Histoire acadienne

Histoire acadienne

Histoire de l'Acadie

L'Histoire de l'Acadie s'échelonne sur une période allant de son exploration par Giovanni da Verrazano en 1524 jusqu'à la cession définitive du territoire qui passe aux Britanniques en 1713.

Sommaire

Régimes français et britanniques

Préparatifs

En 1603, au retour d'une mission exploratoire du fleuve Saint-Laurent dirigée par le Malouin François Gravé du Pont qu'il accompagnait à titre de géographe, Champlain apprend que des membres de l'équipage se sont rendus dans l'actuelle baie de Fundy et pensent avoir trouvé un sol riche en minerai. À son retour en France, il en fait part à l'aristocrate huguenot Pierre Dugua sieur de Mons qui obtient alors de la cour le titre de "Lieutenant général des côtes, terres et confins de l'Acadie et autres lieux en Nouvelle-France", et surtout les droits exclusifs pour le commerce des fourrures et la pêche pendant dix ans en Acadie. En revanche, Dugua doit s'engager à établir un minimum de 60 colons par an et à convertir les indiens à la foi chrétienne.

Départ et explorations préliminaires

Après avoir reçu une aide financière de riches marchands, Dugua forme une expédition avec Champlain, Jean de Poutrincourt et un équipage d'artisans, d'architectes, de charpentiers, de maçons, de tailleurs de pierre, de soldats, de deux prêtres catholiques et d'un ministre protestant qui embarquent sur le navire Le Don de Dieu le 10 mars 1604. Un autre bâtiment, La Bonne Renommée, commandé par François Gravé est parti trois jours plus tôt et se dirige lui aussi vers la Nouvelle-France mais, sa mission première étant de faire du commerce sur le fleuve Saint-Laurent, il ne ralliera l'Acadie que plus tard.

Champlain

Dugua et son équipage débarquent le 8 mai dans un endroit de la côte Est de l'actuelle Nouvelle-Écosse qu'ils nomment "La Hève" (aujourd'hui "Lahave" à proximité de Lunenburg) en souvenir du Havre, leur port d'embarquement. Ils naviguent ensuite vers le Sud et font relâche dans une baie en attendant l'arrivée de Gravé. Un mouton du bord étant tombé à l'eau et s'étant noyé, cette baie prend le nom de "Port-au-Mouton" (aujourd'hui Port Mouton).

Champlain embarque alors le 19 mai sur la chaloupe du navire en compagnie d'une dizaine d'hommes et entame l'exploration du littoral en direction du Sud-Ouest jusqu'à la Baie-Sainte-Marie. Celle-ci lui semblant un lieu favorable, il retourne rendre compte à Dugua qui y déplace le Don de Dieu ainsi que La Bonne Renommée, arrivée entre-temps.

Pendant que les deux navires mouillent à la Baie-Sainte-Marie, la chaloupe est à nouveau mise à contribution, cette fois par Champlain et Dugua lui-même qui partent explorer la baie française (aujourd'hui baie de Fundy). Ils découvrent un site qui leur fait forte impression et qu'ils nomment Port-Royal, ne se doutant pas qu'il deviendra plus tard la capitale de l'Acadie. Ils traversent ensuite la baie française et reconnaissent une grande et belle rivière qu'ils nomment Rivière Saint-Jean, du nom du saint du jour (24 juin).

L'Île Sainte-Croix

Sainte-Croix (vers 1613)

Descendant toujours plus au Sud-Ouest, ils atteignent finalement une rivière, nommée Kunatauktuk Skoodik par les Passamaquoddy, qu'ils baptisent Rivière Sainte-Croix (à la frontière du Nouveau-Brunswick et du Maine actuels) car ses branches sont en forme de croix. Ils la remontent et découvrent une petite île qu'ils nomment tout naturellement Île Sainte-Croix.

C'est à cet endroit, qui devient alors le premier établissement permanent français en Amérique, que Dugua fait venir les deux navires et fait débarquer les équipages. Une douzaine de maisons sont construites et agencées de telle façon que l'impression donnée est celle d'un fort. Une cuisine, un magasin, une chapelle sont également érigés, un canon du navire est installé sur une place protégée à l'extrémité sud de l'île et du blé est même planté. L'île est assez proche de la terre pour qu'une communication avec les indiens soit possible et en même temps assez éloignée pour parer à toute attaque. Tout semble donc parfait pour une première colonisation et François Gravé rentre en France à l'automne avec son navire.

