Génie génétique

Génie génétique
Grains de blé résistants à une maladie, obtenus à partir d’une enzyme fabriquant naturellement des antibiotiques

Le génie génétique (ou ingénierie génétique[1]) est un ensemble de techniques, faisant partie de la biologie moléculaire et ayant pour objet l’utilisation des connaissances acquises en génétique pour utiliser, reproduire, ou modifier le génome des êtres vivants.

Il a souvent pour but la modification des génotypes, et donc des phénotypes.

Le génie génétique est un champ très actif de la recherche car les applications possibles sont multiples, notamment en santé humaine (correction d’un gène porteur d’une mutation délétère, production de protéines thérapeutiques, élimination de séquences virales persistantes, etc.), en agriculture biotechnologique (mise au point de nouvelles générations de plantes génétiquement modifiées, etc.) ou encore pour la mise au point d’outils destinés à la recherche (par exemple pour explorer la fonction d’un gène).

Sommaire

Historique

Articles connexes : génétique et ADN.

Au début du XXe, la redécouverte des travaux de Mendel (1822-1888) et les travaux de Morgan (1866-1945) sur des mouches permettent de comprendre que l'hérédité est due à la transmission de particules appelés gènes, disposés de manière linéaire sur les chromosomes. Dans les années 1950, est mise en évidence la nature chimique des gènes, ainsi que la structure moléculaire de l'ADN. En 1965, découverte des enzymes de restriction confirmée en 1973 par Paul Berg et ses collaborateurs[2]. Ces protéines capables de découper et recoller précisément l’ADN, donnent aux chercheurs les outils qui leur manquaient pour établir une cartographie du génome. Elle ouvre aussi la voie à la transgénèse, qui permet d'intervenir in vitro sur des portions d'ADN et donc des gènes. La technologie de l'ADN recombinant permet l'insertion d'une portion d'ADN (un ou plusieurs gènes) dans un autre ADN[3].

Chez certains organismes, les technologies mises au point pour introduire un gène dans la cellule vivante restent cependant limitées par le caractère aléatoire de l’insertion de la nouvelle séquence dans le génome. Positionné aléatoirement, le nouveau gène peut inactiver ou perturber le fonctionnement de gènes tiers, ou même être à l’origine d’effets indésirables graves comme le déclenchement d’un processus de cancérisation. Les technologies d'insertion non ciblées ne permettent pas d’obtenir de reproductibilité de l’expérience  : il n’y a pas de garantie que la nouvelle séquence soit insérée toujours au même endroit.

Depuis la fin des années 1990, une nouvelle génération de technologies, capitalise sur des connaissances et des technologies plus récentes, comme les méganucléases et les nucléases à doigts de zinc. Elles permettent d’intervenir sur une zone spécifique de l’ADN afin d’accroître la précision de la correction ou de l’insertion pratiquée, de prévenir ainsi les toxicités cellulaires et d’offrir une reproductibilité fiable de l'intervention.

Ces nouvelles technologies d'ingénierie génomique, avec la génomique synthétique (conception de génomes artificiels), figurent actuellement parmi les technologies les plus prometteuses en termes de recherche biologique appliquée et d’innovation industrielle.

Production d’organismes génétiquement modifiés

Article détaillé : organisme génétiquement modifié.

La production d’OGM fait intervenir la plupart du temps une transgénèse, qui permet d’introduire dans le génome d’un être vivant de nouveaux gènes, par insertion de portions d’ADN.

Génie génétique appliqué à l'Homme

Articles détaillés : thérapie génique et analyse génétique.

Le génie génétique, l'une des principales avancées scientifiques du vingtième siècle, présente un fort potentiel de développement. Les possibilités d'application qu'il offre dans la recherche biomédicale suscitent à la fois des espoirs et des craintes.

Outils du génie génétique

Recombinaison homologue

Les premières tentatives de modification des génomes ont consisté à modifier des séquences génétiques en utilisant uniquement la recombinaison homologue. Ce mécanisme de maintenance naturel de l’ADN permet de réparer un brin d’ADN en utilisant comme modèle une séquence homologue située sur un autre brin.

Il est possible d’induire des recombinaisons homologues entre l’ADN naturel d’une cellule et un brin d’ADN exogène introduit par les chercheurs, en utilisant comme vecteur le génome modifié d’un rétrovirus par exemple. Le phénomène de recombinaison est suffisamment souple pour qu’il soit possible d‘introduire un certain niveau de changement (ajout, suppression ou modification d’un portion d’ADN) au niveau de la zone d’homologie visée.

Dès les années 1980, Mario R. Capecchi et Oliver Smithies ont travaillé sur la recombinaison homologue de l'ADN comme outil de « ciblage de gène », c’est-à-dire comme instrument d’inactivation ou de modification de gènes précis. Avec la collaboration de Martin J. Evans, ils ont mis au point un procédé permettant de modifier le génome de souris en modifiant l’ADN de cellules souches embryonnaires murines en culture, et en injectant ces cellules souches modifiées dans des embryons de souris. Les souris génétiquement modifiées ainsi générées permettent d’étudier des maladies humaines en laboratoire. C’est aujourd’hui un outil couramment utilisé en recherche médicale. Les travaux des trois chercheurs leur ont valu le Prix Nobel de médecine en 2007[4] .

Enzymes de restrictions

Les enzymes de restriction couramment utilisées en biologie moléculaire pour couper l’ADN interagissent avec des séquences constituées de 1 à 10 nucléotides. Ces séquences, très courtes et souvent palindromiques, sont généralement présentes à plusieurs endroits du génome (le génome humain comprend 6,4 milliards de bases). Les enzymes de restriction sont donc susceptibles de couper la molécule d’ADN à de multiples reprises.

