Giuseppe Verdi

Giuseppe Verdi
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Giuseppe Verdi
Giuseppe Verdi photographié par Giacomo Brogi
Giuseppe Verdi photographié par Giacomo Brogi

Surnom Le cygne de Busseto
Nom de naissance Giuseppe Fortunino Francesco Verdi
Naissance 10 octobre 1813
Roncole Drapeau de l'Empire français Empire français
Décès 27 janvier 1901 (à 87 ans)
Milan Flag of Italy (1861-1946).svg Royaume d'Italie
Activité principale Compositeur
Style Période romantique
Activités annexes Propriétaire terrien,
député (de 1861 à 1865), sénateur (en 1874)
Lieux d'activité Busseto, Sant'Agata  Duché_de_Parme,_Milan_ Royaume_lombard-vénitien_puis_Bandiera del ducato di Parma, Piacenza e Guastalla.gif Duché de Parme, Milan  Royaume_lombard-vénitien_puis_Drapeau: Royaume lombard-vénitien Royaume lombard-vénitien puis Flag of Italy (1861-1946).svg Royaume d'Italie, Paris Drapeau français Empire français
Années d'activité 1835-1901
Collaborations Temistocle Solera, Salvatore Cammarano, Francesco Maria Piave, Arrigo Boito, librettistes
Éditeurs Giovanni et Giulio Ricordi
Maîtres Vincenzo Lavigna
Élèves Emanuele Muzio
Conjoint Margherita Barezzi
Giuseppina Strepponi
Distinctions honorifiques Ordre de Saint-Stanislas
Œuvres principales

Giuseppe Fortunino Francesco Verdi est un compositeur romantique italien, né le 10 octobre 1813 à Roncole et mort le 27 janvier 1901 à Milan. Son œuvre, composée essentiellement d’opéras très populaires de son vivant, connaît encore aujourd’hui un grand succès.

Verdi est l’un des compositeurs d’opéra italien les plus influents du XIXe siècle, influence comparable à celle de Bellini, Donizetti et Rossini mais dans la deuxième moitié du siècle. Ses œuvres sont fréquemment jouées dans les maisons d’opéra du monde entier et, dépassant les frontières du genre, certains de ses thèmes sont depuis longtemps inscrits dans la culture populaire comme « La donna è mobile » de Rigoletto, le « Brindisi » de La traviata, le chœur « Va, pensiero » de Nabucco, le « Coro di zingari » d' Il trovatore ou la « Marche triomphale » d'Aida. Les opéras de Verdi dominent encore le répertoire de l'art lyrique un siècle et demi après leur création.

Visionnaire et engagé politiquement, il demeure, aux côtés de Garibaldi et Cavour, une figure emblématique du processus de réunification de la péninsule italienne, le Risorgimento.

Sommaire

Biographie

Lorsque Verdi naît, le 10 octobre 1813, dans le petit village des Roncole, proche de Busseto en Bassa parmense, la région de Parme est alors sous domination napoléonienne et est appelée le département français du Taro.

Les troupes autrichiennes reprennent cependant le Duché de Parme et Plaisance à peine quelques mois plus tard, en février 1814. La région restera sous le règne de l’archiduchesse Marie-Louise d'Autriche, l’ex-impératrice des Français, jusqu’à la mort de celle-ci en 1847. Verdi aura malgré tout été français durant les quatre premiers mois de sa vie, ce que semble avoir voulu dissimuler sa mère. Sans doute pour des motifs stratégiques de carrière future, elle a constamment déclaré à son fils qu’il était né le 9 octobre 1814. Verdi a d’ailleurs tout au long de sa vie fêté son anniversaire les 9 octobre. L’acte de naissance de Verdi porté à l’état-civil de la commune de Busseto est ainsi rédigé en français :

« L’an mil huit cent treize, le jour douze d’octobre, à neuf heures du matin, par devant nous, adjoint au maire de Busseto, officier de l’état civil de la Commune de Busseto susdite, département du Taro, est comparu Verdi Charles, âgé de vingt huit ans, aubergiste, domicilié à Roncole, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né le jour dix courant, à huit heures du soir, de lui déclarant et de la Louise Uttini, fileuse, domiciliée aux Roncole, son épouse, et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Joseph-Fortunin-François[1]. »

Les origines socio-familiales

La branche paternelle

Les départements français d’Italie : en haut, en rose, le département du Taro

Depuis trois cents ans, la famille paternelle de Verdi vit sur le territoire de Sant’Agata, un hameau de la commune de Villanova sull'Arda dans la province de Plaisance, en Bassa padana, à peu de distance de Busseto. Giuseppe Antonio, le grand-père du musicien, et son épouse, Francesca Bianchi, originaire de Villanova sull’Arda, ont douze enfants. Dans les années 1780, sans doute poussés par l’insuffisance des revenus d’un domaine par trop modeste pour une si grande famille, les Verdi émigrent aux Roncole où naissent les cinq derniers enfants. Ils y tiennent une ferme-auberge, l’Osteria vecchia et exploitent dans le même temps quelques arpents de terre. À la mort de Giuseppe Antonio, Carlo, le père du compositeur, alors âgé de dix-neuf ans, seconde sa mère à l’auberge. Il épouse Luigia Uttini en 1805. Le couple est installé à l’Osteria vecchia depuis huit ans lorsque naît leur premier enfant, Giuseppe.

La branche maternelle

La famille de Luigia Uttini, originaire du Val d'Ossola, émigre au XVIIe siècle, pour partie à Bologne où ses membres sont forgeron, boulanger, aubergiste… Une seconde branche s’installe dans la région de Plaisance. On trouve parmi ceux-ci des régisseurs, des professeurs, des hommes d’église… Luigia naît en 1787 à Saliceto di Cadeo où ses parents, Carlo et Angela Villa, tiennent une auberge-épicerie, comme celle qu’ils ouvriront une quinzaine d’années plus tard à Busseto et où viendra s’approvisionner Carlo Verdi, ce qui occasionnera sa rencontre avec sa future jeune épouse.

Contrairement à la légende qu’il a lui-même contribué à forger, les origines de Verdi, même si sa mère ne sait ni lire ni écrire, ne sont pas celles d’un enfant du popolo minuto[2]. Les deux branches de sa famille appartiennent à la petite bourgeoisie de campagne, relativement aisée.

« Les Verdi avaient leur banc à l’église des Roncole et le chef du clan (…) était membre de la confraternité de la Sainte Conception à laquelle les Verdi firent des dons importants[3]. »

Les origines de la vocation musicale

Le petit Giuseppe grandit au contact des musiciens ambulants qui font halte à l’auberge.

De même, bien que Verdi l’ait certainement ignoré, musicalement, « l’enfant n’était pas né de rien[4] » comme il se plaisait à le laisser penser. On trouve en effet au XVIIIe siècle, dans la branche bolonaise de la famille Uttini, deux cantatrices, un ténor, contemporain et connu de Mozart et un compositeur, Francesco Antonio Uttini (1723-1795). Ce dernier, marié à une nièce d’Alessandro Scarlatti, est l’auteur d’une vingtaine d’opere serie, de chœurs pour les tragédies de Racine[5] et de la messe de couronnement de Gustave III de Suède dont l’assassinat sera le thème de l'opéra Un bal masqué (Un ballo in maschera) en 1859.

C’est cependant plus en direction de l’environnement social que directement familial qu’il convient de rechercher les origines de cette vocation. L’Italie du XVIIIe siècle s’enthousiasme pour l’art lyrique et bien sûr, ni le duché de Parme et Plaisance ni la ville de Busseto ne sont exempts de cette passion. Le petit Giuseppe est dès sa prime enfance au contact des musiciens ambulants qui font halte à l’auberge des Roncole. L’enfant essaie les instruments, chante avec les chœurs, engrange les souvenirs qui nourriront plus tard l’inspiration populaire de ses opéras.

Mais tout « plongé dans l’extase[6] » qu’il ait pu être à l’écoute des orgues de Barbarie de passage, cette vocation n’aurait pas eu de suite sans la tendre attention que Carlo et Luigia pouvaient accorder à Peppino au sein d’une cellule familiale inhabituellement réduite pour l’époque[7]. Le jeune Verdi aurait peut-être aussi évolué dans l’échelle sociale sans nécessairement devenir musicien si don Pietro Baistrocchi, le maître d’école, organiste de l’église des Roncole et ami de la famille, n’avait pris conscience du caractère exceptionnel de cet attrait de l’enfant pour la musique. Attrait qu’il avait pu remarquer lorsque Peppino restait des heures à l’écouter jouer le répertoire tant sacré que profane.

La formation

Roncole

Son père lui achète une vieille épinette sur laquelle Peppino va pouvoir faire ses gammes.

Ainsi, le jeune Verdi bénéficie-t-il dès l’âge de quatre ans des rudiments de latin et d’italien[8] dispensés par Baistrocchi avant de rentrer, à six ans, à l’école du village. Selon les témoignages rapportés par ses biographes, il est un élève attentif au caractère paisible, plutôt solitaire sans toutefois refuser de se mêler aux jeux des autres enfants, exécutant par ailleurs sans se faire prier les tâches qui lui sont confiées à l’osteria.

Caractère paisible mais affirmé : on ne dérange pas impunément Peppino dans son écoute de la musique d’orgue. Don Masini en fait les frais, qui s’entend menacé dans un parfait dialecte d’un furieux : « Dio t’manda ’na sajetta » (« que Dieu te foudroie ») pour avoir envoyé rouler le garçon en bas de l’autel parce que les burettes n’arrivaient pas. Huit ans plus tard, le prêtre est effectivement foudroyé : Verdi, à sept ans, s'est déjà approprié le thème de la maledizione[9].

Parallèlement à sa scolarité, il reçoit ses premières leçons de musique de son maître organiste et va pouvoir faire ses premières gammes, alors qu’il a atteint sa septième année, sur une vieille épinette que lui achète son père. L’instrument, déjà ancien et très sollicité par un Peppino plus qu’assidu, devra être réparé. Carlo fait appel à Stefano Cavalletti, facteur d’orgues réputé dans la région, qui rédigera ainsi sa facture[10] :

« Ces sautereaux ont été refaits et empennés de cuir par moi, Stefano Cavalletti, et j’ai adapté le pédalier dont je vous ai fait cadeau ; de même j’ai refait gratuitement lesdits sautereaux, voyant les bonnes dispositions du jeune Giuseppe Verdi pour apprendre à jouer cet instrument, ce qui me suffit pour m’estimer totalement réglé.
Anno Domini (1821) »

Pendant encore deux ans, le jeune garçon complète sa formation musicale par la pratique en assurant le remplacement de don Baistrocchi à l’orgue de l’église. À dix ans, Peppino a déjà acquis tout ce que l’organiste et le curé des Roncole pouvaient lui apporter.

Busseto

Le jeune garçon tient l’orgue de San Bartolomeo et celui de San Michele Arcangelo aux Roncole

Grâce à l’intérêt du négociant Antonio Barezzi, amateur de musique, membre de la Società Filarmonica locale et ami de Carlo Verdi, le jeune Giuseppe est admis au Ginnasio, le lycée de Busseto à l’automne 1823. Il y suit brillamment la classe de don Pietro Seletti, directeur de l’école, qui envisage pour lui une carrière professorale et peut-être sacerdotale. Le père franciscain Lorenzo da Terzorio, chez lequel il loge, l’entend jouer inlassablement après les leçons de latin. Il conseille à Carlo Verdi d’inscrire son fils à l’école de musique de Ferdinando Provesi, directeur de la Société philharmonique de la ville, où il entre en 1825. Le jeune Verdi mène alors de front ses études classiques et musicales à Busseto et ses fonctions d’organiste aux Roncole où il finit par remplacer son vieux maître à l’âge de douze ans. Il termine ses humanités avec une mention très bien en 1827 et pendant encore deux ans complète sa formation musicale avec l’harmonie et la composition auprès de Provesi.