Malheureusement, Dugua n'avait pas pensé au froid. L'île Sainte-Croix étant située à la même latitude que la France, il pensait affronter un hiver plus ou moins semblable à celui de la côte atlantique française. Mais le Gulf Stream qui réchauffe les côtes de France ne pénètre pas dans la baie de Fundy qui de plus est balayée par les vents froids du nord venus de l'Arctique. Comble de malchance, l'hiver cette année est très précoce et les premières neiges tombent le 6 octobre 1604. À partir du 3 décembre, des blocs de glace commencent à descendre la rivière et les communications avec le continent, indispensables pour l'approvisionnement en eau douce et en bois sont coupées. Le manque d'eau douce, le scorbut et le froid ont raison de 35 ou 36 des 79 ou 80 hommes (les chiffres ne sont pas officiellement établis), poussant les colons à quitter les lieux dès l'année suivante.

Port-Royal, première tentative

À la mi-juin 1605, une fois le navire de François Gravé revenu de France avec des provisions, Pierre Dugua, Champlain et quelques hommes partent à la recherche d'un lieu plus hospitalier. Ils descendent jusqu'à Cap Cod, mais reviennent bredouilles à Sainte-Croix au début du mois d'août.

Finalement, le temps pressant, il est décidé que le site de Port-Royal, découvert l'année précédente, fera l'affaire pour un deuxième essai. Les maisons de Sainte-Croix sont alors démolies afin de récupérer les matériaux qui sont transportés à Port-Royal, où tout est reconstruit sur le même modèle.

Port-Royal (reconstitution)

Une fois l'installation achevée, Pierre Dugua part pour la France en septembre et ramène avec lui la plupart des survivants de Sainte-Croix, laissant la direction de la colonie à François Gravé.

L'hiver suivant, quoique moins meurtrier avec 12 morts, éprouve néanmoins la colonie naissante et l'été 1606 manque même sonner le glas de Port-Royal. En effet, Dugua n'étant toujours pas revenu de France à la mi-juillet avec le ravitaillement indispensable à la survie des colons, François Gravé quitte Port-Royal avec tous ses hommes, hormis deux ayant accepté de rester garder l'établissement sous la protection de Membertou, chef des Micmacs de la région.

Mais arrivés aux environs du Cap-Sable, ils rencontrent le secrétaire de Dugua qui leur annonce que Jean de Poutrincourt, parti de Sainte-Croix en 1604, est de retour avec le titre de Lieutenant-gouverneur de l'Acadie, et surtout ramène des vivres, une cinquantaine d'artisans, l'avocat Marc Lescarbot et quelques notables, dont son propre fils.

Tout le monde retourne alors à Port-Royal qui reprend vie. Champlain et Poutrincourt repartent explorer vers le sud et descendent jusqu'à Nantucket.

L'hiver suivant (1606-1607) se passe cette fois bien. Lescarbot, devenu le boute-en-train de la colonie, organise des chœurs de chant et surtout, crée la pièce de théâtre "Le Théâtre de Neptune" qui devient ainsi la première représentation théâtrale en Amérique. De son côté, Champlain fonde "l'Ordre du Bon-Temps", le principe étant que chaque homme, à tour de rôle, devient le maître des cérémonies, des festins et des réjouissances d'un soir.

Malheureusement, François Gravé, qui n'a pas connaissance des progrès réalisés, est revenu à Paris et dresse à Dugua un tableau noir de la situation. Dugua, dont les privilèges viennent d'être révoqués par Sully et dont la compagnie de traite doit être dissoute, décide alors de cesser son soutien financier. La colonie n'étant pas encore auto-suffisante, Poutrincourt, Champlain et tous les colons quittent Port-Royal le 11 août 1607 à bord du navire Jonas en laissant la garde des bâtiments à Membertou.

Port-Royal, deuxième tentative

Suite à l'échec de Port-Royal, Champlain, François Gravé et Dugua de Monts se tournent définitivement vers le fleuve Saint-Laurent.

