épistolaire avec George Washington[56]. Sur le plan intérieur, le règne est marqué par des mutineries suscitées par le corps des Abids (à Meknès en 1778), et par une grave sécheresse de six ans (1776-1782) qui génère des conséquences économiques et démographiques désastreuses. Cette conjoncture négative va en s'accentuant sous le règne d'Al-Yazid du Maroc (1790-1792) célèbre pour ses cruautés et pour sa guerre inachevée contre l'Espagne. Sa disparition entraîne le retour des troubles de la guerre dynastique et de l'anarchie tribale. L'Empire se scinde en deux makhzens rivaux, l'un à Fès (avec Moulay Sulayman du Maroc), l'autre à Marrakech (Moulay Hisham du Maroc). C'est Sulayman qui l'emporte et réunifie le sultanat en 1797.

Moulay Sulayman (1792-1822) mène une politique isolationniste. Le sultan ferme le pays au commerce étranger, notamment européen, et supprime les postes de douane créés par son père. Sur le plan interne ses dahirs d'inspiration ouvertement salafiste provoquent des révoltes tribales et urbaines, liées à sa décision d'interdire les moussems et le maraboutisme. Les Berbères du Moyen-Atlas, notamment les Aït Oumalou, se regroupent sous la direction du chef de guerre Boubker Amhaouch et forment une grande coalition tribale à laquelle se joignent même les Rifains. Durant les années 1810, l'armée makhzen essuie ainsi de lourdes défaites entraînant la chute de Fès et le repli du sultan sur les villes côtières demeurées sous son autorité. Les tribus insurgées et la ville de Fès vont jusqu'à essayer d'imposer le propre fils de Sulayman, Moulay Saïd, à la tête de l'État, mais finissent par échouer.

Sur le plan extérieur, le sultan parvient à écarter les tentatives d'influences diplomatiques et militaires exercées par l'empereur Napoléon Ier, proche voisin du Maroc depuis l'occupation de l'Espagne par les troupes françaises en 1808 (Guerre d'indépendance espagnole). Moulay Sulayman se tourne en revanche vers Saoud ben Abdelaziz, émir du Nejd et du premier État saoudien, manifestant un fort intérêt pour le salafisme wahhabite en pleine progression[57]. Ce rapprochement stratégique s'explique par les affinités anti-ottomanes qui caractérisent le souverain alaouite comme l'émir saoudien, ainsi que par les sensibilités religieuses de Sulayman. Profitant de sa campagne militaire contre la Régence d'Alger, le sultan parvient à expulser définitivement les troupes turques du bey de Mascara qui occupaient les provinces orientales d'Oujda et de Berkane depuis 1792, et à rétablir l'autorité chérifienne sur le Touat et d'autres oasis du Sahara central.

le sultan du Maroc Moulay Abd ar-Rahman devant son palais de Meknès par Eugène Delacroix (1845)

Le sultan finit néanmoins par abdiquer en 1822 au profit de son neveu Abd ar-Rahman ibn Hicham, après la lourde défaite infligée à l'armée makhzen par la zaouia Cherradia près de Marrakech. Moulay Abd ar-Rahman (1822-1859) essaie de sortir l'Empire chérifien de son isolement extérieur, mais ses volontés sont contrecarrées par les premières agressions du colonialisme européen moderne. Le règne de ce sultan correspond en effet à la conquête française de l'Algérie, dans laquelle le Maroc se trouve impliqué en apportant son soutien à l'émir Abd el-Kader mais se retrouve défait à la bataille d'Isly, ainsi qu'à la guerre hispano-marocaine qui s'achève par l'occupation espagnole de Tétouan en 1860. À la suite de ce conflit catastrophique pour le makhzen, qui doit payer à l'Espagne une indemnité de guerre de deux cents millions de douros[58] (empruntés auprès des banques britanniques), Mohammed IV du Maroc (1859-1873) successeur de Moulay Abd al-Rahman amorce une politique de modernisation de l'Empire chérifien. L'armée est le premier champ de ces réformes structurelles. Le système des tribus guich est aboli et remplacé par un recrutement au sein de toutes les tribus « nouaïbs » (soumises à l'impôt régulier) qui doivent fournir des tabors (unités) régulières d'askars (soldats). L'instruction de ces troupes est confiée à des conseillers militaires européens, à l'instar de l'Ecossais Harry Aubrey de Maclean (qui obtiendra le titre de caïd pour l'organisation d'un régiment d'élite formé sur le modèle britannique), et l'armement est acheté auprès d'entreprises étrangères telles que la firme allemande Krupp[59].

Parallèlement à cette modernisation de l'armée, des industries sont créées (fabriques de munitions, de sucre, de papier), des progrès techniques sont enregistrés comme l'installation de la première imprimerie arabe du Maroc à Fès en 1865. Mais cette politique entraîne de considérables dépenses qui nécessitent d'importants financements. Le makhzen se voit donc contraint de lever des taxes supplémentaires non conformes à la Loi islamique, rapidement impopulaires et désapprouvés par les oulémas. Les tensions liées à cette décision éclatent au lendemain de la mort de Mohammed IV et à l'avènement de son successeur Hassan Ier en 1873. Elles prennent dans les villes la forme d'émeutes sociales violemment réprimées, dont la révolte des tanneurs de Fès est un exemple illustratif[60]. Le règne de Hassan Ier correspond à la volonté du sultan de concilier les exigences d'une modernisation de l'État aux complexités sociales et politiques du Maroc. Ce règne s'inscrit de plus dans la perspective des rivalités impérialistes européennes qui deviennent plus pressantes encore suite à la Conférence de Madrid de 1880, qui préfigure le futur partage de l'Empire chérifien sur l'échiquier international. À l'instar de la Turquie, de l'Iran ou de la Chine de cette époque, le Maroc devient un « homme malade » selon l'expression consacrée dans les milieux colonialistes. Par le biais des concessions économiques et du système des emprunts bancaires, chacune des puissances européennes intéressées, notamment la France, l'Espagne, le Royaume-Uni puis l'Allemagne, espère préparer la voie à une conquête totale du pays. L'habileté du makhzen est de savoir tenir à distance les convoitises conjuguées de l'impérialisme européen et de jouer des rivalités entre les puissances. Mais le décès de Hassan Ier, survenu au cours d'une expédition dans le Tadla en 1894, laisse le pouvoir au très jeune Abd al-Aziz du Maroc (âgé alors de seulement 14 ans), fils d'une favorite circassienne du harem impérial, une certaine Lalla Reqiya[61].

