Henry Poulaille

Henry Poulaille

Henry Poulaille, né le 5 décembre 1896 à Paris et mort le 30 mars 1980 à Cachan, est un écrivain anarchiste français.

Biographie

Fils d'un charpentier anarchiste originaire de Nantes et d'une canneuse de chaise de Ménilmontant, il se retrouve orphelin à 14 ans. Autodidacte (il obtient seul le certificat d'études, à l'âge de 12 ans), passionné par les livres, il fréquente les milieux libertaires. Il rencontre ainsi Jean Grave, Paul Delesalle, Victor Serge (Kilbatchiche)[1]. Mobilisé, il connaît le front où il est blessé.

Il est embauché en 1923 aux éditions Grasset, comme directeur du service de presse. Il exercera jusqu'à sa mise à la retraite en 1956 un rôle de conseiller littéraire sans jamais en posséder le titre.

C'est néanmoins aux éditions Valois (dirigées par Georges Valois) qu'il mène son combat pour la littérature prolétarienne avec un livre manifeste (Le Nouvel âge littéraire), une revue (Nouvel âge littéraire puis Nouvel âge), une collection (Les romans du Nouvel âge).

Il consacre toute son énergie à la promotion de la littérature prolétarienne, fait découvrir de nombreux auteurs issus du monde du travail. Nouvel Âge littéraire (1930), son livre manifeste retrace l’histoire de cette littérature.

Durant les années 1920 et 1930, il fonde et anime de nombreuses revues, souvent éphémères, telles Nouvel Âge, Prolétariat, À contre courant ; il participe à de nombreuses autres publications : Monde, Esprit, Peuple, La Flèche, Le Libertaire, L'Insurgé; il publie ou fait publier de nombreux écrivains français et étrangers : Henri Barbusse, Lucien Bourgeois, Blaise Cendrars, Eugène Dabit, John Dos Passos, Ferreira de Castro, Jean Giono, Panaït Istrati, Andreas Latzko, Constant Malva, Marcel Martinet, Charles-Ferdinand Ramuz, Victor Serge, Franz Werfel. En 1935, il crée avec Marcel Martinet Le Musée du soir, cercle prolétarien, à la fois bibliothèque et lieu de débat, considéré comme le véritable ancêtre des maisons de la culture[2] et qui fonctionne jusqu'en 1939. Il en est de même pour l'Equipe qu'il développe avec le peintre Joseph Lacasse (conférences, expositions, théâtre, puis en 1939 revue) dans un local situé 79/81 Boulevard Montparnasse. À la Libération et jusqu'en 1948, il publie la revue prolétarienne Maintenant, dont le dernier numéro est un numéro spécial consacré à la révolution de 1848.

Il s'attire l'hostilité du Parti communiste pour son refus de tout embrigadement, puis en raison de son soutien à Victor Serge. Proche de Marcel Martinet et de Henri Barbusse dans les années 1926-1928, il a toujours refusé d'adhérer au parti communiste. Son œuvre et ses écrits ont été bien accueillis à cette époque en Union soviétique. Mais, après le congrès de Kharkhov, au moment où les soviétiques définissent l'esthétique officielle de l'Union des écrivains – le réalisme socialiste –, il est l'objet d'attaques virulentes qui atteignent leur point culminant en 1932[3].

Pourtant son engagement humanitaire, pacifiste et antimilitariste a pu se manifester à bien des reprises :

- En 1925, il signe un manifeste contre la guerre du Maroc. - En 1927, il signe la pétition (parue le 15 avril dans la revue Europe contre la loi sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre qui abroge toute indépendance intellectuelle et toute liberté d’opinion. Son nom côtoie ceux de Alain, Lucien Descaves, Louis Guilloux, Jules Romains, Séverine… - En 1933, il monte un comité de soutien à Victor Serge, écrivain français trotskyste qui avait été déporté par Staline en Sibérie. - En 1939, il est un moment incarcéré pour avoir signé le tract pacifiste de Louis Lecoin : Paix immédiate, étant un des rares, avec Louis Lecoin, à ne pas désavouer après coup sa signature. - Plus tard, en 1963, il signe aussi la lettre de Louis Lecoin pour la reconnaissance du statut d'objecteur de conscience.

Sur le plan littéraire, il a cherché à promouvoir la littérature prolétarienne, en la distinguant du populisme et de la littérature des prolétariens communistes. Se réclamant de l'œuvre de Jules Michelet, de Charles Péguy, de Georges Sorel, mais aussi de Ramuz, il appelait de ses vœux une littérature faite par le peuple et pour le peuple, c'est-à-dire qui soit l'œuvre d'écrivains véritablement issus du peuple. Constant Malva, mineur du Borinage ou Rose Combe, garde-barrière auvergnate, qu'il publie dans sa série "Les romans du Nouvel âge" en sont deux exemples. Pour être "authentique", l’écrivain se doit de connaître à fond le milieu qu’il veut peindre. L’écrivain qui veut dépeindre la classe ouvrière doit donc y être né. « Pour parler de la misère, il faut l’avoir connue » déclare Poulaille[4]. A partir des années 1940, il se tourne vers d'autres manifestations de la culture populaire, comme les "Noëls", les "chansons de toile" et s'intéresse aux nouveaux médias (disque et cinéma).