Poutrincourt, quant à lui, a toujours l'espoir de fonder une colonie en Acadie et, le 25 février 1610, embarque à Dieppe pour Port-Royal qu'il retrouve en parfait état, grâce à Membertou. Il réorganise l'établissement et en profite pour baptiser le Chef Micmac et une vingtaine des membres de sa famille le 24 juin 1610, ce qui en fait le premier baptême enregistré en Amérique du Nord. Il renvoie ensuite son navire en France et passe l'hiver suivant avec seulement 23 hommes.

Port-Royal (reconstitution)

Le navire revient le 22 mai 1611 avec entre autres deux missionnaires jésuites et repart avec Poutrincourt et une importante quantité de fourrures en juillet 1611, Port-Royal étant laissé sous le commandement de Charles de Biencourt, le propre fils de Poutrincourt.

La présence des jésuites provoque de nombreux conflits, ceux-ci estimant notamment que le baptême des indiens n'a pas été fait dans les règles. L'affaire est même présentée à la Cour et à la Sorbonne, cette controverse s'achevant par un interdit canonique jeté par les Pères sur Port-Royal.

Suite à ceci, la marquise de Guercheville, qui soutenait matériellement et financièrement Poutrincourt, rompt avec lui. Elle affrète un navire qui arrive à Port-Royal en mai 1613, retire les frères jésuites et part fonder un nouvel établissement sur les côtes du Maine, dans la région de la ville actuelle de Lamoine, qui prend le nom de Saint-Sauveur.

Destruction de l'Acadie

Pendant que les Français se déchirent et divisent leurs forces, les Anglais rattrapent leur retard. Arrivés 3 ans après Dugua, en 1607, ils fondent Jamestown, en Virginie, qui devient le premier établissement permanent anglais en Amérique. En juillet 1613, alors que la colonisation de l'Acadie en est toujours à ses balbutiements, la colonie anglaise, après avoir manqué d'échouer suite à une famine en 1609, est de plus en plus puissante et le Capitaine Samuel Argall est chargé d'effacer toute présence française pouvant menacer Jamestown. C'est ainsi qu'il cingle sur Saint-Sauveur qu'il détruit avant même que les fortifications ne soient terminées, rase ce qui reste de Sainte-Croix et fonce sur Port-Royal dont il ne laisse qu'un moulin et quelques granges. C'en est fini (temporairement) de l'Acadie.

Acadie, comptoir de traite

Lors de l'attaque d'Argall, Poutrincourt se trouvait en France où il se battait pour payer ses dettes et trouver des partenaires pour remplacer la perte du soutien de la marquise de Guercheville. Il réussit finalement à s'associer à des armateurs de La Rochelle et part le 31 décembre 1613 pour arriver le 27 mars 1614 à Port-Royal. D'abord surpris par l'état de la colonie réduite à quelques gîtes de fortune dans lesquels les survivants de l'attaque avaient trouvé refuge, il conclut ensuite que c'en est fini de l'Acadie et repart avec la presque totalité des colons qu'il débarque à La Rochelle en juillet. Poutrincourt mourra l'année suivante en Champagne.

Charles de Biencourt en revanche croit toujours en l'avenir de l'Acadie et ne repart pas avec son père. Il reste sur place avec une poignée d'hommes, dont Charles de La Tour, son bras droit. Ces deux hommes vont se livrer à la traite de fourrure durant les 10 années à venir.

Comme la région de Cap Fourchu (l'actuel Yarmouth) se prêtait mieux au commerce de la fourrure, Port-Royal est abandonné en 1618. Charles de Biencourt meurt au Cap Sable à l'automne 1623 et laisse le commandement de la petite colonie aux mains de Charles de La Tour. L'avenir ne s'annonce pas sous les meilleures auspices pour l'Acadie, devenue un simple comptoir à fourrures.

La Nouvelle-Écosse

Les Français semblant se désintéresser de l'Acadie qui tend à ne plus être qu'un simple comptoir, l'Écossais William Alexander, comte de Sterling, décide d'y établir ses compatriotes. Il obtient du roi Jacques Ier d'Angleterre en 1621 une charte qui en fait le Lord propriétaire des trois provinces maritimes actuelles, région à laquelle il donne le nom de Nouvelle-Écosse, à l'image de la Nouvelle-France et de la Nouvelle-Angleterre voisines.