La mort de Hassan Ier du Maroc en 1894, à la une du Journal illustré.
Abd al-Aziz du Maroc

Une véritable régence est alors exercée jusqu'en 1900 par le grand-vizir Ahmed ben Moussa, issu de l'ancienne corporation des Abid al-Bukhari du Palais. Le grand-vizir sait continuer intelligemment la politique pragmatique de Hassan Ier, mais sa disparition entraîne une aggravation de l'anarchie et des pressions étrangères, de même qu'une rivalité entre Moulay Abd al-Aziz et son frère Moulay Abd al-Hafid, qui finit par éclater en guerre de course au pouvoir. Après la victoire d'Abd al-Hafid, de jeunes intellectuels réformateurs et progressistes influencés par la révolution des Jeunes-Turcs à Istanbul tentent de lui soumettre un projet de Constitution chérifienne le 11 octobre 1908[62]. Cependant la crise institutionnelle profonde du sultanat et la pression européenne accrue empêchent l'aboutissement d'un tel projet. La faiblesse du makhzen permet en outre à un aventurier du nom de Jilali Ben Driss plus connu comme étant le rogui Bou Hmara de se faire passer pour un fils de Hassan Ier, et de se faire reconnaître comme sultan à Taza et dans l'ensemble du nord-est du Maroc pendant quelques années avant d'être finalement capturé en 1909.

La pression coloniale

Article détaillé : Maroc précolonial.

Puissances en présence

Carte de la Barbarie en 1843 (partie Nord du Maghreb) selon le géographe Alexandre Vuillemin

Durant le XIXe siècle, les puissances coloniales européennes tentent d'asseoir leur influence en Afrique du Nord. Lors de la conquête de l'Algérie, la France obtient du Maroc une promesse de neutralité (1832). Mais en 1839, le sultan Abd el-Rahman soutient l'action de l'émir algérien Abd el-Kader, le conflit algérien s'étend dans les provinces marocaines. L'armée marocaine est défaite par les troupes françaises du maréchal Bugeaud à l'Isly le 17 août 1844. Le traité de Tanger, du 10 septembre 1844, met hors la loi Abd el-Kader et définit la frontière entre les deux pays.

Le Royaume-Uni cherche à accroitre sa puissance économique et signe, en 1856, un traité commercial très à son avantage. L'Espagne pousse son désir de reconquête. Répondant aux succès des colonisations accomplies par la France, elle prend possession des îles Jaafarines, îlots méditerranéens, en mai 1848. Elle déclenche et gagne la guerre de Tétouan en 1859-1860[63]. Cette défaite impose au Maroc de lourdes pertes humaines ainsi qu'une importante indemnité de guerre, ce qui aggrave une situation économique déjà mal-en-point.

La France quant à elle, désireuse de constituer en Afrique du Nord un territoire homogène signe, en 1863, une convention franco-marocaine. Les avantages accordés à la France et le Royaume-Uni sont élargis à tous les pays européens lors de la conférence de Madrid (1880).

Le sultan Moulay Hassan à la tête du pays durant cette période (1873 - 1894) tente de le moderniser et joue sur les rivalités européennes pour conserver son indépendance. Mais à son décès, et encore plus à la mort du grand vizir régent Ahmed ben Moussa dit « Ba Ahmad » en 1900, les manœuvres coloniales reprennent de plus belle sur le Maroc. la France en particulier occupe et intègre les terres marocaines orientales à ses départements d'Algérie entre 1902 et 1904. En effet, depuis qu'elle occupe et colonise l'Algérie, la France se préoccupe de la sécurité des confins algéro-marocains et lorgne sur le sultanat voisin, l'un des derniers pays indépendants d'Afrique. Ses commerçants et entrepreneurs s'y montrent très actifs, notamment à Casablanca, un port de création récente. C'est ainsi que Lalla Maghnia et le Sahara central touchant la frontière du Mali, le Touat, Tidikelt, la Saoura, Béchar, Jorf Torba, Abbadia, Métarfa, Hassi Regel, N'khaila, El Hamira, Kenadsa et Timimoun, passent sous contrôle français.

La politique menée par Abd al-Aziz conduit le pays à une crise économique et financière.

Crise de Tanger

Article détaillé : Crise de Tanger.

En 1904, un accord conclu entre les partenaires de l'Entente cordiale, la France et le Royaume-Uni, laisse à la France le Maroc comme zone d'influence, le Royaume-Uni se concentrant sur l'Égypte; le nord du Maroc est concédé à l'Espagne. Grâce à cet accord, la France a toute liberté d'agir au Maroc; en échange, elle concède à la Grande-Bretagne le droit d'instaurer sa tutelle sur l'Égypte où la France conservait de fortes positions économiques et financières, dont la présidence de la Compagnie du canal de Suez. Un accord similaire avait été conclu avec l'Italie en 1902, qui accordait une totale liberté d'action aux Italiens en Libye en échange de leur désintéressement du Maroc. L'empereur Guillaume II et le chancelier Bülow protestent contre les ambitions de la France au Maroc. Conformément à sa nouvelle doctrine de Weltpolitik, l'Allemagne veut avoir sa part des conquêtes coloniales.

Le 31 mars 1905, en vue de prévenir la mainmise de la France sur le Maroc, Guillaume II débarque théâtralement à Tanger, traverse la ville à cheval, à la tête d'un imposant cortège, va à la rencontre du sultan Abd al-Aziz pour l'assurer de son appui et lui faire part de son désaccord face aux droits concédés à la France sur le Maroc. Il est prêt à entrer en guerre si la France ne renonce pas à ses ambitions marocaines. Le sultan Abd el-Aziz impressionné par ce discours décide de refuser toutes les réformes préconisées par l'ambassadeur Eugène Regnault.

La France hésite, mais ne s'estimant pas prête pour la guerre, accepte la demande de réconciliation de l'Allemagne. Ce « coup de Tanger » entraîne une poussée de germanophobie en France et la démission du ministre français des Affaires étrangères, Théophile Delcassé.

Conférence d'Algésiras

Article détaillé : Conférence d'Algésiras.

Du 7 janvier au 6 avril 1906, à la suite de l'affaire de Tanger, se tient à Algésiras, au sud de l'Espagne, une conférence internationale sur le Maroc afin d'apaiser les tensions entre les différentes puissances qui se disputent le pays. Elle rassemble douze pays européens et les États-Unis. Cette conférence confirme l'indépendance de l'Empire chérifien, mais rappelle le droit d'accès de toutes les entreprises occidentales au marché marocain, et reconnait à l'Allemagne un droit de regard sur les affaires marocaines. Toutefois, au grand dam de Guillaume II, la France et l'Espagne se voient confier la sécurité des ports marocains et un Français est chargé de présider la Banque d'État du Maroc. La police franco-espagnole des ports, dirigée par un haut-commissaire suisse, est créée officiellement pour assurer l'ordre dans l'ensemble des ports marocains ouverts au commerce extérieur. En 1909, l'Espagne étend sa zone d'influence à tout le Rif, afin de contrôler ses mines de fer. Les troupes du général Diaz-Ordonez se heurtent néanmoins à une vive résistance des tribus.

Incident d'Agadir (1911)

Article détaillé : Coup d'Agadir.

En juillet 1911, l'Allemagne provoque un incident militaire et diplomatique avec la France, le coup d'Agadir (ou crise d'Agadir), en envoyant une canonnière (navire léger armé de canons) de sa Kaiserliche Marine dans la baie d'Agadir. Aux termes d'âpres négociations, l'Allemagne renonce à être présente au Maroc en échange de territoires en Afrique équatoriale. Un traité franco-allemand est signé le 4 novembre 1911, laissant les mains libres à la France au Maroc. Tout est désormais en place pour que la France puisse installer son protectorat sur le Maroc.