Don Seletti a abandonné son projet en entendant Verdi lui répondre, alors qu’il lui demandait quelle musique il venait de jouer lorsqu’il avait remplacé au pied levé un organiste défaillant : « Mais la mienne, maître, je n’ai fait que suivre mon inspiration[11] ». Provesi le considère dès lors comme son égal et Barezzi l’introduit dans les salons des notables bussetans, membres de la Società Filarmonica. Là, il donne ses premiers concerts en soliste (le piano à queue de Barezzi a remplacé sa chère épinette) ou dirige l’orchestre des Filarmonici. En 1828, il a tout juste quinze ans lorsqu’il compose une symphonie à partir de l’ouverture du Barbiere di Siviglia de Gioachino Rossini, suivie d’une cantate (perdue) pour baryton et orchestre en huit mouvements, I Delici di Saul, d’après un drame de Vittorio Alfieri, d’un Stabat Mater, d’un Domine ad adjuvandum pour orchestre, flûte et ténor et d’autres compositions profanes ou sacrées.

Durant les trois années qui suivent, il continue à composer de nombreuses pièces[12] destinées à la Société philharmonique ou au théâtre de Busseto, maigrement rémunérées par la ville ; il remplace de plus en plus souvent Provesi à la classe ou au pupitre ; il tient l’orgue de San Bartolomeo et celui de San Michele Arcangelo aux Roncole. Les difficultés financières importantes auxquelles Carlo doit faire face ne lui permettent plus de pourvoir à l’entretien de son fils. Giuseppe qui donne également des leçons de piano à sa fille Margherita est finalement accueilli dans sa maison par Barezzi qui le considère un peu comme son propre fils.

Le 14 mai 1831, encore une fois sur l’insistance de Barezzi qui s’investira personnellement et de manière importante en doublant ses subsides, Carlo Verdi demande au Monte di Pietà (Mont de Piété) de Busseto une bourse destinée au financement des études de son fils au conservatoire de Milan. La réponse, favorable, n’arrivera que le 14 janvier 1832, après l’intercession de l’archiduchesse Marie-Louise[13] sollicitée par une seconde lettre de Carlo. Le départ à Milan de Verdi dont la prime jeunesse s’achève ici, s’il permet de résoudre le problème posé par les convenances qui n’autorisent plus Giuseppe et Margherita d’habiter sous le même toit du fait de leur idylle naissante, va surtout être la boîte de Pandore d’où émergera l’un des plus grands compositeurs d’opéras de tous les temps.

Milan

« Haute stature, cheveux châtains, front élevé, sourcils noirs, yeux gris, nez aquilin, bouche petite, barbe sombre, menton ovale, visage maigre, teint pâle.
Profession : étudiant en musique[14] »

En 1832, Milan est la capitale du royaume lombard-vénitien sous domination autrichienne

Sujet de la Duchesse de Parme (et ex-impératrice des Français), Verdi doit remettre son passeport pour accéder à la capitale du royaume lombard-vénitien où la présence autrichienne est autrement plus perceptible qu’à Parme.

L’examen d’entrée au conservatoire de Milan se déroule à la fin du mois de juin. Le jury est composé de Francesco Basily, le censeur de l’établissement, Gaetano Piantanida et Antonio Angeleri, professeurs de piano et de contrepoint et d’Alessandro Rolla, compositeur et professeur de violon.

Alors que la fugue à quatre voix qu’il présente pour l’épreuve de composition est appréciée par le jury, il est refusé à cause de l’épreuve qu’il redoutait le moins : lors de son exécution au piano du Capriccio en la d’Heinrich Herz la position de ses mains est considérée comme irrémédiablement mauvaise. La position des mains, l’âge, de quatre ans supérieur à l’âge habituel d’admission, le peu de places de l’établissement, le statut d’étranger, toutes ces raisons cumulées ne pouvaient rendre que rédhibitoire la décision du comte de Hartig, gouverneur de Milan. De cette décision sans appel Verdi, habitué à être adulé dans le petit cercle des mélomanes de Busseto, conservera durablement une profonde amertume.

En outre, il dépend désormais encore plus de son attentionné bienfaiteur pour payer les leçons particulières qu’il va devoir prendre. Même si la participation de Barezzi à tous ces frais est parfaitement désintéressée, la fierté du jeune homme ne peut qu’en être affectée.

Sur les conseils d’Alessandro Rolla, Verdi suit les cours du claveciniste de la Scala, Vincenzo Lavigna. L’ancien professeur de solfège de l’établissement milanais est offusqué de voir que ses collègues ont pu refuser l’accès du conservatoire à un jeune homme au talent aussi confirmé. Le cycle d’études dure trois années pendant lesquelles Verdi se prépare à réaliser son ambition : devenir maître de chapelle à Busseto. Trois années pendant lesquelles il écrit : « Des canons et des fugues, des fugues et des canons à toutes les sauces… ». Mais aussi trois années pendant lesquelles il fréquente assidûment la Scala développant un goût de plus en plus affirmé pour la tragédie lyrique et le milieu de l’opéra.

En avril 1834, il donne son premier concert public lors duquel il dirige brillamment La Création de Joseph Haydn, au Teatro dei Filodrammatici, en présence du comte Pompeo Belgioioso, bientôt suivie par La Cenerentola de Rossini, jouée devant l’archiduc Ranieri. Il écrit, sur commande du comte Borromeo, une cantate en l’honneur de l’empereur d’Autriche[15], un Tantum ergo pour la philharmonie de Busseto et commence à composer un opéra sur un livret écrit par un journaliste milanais, Antonio Piazza. La dernière année d’études lui pèse de plus en plus, tant il baigne déjà dans le monde du lyrique. En juillet 1835, Verdi reçoit enfin de Lavigna le certificat de fin d’études qui lui permet de prétendre à l’emploi de Kapellmeister (maestro di cappella.

C’est la mort dans l’âme que Giuseppe retourne cet été-là à Busseto. Margherita Barezzi l’a bien compris qui déclare à Ferdinando Galuzzi, le nouveau maire : « Verdi ne se fixera jamais, pour rien au monde à Busseto. Il a décidé de se consacrer à la musique lyrique et c’est dans ce domaine-là qu’il réussira, non dans celui de la musique religieuse[16] ».

La carrière

Maître de musique à Busseto

Les prénoms de Virginia et Icilio Romano sont choisis en l’honneur du dramaturge piémontais Vittorio Alfieri et en référence aux sentiments républicains et patriotiques clairement affichés du couple Verdi.

Provesi, le vieux maître de Verdi à Busseto, est mort depuis deux ans[17]. Dès lors s’est ouverte entre libéraux laïques et conservateurs cléricaux, entre Coccardini et Codini, une guerre de succession clochemerlesque[18], chaque faction cherchant à placer son champion.

L’enjeu en est le double poste, indissociable, de maître de musique et dirigeant de la Filarmonica, rémunéré par les premiers, et de maître de chapelle et organiste payé par les seconds. Bien que le gouvernement ducal ait pris la décision d’ouvrir le concours en juin 1835, l’annonce n’en est rendue publique qu’en février 1836. Entre temps, Verdi a repris en main la Filarmonica et donne des concerts avec l’orchestre et des récitals d’orgue. Le 27 février, il se présente à l’examen devant Giuseppe Alvinovi, maître de chapelle de la cour du duché de Parme et ami du grand Niccolò Paganini. Satisfaction sans réserve du maître qui aurait même déclaré que Verdi était le « Paganini du piano »[19] , offrant à Giuseppe une belle revanche sur son échec milanais. Le 5 mars, Verdi est officiellement maître de musique de Busseto. Le 20 avril, il signe avec la commune, représentée par Antonio Accarini, président du monte di pietà, un contrat léonin : salaire on ne peut plus modeste contre résidence obligatoire à Busseto, cinq leçons hebdomadaires à chaque élève en clavecin, piano, orgue, chant, contrepoint et composition, procurer les instruments nécessaires, direction de la société philharmonique pour tous les concerts et toutes les répétions, pendant neuf ans, résiliable à trois ou six ans sous condition de dédit. Verdi, qui a pu parler d’esclavage dans une lettre à Lavigna, paye cher le soutien des Filarmonici.

Le 16 mai 1836, c’est un contrat nettement plus heureux que signe Peppino : il épouse « Ghita » Barezzi après les brèves fiançailles qui ont suivi le si long innamoramento. Le jeune couple, aidé là encore par Barezzi, s’installe au palais Tebaldi où naissent, Virginia, le 27 mars 1837, et Icilio Romano, le 11 juillet 1838, dont les prénoms sont choisis en l’honneur du dramaturge piémontais Vittorio Alfieri et en référence aux sentiments républicains et patriotiques clairement affichés du couple.

Malgré le peu de temps dont il dispose en dehors de ses activités de maître de musique et des concerts avec la Filarmonica ou à l’orgue des églises de la région[20] auxquels se presse un public enthousiaste, Verdi compose. De la musique religieuse : un Tantum Ergo en fa majeur pour ténor et orchestre (1836), une Messa di Gloria jouée le 8 octobre 1837 en l’Église Croix Saint Esprit de Plaisance. De la musique profane : sur des poèmes de Vittorelli, Bianchi, Angiolini et Goethe traduits par le docteur Luigi Ballestra, il écrit Sei romanze pour voix et piano publiées cette même année par l’éditeur milanais Giovanni Canti. En 1838, deux sinfonie sont créées par la Philharmonie.

Et il poursuit l’écriture de l’opéra ramené de Milan.

Walter Scott, auteur de Lord Hamilton l’œuvre à l’origine du premier opéra de Verdi

En octobre 1837, Lord Hamilton dont le livret est inspiré d’un ouvrage de Walter Scott consacré au Comte d’Arran, est terminé. Giuseppe Demaldè, cousin d’Antonio Barezzi, secrétaire de la Filarmonica, trésorier du monte di pietà, ami et premier biographe de Verdi, lui suggère de présenter son ouvrage à Parme. Mais, pour l’impresario du Teatro Regio, « il est hors de question de prendre le moindre risque pour un musicien dont la renommée ne s’étend guère qu’à quelques bourgades du plat pays parmesan »[21]. Nul n’est prophète en son pays.

Même échec à Milan où l’influence de Pietro Massini, qui lui avait confié la direction de l’orchestre des Filodrammatici à la fin de ses études et était devenu son ami, le mettant en relation avec Antonio Piazza, le librettiste de son Lord Hamilton, ne suffit pas à persuader Bartolomeo Merelli l’impresario de la Scala. La recommandation du Comte Opprandino Arrivebene n’a pas plus d’effet lors du déplacement du jeune compositeur à Milan au mois de mai 1838.

Verdi devra-t-il dès lors se résoudre à poursuivre cette carrière de maître de musique à Busseto si éloignée de ses ambitions ?

Le 12 août 1838 la vie du jeune couple est affectée par la perte de la petite Virginia. Une période de vacances leur permet cependant de trouver un dérivatif à leur douleur en réalisant un nouveau voyage à Milan. Cette fois, le compositeur trouve une écoute favorable auprès du Comte Borromeo auquel il est présenté par Massini : son opéra sera donné lors de la soirée annuelle de bienfaisance du Pio Istituto teatrale. Le triste événement et la reprise tant espérée de contact avec la capitale de l’art lyrique conduisent Verdi, avec l’accord de Ghita, à prendre une décision radicale. Le 28 octobre 1838, il écrit au maire de Busseto :

«  Monsieur le Maire,
Je m’aperçois, hélas, que je ne puis rendre à ma malheureuse patrie les services dont j’aurais voulu m’acquitter envers elle. Je regrette que les circonstances ne me permettent pas de donner une preuve effective de mon attachement à la cité qui, la première, m’a donné le moyen de progresser dans l’art que je professe.
La nécessité où je suis de me procurer les moyens suffisants pour nourrir ma famille me pousse à chercher ailleurs ce que je ne peux obtenir dans ma patrie. C’est pour cela que, me conformant aux dispositions de l’article 8 du contrat passé entre la mairie et moi-même le 20 avril 1836, j’annonce à Votre Excellence, avant que n’expirent les six mois de préavis, que je ne continuerai plus à servir en qualité de maître de musique après le 10 mai 1839.
Je conserverai dans mon cœur la plus vive affection pour ma patrie et une reconnaissante estime pour ceux qui m’y ont aimé, encouragé et assisté […][22] »

Compositeur d’opéras à Milan

De Lord Hamilton à Oberto, en passant par Rocester

Verdi revient le 6 février 1839 s’installer à Milan avec Margherita et Icilio Romano. Les répétitions d’Oberto débutent au printemps avec une distribution de rêve, dont Giuseppina Strepponi, mais sont interrompues du fait des défections successives. Contre toute attente, Merelli accepte finalement de monter l’opéra qui serait donné à la Scala après la première prévue au Pio Istituto et après quelques retouches apportées au livret par Temistocle Solera et à la partition par l’ajout d’un quatuor vocal.