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Les débuts sont pour le moins décevants, les Écossais se montrant peu empressés à émigrer dans ce territoire inconnu pour eux. Toutefois, la défaite des protestants en France, avec notamment la prise de La Rochelle en 1628, change la donne avec l'entrée en scène des frères Kirke. Ceux-ci, au nombre de cinq, sont tous nés à Dieppe, leur père étant un marchand faisant le commerce entre la France et l'Angleterre. Après s'être réfugiés outre-Manche pour des raisons religieuses, ils décident de se venger des Français en allant conquérir la Nouvelle-France.

C'est ainsi que trois des frères, dont David l'aîné, partent d'Angleterre en 1628 à bord de trois vaisseaux mis à leur disposition par le roi Charles 1er. En cours de route, ils saisissent une flotte française allant ravitailler Québec et les gens du Cap Sable, et font plusieurs prisonniers, dont Claude de La Tour, père de Charles de La Tour, qui commandait l'un des navires.

Arrivés en Acadie, ils s'emparent de Miscou (Nouveau-Brunswick), à l'époque un simple refuge de pêcheurs, puis saisissent le comptoir Thiebée, aujourd'hui Chebogue, ainsi que Port-Royal et Pentagoët. Bref, ils dévastent toute l'Acadie, excepté Cap Sable, qu'ils ne trouvent pas.

Place nette ayant été faite, William Alexander réussit finalement à décider ses compatriotes à émigrer et un premier vaisseau part en 1629. Deux établissement sont créés, l'un dans l'île du Cap-Breton, l'autre sur les ruines de Port-Royal.

Pour faire mieux que les Français, Alexander met en place un système de baronnage : chaque personne contribuant financièrement se voit attribuer un titre de baronnet et c'est ainsi que commence la colonisation britannique de la Nouvelle-Écosse.

Malheureusement pour lui, Alexander s'aperçoit rapidement qu'il ne peut occuper tout le territoire, les frères Kirke ayant négligé l'établissement français de Cap Sable tenu par Charles de La Tour. Il essaye alors d'acheter Claude, le père, en lui promettant gratuitement un titre de baronnet avec une grande étendue de territoire au sud de la Nouvelle-Écosse sous réserve qu'il convainque son fils d'en faire autant.

Claude de La Tour, intéressé par l'offre écossaise, arrive en 1630 à Cap Sable, mais son fils est intraitable et ils en viennent même aux armes, Charles sortant vainqueur de la confrontation. Toutefois, le père finit ensuite par se rendre à la raison du fils, rompt avec les britanniques et part s'établir lui aussi à Cap Sable.

Reprise en main française

Quatre des cinq établissements français d'Acadie ayant été pris par les britanniques (Miscou, Thiébée, Port-Royal et Pentagoët), la France se décide enfin à aider ses colons et envoie deux vaisseaux à l'été 1630 pour fortifier Cap Sable. Charles de La Tour choisit le site des Buttes-de-Sables, actuellement situé dans le village de Villagedale, sur la rive est de la baie de Barrington pour y construire un fort qui prendra le nom de fort Saint-Louis.

Parallèlement, un deuxième fort est construit à l'embouchure de la Rivière Saint-Jean. Charles de La Tour en obtient également le commandement et le nomme fort Sainte-Marie, celui-ci devenant opérationnel à la fin octobre 1632.

Par ailleurs, Charles de La tour est nommé lieutenant général de l'Acadie le 8 février 1631, mais il ne l'apprend que le 16 juillet 1632 grâce à un vaisseau de ravitaillement.

Pendant ce temps, Richelieu, qui suivait de près les affaires de la Nouvelle-France, fait pression auprès du roi d'Angleterre et finit par obtenir par le traité de Saint-Germain-en-Laye signé le 29 mars 1632 le retour sous l'autorité de la France de tous les lieux occupés par les Anglais en Acadie.