Les protectorats français et espagnol (1912 - 1956)

Moulay Abd al-Hafid
Pavillon marchand du protectorat français du Maroc
Le protectorat (1912 - 1956)
Pavillon marchand du protectorat espagnol du Maroc

Depuis 1902, la pénétration économique et militaire européenne s’est intensifiée au point que le sultan Moulay Abd al-Hafid, frère de Moulay Abd al-Aziz, est contraint de signer en 1912 le traité de protectorat qu’est la Convention de Fès.

Le traité institue, à partir du 30 mars 1912 le régime du protectorat français. En octobre de la même année, le sous-protectorat espagnol est mis en place sur le nord du Maroc.

Boulevard de la Gare - (actuellement Mohammed V) à Casablanca, vers 1920.

En zone française le pouvoir exécutif est incarné par le résident général, représentant de la France, qui dispose d'une assez large liberté de manœuvre. Le sultan et son makhzen sont maintenus comme éléments symboliques de l'Empire chérifien, l'autorité réelle étant exercée par le résident et ses fonctionnaires et officiers (contrôleurs civils et militaires). Suite au départ de Lyautey en 1925, la résidence devient néanmoins sensible aux pressions exercées par les puissants lobbys coloniaux, représentés par les patrons de la grande industrie et les chambres d'agriculture. Le Maroc connait en effet une expansion économique importante, illustrée par le développement fulgurant de Casablanca et de plusieurs infrastructures (routes, voies ferrées, barrages, usines, urbanisation) en règle générale. Par conséquent, se forme un puissant milieu capitaliste européen qui dispose de groupes de pression parfaitement organisés, aussi bien à Rabat qu'à Paris. Un tel essor économique accroît évidemment le fossé des inégalités, et à l'exception d'une poignée de dignitaires locaux liés à la résidence, le peuple marocain subit le sort dramatique d'oppression et d'exploitation partagé par tous les autres peuples colonisés. Une politique de colonisation de peuplement inspirée par l'exemple de l'Algérie française se met également en place, encouragée par les résidents successifs. À la veille de l'indépendance en 1956, la population européenne du protectorat s'élève ainsi à 400 000 personnes[64]. C'est de cette époque que datent les grandes entreprises-clés de l'économie marocaine, tels que le groupe ONA et l'Office chérifien des phosphates et de manière plus globale d'importantes données sociales et politiques du Maroc contemporain.

La zone espagnole dispose d'une organisation assez semblable à la zone française, avec un résident général nommé par Madrid. Le sultan est représenté par un khalifa, lequel réside à Tétouan, capitale du protectorat hispanique. Ce territoire ne connaît pas de développement économique comparable à la zone française, mais joue un rôle décisif dans l'avenir de l'Espagne. C'est en effet depuis Tétouan et Melilla qu'éclate le coup d'État (pronunciamento) du général Franco, commandant des troupes coloniales du Maroc (Légion espagnole des tercios et unités regulares) contre la République espagnole le 17 juillet 1936. Cet événement marque le début de la guerre civile espagnole.

La ville de Tanger quant à elle constitue une zone internationale au statut particulier défini en 1923. Cette entité est régie par une commission de huit puissances étrangères dont les États-Unis. Le mendoub, haut fonctionnaire du makhzen, est le délégué du sultan, mais la réalité du pouvoir appartient aux membres de la commission internationale.

La Première Guerre mondiale

Article détaillé : Première Guerre mondiale.
Hubert Lyautey résident-général au Maroc

En 1915, Hubert Lyautey reçoit l'ordre de Paris de retirer les troupes de l'intérieur pour les envoyer en France. Cette évacuation semble prématurée dans la mesure où la pacification se heurte encore à des mouvements rebelles soutenus par les Allemands. L'amghar Mouha ou Hammou Zayani à la tête des Zayans parvient ainsi à anéantir toute une colonne de l'armée française dans la poche de Khénifra en novembre 1914 (bataille d'Elhri). Plus au sud, le cheikh Ahmed al-Hiba fils de Ma El Aïnin galvanise la résistance des tribus et parvient à tenir toute la zone du Souss et de l'Anti-Atlas malgré les offensives des forces coloniales. L'Allemagne leur fournit du matériel par l'intermédiaire de la zone espagnole (l'Espagne étant neutre durant le conflit). La campagne de « pacification » ne s'achève définitivement qu'en 1934, avec la soumission des tribus Aït Atta du Jbel Saghro, aux confins du Haut et de l'Anti-Atlas, et des vallées du Draâ et du Dadès.

La guerre du Rif

Articles détaillés : Guerre du Rif et République du Rif.
Drapeau de la République du Rif

En 1921, la tribu berbère des Beni Ouriaghel de la région d'Al-Hoceïma, sous la conduite d'Abdelkrim al-Khattabi, se soulève contre les Espagnols. Le général Manuel Fernández Silvestre dispose alors d'une puissante armée forte de 18 000 soldats espagnols pour réprimer cette révolte. En juin la presque totalité de cette armée est anéantie à la bataille d'Anoual. Cette défaite pousse le général à se suicider.

En février 1922, Abdelkrim al-Khattabi proclame la République confédérée des Tribus du Rif. Les Rifains espèrent alors rallier les tribus de la zone française. Le gouvernement d'Ajdir bénéficie au niveau international du soutien symbolique du Komintern et de la neutralité bienveillante du Royaume-Uni. Le prestige d'Abdelkrim est célébré du Maghreb au Proche-Orient et jusqu'en Turquie, où l'opinion le compare à Mustafa Kemal Ataturk[65]. Il servira également de référence aux dirigeants révolutionnaires et contestataires du siècle, comme Mao Zedong, Ho Chi Minh et Che Guevara[66].

Les troupes d'Abdelkrim, équipées du matériel abandonné des Espagnols, menacent dès lors directement Fès, cœur spirituel du Maroc sous domination française. Face à leur avancée, la puissance coloniale française envoie le maréchal Philippe Pétain, rendu célèbre par la bataille de Verdun, mener l'offensive militaire sur le Rif à la tête de 250 000 soldats et auxiliaires et d'une quarantaine d'escadrilles d'aviation. Le résident général Lyautey, jugé trop attentiste, est contraint de démissionner puis est rappelé à Paris en 1925. S'ensuit une répression sur les Rifains, où bombardements terrestres et aériens, usage d'armes chimiques et supériorité numérique obligent les troupes d'Abdelkrim à se rendre en mai 1926.

Abd el-Krim est exilé dans un premier temps à La Réunion jusqu'en 1948 et puis en Égypte, où il prend la tête du Comité de Libération du Maghreb, et où se retrouvent également Allal El Fassi, Messali Hadj et Habib Bourguiba, et ce jusqu'à son décès en 1963. Cette reddition marque la fin de l'expérience rifaine. Cependant la résistance politique née des jeunes Marocains éduqués de l'élite citadine ne fait que prendre son ampleur dès ce moment avec la création du Comité d'action marocain, ancêtre de l'Istiqlal. Cette résistance politique ne s'arrêtera qu'à la proclamation de l'indépendance du Maroc le 2 mars 1956.