L’incertitude la plus totale règne chez les musicologues car, si Oberto nous est bien parvenu, il ne reste que peu de traces du Lord Hamilton et du Rocester et il est bien difficile de savoir lequel a succédé à l’autre et lequel est à l’origine d’Oberto. Une lettre de Verdi à Massini du 21 septembre 1837 évoque la possibilité de « monter l’opéra Rocester à Parme » ce qui laisserait le temps à Piazza de « modifier le livret ici où là ». Or, dans une autre lettre de 1871, Verdi précise que c’est le Lord Hamilton de Piazza qui serait à l’origine d’Oberto. Se pose encore la question de savoir si Piazza avait fourni un ou deux livrets à Verdi, sous deux titres différents. Qu’il y ait eu un, deux ou trois livrets, il n’y a qu’un librettiste initial et, seule subsiste la composition musicale d’Oberto[23].

Verdi et Margherita aménagent en septembre dans un appartement plus confortable et alors que le compositeur travaille aux retouches de l’opéra et que se déroulent les ultimes répétitions, un nouveau drame survient, emportant le petit Icilio Romano, le 22 octobre 1839.

La première d’Oberto, Conte di San Bonifacio a finalement lieu le 17 novembre 1839 à la Scala et obtient un réel succès public et une critique suffisamment favorable aux yeux de l’impresario de la Scala pour que celui-ci programme quatorze représentations supplémentaires et propose à Verdi un contrat que celui-ci qualifiera de « proposition fastueuse pour l’époque » : l’impresario offrait quatre mille livres autrichiennes (quatre fois le salaire d’un maître de musique pendant trois ans) contre la production de trois opéras pour la Scala et pour Vienne où Merelli est également inspecteur des théâtres de la Cour. À cette proposition se rajoutait en outre celle de Giovanni Ricordi d’éditer Oberto, conte di Bonifacio. Verdi signe les deux contrats.

D’Il proscritto à Un giorno di regno en passant par Il finto Stanislao
Article détaillé : Un giorno di regno (1840, Milan).

Le livret d’Il proscritto fourni au début de l’année 1840 par Gaetano Rossi sur la commande de Merelli ne convient pas au compositeur qui n’y donnera pas suite. L’impresario le pressant de choisir une œuvre comique parmi plusieurs livrets de Felice Romani, Verdi porte son choix sur Il finto Stanislao, qui lui semble, selon ses propos, le moins mauvais et qui deviendra l’opera buffa Un giorno di regno.

Alors qu’il travaillait d’arrache-pied pour rattraper le retard accumulé, Margherita, sans doute affaiblie par la perte coup sur coup de ses deux enfants, est victime, le 18 juin 1840, d’une méningite.

«  J’étais seul, désespérément seul[24].  »

Au plus profond de son désespoir, Verdi envisage sérieusement d’abandonner la carrière lyrique. L’amicale fermeté de Merelli, et la menace de devoir payer le dédit prévu au contrat, le contraignent à respecter son engagement et à terminer son opera buffa. L’unique représentation d’Un giorno di regno, le 5 septembre 1840 est un fiasco. C’est le manque de conviction des chanteurs, sévèrement hués, qui est à l’origine de cet échec. La musique de Verdi, quant à elle, est accueillie par des applaudissements. Ce sera son seul essai à la comédie jusqu’à Falstaff, à la fin de sa carrière.

Il n’en fallait pas plus pour rouvrir la blessure. Verdi informe Merelli de sa décision de résilier son contrat et de renoncer à sa carrière de compositeur. Encore une fois, Merelli joue finement en remettant Oberto à l’affiche pour dix-sept représentations dont le succès remet un peu de baume au cœur du maestro et lui permet de gagner l’argent nécessaire pour quitter l’appartement où se trouvent trop de douloureux souvenirs.

Nabucco : le début d’une fulgurante carrière
Article détaillé : Nabucco (1842, Milan).

La seconde commande de Merelli, sur un livret de Temistocle Solera, est le triomphal Nabucco, représenté pour la première fois le 9 mars 1842 à La Scala, avec Giuseppina Strepponi, soprano, dans le rôle d’Abigaille.

D’après le récit destiné à sa biographie et dicté à Giulio Ricordi par le musicien lui-même[25], ce sont les paroles du Chœur des Hébreux, le célèbre Va, pensiero, qui ont permis que Verdi retrouve le goût de l’écriture.

Partition : premières mesures de Va, pensiero
Giuseppina Strepponi créatrice du rôle d'Abigaille
Dès Nabucco, Verdi triomphe à La Scala, haut lieu de l’art lyrique
Marie-Louise d'Autriche, assiste à la représentation de Nabucco au Teatro Regio de Parme
Giuseppe Mazzini chantre du patriotisme italien

Après une longue période de dépression durant l’hiver 1840-1841, il reprend progressivement contact avec le milieu musical milanais et se met finalement à la composition en mai 1841. La partition du Nabuchodonosor, qui deviendra Nabucco dès avant la première représentation, est livrée au début de l’automne et mise à l’affiche de la Scala par Merelli pour la saison de Carnaval[26]. Dès le finale du premier acte, le rideau tombe sur les acclamations du public et c’est sur une tornade d’applaudissements que se termine la représentation. La presse milanaise est dithyrambique : Verdi triomphe à Milan.

Et pourtant, le public de mars 1842 n’a pas encore décrypté la portée du message politique contenu dans Nabucco. C’est une autre composante de l’opéra qui, dès la première représentation, emporte si spontanément l’adhésion des Milanais pour l’œuvre de Verdi. D’un Verdi qui a été nourri par la violence de cette terre émilienne et par la dureté de sa formation, mais aussi par l’amour des chants repris en chœur par les paysans et les musiciens ambulants. L’œuvre d’un Verdi qui sera qualifiée de « barbare » par la critique parisienne. Mais qui répond pour l’heure à la demande d’un public lassé de psychologisme et en attente de la grandeur qui manque aux opéras de Gaetano Donizetti, Vincenzo Bellini ou Saverio Mercadante. C’est le caractère romantique de Verdi qui, faisant fi des règles du classicisme et du « bon goût », a touché le cœur de ce public.

Giuseppe Mazzini, reprochant à la production lyrique de ce temps « son hédonisme, son individualisme et son absence d’inspiration morale estime que doit se substituer à cet art matérialiste et décadent une nouvelle forme de dramaturgie privilégiant le réalisme et les préoccupations sociales ». Le patriote italien en appelle, en exergue à la Philosophie de la musique, publié en 1836 :

«  au jeune inconnu qui, peut-être, quelque part dans notre pays, est travaillé par l’inspiration, tandis que j’écris ces lignes, et enferme en lui le secret d’une époque nouvelle[27].  »

Après une saison de cinquante-sept représentations triomphales à la Scala, l’opéra est donné à Vienne avec le même succès le 4 avril 1843. Verdi, dont les relations avec la Strepponi sont désormais connues rejoint ensuite la cantatrice à Parme. Nabucco est programmé au Teatro Regio où Carlo Verdi assiste, le 17, en proie à une émotion bien compréhensible, à la première des vingt-deux représentations dont deux, dirigées par le maestro, ont pour spectatrice Marie-Louise d'Autriche, archiduchesse de Parme.

Des Lombardi alla prima crociata à La battaglia di Legnano : les années difficiles

Ce succès est le début d’une fulgurante et longue carrière. Les seize années qui suivent, durant lesquelles Verdi écrit en moyenne un opéra par an, sont qualifiées par le maestro lui-même comme ses « années de galère », lors desquelles il est contraint de composer frénétiquement pour vivre. Toutes les œuvres de cette période ne sont pas excellentes, mais toutes sont caractérisées par une théâtralité typique du style de Verdi. Des Lombardi alla prima crociata donnés à la Scala le 11 février 1843, à La battaglia di Legnano représentée au Teatro Argentina de Rome le 27 janvier 1849, c’est une succession quasi ininterrompue de succès, avec des représentations dans les théâtres de toute l’Europe.

Le musicien qui n’est désormais plus le jeune inconnu invoqué par Mazzini passe l’été de 1842 à Busseto où, le goût retrouvé pour l’écriture, il entreprend la composition des Lombardi alla prima crociata sur le livret que Temistocle Solera a tiré d’un poème de Tommaso Grossi. Verdi est maintenant tout à fait conscient de l’effet produit sur les Milanais par les thèmes patriotiques et les chœurs vibrants de Nabucco. Cette « recette » n’allant pas à l’encontre de ses convictions et apportant au public cette satisfaction que n’offrent pas les œuvres des autres compositeurs, il n’hésite pas à l’appliquer aux Lombardi. L’allusion est claire et les autorités autrichiennes ne s’y trompent pas : la délivrance de Jérusalem par les Lombards parle aux Milanais le langage de l’indépendance par rapport à la domination des Habsbourg. Mais c’est l’église, représentée par l’archevêque Gaisruck, qui exercera une censure contre laquelle, le compositeur n’ayant aucune intention de changer ni la moindre virgule ni la moindre croche, Bartolomeo Merelli doit lutter pied à pied pour sauver sa saison. Et c’est sur les accents patriotiques du chœur des croisés que le public de la Scala acclame encore une fois, le 11 février 1843, le compositeur et les chanteurs rappelés longuement par de vibrants applaudissements. À Florence, les réactions du public de la Pergola sont plus mitigées et le fiasco de la Fenice à Venise n’est finalement qu’une parenthèse vite refermée sur la fulgurante carrière qui s’ouvre devant le compositeur pour de longues années.

Article détaillé : Ernani (1844, Venise).

Le comte Mocenigo, directeur de la Fenice, ne s’y est pas trompé, qui souhaite voir Verdi créer une nouvelle œuvre à Venise. Le compositeur est maintenant un homme d’affaires averti et ce n’est qu’après d’âpres négociations que le contrat est signé dans les termes souhaités par le maestro. Il écrivait à Mocenigo, le 3 mai 1843 :

«  Je mettrai en scène I Lombardi, j’écrirai le nouvel opéra en laissant toute la partition à la société de gestion.
Je ferai écrire le livret à mes frais et la société me versera 12 000 lires autrichiennes.
Ou bien, si on me laisse la propriété de la partition, tout en acceptant les autres conditions, on me versera 6 000 lires autrichiennes[28].  »

Hernani, la source du nouvel opéra de Verdi

Le travail sur le livret qui devait être tiré du drame romantique de Victor Hugo, Hernani, consacre le début d’une étroite collaboration et d’une grande amitié avec le librettiste Francesco Maria Piave. Encore une fois, Verdi doit lutter contre la censure et accepter de supprimer les termes de « vengeance » ou de « sang » pour que soit maintenu le titre original (italianisé) d’Ernani contre l’exigence des autorités autrichiennes qui imposent celui de L’Onore castigliano. Il se bat aussi contre la direction de la Fenice pour obtenir des chanteurs capables de faire face aux difficultés vocales des rôles. Et malgré les difficultés, malgré les contre-temps, malgré les mauvaises volontés, la première, le 9 mars 1844 est un triomphe. Le public vénitien, ce public, « le plus raffiné et le plus exigeant de la péninsule[29] », applaudit tous les airs, rappelle le maestro après chaque acte. Verdi a 30 ans. À Venise, Milan, Parme, Florence, Bologne, il est le maître de la scène lyrique.