Œuvres

Il est l'auteur de plusieurs romans, d'inspiration autobiographique[5]  :

  • Ils étaient quatre (1925),
  • Le Pain quotidien : 1903-1906 (1931),
  • Les Damnés de la terre (Le Pain quotidien 2 : 1906-1909) (1935),
  • Pain de soldat : 1914-1917 (1937),
  • Les Rescapés : Pain de soldat 2, 1917-1920, 1938,
  • Seul dans la vie à 14 ans (inédit de son vivant, publié chez Stock en 1980, à intercaler entre Les Damnés de la terre et Pain de soldat).
Dans ses romans, Poulaille met en scène une famille ouvrière : les Magneux. Il prête une partie de son expérience à Loulou Magneux, son double littéraire. Fils d'un charpentier victime d'un grave accident du travail (dans Le Pain quotidien, qui correspond aux années 1903-1906), Loulou perd ses parents très jeunes (à la fin des Damnés de la terre), à quelques mois d'intervalle : Hortense Magneux meurt de la tuberculose. Les voisins et amis des Magneux, les Radigond, manifestent leur solidarité lors de l'accident d'Henry Magneux. Poulaille recrée le petit monde, pittoresque et gouailleur, du Paris populaire qu'il a connu. Sa vision du peuple, à l'inverse de Zola, est apologétique : le peuple est solidaire et si l'alcoolisme sévit, il ne touche que des personnages secondaires. Les Damnés de la terre (correspondant aux années 1906-1910) accorde une large place aux mouvements politiques et sociaux des années 1906-1910, vus par Magneux, grand lecteur (comme l'était le père de Poulaille) et ses amis anarcho-syndicalistes : grève des viticulteurs de 1907, manifestation Ferrer, manifestation du premier mai 1907, grève des cheminots et des postiers de 1909...
Dans l'entre-deux guerres, ses œuvres ont fait l'objet de nombreuses éditions et de multiples traductions ; elles sont peu rééditées actuellement. Sont notamment disponibles : Le Pain de Soldat (Grasset, collection Cahiers rouges) et Les Damnés de la Terre (éditions Les Bons Caractères, rééd. 2007). Ses autres romans, tels Le Pain quotidien (tome 1) ou Seul dans la vie à 14 ans, sont trouvables en occasion ou dans les stocks des libraires libertaires.


Pendant et après la guerre, Poulaille s'est consacré à des anthologies de contes, de noëls ou de chansons qui restent encore de nos jours des outils de référence (notamment ses trois volumes sur les noëls) :

  • La Fleur des chansons d'amour du XVIe siècle : chansons sentimentales, chansons ironiques, chansons libres, chansons conservées par la tradition orale, chansons littéraires signées, éd.H. Poulaille. Paris : B. Grasset ; (Dijon, impr. de Darantière), 1943. 8°, 432 p.
  • Il était une fois : 80 contes de tous les temps et de tous les pays, présentés par Henry Poulaille et René Poirier. Illustrés par Beuville, C. Chopy, H. Crosnier, H. Dimpre, S. Jung, P. Leroy.... Paris : Gründ ; (Toulouse, Impr. régionale), 1947. 8°, 606 p. + 15 pl.
  • La Grande et belle Bible des Noëls anciens du XIIe au XVIe siècle, éd. H. Poulaille. Paris : Albin Michel, 1942.
  • La Grande et belle Bible des Noëls anciens : XVIIe et XVIII siècles, éd. H. Poulaille. Paris : Albin Michel, 1950.
  • La Grande et belle Bible des Noëls anciens : noëls régionaux et noëls contemporains, éd. H. Poulaille. Paris : Albin Michel, 1951.


Les éditions Plein Chant (16120 Bassac), spécialisées dans la littérature prolétarienne, éditent les Cahiers Henry Poulaille.

Notes

  1. Jean Maitron et Claude Pennetier, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, t. 39, 4e partie, 1914-1939 : de la première à la seconde Guerre mondiale : Pioch à Raz, 1991
  2. J. P. de Beaumarchais, Daniel Couty, Alain Rey, Dictionnaire des littératures de langue française, article "Poulaille". Paris : Bordas, 1987.
  3. Karl-Anders Arvidsson, Henry Poulaille et la littérature prolétarienne française des années 1930. Göteborg : Acta Universitatis Gothoburgensis ; Paris : Jean Touzot, 1988.
  4. Henry Poulaille, « La littérature et le peuple ». In Les Humbles, décembre 1937, p. 35.
  5. La plupart des dictionnaires de littérature consacrent un article à Poulaille. Voir par exemple : André Bourin et Jean Rousselot, Dictionnaire de la littérature française contemporaine. Paris : Larousse, 1966. Voir surtout Michel Ragon, Histoire de la littérature prolétarienne en France. Paris : Albin Michel, 1974.

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