La Seconde Guerre mondiale

Article détaillé : Seconde Guerre mondiale.

La promulgation en mai 1930 du dahir berbère va, à partir le la cité de Salé, provoquer la réaction pacifique de la jeunesse nationaliste dans tout le pays, avec la récitation du latif dans les mosquées et la signature de télégrammes de protestation contre ledit dahir le 28 août 1930, avant de passer à une coordination nationale de la protestation par la création d'un Comité d'Action Marocain dès 1934. Interdit en 1937, tous ses initiateurs sont pourchassés, emprisonnés ou exilés. Parmi eux il faut citer Allal El-Fassi (exilé au Gabon), El-Ouazzani (placé sous résidence surveillée), Balafrej, qui sont les fondateurs historiques du mouvement pour l'indépendance. L'affaire du dahir berbère aura tout de même déclenché une vaste mobilisation médiatique dans le monde musulman, grâce notamment à l'action de l'émir druze libanais Chekib Arslan, fervent militant de la cause arabe et ami personnel de leaders nationalistes marocains[67].

La Seconde Guerre mondiale se déclenche en Europe alors que l'opposition nationaliste au Maroc est décimée par la répression. Il est à noter que ses dirigeants n'ont jamais appelé à pactiser avec les forces de l'Axe contre l'occupant français. Mieux ils ont attendu, et profité du débarquement américain de 1942 pour reprendre leur mouvement public de revendication.

La défaite de la France et l'administration coloniale française aux ordres du régime de Vichy pro-hitlérien et collaborationniste oblige le sultan Mohammed Ben Youssef (Mohamed V), souverain chérifien depuis 1927, à refuser d'appliquer les mesures antisémites aux Marocains de confession juive. Cette attitude lui vaudra la reconnaissance de Charles de Gaulle à la libération de la France en 1945, reconnaissance symbolisée par la dignité de compagnon de la Libération conférée au sultan marocain.

En novembre 1942 a lieu le débarquement américain sur les côtes marocaines, à Port-Lyautey (Kénitra), Fédala (Mohammedia), Casablanca et Safi. Il s'agit de l'opération Torch, supervisée par les généraux Eisenhower et Patton. Les forces fidèles à l'Etat français sont rapidement mises en déroutes, et le Protectorat du Maroc quitte le camp de l'Axe pour celui des Alliés. Il s'ensuit en janvier 1943 la conférence de Casablanca, qui rassemble le président américain Franklin Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill, ainsi que le chef de la France libre, le général De Gaulle, et son rival en AFN (Afrique française du Nord) le général Henri Giraud. Cette conférence, malgré l'absence remarquée de Staline, marque un tournant dans le déroulement de la guerre. Les dirigeants alliés annoncent en effet la poursuite du conflit jusqu'à capitulation inconditionnelle de l'Allemagne nazie, de l'Italie fasciste et du Japon impérial, ainsi qu'une aide matérielle occidentale importante à l'URSS et l'ouverture d'un front en Europe avec le débarquement projeté en Sicile (opération Husky). Localement la conférence a également un impact déterminant. Le sultan Mohammed Ben Youssef est en effet invité à Anfa par Roosevelt et Churchill, et reçu avec tous les honneurs dus à un chef d'État à part entière. La portée d'un tel événement n'est sûrement pas étrangère à la déclaration d'indépendance du 11 janvier 1944 formulée par le parti de l'Istiqlal.

Janvier 1943: Entretiens du sultan Mohamed V et du président américain Roosevelt à Anfa.

Le souverain chérifien, à la suite de la victoire alliée en Afrique, donne son appui à la « France libre », et soutient l'organisation et le recrutement des forces françaises en Afrique. Le Maroc paie un lourd tribut à la guerre européenne : 25 000 hommes sont morts pour libérer la France, qui ne reconnaîtra que tardivement l'ampleur de leur sacrifice. Les goumiers marocains s'illustreront notamment au cours de la campagne de Tunisie, de la campagne d'Italie (Seconde Guerre mondiale) et du débarquement de Provence.

En conséquent un puissant esprit de contestation nationaliste se développe dans le pays. L'invasion de la France par les Allemands en 1940 puis, en 1942, le débarquement anglo-américain sur les côtes du Maroc, avaient atteint l'autorité de la métropole et jeté le discrédit sur le résident Charles Noguès, qui avait autorisé l'installation d'une délégation de la Commission allemande d'armistice à Casablanca. En 1943, le parti de l'Istiqlal (indépendance) est fondé par des nationalistes marocains. Mohamed Hassan El Ouazzani, alors en exil intérieur au Sud marocain, rival d'Allal El Fassi depuis 1934, fonde son propre parti, le modeste PDI (Parti démocratique pour l'indépendance). L'Istiqlal et, dans la mesure de ses moyens le PDI, vont s'organiser à travers de nombreuses régions jusqu'à l'obtention de l'indépendance. Dans la zone espagnole s'active le Parti de la Réforme nationale d'Abdelkhalek Torrès, en liaison avec les mouvements panarabistes du Machrek.

De l'idée d'indépendance à l'indépendance réelle

Emeutes de Casablanca (21 juillet 1955)
Fontaine hommage, rappelant les négociations pour l'indépendance du Maroc, dans le parc de verdure d'Aix-les-Bains.
  • 28 août 1930 : signature à Salé du manifeste contre le Dahir Berbère promulgué en mai 1930 et première prise de conscience politique des nationalistes.
  • 1934 : création de l'Action marocaine.
  • 18 novembre 1934 : célébration à Salé de la première fête du trône.
  • 1937 : scission de l'Action marocaine : Mohamed Hassan El Ouazzani fonde le mouvement populaire qui deviendra après la Seconde Guerre mondiale en 1946, le Parti démocratique de l'indépendance (PDI) tandis qu'Allal El Fassi crée le Parti national, qui se transformera en Parti de l'Istiqlal (PI) en décembre 1943.
  • 11 janvier 1944 : signature du Manifeste de l'indépendance par 67 leaders nationalistes toutes tendances confondues, les manifestations de soutien sont sévèrement réprimées et de nombreux leaders emprisonnés.
  • 1947 : le sultan Mohammed Ben Youssef prononce le discours de Tanger, réclamant l'indépendance du pays et son intégrité territoriale. Ce discours provoque le limogeage de Labonne considéré comme trop tolérant envers les nationalistes. Il est remplacé par le général Alphonse Juin, qui inaugure une logique de confrontation avec le sultan et l'ensemble du mouvement nationaliste marocain.
  • 20 août 1953 : exil du sultan Mohammed Ben Youssef et de la famille royale en Corse puis à Madagascar (Antsirabé). Un nouveau sultan âgé de 70 ans, Mohammed ben Arafa est élu par les Oulémas avec l'appui du pacha de Marrakech, Thami El Glaoui. Cette décision engendre des émeutes populaires à Casablanca, durement réprimées. L'Espagne de Franco, non prévenue de cette manœuvre, refuse de reconnaître sa légitimité.
  • 1953 : Le général Augustin Guillaume, successeur de Juin au poste de résident, pour sa première visite officielle à Agadir échappe à de peu à un accueil aux coktails molotov préparé par le PDI.
  • 20 août 1953 : Déclenchement de la révolution du Roi et du peuple.