C'est pourquoi le 4 juillet 1632, quatre vaisseaux commandés par Isaac de Razilly, chevalier de Malte, quittent la France à destination de l'Acadie pour reprendre possession, dans un premier temps, de Thiebée et Port-Royal. Isaac de Razilly débarque ensuite le 8 septembre 1632 à La Hève pour y fonder une nouvelle colonie, là même où Dugua avait atteint la première fois l'Acadie 28 ans plus tôt, en 1604. Cette fois, les moyens sont à la hauteur des enjeux avec à peu près 300 personnes au total (le chiffre précis n'est pas connu).

Isaac de Razilly portant le titre de lieutenant général, à l'instar de Charles de La Tour, celui-ci part aussitôt pour La Rochelle afin d'éclaircir cette situation ambiguë. Finalement, il est décidé que chacun aura le même titre, mais avec un territoire différent.

Isaac de Razilly, qui s'était vu attribuer la région de la rivière Sainte-Croix, opte finalement pour La Hève où il construit le fort Sainte-Marie-de-Grâce. Charles de La Tour quant à lui garde les forts Saint-Louis et Sainte-Marie qui étaient déjà sous sa juridiction.

En août 1635, Charles d'Aulnay, le second de de Razilly, reprend Pentagoët aux Anglais.

Alors que l'avenir de l'Acadie redevenait rose, la mort de Isaac de Razilly en novembre 1635 à La Hève allait allait à nouveau amener des temps difficiles.

Duel fratricide

Après la mort de son Commandeur, Charles d'Aulnay s'arroge ses pouvoirs et transporte sa colonie de La Hève à Port-Royal, tandis que Charles de La Tour quitte Cap Sable pour son fort de la rivière Saint-Jean, le fort Sainte-Marie. Les deux Lieutenants généraux de l'Acadie se retrouvent alors de part et d'autre de la baie française.

Dans les premiers temps, tout se passe bien avec Charles d'Aulnay s'occupant d'agriculture et de commerce de fourrure à Port-Royal et Pentagoët, tandis que Charles de La Tour se livre à la traite sur les bords de la rivière Saint-Jean et à Cap Sable. La colonie de La Hève, quant à elle, est dirigée par Nicolas Denys, futur personnage incontournable de l'Acadie, qui à cette époque s'adonne au commerce de la pêche, de la fourrure et du bois.

Grâce à son père, René de Menou, conseiller d'état, Charles d'Aulnay parvient néanmoins à influencer le Roi par diverses accusations et, le 21 février 1642, celui-ci émet un arrêt ordonnant la capture de Charles de La Tour et de ses biens. Après plusieurs échecs, d'Aulnay finit par prendre le fort Sainte-Marie le 16 avril 1645, toutefois sans La Tour qui était en déplacement à Boston.

La Tour parti se réfugier à Québec, d'Aulnay règne alors sans partage sur l'Acadie pendant cinq années jusqu'au 24 mai 1650, lorsqu'il se noie à Port-Royal.

Ayant appris cette nouvelle, Charles de La Tour quitte Québec en août 1650 et retourne en France pour essayer d'obtenir sa réhabilitation. Le Roi finit par lui donner raison et, le 25 février 1651, annonce sa nomination en tant que gouverneur et lieutenant général en Acadie. La Tour arrive le 23 septembre de la même année à Port-Royal et reprend ses fonctions, cette fois sans concurrence.

La suite

Les premiers colons européens du territoire, connus plus tard comme Acadiens, étaient les sujets français de la colonie de la Nouvelle-France principalement des régions de Pleumartin et de Poitiers. Les Français prirent le contrôle du territoire des Mi'kmaqs et en 1654, le roi Louis XIV désigna Nicolas Denys comme gouverneur d'Acadie, en lui accordant des terres et les droits sur tous ses minerais.

Le territoire est conquis par des colons anglais au cours de la Guerre de la ligue d'Augsbourg en 1697, mais revient à la France au règlement de paix. Il est de nouveau repris au cours de la Guerre de Succession d'Espagne et sa conquête confirmée par le Traité d'Utrecht en 1713.

Après cette défaite, la France construisit la forteresse de Louisbourg sur l'île Royale (aujourd'hui l'île du Cap-Breton), en prévision d'une nouvelle guerre possible; elle commandait les approches maritimes vers le Québec.

Or, lors de la signature de la paix avec la France, les Anglais cédèrent le territoire à la France et les Écossais durent abandonner leur mission avant que la colonie ne pût s'établir. La forteresse française de Louisbourg fut prise par des forces continentales britano-américaines, puis retournée à la France; elle retomba dans les mains des Britanniques après la conquête de Québec.