Après une série de représentations à Vienne organisée par Gaetano Donizetti qui assurait alors la direction artistique du Kärntnerthor Theater, Ernani fait en trois ans le tour de la planète : Paris, Rio de Janeiro, Londres, Copenhague (da), Istanbul, et en comptant les théâtres de la péninsule, ce sont plus de deux cent cinquante maisons d’opéra qui accueilleront l’œuvre, assurant ainsi à Verdi la notoriété qu’il pouvait attendre en retour d’une vie exténuante consacrée autant à la course au cachet qu’à l’écriture.

Article détaillé : I due Foscari (1844, Rome).
La comtesse Clara Maffei, égérie des patriotes milanais du Risorgimento, qui sera l’amie de Verdi sa vie durant

Notoriété, mais aussi double revanche, sociale et économique, de ce fils d’aubergiste pauvre aux origines paysannes. Verdi est depuis déjà quelques années bien introduit et parfaitement à l’aise dans les milieux musicaux et aristocratiques milanais. La comtesse Clara Maffei, dont le salon bruissait des désirs et projets d’unification italienne, et qui restera son amie sa vie entière, le reçoit dès cette époque. Et c’est également à cette époque que Verdi commence sa double vie de musicien et de propriétaire terrien. Sa première acquisition, Il Pulgaro, est une ferme qui jouxte les terres que son père louait jusqu’à la résiliation du bail par le curé de la Madonna dei Prati lorsque Carlo n’a plus été en mesure de faire face à cette charge.

Malgré l’altération de sa santé occasionnée par la lutte opiniâtre contre les directeurs de théâtres trop exigeants ou trop rétifs ou contre le harcèlement des éditeurs de musiques rivaux (les Lucca et les Ricordi à Rome, les frères Escudier à Paris ou Benjamin Lumley à Londres) en recherche d’exclusivité, Verdi va encore accélérer sa production. Si ses cinq premiers opéras sont créés sur un rythme annuel, les suivants ne seront espacés que de quelques mois et leur qualité se ressentira de ces mauvaises conditions.

Le repos forcé qu’il prend à Busseto lors de l’été 1844 n’est pas complètement oisif puisqu’il termine là la composition de I due Foscari sur un livret inspiré au fidèle Piave par un drame du même nom de Lord Byron. A défaut d’une œuvre transcendante, c’est la notoriété de Verdi que le public du Teatro Argentina de Rome accueille avec succès le 3 novembre 1844.

Article détaillé : Giovanna d'Arco (1845, Milan).

L’année suivante, Giovanna d'Arco renforce sa célébrité, mais Verdi ne trouve pas le rendu de ses textes par le théâtre de la Scala à la hauteur et refusera pour longtemps toute interprétation de ses œuvres à Milan. Mais pour l’heure, il lui faut respecter ses engagements et donner à Bartolomeo Merelli l’œuvre prévue au contrat. Trois mois après I due Foscari, le nouvel opéra est prêt. Comme pour les premières œuvres milanaises, le livret, inspiré d’un poème de Friedrich von Schiller, est ici écrit par Temistocle Solera. Il est donné le 15 février 1845 à la Scala où il bénéficie du même accueil par le public et où il sera représenté dix-sept fois.

La bourse que le Monte di Pietà e d’Abbondanza de Busseto avait accordée à Verdi, loin d’être exceptionnelle, relevait au contraire d’une pratique habituelle dont allait bénéficier un autre protégé du « clan » Barezzi, Emanuele Muzio. De 1844 à 1847, envoyé à Milan pour y poursuivre des études musicales débutées dans l’école de Ferdinando Provesi, il est l’élève de Verdi. Sa correspondance avec Barezzi nous renseigne sur la vie du maestro dans ces années présentées par lui-même comme des « années de galère ». Muzio en parle comme « le plus fêté, le plus fameux de toute l’Europe, le signor Giuseppe Verdi, l’idole des Milanais » pendant que le musicologue italien Massimo Mila évoque un « Verdi à l’ombre des jeunes filles en fleur[30] ». Ce qui n’empêche pas Verdi de mener parallèlement cette vie de galérien que lui impose sa phénoménale production et ses engagements de plus en plus nombreux. Le jeune Muzio, extrêmement attaché au « Signor Maestro », est alors d’une aide précieuse pour le compositeur dont il devient à la fois le secrétaire et l’homme à tout faire et dont il restera sa vie durant l’ami indéfectible.

Article détaillé : Alzira (1845, Naples).

Verdi, malade pendant la composition d’Alzira, est l’objet de tous les soins de la part du jeune bussetan dont la sollicitude et l’inquiétude pour l’état de santé du maestro ressort des lettres envoyées à Antonio Barezzi. Vincenzo Flaùto, impresario du Teatro San Carlo de Naples et commanditaire de l’opéra, auquel Verdi a demandé un report de la date de création, ne s’y laisse pas prendre qui répond à sa lettre :

«  Votre guérison, vous l’obtiendrez grâce à l’air de Naples et aux conseils que je vous donnerai quand vous serez ici, puisque j’ai été moi-même médecin et ai renoncé aux impostures de cette profession[31].  »

Flaùto connaît les causes de la « maladie » de Verdi : celui-ci redoute en fait plus que tout autre le public de « la grande dame déchue du mélodrame italien ». Et en effet, est-ce en raison de la cabale de la presse qui qualifie sa musique de « barbare », de l’opposition des partisans de Saverio Mercadante (directeur du conservatoire de Naples) réfractaires à toute nouveauté et donc à la musique romantique, est-ce grâce à l’excellente prestation des Tadolini, Fraschini et Coletti ou à la réputation qui avait précédé Verdi et à l’accueil enthousiaste réservé à I due Foscari, toujours est-il que la première d’Alzira au Teatro San Carlo le 12 août 1845 n’est ni un succès ni un fiasco et c’est découragé que Verdi quitte Naples après la troisième représentation.

À la fin de l’été il se rend à Busseto où il achète le palazzo Cavalli, l’imposante demeure bourgeoise de l’ancien maire, l’une des plus magnifiques de la ville et où il entreprend l’écriture de l’opéra commandé pour la Fenice.

Article détaillé : Attila (1846, Venise).
Nouveau triomphe pour Verdi à la Fenice avec Attila

Venise n’est pas Naples. Verdi est heureux d’y retrouver son ami Francesco Maria Piave, initialement pressenti pour l’écriture du livret d’Attila finalement confiée à Temistocle Solera. Et le public lagunaire se réjouit à l’idée de revoir l’auteur d’Ernani auquel il a fait un accueil triomphal trois ans plus tôt et dont Un giorno di regno, sifflé à Milan, connaît ici un succès inattendu. Le 26 décembre 1845, terrassé par un refroidissement qui lui impose de garder la chambre pendant plus d’un mois il ne peut cependant assister au gala d’ouverture de la saison où sont présents le tsar et la tsarine de Russie et où l’on donne sa Giovanna d'Arco.

Le 17 mars 1846, l’accueil d’Attila est mitigé lors de la première mais, à la direction de l’orchestre de la Fenice et avec une distribution magnifique, Verdi triomphe lors des représentations suivantes. Ce neuvième opéra, marque un tournant dans le style du compositeur :

«  Je suis fatigué de ces fanfares sur la scène. [Elles] n’ont plus le prestige de la nouveauté. Et puis des marches, j’en ai déjà fait beaucoup : une guerrière dans Nabucco, une autre solennelle et grave dans Giovanna d’Arco, et je n’en ferai jamais de meilleure. Enfin ! ne peut-on faire un opéra grandiose sans le fracas de la fanfare ? Et Guillaume Tell ? et Robert le Diable ? ne sont-ils pas grandioses ? Et pourtant ils n’ont pas de fanfare ! désormais la fanfare est un genre provincial [una provincialata] qui n’a plus lieu d’être dans les grandes villes[32].  »

Verdi met ici un terme au style de ses premières années, style guidé par un « provincialisme et un spontanéisme populaire qui n’échappe pas toujours à la vulgarité », issu de sa formation et de sa pratique bussétanes. Les œuvres de la maturité ne sont pas loin.

Article détaillé : Macbeth (1847, Florence).

Macbeth est souvent considéré comme le plus original et le plus important des opéras de Verdi. C’est du moins celui dans lequel il utilise pour la première fois le drame intime des individus plutôt que les sentiments collectifs de tout un peuple pour illustrer son sujet. Verdi n’est déjà plus dans les meilleurs termes avec Bartolomeo Merelli aussi le compositeur s’attache-t-il à convaincre Alessandro Lanari, l’impresario du Teatro della Pergola afin de voir son opéra monté à Florence plutôt que sur la scène milanaise avec laquelle il ne veut plus avoir à faire. Le livret est confié à Francesco Maria Piave et retravaillé par Andrea Maffei qui fait émerger du chœur des exilés écossais l’âme patriotique de l’œuvre de Verdi :

La patria tradita
Piangendo c’invita
Fratelli, gli oppressi
Corriamo a salvar[33].

Triomphe public pour la première, le 14 mars 1847, réserve de la critique cependant qui reproche encore au compositeur la « facilité » de sa musique et de ne pas avoir suffisamment retranscrit la dimension shakespearienne. C’est donc plus le patriote portant, à la veille des révolutions de 1848, les espoirs de liberté du peuple italien qui est fêté par les Florentins que le compositeur dont le caractère novateur de l’œuvre n’est pas encore nettement perçu.

Article détaillé : I masnadieri (1847, Londres).
L’Italian Opera House de Londres rebaptisé Her Majesty's Theatre où est créé I masnadieri

Au mois de mai 1847, la partition des masnadieri, commencée avant celle de Macbeth sur le livret de Maffei, est enfin terminée. Verdi va peut-être enfin pouvoir répondre à la sollicitation de Benjamin Lumley qui lui réclame cette œuvre depuis plus d’un an pour Her Majesty's Theatre. Après un intermède parisien d’un mois, lors duquel il retrouve son amie et future compagne Giuseppina Strepponi installée dans la capitale française où elle donne des cours de chant, le compositeur se rend, sans enthousiasme et pressé d’en repartir, à Londres où l’opéra est créé le 22 juillet 1847. La passion sans borne des Londoniens pour le musicien fera passer au second plan les défauts d’une œuvre qui souffre de l’indigence de son livret, mais qui pour l’heure bénéficie des acclamations du public de la première. Ni l’ovation délirante[34] au compositeur adulé plutôt qu’à l’œuvre, ni l’accueil triomphal réservé à Ernani et I due Foscari représentés à Covent Garden ne le retiendront : cinq jours plus tard, il est de nouveau à Paris. Il y restera sept mois.

Article détaillé : Jérusalem (1847, Paris).

À Paris, Verdi se risque pour la première fois dans le genre du « grand opéra », en récrivant rapidement pour l’Opéra I Lombardi alla prima crociata jamais représentés en France. Chantée en français sur un livret d’Alphonse Royer et Gustave Vaëz l’œuvre remaniée et rebaptisée Jérusalem ne connaîtra qu’un demi-succès. Cette fois c’est à la médiocrité des interprètes, chœurs et orchestre compris, que Verdi attribuera la mauvaise réception de son opéra[35], le 26 décembre 1847, par le public de la salle de la rue Le Peletier.

Article détaillé : Il corsaro (1848, Trieste).