Manifestations fréquentes où l'on remarque la présence en grand nombre de femmes aux cris de « yahya el malik Mohammed al khamis !! ».

  • mai 1954 : Le gouvernement français est de plus en plus malmené face à la pression internationale exercée par les États arabes via l'Organisation des Nations unies : le général Guillaume tenu pour responsable de cette situation est remplacé par un civil, Francis Lacoste.
  • 23 août 1955 : Rencontre franco-marocaine à Aix-les Bains au cours de laquelle il est décidé de déposer Ibn Arafa.

La France, empêtrée dans la guerre d'Algérie, décide d'aborder la question marocaine. Edgar Faure, président du Conseil, négocie avec Mohammed Ben Arafa : des pré-pourparlers de négociation sont menés à Aix-les-Bains (Savoie) entre le 22 et le 26 août entre, côté marocain : Si El-Hadj El-Mokri, Grand Vizir, Si Kolti, délégué du Grand Vizir aux PTT, Si Thami El-Mosbi, délégué du Grand Vizir aux Finances, Si Berrada, Vizir adjoint au Grand Vizir pour les affaires économiques, Si Abderrahaman El-Hajoui, Directeur adjoint au protocole et S.E. Hadj Fatemi Ben Slimane, ancien pacha de Fès, et côté français : Edgar Faure, président du Conseil, Antoine Pinay, ministre des Affaires étrangères, Robert Schumann, garde des Sceaux, Pierre July, ministre des Affaires marocaines et tunisiennes et le général Koenig, Ministre de la Défense nationale. Le sultan Moulay Ben Arafa démissionne le 1er octobre 1955.

  • 6 novembre 1955 : Le gouvernement français reconnaît le principe de l'indépendance du Maroc.
  • 16 novembre 1955 : Retour triomphal de Mohammed Ben Youssef, futur roi Mohammed V, à Rabat-Salé.
  • 18 novembre 1955 : Sidi Mohammed Ben Youssef célèbre la fête du trône à la Tour Hassan de Rabat
  • 15 février 1956 : Visite de SM Mohammed V en France. Ouverture des négociations franco-marocaines sur l'indépendance du Maroc et l'abrogation du traité de Fès de 1912 établissant le protectorat français sur le Maroc. Le parti de l'Istiqlal représenté par Abderrahim Bouabid, Mohamed Lyazidi et Mehdi Ben Barka ainsi que le PDI (Parti pour la démocratie et l'indépendance) représenté par Abdelhadi Boutaleb et Ahmed Cherkaoui participent à ces négociations.
  • 7 mars 1956 : Mohammed V annonce au peuple marocain l'indépendance du Maroc. Le sultan Sidi Mohammed ben Youssef prend le titre de roi Mohammed V, son fils Hassan II lui succéde en 1961, puis son petit-fils, en 1999, Mohammed VI.
  • 7 avril 1956 : Un accord est signé à Madrid entre Mohammed V et le général Franco mettant fin à la souveraineté espagnole sur le nord du pays. Le 20 octobre, la zone de Tanger, qui était soumise à un statut international particulier, est elle aussi réintégrée au Maroc.

Le Maroc moderne (depuis 1956)

L'Espagne à son tour reconnaît l'indépendance du pays le 7 avril 1956 avant de restituer le protectorat de Tétouan. Enfin le statut international de Tanger est aboli le 21 octobre de la même année et le port réintègre officiellement le Maroc.

Durant les premières années après l’indépendance jusqu'en 1960, la politique marocaine consiste à reconstituer le « Grand Maroc » comprenant la Mauritanie, une partie de l'Algérie, le nord-ouest du Mali voire l'archipel des îles Canaries, projet dans lequel le roi ne voulait pas être débordé par le parti de l’Istiqlal. Après le retrait d'Allal El Fassi, l'abandon de cette idéologie se confirme par la reconnaissance officielle de la Mauritanie par le gouvernement de Rabat.

Les années 1960 sont marquées par un climat politique tendu, avec la disparition du chef de l'opposition de gauche et leader du tiers-monde Mehdi Ben Barka en 1965. Cette même année Casablanca est agitée par de graves émeutes sociales. Le régime instaure un état d'exception jusqu'en 1970. Cette décennie ouvre ainsi la période des années de plomb au Maroc.

La tension politique latente, consécutive à l'état d'exception, se manifeste par les tentatives de coups d’État militaires du général Medbouh et du colonel M'hamed Ababou contre le palais de Skhirat (1971), ainsi que du général Oufkir contre le Boeing royal en plein vol (coup d'État des aviateurs de 1972). En 1973, et ce afin d'atténuer ces tensions, Hassan II procède à la « marocanisation » des derniers domaines agricoles appartenant à des colons français. Il envoie également un corps expéditionnaire marocain combattre aux côtés des autres armées arabes durant la guerre du Kippour contre Israël. Mais c'est surtout vers les territoires du Sahara occidental sous domination espagnole (que les Marocains revendiquent comme Provinces du Sud) que se porte l'attention du monarque, à partir de 1975.

En 1969, l'Espagne rétrocède l'enclave d'Ifni, onze ans après le territoire de Tarfaya, mais la décolonisation du Sahara est incomplète, puisque le Rio de Oro et le Seguia el-Hamra connaissent encore l'occupation franquiste. C'est précisément au lendemain de la disparition du vieux Caudillo phalangiste que le Maroc entame une récupération planifiée de ces territoires, connue sous le nom de Marche verte.

1963 : Guerre des Sables

Article détaillé : Guerre des sables.
Carte du « Grand Maroc » revendiqué par l'Istiqlal

La guerre des sables d'octobre 1963 est un conflit militaire opposant le Maroc et l’Algérie peu après l’indépendance de celle-ci. Après plusieurs mois d'incidents frontaliers, la guerre ouverte éclate dans la région algérienne de Tindouf et Hassi-Beïda, puis s'étend à Figuig au Maroc. Les combats cessent le 5 novembre, et l'Organisation de l'unité africaine obtient un cessez-le-feu définitif le 20 février 1964, laissant la frontière inchangée[68],[69],[70].

Le dossier du Sahara occidental

Le Maroc a partiellement récupéré le Sahara occidental à la suite de la Marche verte en 1975[71], puis totalement en 1979. Le royaume fait face au désaccord de la Mauritanie qui elle aussi revendique ce territoire, de l'Algérie et surtout des populations sahraouies (Front Polisario) mais la résolution finale sur le statut du territoire reste suspendue à un référendum organisé par l'Organisation des Nations unies, qui a été reporté à plusieurs reprises à cause d'un désaccord entre les parties sur le recensement du corps électoral.

1976-1991 : Guerre du Sahara occidental

Sahara Marocain

En 1975, un avis consultatif de la Cour internationale de justice confirme l'existence de liens historiques entre les populations du Sahara occidental et le Maroc, ainsi que l'ensemble mauritanien, mais conclut qu'ils ne sont pas de nature à empêcher un référendum d'autodétermination, en y rendant inapplicable la notion de terra nullius.