Souveraineté britannique

Acadie (1754)

Lorsque l'Acadie passe pour de bon sous la domination des Britanniques, en 1713, ceux-ci commencent à établir leurs propres colonies. Ils demandent aux Acadiens de prêter le serment d'allégeance, ce qu'ils refusent de faire (bien qu'ils acceptent de prêter un serment de neutralité). En 1749, alors que la France tient toujours la forteresse de Louisbourg, à l'île du Cap-Breton, et qu'elle est en train de construire le fort Beauséjour, au Nouveau-Brunswick, la Grande-Bretagne est impatiente de régler le problème acadien.

Grand Dérangement

Déportation des Acadiens

Article détaillé : Déportation des Acadiens.
Lecture de l'ordre de déportation.

En 1755, le gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Charles Lawrence, fait prendre le fort Beauséjour aux mains des Français et commence la Déportation des Acadiens[1]. Jusqu'en 1763, les territoires limitrophes de la Nouvelle-Écosse sont annexés et les Acadiens déportés vers la Nouvelle-Angleterre[2]. De nombreux autres réussissent à s'enfuir vers le Canada, l'île Saint-Jean (actuelle Île-du-Prince-Édouard) ou se cachent chez les Amérindiens[2]. Plusieurs colonies refusent ces prisonniers, qui sont ensuite déportés vers l'Angleterre ou ramenés en Nouvelle-Écosse[3]. L'île Saint-Jean est presque vidée de sa population en 1758. Les deux tiers sont déportés en France alors que les autres se réfugient à la Ristigouche ou au Québec[4]. Les réfugiés d'Angleterre sont expatriés en France en 1763[5]. Des Acadiens se réfugient à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais sont presque tous déportés en 1778. Plus de la moitié des Acadiens meurent durant cette période[3].

Migrations

Après la signature du Traité de Paris en 1763, les Acadiens se déplacent vers les Antilles, en France, en Louisiane et au Québec, mais surtout en Nouvelle-Écosse[6]. 12 000 immigrants de la Nouvelle-Angleterre se sont déjà établis dans les anciens villages acadiens et la loi interdit aux Acadiens de s'établir en communautés trop nombreuses[6]. Ils ont alors la possibilité de s'établir sur certaines terres qui leurs sont réservées parmi les anglophones ou plutôt de fonder de nouveaux villages dans les recoins éloignés de l'ancienne l'Acadie, soit l'île du Cap-Breton, l'Île-du-Prince-Édouard ou le territoire qui deviendra le Nouveau-Brunswick en 1784, ce que la plupart font[6]. Parmi tous les anciens villages du cœur de l'Acadie, les seuls n'étant pas réservés aux anglophones sont Pobomcoup et la rive gauche des Trois-Rivières[6] ainsi que Beaubassin, bien que ce dernier accueille très peu d'Acadiens. Les exilés s'établissent au fur et à mesure à Halifax et au bord du détroit de Canso puis dès 1767 à la Baie-Saint-Marie, à Tousquet et à Pobomcoup et, à partir de 1780, à Chéticamp et Margaree[6].

Près des deux tiers des Acadiens de France se rendent en Louisiane en 1785[7].

Un groupe d'Acadiens de Saint-Malo s'établit aux îles Malouines en 1764. La plupart quittent l'archipel dans les années suivantes mais il semble que quelques familles aient laissées des descendants sur ces îles ainsi qu'à Montevideo, en Uruguay[8].

À partir de 1785, le Madawaska voit l'arrivée des Acadiens, qui avaient dû laisser la basse vallée du fleuve Saint-Jean aux Loyalistes[4]. À la fin du XVIIIe siècle, 36 % des Acadiens sont établis dans les Provinces maritimes et leur retour d'exil se poursuit jusqu'aux années 1820[6]. Jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle, les établissements des Maritimes s'étendent le long des côtes et dans l'arrière-pays[4]. Plusieurs facteurs contribuent aux mouvements de population, mais le plus constant est la présence religieuse. Ainsi, la construction d'une chapelle ou l'établissement d'un prêtre signifient généralement qu'une communauté est établie pour de bon[9]. Durant cette période, l'arrivée de nombreux immigrants britanniques accentue le statut minoritaire des Acadiens[10].