Pour pratiquer une chirurgie des génomes précise et sûre, les scientifiques se sont donc tournés vers des outils plus précis. L’ingénierie ciblée des génomes est rendue possible par l’utilisation d’enzymes capables de reconnaître et d’interagir avec des séquences d’ADN suffisamment longues pour n’exister, en toute probabilité, qu’en un exemplaire unique dans un génome donné. L’intervention sur l’ADN se produit alors précisément au niveau de la séquence ciblée. Avec des sites de reconnaissance de plus de 12 paires de bases, les méganucléases et les nucléases à doigts de zinc répondent à ces critères de spécificité.

Une fois la coupure de l’ADN effectuée, les mécanismes naturels de réparation de l’ADN et la recombinaison homologue permettent d’incorporer une séquence modifiée ou un gène nouveau.

Le succès de ces différentes étapes (reconnaissance, coupure, recombinaison) dépend de divers facteurs, parmi lesquels l’efficacité du vecteur qui introduit l’enzyme dans la cellule, l’activité enzymatique de coupure, les capacités cellulaires de recombinaison homologue et probablement l’état de la chromatine au locus considéré.

Méganucléases

Article détaillé : méganucléase.

Découvertes à la fin des années 1980, les méganucléases sont des enzymes de la famille des endonucléases qui présentent la caractéristique de reconnaître des séquences d’ADN de grande taille, de 12 à 40 paires de bases[5]. Parmi ces méganucléases, les protéines du groupe LAGLIDADG, qui doivent leur nom à une séquence d’acides aminés conservée, sont les plus nombreuses et les mieux connues.

Ces enzymes ont été identifiées dès les années 1990 comme des outils prometteurs pour l’ingénierie des génomes. Néanmoins, malgré leur diversité dans la nature, et même si chacune d’elles peut présenter de petites variations de son site de reconnaissance de l’ADN, il existe trop peu de chances de trouver la méganucléase adaptée à l’intervention sur une séquence d’ADN bien déterminée. Chaque nouvelle cible d’ingénierie génomique nécessite ainsi une première phase d’ingénierie protéique afin de produire une méganucléase sur mesure.

Nucléases à doigts de zinc

Article détaillé : nucléase à doigt de zinc.

Les nucléases à doigt de zinc sont des enzymes de restrictions synthétiques créées en fusionnant des domaine à doigt de zinc avec des domaine de coupure de l'ADN. La combinaison de 6 à 8 doigts de zinc dont les domaines de reconnaissance ont été caractérisés, il est possible d’obtenir des protéines spécifiques de séquences d’une vingtaine de paires de bases. On peut ainsi contrôler l’expression d’un gène spécifique. Il a été montré que cette stratégie permet de promouvoir un processus d’angiogenèse chez l’animal[6]. Il est également possible de fusionner la protéine ainsi construite avec le domaine catalytique d’une endonucléase afin de provoquer une cassure ciblée de l’ADN et d’utiliser ces protéines comme outils d’ingénierie des génomes[7].

Les nucléases à doigts de zinc sont des outils de recherche et développement qui ont déjà été utilisé pour modifier des génomes variés, notamment par les laboratoires fédérés dans le Zinc Finger Consortium. L’entreprise américaine Sangamo Biosciences utilise les nucléases à doigts de zinc pour des travaux sur l’ingénierie génétique des cellules souches et la modification de cellules immunitaires à des fins thérapeutiques[8],[9]. Des lymphocytes T modifiés font actuellement l’objet d’essais cliniques de phase I, portant sur le traitement d’un cancer du cerveau (le glioblastrome) et la lutte contre le SIDA[10].

Notes et références

  1. En anglais genetic engineering.
  2. Encyclopédie Universalis, v. 11, 2005, article Organismes génétiquement modifiés - repères chronologiques
  3. CIRAD Dossier ogm
  4. The Nobel Prize in Physiology or Medicine 2007
  5. Stoddard BL (2006). Homing endonuclease structure and function. Quartely Reviews in Biophysics; 38(1): 49-95.
  6. Rebar EJ, Huang Y, Hickey R, Nath AK, Meoli D, Nath S, Chen B, Xu L, Liang Y, Jamieson AC, Zhang L, Spratt SK, Case CC, Wolfe A, Giordano FJ, « Induction of angiogenesis in a mouse model using engineering transcription factors », Nature Medicine, n° 8, pp. 1427-1432, 2002.
  7. H-G, Cha J, Chandrasegaran, « Hybrid restriction enzymes : Zinc finger fusions to Fok I cleavage domain », Proceedings of National Academy of Sciences of the United States of America, n° 93, pp. 1156-1160, 2007.
  8. Reik A et al (2008). Zinc finger nucleases targeting the glucocorticoid receptor allow IL-13 zetakine transgenic CTLs to kill glioblastoma cells in vivo in the presence of immunosuppressing glucocorticoids. Mol. Ther.; 16:S13-S14..
  9. Holt N et al (2010). Human hematopoitic stem/progenitor cells modified by zinc-finger nucleases targeted to CCR5 control HIV-1 in vivo. Nature Biotech.; 28:839-847.
  10. Fyodor D. Urnov, Edward J. Rebar, Michael C. Holmes, H. Steve Zhang et Philip D. Gregory, « Genome editing with engineered zinc finger nucleases », Nature Reviews, vol. 11, pp. 636-646, 2010. PMID : 20717154

Voir aussi

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