Quelques jours après cet avis, le Maroc organise la marche Verte (6 novembre 1975) pour marquer la volonté d'une souveraineté marocaine sur ce territoire. Ceci amène l'Espagne à signer les accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie, le 14 novembre 1975, pour officialiser le partage du territoire. Le Maroc obtient les deux tiers nord, et la Mauritanie le tiers sud ; l'Algérie et les Sahraouis ne sont pas consultés. Le retrait des troupes espagnoles, décidé peu avant la mort de Franco, s'effectue entre 1975 et 1976.

Le 27 février 1976, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) est proclamée par le Front Polisario à Bir Lehlou[72], au lendemain du départ du dernier soldat espagnol du territoire. Dans le même temps, la lutte armée du Front Polisario attaque par des incursions éclairs les forces marocaines et mauritaniennes qu'il considère comme de nouvelles forces d'occupation. La bataille d'Amgala en 1976 entre forces marocaines et algériennes sur le territoire du Sahara occidental montre le soutien actif de l'Algérie au Polisario. Entre fin 1975 et 1976, des dizaines de milliers de Sahraouis quittent le Sahara occidental, fuyant la guerre vers les camps de réfugiés de Tindouf en Algérie, encadrés par le Polisario.

Après le putsch en Mauritanie qui renverse Moktar Ould Daddah en juillet 1978, le Front Polisario déclare un cessez-le-feu unilatéral avec Nouakchott[73]. Le cessez-le-feu est approuvé par l'ONU[74] et le 10 août 1979 un traité de paix est signé dans lequel la Mauritanie cède sa partie du Sahara au Front Polisario[73]. Le 14 août 1979, le Maroc annonce l'annexion de l'ancien territoire mauritanien.

Dans les années 1980, le Maroc érige un mur de défense qui sépare le territoire en deux[75],[76],[77]. , les 20 % à l'est du mur étant désormais sous le contrôle du Front Polisario. Une guerre d'embuscades avec le Front Polisario prend fin en 1991 suite à un cessez-le-feu favorisé par la médiation de l'Organisation des Nations unies ; un référendum organisé par les Nations unies sur le statut final a été reporté à plusieurs reprises.

Construction du mur marocain et enlisement du conflit (1980-1987)
Article détaillé : Mur marocain.
Étapes de construction du mur marocain

En 1980, le Maroc entreprend la construction du « mur marocain » en commençant par la région Laâyoune-Smara-Bou Craa qui concentre l'essentiel de l'activité économique. Le mur est constitué de bermes (remblais) de sable et de pierre d'environ trois mètres de haut ; des tranchées de plusieurs mètres sont creusées en plusieurs endroits en contrebas de façon à minimiser le risque d’une incursion adverse. Tout le long du mur, des unités de surveillance se relaient aux unités d’intervention, équipées de radars et protégées de barbelés.

Construit en six étapes jusqu'en 1987, il comporte cinq « brèches » censées assurer le droit de poursuite pour les troupes marocaines. Chaque mur est censé sécuriser la zone qui le sépare de l’Atlantique. D’une longueur totale d'environ 2 700 kilomètres, le mur de défense est surveillé par plus de 90 000 hommes. Une bande de plusieurs centaines de mètres de champs de mines en interdit l’accès.

Le mur est une parade décisive à la stratégie de guérilla du Polisario et il change radicalement le cours du conflit. Le Polisario se trouve rejeté à l'extérieur du mur et est incapable de mener des incursions significatives à l'intérieur du territoire contrôlé par l'armée marocaine. L'armée marocaine bénéficie d'une excellente position défensive mais le coût du mur et de la force de surveillance grève le budget du Maroc, malgré l'aide de l'Arabie saoudite et des États-Unis, et contribue à la dégradation de la situation économique et sociale[78].

Négociations pour un cessez-le-feu (1984-1991)

En 1982, lors d'un entretien avec le président algérien Chadli Bendjedid, Hassan II lui aurait déclaré dans un signe de bonne volonté « laissez-moi le timbre et le drapeau, tout le reste est négociable[79] ». La même année, les diplomates du Polisario, appuyés par la diplomatie algérienne, obtiennent l'admission de la République arabe sahraouie démocratique dans l'Organisation de l'unité africaine ce qui provoque le départ du Maroc en 1985. Au cours des années 1980, la RASD est reconnue par 75 États, principalement africains. Les camps de réfugiés de Tindouf hébergent son gouvernement en exil.

En 1984, l'OUA adopte la résolution AHG104 qui réaffirme le droit des sahraouis à l'autodétermination et appelle à des négociations directes entre le Maroc et le Polisario, à un cessez-le-feu et à l'organisation d'un référendum. En août, le Maroc signe le traité d'Oujda avec la Libye par lequel celle-ci s'engage à ne plus soutenir le Polisario. En septembre, à l'Assemblée générale de l'ONU, Hassan II s'engage en faveur du référendum d'autodétermination[79]. En décembre, l'Assemblée générale de l'ONU reprend le plan de paix de l'OUA à son compte.

Le secrétaire général des Nations unies, Javier Pérez de Cuéllar, s'implique directement à partir de 1986. Chaque partie expose ses positions dans un questionnaire : le Maroc refuse des négociations directes préalables à une médiation de l'ONU mais accepte le principe d'un référendum supervisé par celle-ci. Le Polisario souhaite lui aussi un référendum supervisé par l'ONU mais également une administration directe du territoire par l'ONU, une force de sécurité conjointe de l'ONU et de l'OUA et le retrait des forces armées marocaines ainsi que des résidents marocains non originaires du Sahara occidental avant la tenue du référendum[80].

En 1987 se tient une nouvelle réunion entre Hassan II et Chadli Bendjedid à Akid Lofti (près de la frontière algéro-marocaine) et l'année suivante le Maroc et l'Algérie reprennent leurs relations diplomatiques.

En août 1988, l'ONU présente au Maroc et au Polisario son plan de règlement du conflit. Les propositions de l'ONU sont acceptées « en principe » par les deux parties mais sont accompagnées de commentaires contradictoires adressés directement à Pérez de Cuellar et Issa Diallo. Ces commentaires ne sont pas communiqués à la commission chargée de la mise en œuvre du plan.

En janvier 1989, une délégation du Polisario est reçue par Hassan II à Marrakech, sans résultat. Peu après, Hassan II déclare que « le Maroc ne cèderait pas un pouce de son territoire[81] » et en octobre qu'« il n'y a rien à négocier, car le Sahara occidental est un territoire marocain[82] ». La dernière offensive significative du Polisario a lieu en octobre-novembre, contre le Mur.

L'affrontement armé direct entre l'armée marocaine et l'armée du Polisario dure jusqu'en septembre 1991, date d'un cessez-le-feu organisé par l'ONU et faisant partie du plan de règlement.