Rétablissement

Au début du XIXe siècle, les Acadiens tentent surtout de combler leurs besoins élémentaires[11]. Toutes leurs ambitions et leur activités sont ainsi liées à leur survie[11]. Aucune institution n'est proprement acadienne. L'Église est la seule institution française et le clergé catholique vient du Québec ou de France[11]. Seuls quelques villages possèdent une école et l'éducation est dispensée par de rares enseignants, pour la plupart des maîtres itinérants[11]. Il n'y a pas de journal francophone, ni même de médecins ni d'avocats ou de classe moyenne[11].

Renaissance acadienne

Les Acadiens commencent à s'exprimer en tant que peuple dans les années 1830 et élisent leurs premiers députés aux assemblées législatives des trois Provinces maritimes dans les années 1840 et dans les années 1850[11]. Le poème Evangéline (1847), de l'écrivain américain Henry Longfellow, exerce une influence indéniable[11].

François-Xavier Lafrance, un prêtre originaire du Québec, ouvre en 1854 à Memramcook le premier établissement d'enseignement supérieur de langue française, le Séminaire Saint-Thomas[11]. Il doit fermer ses portes en 1862 mais il est rouvert deux ans plus tard par des prêtres de la Congrégation de Sainte-Croix et devient le Collège Saint-Joseph[11]. Le premier journal francophone des Maritimes, Le Moniteur acadien, est fondé en 1867 à Shédiac[11]. D'autres journaux suivront, dont L'Impartial, fondé en 1893 à Tignish, à l'Île-du-Prince-Édouard et L'Évangéline, qui fut le plus durable, publié de 1887 à 1982[11].

Les communautés religieuses féminines qui s'établissent en Acadie y jouent un rôle essentiel dans l'éducation et les soins de santé[11]. Les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, de Montréal, ouvrent des pensionnats à l'Île-du-Prince-Édouard[11]. En 1868, les Sœurs de Saint-Joseph prennent la direction du lazaret de Tracadie, au Nouveau-Brunswick, et s'établissent aussi à Saint-Basile où leur pensionnat deviendra plus tard le Collège Maillet[11].

Les Acadiens font part de leurs opinions sur la scène politique juste avant la Confédération canadienne[11]. Au Nouveau-Brunswick, ils votent en majorité contre la Confédération à deux reprises[11]. Bien qu'ils ne soient pas les seuls à s'opposer à la Confédération, de nombreuses personnalités politiques les accusent d'être réactionnaires[11].

Période nationaliste

Une classe moyenne se forme à partir des années 1860[11]. Bien que le Collège Saint-Joseph et le Collège Sainte-Anne contribuent à la formation d'une élite instruite, l'Acadie compte au moins quatre catégories d'élite[11]. Les deux plus en vue sont le clergé et les membres des professions libérales, soit les avocats, les médecins et les notaires[11]. De plus, même si les agriculteurs et les commerçants acadiens ne bénéficient pas d'un capital considérable comme leurs homologues anglophones, bon nombre d'entre eux réussissent tout de même à se distinguer[11].

Les conventions nationales acadiennes sont tenues de manière intermittentes à partir de 1881 dans différentes localités[11]. Elles sont des tribunes publiques qui permettent à la population de parvenir à un consensus sur des projets importants comme la promotion du développement agricole, l'éducation en français et la mise en place d'un clergé catholique acadien[11].

La Société nationale de l'Acadie, qui a pour but de promouvoir le fait acadien, est fondée en 1881[11]. L'Acadie se dote ainsi de symboles nationaux : un drapeau, une fête nationale, une devise et un hymne national[11]. En 1912, Édouard Leblanc devient le premier évêque acadien en 1912, un événement considéré comme l'une des plus grandes victoires[11].

Fondation d'Allardville le 12 septembre 1932.

Au moins trois communautés religieuses sont constituées entre 1881 er 1925[11]. Les couvents dirigés par ces religieuses contribuent de façon indéniable à améliorer l'éducation des Acadiennes et à rehausser la vie culturelle de la collectivité[11]. Ces communautés fondent également les premiers collèges pour jeunes filles en Acadie[11].