C’est à Paris que Verdi écrit, en deux mois, la partition d'Il corsaro pour la confier à Muzio en février 1848 à l’attention de l’éditeur Francesco Lucca avec lequel un contrat avait été signé en 1845, car Ricordi subissait à l’époque le même ostracisme que le directeur de la Scala de la part du maestro. La création en est réservée au Teatro Grande de Trieste où l’œuvre est donnée le 25 octobre 1848 en l’absence de Verdi alors occupé, entre autres, à l’écriture de La battaglia di Legnano.

En ce printemps 1848, c’est encore de Paris que Verdi suit les événements qui mettent à feu et à sang Milan, Venise et toute la péninsule et qui vont embraser l’Europe. Ses opéras à la résonance patriotique sont pour une bonne part à l’origine de ce mouvement révolutionnaire : heureux à Paris auprès de Giuseppina Strepponi, mais attendu par ses amis qui ont fait le coup de feu contre l’occupant autrichien et par toute une nation dont il est devenu le chantre, le compositeur ne peut décemment plus rester à l’écart de cet événement historique. Il arrive à Milan le 5 avril pour se rendre quelques jours plus tard à Busseto puis à Sant’Agata, où il se rend acquéreur d’une propriété, et pour reprendre, mi-mai, le chemin vers la France. Ce qui fait dire à Pierre Milza :

« … il arrivait après la bataille et il repartait avant que les soldats de Radetzky eussent réoccupé la ville[36]. »

pour rajouter aussitôt :

« Simplement, Verdi n’avait ni l’étoffe d’un combattant ni la vanité de se prendre pour un héros. Son combat pour la liberté et pour la patrie italienne, il le menait sur la scène. »

affirmant la sincérité du maestro qui ressort de la lettre du 21 avril envoyée à Piave. L’art de Verdi est aussi patriotique que le sont la politique de Cavour ou les batailles de Garibaldi. C’est donc à nouveau de Paris que Verdi apprend l’arrestation de nombre de ses amis ou leur exil forcé par la répression autrichienne. Clara Maffei et Carlo Tenca sont maintenant des fuorusciti, des réfugiés politiques en Suisse.

L’été 1848 vécu à Passy, dans une atmosphère que l’on retrouvera dans le deuxième acte de La traviata, marque un tournant dans la vie de Verdi qui décide de faire de Peppina sa compagne. En attendant l’écriture du livret de La battaglia di Legnano par Salvatore Cammarano, et pour répondre à la promesse faite à Giuseppe Mazzini, il écrit la musique de Suona la tromba (Sonne la trompette) sur un poème de Goffredo Mameli qu’il envoie le 18 octobre 1848 au fondateur de la Giovine Italia avec ces mots dénotant son engagement patriotique :

«  Puisse cet hymne être bientôt chanté dans les plaines lombardes, au son du canon[37].  »

Proclamation de la république romaine en 1849, Piazza del Popolo

Pendant qu’il compose à Paris son nouvel opéra sur un sujet historique tellement proche de la situation contemporaine : la lutte de la Ligue lombarde contre l’empereur germanique Frédéric Barberousse, se déroulent en Italie les événements qui seront suivis d’un armistice qui ne fera pas rendre les armes aux révolutionnaires. Radetzky saisira l’occasion de la rupture de cette trêve pour écraser, le 23 mars, l’armée piémontaise et après deux mois de lutte acharnée les Autrichiens finiront par venir à bout, le 23 août, de la résistance du royaume lombard-vénitien. De son côté, Louis Napoléon fait reprendre Rome, le 30 juin, par les troupes d’Oudinot pour permettre le retour de Pie IX dans les États de l'Église qu’il avait fuis : ce sera la fin de l’éphémère république romaine.

Mais le 27 janvier 1849, lors de la première de La battaglia di Legnano au Teatro Argentina, Rome n’est pas encore perdue et c’est dans une atmosphère de délire quasiment hystérique que sont accueillis l’œuvre et le maestro par un public mis en transe par les airs patriotiques. Verdi est véritablement ce soir-là devenu aux yeux du peuple italien l’incarnation des idéaux du Risorgimento et il en prend la pleine mesure.

Les années de Sant’Agata : la maturité

Le retour à Busseto : Luisa Miller, œuvre de transition
Article détaillé : Luisa Miller (1849, Naples).

Dès le 8 février, Verdi est de nouveau à Paris où il retrouve Peppina. Il a trente-cinq ans, il est amoureux, ce qui ne l’empêche pas de rester un homme d’affaires intransigeant : estimant que les clauses n’en sont pas respectées par l’Opéra, il va mettre fin au contrat qui le lie à l’établissement parisien. Il se préoccupe aussi de la carrière de ses œuvres sur les scènes du monde entier où elles sont maintenant produites. Mais également de l’écriture des prochaines : il lui faut en effet honorer le contrat en cours avec Naples. Salvatore Cammarano lui a envoyé au mois de mai la trame du nouveau programme pour le Teatro San Carlo et il commence à travailler sur le spartito[38] de ce qui deviendra, à partir du drame de Friedrich von Schiller Kabale und Liebe, Luisa Miller.

Mais il a, certainement depuis même avant le retour à Paris, l’intention de s’installer en Italie où il pourra mieux s’occuper de ses affaires, musicales comme foncières. L’intention précisément de s’installer avec Peppina au palazzo Cavalli qu’il a acquis l’année précédente. Le maestro et son amie quittent Passy pour Busseto en juillet 1849, non sans appréhension car ils allaient devoir faire face aux préjugés conformistes de la petite ville. Et de fait ils vont passer les mois d’été à travailler sans contact avec la population bussétane pour en éviter la malveillance qui ne manque pas de se faire jour. La partition du nouvel opéra est prête dès la fin septembre et Verdi se rend à Naples début octobre pour un séjour de deux mois où il va découvrir la Campanie en compagnie de son beau-père Antonio Barezzi. Luisa Miller est donnée au San Carlo le 8 décembre 1849 et accueillie sans huées mais sans chaleur, dans l’incompréhension du public napolitain déconcerté par la disparition des conventions habituelles.

Au terme de ces « années de galère », Luisa Miller marque en effet un moment fondamental dans l’évolution stylistique de Verdi : sa pensée musicale se fait plus raffinée et sa dramaturgie s’oriente vers une recherche approfondie et subtile de la psychologie des personnages toujours plus liée à la dimension bourgeoise et plus éloignée des préoccupations patriotiques exprimées à grand renfort d’éclatantes manifestations collectives. Mais ce qui occasionne le trouble du public napolitain se situe ailleurs, dans cette « musique continue[39] » où n’alternent plus les récitatifs explicatifs avec les arias dont la virtuosité prédominait au détriment du texte qui, pendant la première moitié du XIXe siècle, avait finalement peu importé. Ce qui trouble les napolitains c’est l’importance accordée au sens des mots plutôt qu’à leur son. Verdi est ici en accord avec Richard Wagner quant au rapport nouveau entre le livret et la partition.

Article détaillé : Stiffelio (1850, Trieste).

La commande suivante est un opéra pour Trieste. Verdi est tenté par plusieurs propositions d’adaptations (Marion Delorme et Ruy Blas de Victor Hugo, La Tempête et Hamlet de Shakespeare, Caïn de Lord Byron, Phèdre de Racine, Atala de Chateaubriand). Il aimerait surtout se consacrer enfin au Re Lear qu’il porte depuis si longtemps en lui. Face au refus de Salvatore Cammarano il se résout à écrire sans enthousiasme la musique de Stiffelio sur l’adaptation par son ami Francesco Maria Piave d’une pièce d’Émile Souvestre et Eugène Bourgeois, drame bourgeois qui raconte l’histoire d’une épouse adultère pardonnée par son pasteur de mari : l’opéra était déjà vendu par Ricordi au Teatro Grande. Après le passage hargneux des ciseaux de la censure, l’œuvre est présentée au public triestain le 13 novembre 1850, défigurée, « châtrée » selon les propres termes de Verdi[40]. Stiffelio rencontre malgré cela un succès qui le fait réclamer sur plusieurs scènes dont la Scala. Après le départ de Bartolomeo Merelli, Verdi était prêt à revenir sur la scène milanaise, s’il n’y avait constaté de nouvelles coupes à Gerusalemme et aux Lombardi : la réconciliation entre Verdi et Milan n’était pas pour tout de suite[41].

Rigoletto, Il trovatore et La traviata : la trilogie populaire

C’est la réalisation de la pleine maturité, confirmée par les trois titres de la « trilogie populaire », un triptyque d’opéras aux sujets extrêmement différents mais également aimés du public : Rigoletto (La Fenice Venise, 1851), Il trovatore (Teatro Apollo Rome, 1853) et La traviata (La Fenice Venise, 1853), trois mélodrames destinés à un succès jamais démenti malgré les débuts difficiles de La traviata.

Article détaillé : Rigoletto (1851, Venise).
Le baryton italien Titta Ruffo dans le rôle de Rigoletto

Verdi avait envisagé dès la fin 1849 d’écrire à nouveau, pour la Fenice, sur une œuvre de Victor Hugo. Refus de Cammarano qui redoute non sans raison la censure napolitaine : les ciseaux de la Monarchie de Juillet ont en effet interdit la production, sur les scènes parisiennes, du Roi s’amuse qui décrit sans détour la vie dissolue à la cour du Roi de France, avec au centre le libertinage de François Ier. Le compositeur s’adresse donc une nouvelle fois à Piave en le persuadant qu’il tient là « l’une des plus grande créations du théâtre moderne ». Croyant se jouer ainsi des censeurs vénitiens, Verdi change le titre initial pour La maledizione. Ceux-ci ne sont bien sûr pas dupes et qualifient le livret de « répugnante immoralité » et de « trivialité obscène ». La crainte de voir sa saison ruinée, Verdi menaçant de ne pas composer sur un nouveau livret avant le Carnaval, conduit Carlo Marzari, le directeur de la Fenice à intervenir auprès du directeur central de l’ordre public Luigi Martello. Verdi accepte finalement le compromis proposé de transférer l’action à la cour de Mantoue et de remplacer le roi de France par le duc et s’engage à respecter « les exigences de la décence en scène ». Le titre de Rigoletto est enfin substitué à celui de La maledizione.

La partition terminée, Verdi se rend en février à Venise où l’œuvre est donnée le 11 mars 1851. Accueilli par les ovations du public, Rigoletto commence alors à la Fenice une carrière dont le succès éclatant sur toutes les scènes internationales ne s’est jamais démenti. Au sortir de la représentation, La donna è mobile, l’air du duc de Mantoue, est sur toutes les lèvres. La critique en revanche, qui qualifie l’œuvre de « maudite » (L'Italia musicale), d’ « opéra le plus faible du signor Verdi » (le Times)[42] ne réalise pas que Verdi a présenté là son premier grand chef-d’œuvre.

Article détaillé : Il trovatore (1853, Rome).
Antonio García Gutiérrez, auteur d'El Trovador dont Verdi admire la force théâtrale

Au début de 1850, peu après Luisa Miller, Verdi avait demandé à Cammarano d’écrire un livret sur El Trovador (Le Trouvère) du dramaturge espagnol Antonio García Gutiérrez dont il admire la force théâtrale. Mais pas plus Cammarano que la direction du San Carlo ne semblent convaincus de l’intérêt de créer cet opéra qui ne manquerait pas d’attirer à nouveau les foudres de la censure sur l’établissement napolitain. Verdi propose alors l’œuvre à Vincenzo Jacovicci, l’impresario du Teatro Apollo de Rome. La mort de Cammarano en mars 1852 interrompt l’écriture du livret. Malgré sa tristesse, Verdi est trop avancé dans le projet pour y renoncer : il sollicite Leone Emanuele Bardare, jeune artiste parthénopéen et ami de Cammarano pour terminer le texte.

La douleur occasionnée par la perte de sa mère en juin 1851, suivie par la disparition de Cammarano, auxquelles viennent se rajouter des soucis financiers liés à la crise que traverse le milieu du spectacle en ces temps révolutionnaires mais aussi la vie difficile au sein d’une population hostile qui n’accepte pas sa liaison « scandaleuse » avec la Strepponi, ne sont pas étrangers aux importants troubles gastriques et à une laryngite persistante dont souffre alors Verdi.