1980-90 : instabilité sociale

Depuis les dernières décennies post-coloniales, le Maroc penche pour une politique nationale agricole alors que ses voisins se tournent vers l'industrie mais cette décision ne suffit pas à enrayer les inégalités sociales qui déclencheront la colère de la population à travers les émeutes de 1981 à Casablanca et de 1984 à Marrakech, puis dans le Nord. Les campagnes agricoles sont victimes d'une longue période de sécheresse, tandis que le chute des cours du phosphate et la politique de rigueur budgétaire imposée par le FMI assombrissent la conjoncture économique. En octobre 1987 le roi Hassan II fait état d'une candidature marocaine pour l'adhésion à la Communauté européenne, mais cette demande n'aboutit pas. Le Maroc obtiendra en revanche le statut de partenaire avancé auprès des institutions européennes.

En revanche, l'année 1988 est celle de la réconciliation officielle entre le Maroc et l'Algérie, concrétisée par le rétablissement des relations diplomatiques et la réouverture des frontières, mesure qui prendra fin en 1994. En 1989 à Marrakech une réunion des cinq chefs d'État maghrébins marque la naissance de l'Union du Maghreb arabe, regroupant le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie[83], et prévoyant à terme l'émergence d'un marché unique et la libre circulation des biens et des personnes. La crise latente entre Rabat et Alger via le conflit au Sahara empêche cependant la réalisation de ces objectifs. En 1984 avait déjà eu lieu une tentative de fusion maroco-libyenne suite au traité d'Oujda[84] pour compenser le retrait du Maroc des instances de l'OUA (suite à la reconnaissance officielle du mouvement sahraoui par l'organisation panafricaine). Mais cette union binationale échoue en 1986 suite à la visite du Premier ministre israélien Shimon Peres à Ifrane et au bombardement de la Libye par les États-Unis (Opération El Dorado Canyon), proches alliés du Maroc. L'hostilité de l'administration Reagan à l'égard du régime de Mouammar Kadhafi entérine donc la fin de l'union maroco-libyenne[85].

1991 à nos jours

Le Maroc se distingue comme faisant partie des pays arabes ayant envoyé un contingent au Koweït aux côtés des Occidentaux pendant la guerre du Golfe (1990-1991), malgré les fortes manifestations populaires dans les rues marocaines en faveur de l'Irak. Sur le plan intérieur, les années 1990 voient s'amorcer une relative libéralisation du régime par le roi Hassan II, politique qui culmine avec la tenue des élections démocratiques de 1997 et la formation d'un gouvernement dit d'alternance, présidé par Abderrahman El Youssoufi de l'USFP (socialiste). Les prérogatives royales restent néanmoins confirmées par les référendums constitutionnels de 1992 et 1996. En 1999, Mohammed VI succède à Hassan II et maintient El Youssoufi au poste de Premier ministre jusqu'en 2002. L'actuel chef du gouvernement est Abbas El Fassi, depuis les élections de 2007 qui ont vu la victoire de l'Istiqlal.

Au début du XXIe siècle, le Maroc se trouve confronté à un certain nombre de crises et de défis : conflit de l'îlot Persil avec l'Espagne en 2002, terrorisme avec les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca[86],[87],attentat du 28 avril 2011 à Marrakech[88],[89],[90],[91]et émeutes sociales de Sidi Ifni en 2008, qui font ressortir toutes les problématiques de ses enjeux nationaux et internationaux.

Le 1er juillet 2011, se tient le référendum visant à modifier la Constitution. Craignant que les soulèvements liés au Printemps arabe dans le reste du Maghreb et au Machrek n'atteignent le Maroc, le roi Mohammed VI propose une série de mesures visant à modifier la Constitution. Ainsi ses propositions visent à permettre la libre expression aux institutions, aux médias et aux habitants; les femmes obtiennent ainsi l'égalité de leurs droits. Il accorde à la langue berbère le statut de langue officielle et accorde plus de pouvoirs aux futurs gouvernements élus par suffrages universels de la population - le roi se réservant un rôle de Monarque constitutionnel auprès des futurs gouvernements élus. Le modèle proposé se compare au régime en vigueur en Espagne. La proposition est plébiscitée favorablement à 98% par plus de 70% des électeurs inscrits; la mise en place de la nouvelle constitution prendra effet un an plus tard, soit au courant de 2012.