À cette époque, quelques femmes parviennent, par la voie des journaux, à exprimer leurs opinions sur des questions importantes[11]. Elles abordent aussi les droits de la femme, notamment le droit de vote et l'accès à l'éducation[11].

La période nationaliste est caractérisée par une importante évolution économique, représentée par l'intégration complète des Acadiens dans le processus d'industrialisation et d'urbanisation canadien[11]. Bien que l'exode rural soit moins prononcé en Acadie qu'ailleurs au Canada, nombreux sont ceux qui s'établissent à Moncton, à Yarmouth, à Amherst et dans les villes de la Nouvelle-Angleterre, où les hommes travaillent dans des usines et les femmes dans des filatures[11].

Certains membres de l'élite acadienne se méfient d'une telle évolution, qui risquerait selon eux une assimilation à la masse anglo-saxonne[11]. De 1880 à 1940, des mouvements de colonisation cherchent à freiner l'exode de la population, à détourner les Acadiens de l'industrie de la pêche, qui appartient en majeure partie à des compagnies étrangères, et à aider les familles à faire face aux conditions difficiles de la Grande Dépression. Le mouvement coopératif, en particulier le mouvement d'Antigonish des années 1930, permet enfin aux pêcheurs exploités pendant des générations de travailler de façon autonome[11].

Certaines différences régionales se manifestent aussi. La communauté acadienne du Nouveau-Brunswick, plus importante et plus sûre d'elle-même, prend l'initiative de parler au nom de tous les Acadiens[11].

Durant les années 1950, les Acadiens deviennent de plus en plus présent dans l'économie, la politique et la culture des provinces maritimes[11]. La préservation des valeurs et de la culture à domicile facilite la mise sur pied d'un système d'éducation francophone, en particulier au Nouveau-Brunswick[11]. La vitalité de la culture acadienne ainsi que son originalité face aux cultures canadiennes anglaises et américaines réduit les effets de l'assimilation et aident les Acadiens à être reconnus en tant que minorité dans les Maritimes[11].

La survie de la culture acadienne n'est pas assurée malgré toutes ces victoires[11]. Durant les années 1960, le Mouvement souverainiste du Québec et l'opposition au bilinguisme dans l'Ouest ont un impact partout au Canada[11]. Les Acadiens sont alors divisés mais surtout ignorés entre les deux camps. Néanmoins, ils peuvent faire des progrès en vue de préserver leurs droits[11].

Période post-nationaliste


Notes et références

  1. Nicolas Landry et Nicole Lang, Histoire de l'Acadie, Les éditions du Septentrion, Sillery, 2001 (ISBN 2-89448-177-2), p. 82 .
  2. a  et b Landry et Lang (2001), op. cit.,p. 89.
  3. a  et b Landry et Lang (2001), op. cit.,p. 92.
  4. a , b  et c Landry et Lang (2001), op. cit.,p. 129.
  5. Landry et Lang (2001), op. cit.,p. 96.
  6. a , b , c , d , e  et f Landry et Lang (2001), op. cit.,p. 128.
  7. Landry et Lang (2001), op. cit.,p. 97.
  8. (fr) Jacques Leclerc L'aménagement linguistique dans le monde - Îles Malouines
  9. Jean Daigle et Samuel P. Arsenault, La Géographie et les Acadiens, L'Acadie des Maritimes, Centre d'études acadiennes, Université de Moncton, Moncton, 1980 (ISBN 2921166062), p. 114 .
  10. Landry et Lang (2001), op. cit.,p. 127.
  11. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r , s , t , u , v , w , x , y , z , aa , ab , ac , ad , ae , af , ag , ah , ai , aj , ak , al , am , an , ao  et ap Anselme Chiasson et Nicolas Landry, « Histoire de l'Acadie » sur L'encyclopédie canadienne
  • Petit manuel d'histoire d'Acadie - des débuts à 1670, La Librairie Acadienne, Université de Moncton, Rev. Clarence-J. d'Entremont, 1976.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • L'Arcadie - Histoire des Acadiens du XVIIè siècle à nos jours, Yves Cazaux, Éditions Albin Michel, 1992, ISBN 2-226-05717-X

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