S’il est en mesure de faire face pendant l’écriture de son trovatore, tel n’est pas le cas lorsqu’il doit participer aux répétitions à Rome au début de l’année : l’œuvre est particulièrement difficile et exigeante pour les voix et la médiocrité des chanteurs mis à sa disposition par le théâtre ne peuvent que faire sombrer Verdi dans une terrible angoisse. Le compositeur demande ici aux voix d’aller à la rencontre de la particularité des personnages ce qui représente des performances inhabituelles et qui sera à la source, par exemple, de ce que l’on nommera par la suite le « baryton verdien ». Inquiétude qui se révélera finalement infondée puisque, le 18 janvier 1853, le public du Teatro Apollo ovationne une nouvelle fois le maestro et son œuvre. Pourtant, l’action dramatique est extrêmement alambiquée, avec des rebondissements sans fin et un aspect factice qui ne masque pas, fort heureusement, « le mélange de violence sauvage et de douceur, de passion et de tendresse, de jubilation et de douleur qui donne toute sa force à l’opéra et en fait le chef d’œuvre du romantisme musical italien »[43]. Dans toute la péninsule, en Angleterre, en France, en Russie, la carrière du trovatore est partout triomphale. Peut-être est-ce là l’œuvre d’un génie mûri à l’aune des difficultés de la vie adoucies par la tendresse d’une traviata aimante ?

Article détaillé : La traviata (1853, Venise).
Affiche pour la première de La traviata à La Fenice

Lors d’un nouveau séjour à Paris, Verdi assiste avec Peppina au début de 1852 à une représentation de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. Pour le compositeur, le parallèle est inévitable entre la vie de « dévoyée » de l’héroïne Marguerite Gautier et celle de Giuseppina qui, dans la période précédant sa rencontre avec Verdi avait vécu comme une « traviata ». La comparaison entre le père d'Armand Duval et son propre père trouble également Verdi et sans doute le Germont de son opéra est-il le reflet de celui-ci. Lorsque en octobre de la même année Carlo Marzari, le directeur de la Fenice, presse le maestro de respecter le contrat signé au printemps, Verdi se décide pour cette adaptation à laquelle il travaille avec Piave.

Il considère que le sujet est parfaitement situé dans le Paris du Second Empire et n’admet pas la décision de la direction de la Fenice de décaler l’action et de la faire représenter en costumes du XVIIe siècle. Verdi sent d’autant plus le fiasco arriver qu’il ne réussit pas à avoir la soprano qu’il souhaite pour le rôle de Violetta : « une personnalité élégante, jeune, capable de chanter avec passion »[44]. Le 6 mars 1853, si la musique de Verdi est acclamée dans le prologue, il n’en va pas de même pour la suite et après rires et sifflets, la représentation se termine sous les huées du public. Les puritains ont réussi à dévoyer la pureté de ce drame intimiste tout de sensibilité.

Ce n’est que lors de la reprise en 1854 que La traviata triomphera à Venise. Depuis lors ce succès ne s’est jamais démenti. Pourtant, la satisfaction de Verdi ne sera jamais complète : l’opéra ne sera représenté dans une mise en scène contemporaine qu’en 1906, cinq ans après sa mort.

L’installation à Sant’Agata : des Vêpres siciliennes à Un ballo in maschera

Verdi a installé ses parents sur le domaine dont il avait fait l’acquisition, à son retour de Paris en 1848, à Sant’Agata, le hameau des origines de sa famille paternelle. Or, Carlo Verdi n’admet pas la cohabitation hors mariage, considérée en soi comme scandaleuse dans ce XIXe siècle, de son fils avec une femme, au passé de traviata qui plus est. Son attitude hostile achève de dégrader les rapports qui n’étaient déjà pas au mieux entre le père et le fils. Ainsi, Verdi n’a-t-il plus de raison d’autoriser Carlo et Luigia à demeurer sur sa propriété. Ils sont contraints de trouver à se loger ailleurs.

Au printemps de 1851, la vie à Busseto devenant par trop étouffante, le compositeur s’installe à Sant’Agata avec Giuseppina (qu’il n’épousera qu’en 1859). La disparition de Luigia dans cette circonstance est alors une source de remords pour Verdi, ajoutant à la déchirure de la perte de cette mère aimante. La tendresse de Peppina et la présence affectueuse de ses deux amis, Emanuele Muzio son ancien élève et le librettiste Francesco Maria Piave, se révéleront nécessaires pour lui permettre de sortir de son désespoir et de poursuivre la composition des deux derniers opéras de la « trilogie », les deux premières œuvres composées à Sant’Agata.

À son retour de Venise au printemps 1853, Verdi se penche à nouveau sur le projet du Re Lear. Après avoir récupéré, par l’entremise de son ami napolitain Cesare De Sanctis, le synopsis qu’il avait envoyé à Salvatore Cammarano en 1850, il le propose à Antonio Somma, un dramaturge dont il a fait la connaissance à Venise. Malgré un livret bien avancé, encore une fois, le maestro laisse l’ouvrage de côté pour se consacrer à une commande à honorer.

La « grande boutique », comme l’appelle Verdi a, selon lui, « assassiné » Luisa Miller et Jérusalem[45]. Or, l’Opéra du Paris haussmannien est avec La Scala le temple incontournable de l’art lyrique et Nestor Roqueplan a, en 1852, passé commande à Verdi d’un nouvel ouvrage, qui doit être obligatoirement écrit sur un livret produit par Eugène Scribe, le dramaturge attaché au théâtre, et livré pour être représenté à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855. Renonçant à cause d’une épidémie de choléra à un séjour hivernal à Naples qui devait lui permettre d’échapper à la morosité d’un hiver en tête à tête avec Peppina, qui s’adapte difficilement à Sant’Agata et au climat humide de la Bassa padana, Verdi décide de poursuivre dès le mois d’octobre 1853 la composition des Les Vêpres siciliennes à Paris, pour le plus grand bonheur de la Strepponi.

Mais Verdi n’aime pas le livret et il se saisit du moindre prétexte pour essayer de se dégager de ce contrat : la fugue sentimentale de la soprano Sofia Crivelli, la mauvaise production de « l’usine à livrets » de Scribe, mais surtout, les «  graves offenses à l’égard du peuple italien »[46] qui ressortent du texte relatant le massacre à Palerme des troupes d’occupation angevines par les insurgés siciliens. François-Louis Crosnier qui a succédé à Nestor Roqueplan à la direction de l’Opéra doit déployer des trésors de diplomatie pour convaincre Verdi que le contexte international des relations nouvelles entre la France et le royaume de Piémont-Sardaigne et de la guerre de Crimée dans laquelle les deux nations (rejointes par l’Angleterre) sont engagées côte à côte exclut le risque d’une manifestation d’italophobie.

L’opéra est finalement créé le 13 juin 1855 rue Le Peletier : le prestige de l’Exposition universelle est sauf au grand soulagement du gouvernement impérial. La réception tant par le public que par la critique est plutôt réservée. Seul Hector Berlioz, dans La France musicale estime Les Vêpres supérieures au Trovatore[47].

Article détaillé : Simon Boccanegra (1857, Venise).
Possible représentation de Simone Boccanegra, fresque du Palazzo San Giorgio (Gênes)

Verdi et Peppina ne sont pas pressés de quitter Paris où ils resteront encore six mois avec un intermède thermal à Enghien-les-Bains. Ils ne regagnent Sant’Agata que pour y passer l’hiver et le printemps 1855-1856. Malgré des conditions de vie nettement plus faciles (le maestro n’a plus besoin de courir le cachet, Giuseppina est maintenant acceptée par les notables de la région comme la moglie du compositeur, Verdi est devenu le propriétaire foncier le plus important de Sant’Agata avec l’acquisition de huit fermes, il est fait chevalier de l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare par Victor-Emmanuel) l’état de santé du musicien est encore mauvais. Ses maux d’estomac sont sans doute à mettre sur le compte de l’obligation de l’écriture quasi simultanée de deux autres opéras qui devaient être produits en mars et en août 1857 mais aussi des préoccupations liées à la surveillance de son patrimoine musical.

Retour à Paris au milieu de l’été, nouvelle cure à Enghien, séjour à la résidence impériale de Compiègne à l’invitation de Napoléon III, nouveau contrat avec « la grande boutique ». Il s’agit cette fois d’adapter pour la scène parisienne Il trovatore qui sera créé à l’Opéra le 12 janvier 1857 sous le titre du Trouvère et obtiendra un formidable succès, tant public que critique[48]. Il s’agit aussi de protéger ses œuvres contre les plagiats et autres pirateries dont elles faisaient l’objet et notamment de régler le contentieux qui opposait Verdi à Torribio Calzado, le directeur du théâtre des Italiens. S’il obtient gain de cause pour La traviata et Rigoletto, il est débouté pour Il trovatore, l’impresario ayant utilisé non la partition de Ricordi mais des copies réalisées en Espagne.

Mais l’heure est à la création de Simon Boccanegra. Mi-février, Verdi est à Venise pour les répétitions de son nouvel opéra. Le 12 mars 1857 la représentation à la Fenice est catastrophique :

«  J’ai eu à Venise un fiasco aussi grand que celui de La traviata. Je croyais avoir fait quelque chose de passable, mais il semble que je me sois trompé[49].  »

Pourtant l’argument est patriotique, la musique est belle et les interprètes, chanteurs, chœurs et orchestre furent à la hauteur. Mais nous sommes à Venise et les Vénitiens sont historiquement en lutte contre les Génois dans la conquête de la suprématie sur le commerce maritime : Venise boude tout simplement le sujet qui évoque la conjuration de Fiesco contre Simon Boccanegra, le premier Doge de Gênes. Le succès rencontré par Simon dans les autres villes, notamment à Reggio Emilia confirme si besoin était que la composition de Verdi n’est effectivement pas en cause dans ce qui ressemble plus à une cabale qu’à une critique musicalement justifiée.

Article détaillé : Aroldo (1857, Rimini).

Verdi ne porte pas dans son cœur les frères Ercole et Luciano Marzi, impresarios notamment de la Fenice de Venise, du Teatro Grande de Trieste et du théâtre de Reggio Emilia. Mais un contrat est un contrat et les directeurs du Teatro Nuovo Comunale de Rimini mettent à la disposition du maestro les chanteurs qu’il souhaite et, surtout, la direction de l’orchestre est confiée à Angelo Mariani, l’un des meilleurs chefs italiens de l’époque — qui deviendra l’un des plus grands amis de Verdi.

Le compositeur a donc accepté dès la fin de 1855 de reprendre son Stiffelio et, avec l’aide du fidèle Piave, il s’attelle au remaniement du livret qui passera ainsi plus facilement l’épreuve de la censure de cette ville sous autorité pontificale et s’adaptera mieux au goût du public. Un important travail de réécriture musicale avec notamment l’adjonction d’un quatrième acte finira de transformer Stiffelio en Aroldo.

Après une année de labeur interrompu par Boccanegra et Le Trouvère parisien, les répétitions peuvent enfin débuter dont Mariani se partage la direction avec Verdi pendant que celui-ci fait travailler les chanteurs. Le 16 août 1857, le Teatro Nuovo Comunale de Rimini est inauguré avec Aroldo. L’accueil est triomphal : applaudissements après chaque numéro, vingt-sept rappels pour le compositeur et son librettiste, raccompagnement de Verdi à son hôtel à la lueur des flambeaux[50]. Reggio Emilia, Rimini, le « cigno di Busseto » est prophète en son pays.