Notes et références

  1. B. Lugan, Histoire du Maroc {{{1}}}.15
  2. Durant la période française, le Maroc avait un statut de protectorat et restait donc un État souverain. Répertoire de la jurisprudence de la cour internationale de justice (1947-1992)
  3. Encyclopædia Universalis : Mouvement almoravide
  4. résumé sur le site du ministère marocain de la Culture
  5. B. Lugan, Histoire du Maroc p. 19
  6. a et b Y. Le Bohec « La Maurétanie Tingitane : le Maroc des Romains » sur le site clio
  7. Gabriel Camps, Les G�tules, guerriers nomades dans l'Africa rom aine - Clio - Voyage Culturel
  8. Le Maroc antique de J. Carcopino
  9. Anne Bernet, Les chrétientés d'Afrique, éditions de Paris, 2006, p 174-176.
  10. B. Lugan, Histoire du Maroc, p. 33
  11. Arnold Joseph Toynbee, La Grande Aventure de l'humanité, chap. 42 - 43.
  12. B. Lugan, Histoire du Maroc p. 48-50
  13. H. Terrasse Histoire du Maroc, 1949, T1, p. 104
  14. B. Lugan, Histoire du Maroc p. 52
  15. Livre en consultation libre sur le Net sur la Structure politique du Maroc au cours de l’Histoire
  16. Maroc: les Cités impériales Par Samuel Pickens, Françoise Peuriot, Philippe Ploquin
  17. http://www.zizvalley.com/Page/patrimoine-tafilalt-sijilmassa-ksours.html
  18. TelQuel : Le Maroc tel qu'il est
  19. Paul Balta, Les particularités de l'islam au Maghreb - Clio - Voyage Culturel
  20. Histoire de l'Espagne musulmane: La ... - Google Livres
  21. [1]
  22. Idrissides
  23. Louis Piesse, Itinéraire historique et descriptif de l'Algérie comprenant le Tell et le Sahara, Introduction p.CXLVI (Hachette 1862)Itinéraire historique et descriptif ... - Google Books
  24. Louis Piesse, Itinéraire historique et descriptif de l'Algérie:comprenant le Tell et le Sahara, p.237 (Hachette 1862)Itinéraire historique et descriptif ... - Google Books
  25. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionales, traduit par William Mac- Guckin De Slane, Édition Berti, Alger 2003
  26. Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique Septentrionale De Ibn Khaldūn, William MacGuckin
  27. Al Anis al Motrib w Rawd al Qirtas Fi Akhbar al maghrib wa molouki Fès li Ibn Abi Zarâ
  28. a et b Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères
  29. Encyclopedia Britannica
  30. Kitāb el-istiqça li akhbār doual el-Maghrib el-Aqça: Histoire du Maroc, Aḥmad ibn Khālid al-Salāwī, Publié par Librairieorientaliste Paul Geuthner, 1923. Notes sur l'article: v.30-31, pp. 156 - Google Livres
  31. L'Univers histoire et description de tous les peuples, Rozet et Carette Version du livre en ligne
  32. P. Buresi, Vie et mort des Empires berbères, dans : L'HISTOIRE n.336, 11/2008, p.70-75 (ISSN : 0182-2411)
  33. http://www.universalis.fr/encyclopedie/almoravides/
  34. a, b, c et d http://www.cosmovisions.com/ChronoAlmoravides.htm
  35. in Memorial du Maroc, volume 2 page 194
  36. Quand Al-Qods parlait marocain, Maroc Hebdo, n°860
  37. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, édition Berti, Alger, 2003, p 1181
  38. a et b http://www.memoarts.ma/documentation/merinides.asp
  39. http://www.cosmovisions.com/ChronoMarocMerinide.htm
  40. http://www.universalis.fr/encyclopedie/merinides-les/
  41. Encyclopædia Universalis
  42. [2]
  43. [3]
  44. Wattassides
  45. Le califat imaginaire d’Ahmad al-Mansûr de Nabil Mouline.
  46. Chronologie Maroc, De la décadence mérinide au royaume saadien - Clio - Voyage Culturel.
  47. [Younès Nekrouf in La Bataille des trois rois, chapitre VIII].
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  49. - Google Livres.
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  51. p. 45.
  52. [in Jean Orieux Catherine de Médicis ou la Reine noire].
  53. Saâdiens
  54. (en) Daniel Panzac, Victoria Hobson, Barbary Corsairs: the end of a legend, 1800-1820, BRILL, 2005, 352 p. (ISBN 9004125949) [lire en ligne], p. 201 
  55. Younes Nekrouf Moulay Ismail et Louis XIV, une amitié orageuse
  56. http://www.maroc-hebdo.press.ma/MHinternet/Archives288/Semaine288/LHISTOIRE%20AMERICAINE.html (Archive, Wikiwix, que faire ?)
  57. http://www.lagazettedumaroc.com/articles.php?r=2&sr=576&n=328&id_artl=2897 La Gazette Du Maroc]
  58. Le Maroc dans la tourmente: 1902 ... - Google Livres
  59. Persée
  60. Moulay Hassan I sultan du Maroc
  61. MarocAntan, documents et souvenirs du Maroc d'autrefois: Autour des caïds de Berrechid
  62. Maroc, Constitution de 1908, MJP
  63. voir Guerre d'Afrique
  64. lyautey-institution-protectorat-francais-au-maroc
  65. Jacques Benoist Mechin in Lyautey l'Africain
  66. Abdelkrim el-Khattabi rend les armes
  67. [5]
  68. Introuvable réconciliation entre Alger et Rabat, Le Monde diplomatique
  69. Voir http://countrystudies.us/algeria/157.htm
  70. Alf Andrew Heggoy, Colonial Origins of the Algerian-Moroccan Border Conflict of October 1963, in African Studies Review, Vol. 13, No. 1, (avril 1970), pp. 17-22, version en ligne sur JSTOR
  71. Jacob Mundy, [How the US and Morocco seized the Spanish Sahara http://mondediplo.com/2006/01/12asahara], Le Monde diplomatique, 12 janvier 2006
  72. Anthony G. Pazzanita et Tony Hodges, Historical Dictionary of Western Sahara, Scarecrow Press, 1994, page 276
  73. a et b Laurent Pointier, Sahara occidental, Karthala, 2004, p.209
  74. Résolution 33/31 de l'assemblée générale de l'ONU,13 décembre 1978
  75. voir par exemple Un raid sportif contre le « Mur de la Honte » dans le Sahara LePost.fr
  76. Ridha Kéfi, Voyage dans le fief du Polisario, Jeune Afrique, 26 octobre 2003 lire en ligne
  77. James Minahan, Encyclopedia of the Stateless Nations: S-Z, ISBN 0-313-31617-1, page 1628
  78. Stora, page 162
  79. a et b Jensen, page 33
  80. New York Times, 1er juillet 1986, cité par Jensen, page 34
  81. AFP, 16 janvier 1989
  82. West Africa, numéro du 2-8 octobre 1989
  83. Discours du 20e anniversaire de l'UMA
  84. [6]
  85. Z. Daoud, Les Années Lamalif, p. 322 et 354
  86. attentats du 16 mai 2003 à Casablanca
  87. Casa au paradis
  88. http://www.leparisien.fr/international/marrakech-sept-francais-sont-morts-dans-l-attentat-29-04-2011-1428538.php
  89. Explosion dans un café à Marrakech: L'analyse des premiers indices recueillis sur les lieux confirme la thèse de l'attentat (Intérieur)
  90. Attentat de Marrakech : le bilan passe à seize morts
  91. Marrakech : Mohamed VI se rend sur les lieux de l'attentat

Bibliographie

Sources arabes anciennes

  • Ahmed ben Khaled Ennasiri Esslaoui, Kitab el-istiqça li akhbar doual el-Maghrib el-Aqça, Histoire du Maroc, Archives marocaines, Vol.31, 1925, Les Idrissides et les Almoravides. [lire en ligne (page consultée le 11 février 2010)] Vol.32, 1927, Les Almohades. [lire en ligne (page consultée le 11 février 2010)]
  • Ahmed ben Khaled Ennasiri Esslaoui, Kitab el-istiqça li akhbar doual el-Maghrib el-Aqça, Histoire du Maroc, Archives marocaines, Vol.33, 1934, Les Mérinides.
  • Ahmed ben Khaled Ennasiri Esslaoui, Kitab el-istiqça li akhbar doual el-Maghrib el-Aqça, Trad. E. Fumey : Histoire du Maroc, Quatrième partie, Chronique de la dynastie alaouie au Maroc, Archives marocaines, Vol.9, 1906. [lire en ligne (page consultée le 11 février 2010)] Vol.10, 1907. [lire en ligne (page consultée le 11 février 2010)]

Études contemporaines

  • Henri Terrasse, Histoire du Maroc des origines à l'établissement du Protectorat français, Éditions Atlantides, Casablanca, 1949 ; réédition Éditions Frontispice, Casablanca, 2005
  • Jean Brignon, Guy Martinet, Bernard Rosenberg, Histoire du Maroc, Hatier, 1967 (ASIN: B000EFNOV8)
  • Jacques Benoist-Méchin, Histoire des Alaouites (1268-1971), Perrin, 1994.
  • Bernard Lugan, Histoire du Maroc, Perrin, 2000 (ISBN 2-262-01644-5)
  • Bernard Rosenberger, Le Maroc au XVI siècle. Au seuil de la modernité., Fondation des Trois Cultures, 2008, (ISBN 9954-0-1368-7)
  • Michel Abitbol, Histoire du Maroc, Paris, Perrin, coll. « Pour l'histoire », 23 avril 2009, 756 p. (ISBN 978-2-262-02388-1) [présentation en ligne]  [table des matières (page consultée le 12 juin 2011)]
  • David Bensoussan, Il était une fois le Maroc : témoignages du passé judéo-marocain, éd. du Lys, www.editionsdulys.com, Montréal, 2010 (ISBN 2-922505-14-6)

Voir aussi

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