Article détaillé : Un ballo in maschera (1859, Rome).
L’assassinat de Gustave III de Suède lors d’un bal masqué avait notamment inspiré Scribe et Mercadante avant d’être choisi par Verdi pour sujet initial de son nouvel opéra

«  Je pose en outre la question suivante ; les éléments suivants de mon drame subsistent-ils, oui ou non, dans la version censurée :
Le titre ? Non
Le poète ? Non
La période ? Non
Le cadre ? Non
Les personnages ? Non
Les situations ? Non
Le tirage au sort ? Non
Le bal ? Non
Un musicien qui se respecte et qui respecte son Art ne peut ni ne doit se déshonorer en acceptant […] de telles monstruosités qui violent les principes les plus fondamentaux de l’art dramatique et avilissent la conscience de l’artiste[51]  »

L’opéra composé sur le thème de l’assassinat de Gustave III de Suède lors d’un bal masqué, qui avait déjà inspiré le drame écrit par Eugène Scribe pour l’opéra de Daniel-François-Esprit Auber, choisi par Verdi pour honorer le contrat conclu avec l’administration du Teatro San Carlo en 1856 et devenu sous la plume d’Antonio Somma Una vendetta in domino, ne sera pas monté à Naples.

Après avoir rejeté l’idée d’une adaptation de Ruy Blas, le premier choix de Verdi s’était une nouvelle fois porté sur le Re Lear dont l’idée ne le quittait pas. La direction du San Carlo n’étant pas en mesure de fournir les seuls chanteurs susceptibles pour Verdi de tenir les rôles de Lear et Cordelia, le compositeur remplace finalement cette proposition par celle d’Un ballo in maschera. Alors qu’il est à Naples en janvier 1858, prêt à commencer les répétitions, Verdi connaît, selon ses propres termes[52], une véritable descente aux enfers : l’imposition par la censure bourbonienne d’un livret complètement mutilé, plus de trois mois après avoir proposé son projet déjà modifié pour complaire à l’administration. Vendetta in domino, rendu méconnaissable sous l’effet des coups de ciseaux rageurs d’un fonctionnaire zélé, est devenu Adeglia degli Ademari. Rien ne subsiste, non seulement du titre, mais de la période, des personnages, des situations. Verdi demande aux juges d’apprécier la mutilation rendant le contrat caduc et obtient gain de cause : il peut reprendre son œuvre ; il devra en compensation accepter de monter Simon Boccanegra à l’automne pour la scène napolitaine. La représentation de Simon donnée en novembre 1858 est un triomphe : belle revanche pour Verdi.

Entre temps, le maestro est rentré en contact avec Jacovacci, l’impresario romain ravi de voir une nouvelle œuvre de Verdi à l’affiche du Teatro Apollo. Retourné à Sant’Agata, le compositeur travaille avec Somma à la révision du livret dans le sens souhaité par les censeurs de l’administration pontificale. L’action de Vendetta in domino, qui devient finalement Un ballo in maschera, se trouve transposée à Boston et Gustave III est remplacé par le comte de Warwick. Les exigences sont moindres et ne portent que sur une soixantaine de vers. Le 17 février 1859 l’opéra donné à guichets fermés reçoit les acclamations délirantes du public. Les places des représentations suivantes atteignent des prix faramineux. Tous les soirs, Verdi est rappelé longuement aux cris de :

« Viva V.E.R.D.I[53].! »

Ce rappel n'était pas qu'un hommage à l'auteur : il constituait aussi, pour un peuple qui ne pouvait pas par des voies officielles et ouvertes clamer son patriotisme, l'occasion d'exprimer un souhait politique : « Victor-Emmanuel Roi d'Italie ».

La députation à Turin, La forza del destino à Saint-Petersbourg et l'Inno delle nazioni à Londres

« J'ai adoré cet art, et je l'adore toujours ; quand tout seul, je me débats avec mes notes, mon coeur bat, les larmes me coulent des yeux, mes émotions et mes joies passent toute description[54]. »

Cet aveu à Francesco Maria Piave survient à un moment où, paradoxalement, Verdi semble songer à abandonner la composition. Il vient de régulariser sa liaison avec Giuseppina [55]. Peut-être parce que les fonctions officielles qui l'attendent nécessitent cette aura de respectabilité. Pendant les deux années qui suivent la création du Ballo in maschera, les préoccupations du bussetan ne sont pas musicales. En cette période où la deuxième guerre d'indépendance va conduire à l'aboutissement du processus d'unification, Verdi va accepter la charge de représenter ses concitoyens à l'assemblée des provinces de Parme puis, plus sur l'insistance de Camillo Cavour [56] que par réelle conviction, la députation au Parlement de Turin. Pas plus la demande de Jacovicci d'un nouvel opéra pour Rome (« La boutique est fermée » et il n'a « aucun désir de la rouvrir ») que les sollicitations qu'il reçoit pour composer alors un hymne à la nation, dont l'unité n'est pas encore entièrement réalisée, ne l'amènent à reprendre le papier à musique. À côté de la politique, une autre de ses préoccupations, l'embellissement de la villa de Sant'Agata, dont le coût des travaux se rajoute aux charges de son mandat, est peut-être ce qui le décide finalement à accepter une nouvelle proposition.

Affiche pour la première de
La forza del destino au théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg

Elle émane cette fois du théâtre impérial de Saint-Pétersbourg. Et c'est une œuvre de de l'espagnol Ángel de Saavedra, Don Alvaro o la Fuerza de sino (« Don Alvaro ou la force du destin »), qui est choisie dès le mois de juin 1860 par le maestro. L'adaptation en est confiée une fois encore à son ami Piave. Le 6 décembre, Verdi et Peppina se rendent dans la capitale de l'Empire russe où la fastueuse architecture italianisante de Rastrelli cache aux yeux de Verdi, trop absorbé par son opéra, la condition misérable des classes ouvrières qui n'échappe cependant pas à Peppina, choquée par la situation de ces populations à peine sorties du servage. À l'inverse de Giovanni Paisiello ou de Domenico Cimarosa qui, comme tant d'autres artistes italiens, l'y ont précédé mais qui, en qualité de maître de chapelle de la Grande Catherine, occupaient une position subalterne, Verdi, auréolé de sa gloire et de sa qualité de représentant de la nation italienne, est traité en ambassadeur.

Après plusieurs semaines de répétitions, Emma La Grua, la soprano choisie pour le rôle de Leonora tombe malade et Verdi demande l'annulation du contrat dont la qualité des chanteurs est l'un des éléments essentiels. Finalement, la création de l'opéra est simplement reportée à la saison suivante. La première de La forza del destino est donnée le 10 novembre 1862 avec Caroline Barbot, très applaudie, comme l'ensemble des chanteurs. Verdi, sans recevoir un accueil aussi délirant que ceux auxquels il est maintenant habitué, est ovationné. Pourtant la critique se montre réservée, qui estime que le maestro a « fait du Meyerbeer » en voulant se rapprocher du style « grand opéra ». Qu'importe : les réceptions dans les palais de l'aristocratie pétersbourgeoise sont agréables et la somme encaissée considérable. À l'issue de la quatrième représentation, Verdi est reçu dans la loge du couple impérial. Il a un long entretien avec Alexandre II qui le décore, quelques jours plus tard, de l'ordre de Saint-Stanislas[57]. Verdi quitte Saint-Pétersbourg enrichi de la consécration d'une nouvelle capitale.

Entre les deux séjours à Saint-Pétersbourg, Verdi, alors à Paris, compose la cantate qui lui est commandée pour l'Exposition universelle de Londres. C'est l'occasion de sa première rencontre avec un jeune poète de vingt ans, Arrigo Boito, qui lui est envoyé par Clara Maffei. Fort de sa recommandation et déjà assuré d'une certaine notoriété dans le domaine musical et littéraire (il est notamment l'auteur d'une cantate, Le sorelle d'Italia), il se voit chargé par Verdi de l'écriture du texte de l'Inno delle nazioni. En raison des obstacles créés par Michele Costa, le directeur napolitain de Covent Garden, prétextant un soi-disant retard dans la livraison de l'œuvre et un non-respect de la forme exigée (exclusivement instrumentale), l'hymne n'est pas joué lors de l'inauguration de l'Exposition. Le 24 mai 1862 la cantate est donnée au Her Majesty's Theatre avec 260 choristes, la soprano Therese Tietjens et sous la direction de Luigi Arditi. Verdi tient sa revanche, acclamé par le public outré de l'affront infligé par le Comité au maestro pour lequel il s'agissait là d'un véritable outrage à la nation italienne. Plus qu'une revanche, puisque cet esclandre a procuré à sa cantate une publicité inespérée et incomparable laissant dans l'ombre les œuvres présentées dans le cadre de l'exposition.

Paris et la « grande boutique »

Les reprises pour Paris : les Vêpres, Rigoletto, Violetta, Macbeth
Le palais de l'Escurial en 1850

À leur retour de Saint-Pétersbourg, les Verdi se rendent à Paris où ils passent Noël et le Nouvel An avant de gagner Madrid pour les représentations en février 1863 de la forza del destino au Teatro Real. En Espagne, Verdi découvre grandeur nature les décors de ses précédents opéras et le « morceau de marbre » du palais de l'Escurial qui sera le cadre de sa prochaine œuvre mais le maestro ne le sait pas encore. Pour l'heure Verdi règle ses comptes avec la « grande boutique » qu'il quitte en claquant la porte, jurant de n'y plus remettre les pieds, désavoué par la direction de l'Opéra lors d'un accrochage avec les musiciens de l'orchestre pendant une répétition de la reprise, en juin 1863, des Vêpres siciliennes[58]. Juillet voit le couple Verdi reprendre possession du domaine de Sant'Agata.

Durant les dix années qui suivent, en dehors des deux seules créations de Don Carlos et d'Aida, Verdi se consacre à son mandat de député au Parlement de Turin auquel il mettra fin en août 1865 et, essentiellement, à la valorisation de ses deux patrimoines, le foncier et le musical. Les revenus qu'ils lui procurent, s'ils nécessitent d'incessants et rigoureux contrôles, lui permettent néanmoins de résister aux sollicitations qui affluent de toutes parts, y compris dans le domaine politique :

« Sachez que pendant plusieurs jours je me suis trouvé pêle-mêle avec des municipalités, des congrès, des monuments, des députations, des sociétés de musique de chambre, des hymnes aux prêtres, aux moines, aux saints archanges, etc[59]. »

écrit-il le 26 septembre 1864 à sa grande amie Clara Maffei.

L'Opéra Le Peletier, ancienne salle de l'Opéra de Paris, vers 1865

Le coup de sang qui l'a éloigné de l'Opéra ne l'empêche cependant pas d'être reconnu à Paris où il est élu à l'Académie des Beaux-Arts au fauteuil de Giacomo Meyerbeer et où Léon Carvalho, le directeur du Théâtre Lyrique, monte Rigoletto et Violetta, la version française de La traviata. Le triomphe obtenu amène Léon Escudier et Carvalho à proposer à Verdi de remanier son Macbeth pour le public parisien. Le livret est traduit par Louis Etienne Nuittier et Alexandre Beaumont sous le contrôle de Francesco Maria Piave pendant que le maestro apporte des modifications importantes à la partition. La première est donnée le 21 avril 1865 mais l'opéra est rapidement retiré de l'affiche : la critique reproche à Verdi de « ne pas connaître Shakespeare ». À Verdi qui se targue de posséder son auteur favori sur le bout du doigt et qui le prend évidemment très mal.

La carrière d'un compositeur passe inévitablement par l'Opéra et Verdi le sait bien qui a bien pris garde de véritablement couper les ponts avec la « grande boutique ». Aussi, lorsqu'Émile Perrin lui propose un nouveau contrat, le compositeur est tout à fait prêt à occuper la place laissée vide par la mort de Meyerbeer et par le rejet de Richard Wagner dont le Tannhaüser a été sifflé par le public parisien. Les Verdi se rendent à nouveau à Paris en juillet 1865 où le compositeur débute l'écriture de la nouvelle œuvre qui n'est pas terminée lorsqu'il reçoit de ses amis patriotes l'information d'une nouvelle insurrection qui allait aboutir à la libération de Venise de l'occupant autrichien. Retour à Sant'Agata au printemps 1866 où le maestro joue à nouveau le rôle de composition qui fut le sien sept ans auparavant. Tout en affirmant ses convictions patriotiques il se désole de n'avoir la force de prendre les armes quand il est capable de chasser des heures durant. Il écrit encore à la comtesse Maffei :

« La seule idée que les Autrichiens pourraient venir ici me ferait courir à des milliers de kilomètres sans reprendre mon souffle, pour ne pas voir leurs sales gueules. »

Le Palazzo Sauli Pallavicino, résidence des Verdi à Gênes entre 1867 et 1874

Bien sûr, Verdi ne manque ni de résistance ni de courage et seul, comme le rappelle Pierre Milza, « le sens aigu qu'il a du ridicule le fait repousser l'image du soldat d'opérette, du faux héros, qui ne manquerait pas d'être accolé à sa personne s'il s'avisait de revêtir l'uniforme »[60]. Avant de rejoindre Paris pour la création de Don Carlos, il s'installe avec Peppina et avec l'aide d'Angelo Mariani au Palazzo Sauli Pallavicino de Gênes qui deviendra sa résidence hivernale jusqu'à son installation, après la mort de Mariani, dans la Villa del Principe. C'est là qu'il apprend la cession de la Vénétie par l'Autriche à la France, ignorant encore l'existence des tractations par lesquelles elle serait finalement cédée à l'Italie enfin unie.

Don Carlos pour l'Opéra
Article détaillé : Don Carlos (1867, Paris).

Parmi les sujets proposés par Émile Perrin, Verdi, après avoir repoussé l'idée se révélant une nouvelle fois irréalisable de créer son Re Lear, avait retenu le drame de Schiller, Don Carlos. La mise en musique du livret en français tiré, d'abord par Joseph Méry puis, à sa mort, par Camille du Locle de l'œuvre du poète allemand, avait été laborieuse, tant en raison des difficultés liées à la langue, que du changement de librettiste mais aussi à cause des exigences de la « grande boutique », inconcevables pour Verdi qui devait malgré tout s'y plier.

Après une cure en août à Cauterets, durant laquelle le compositeur écrit le cinquième acte, les époux Verdi retrouvent enfin Paris. Les répétions débutent en septembre mais s'éternisent et se compliquent au point que lorsque Giuseppe apprend la mort, le 14 janvier 1867, de son père Carlo, il ne peut s'absenter pour se rendre à Busseto et doit confier l'organisation des obsèques à son ami Carrara. Le rapport difficile père-fils que l'on avait déjà pu voir évoqué dans La traviata (Germont/Alfredo) prend dans l'opposition Philippe II/Carlos une signification bouleversante avec la survenance de la mort du père. Pour le fils, « cette année est aussi maudite que 1840 »[61].

La première est donnée le 11 mars 1867 salle Le Peletier en présence du couple impérial et de tout l'establishment. Réaction mitigée, tant du public que de la critique : applaudissements polis, reproches de passéisme comme de novation inaboutie. Jusqu'à Georges Bizet de taxer étrangement Verdi d'avoir voulu « faire son Wagner » quand le maestro ne connaît tout juste de son concurrent allemand que l'ouverture de Tannhaüser. Théophile Gautier est alors l'une des rares personnes à comprendre que le Don Carlos du « maître de Parme » marque sa « conversion à la musique moderne »[62]. L'œuvre reste malgré tout plusieurs mois à l'affiche de l'Opéra ou elle finit par rencontrer un plus grand succès.

Le 21 juillet 1867 c'est au tour d'Antonio Barezzi de disparaître, laissant Giuseppe encore plus désespéré par la mort de ce deuxième père. Du fond de sa dépression, Verdi laisse Angelo Mariani s'occuper de monter Don Carlos pour la scène italienne. Le 27 octobre 1867 Don Carlo (titre adopté pour la péninsule) triomphe sur la scène du Teatro comunale di Bologna avec une Teresa Stolz au faîte de sa gloire et Mariani, le plus grand des chefs verdiens, à la baguette.

Le requiem pour Rossini et le retour à la scène milanaise

Années noires pour Verdi que ces années 1867 à 1869 qui voient son ami Francesco Maria Piave paralysé à la suite d'une attaque et ses relations avec Mariani assombries par la suspicion du maestro pour ce fidèle compagnon. C'est tout d'abord pour une sombre affaire de décoration refusée par l'un et acceptée par l'autre que leurs rapports se dégradent. Un imbroglio autour de la messe écrite par un collectif des plus grands compositeurs en hommage à Gioachino Rossini qui vient de mourir, le 13 novembre 1868, continue d'attiser la fureur de Verdi contre le pauvre Mariani totalement étranger à l'échec qui lui est reproché. Le compositeur le rend responsable du refus par l'impresario du Teatro comunale di Bologna, Luigi Scalaberni, de donner le requiem qu'il proposait alors que celui qu'il ne considère déjà plus comme son ami s'était vu confier l'organisation de la cérémonie de souvenir en l'honneur de Rossini.

Est-ce la déception affichée par rapport au comportement de Mariani ou les tensions qui traversent son couple avec Peppina qui amènent Verdi à renouer avec la scène milanaise malgré a promesse de n'y jamais remettre les pieds ? Toujours est-il qu'il y retrouve Teresa Stolz, alors la maîtresse de Mariani, pour la reprise de La forza del destino le 27 février 1869. Le triomphe est à la hauteur de l'événement, le public rappelle vingt-sept fois le maestro resté absent plus de vingt ans de la Scala. Verdi comme le public trouve Teresa Stolz « sublime »[63] et son goût pour la composition renaît.

Il retrouvera bientôt la diva autrichienne sur la scène milanaise. Mais l'heure est sombre pour la sœur latine. Malgré son ressentiment contre les Français qui « se sont rendus insupportables par leur insolence, leurs blagues et leurs fanfaronnades[64] », Verdi exprime dans une lettre à son amie Clara Maffei sa tristesse pour la nation à laquelle l'Italie doit la réalisation de son unité et lui fait part en ces termes de sa position interventionniste :

« J'aurais aimé une politique plus généreuse, j'aurais aimé que l'on payât une dette de reconnaissance. Cent mille des nôtres pouvaient peut-être sauver la France et nous en même temps. Quoi qu'il en soit, j'aurais préféré nous voir signer la paix, vaincus aux côtés des Français, plutôt que cette inertie qui nous fera mépriser un jour[65] »

Des raisons plus pragmatiques expliquent aussi l'intérêt de Verdi pour le sort de la France : le siège de Paris par les prussiens empêche l'acheminement des décors d'Aida, l'ouvrage composé pour Le Caire.

Le Caire et la Scala avec Aida
Article détaillé : Aida (1871, Le Caire).
Le Khédive Ismaïl Pacha, commanditaire d'Aida

Après les deux monumentaux drames historiques de facture « grand opéra », La forza del destino commandé par le théâtre impérial de Saint-Pétersbourg et Don Carlos pour l'Opéra de Paris, cette période d’expérimentation culmine avec Aida, prévu initialement pour l'ouverture du Théâtre italien du Caire lors de l'inauguration de canal de Suez en novembre 1869.

L'ouvrage n'ayant finalement pas été utilisé lors des manifestations de 1869, ce n'est qu'en juillet 1870 que Verdi reçoit de Camille du Locle le canevas, imaginé par Auguste-Édouard Mariette mais vraisemblablement, parce qu'il est l'œuvre d'« une main très experte, celle d'un homme qui connaît très bien le théâtre[66] » comme le décèle Verdi, écrit par Temistocle Solera, le librettiste de Nabucco, alors en charge de l'organisation des festivités. Le Khédive Ismaïl Pacha souhaite voir l'Opéra du Caire auréolé du prestige de la création de l'un des maîtres de l'opéra, Verdi, Wagner ou Gounod. Le compositeur italien accepte la proposition communiquée par Paul Draneht, le surintendant des théâtres du Caire. Du Locle écrit le livret en prose et en français et Antonio Ghislanzoni est chargé de sa versification en italien.

Le retard provoqué par la rétention des décors à Paris sera l'occasion pour Verdi de montrer, dans une lettre adressée au sculpteur romain Vincenzo Luccaroni, une qualité de visionnaire d'une lucidité rare :

« Mon opéra pour le Caire est fini mais ne peut être donné car les costumes et décors sont restés enfermés à Paris. Il n'y a pas grand mal ! Mais un mal plus grave, c'est cette horrible guerre et la prépondérance qu'ont prise ces Prussiens ; prépondérance qui nous sera fatale plus tard, y compris pour nous. Ce n'est plus une guerre de conquête, d'ambition ; c'est une guerre de race, et elle durera très longtemps [...] c'est la force de ces nouveaux Goths qui m'épouvante[67]... »

Le succès obtenu lors de la première au Caire le 24 décembre 1871 laisse indifférent un Verdi préoccupé par la programmation de l'opéra à Milan où l'enjeu n'est autre que, certes sa reconnaissance par le public scaligère, mais surtout, la sauvegarde de la prépondérance de l'opéra italien sur le style germanique de Wagner et français de Meyerbeer. Dirigé par Franco Faccio, scapigliato converti, chanté par Teresa Stolz, dont les exigences contractuelles n'avaient permis de l'engager au Caire, Aida triomphe à la Scala le 8 février 1872. Le maestro est rappelé trente-trois fois et reçoit en hommage une baguette en ivoire rehaussée d'une étoile de diamant. Près de trente ans après ses premiers succès au sein du temple de l'art lyrique Verdi en est encore le dieu.

Après un temps de repli, cet opéra va ouvrir la période des derniers chefs-d’œuvre : le Requiem, les Quattro pezzi sacri, Otello et Falstaff.

Le temps de la réflexion et de l’apothéose

Les révisions

Après Aïda, satisfait des succès internationaux et plutôt critique en regard des progrès musicaux de ses contemporains, Verdi décide de se retirer. Il passe les années qui suivent à la révision de ses premières partitions pour en tirer notamment de nouvelles versions de Don Carlos, La forza del destino, et Simon Boccanegra.

Otello et Falstaff

Seul saura le faire sortir de l’isolement Arrigo Boito, le poète et compositeur scapigliato d’un Mefistofele, qui l’avait publiquement offensé en 1863 en le rendant responsable du provincialisme et du retard de la musique italienne de ce temps. Avec les années, Boito a cependant compris que seul Verdi était en mesure de ramener l’Italie musicale au niveau européen.

Article détaillé : Otello (1887, Milan).

Avec l’aide précieuse du clairvoyant éditeur Giulio Ricordi, il réussit, en 1879 à convaincre le musicien de collaborer à un nouveau grand projet lyrique en écrivant pour lui le livret d’Otello, un drame du décadentisme tiré de la tragédie de Shakespeare, auteur qui passionne depuis toujours tant le compositeur d’âge mûr que le plus jeune Boito. Après huit ans de travail alterné avec le remaniement de Simon Boccanegra, Otello créé le 5 février 1887 à la Scala est accueilli avec un succès éclatant. Pourtant, sa musique continue ne peut aisément être scindée en numéros pouvant être donnés en concert. Certains critiques estiment que bien que magistralement orchestré, il manque de l’éclat mélodique si caractéristique des premiers grands opéras de Verdi, et que le prélude fait défaut, ce à quoi ses auditeurs ne sont pas habitués. Beaucoup en revanche considèrent Otello comme le plus grand opéra tragique de Verdi, celui qui contient l’une de ses plus belles, de ses plus expressives musiques.

Article détaillé : Falstaff (1893, Milan).

Les deux œuvres, représentées à la Scala, connaissent un accueil différent : si Otello rencontre immédiatement le goût du public, s’imposant durablement au répertoire, Falstaff, créé le 9 février 1893 et dont le livret basé sur la traduction par François-Victor Hugo des Joyeuses commères de Windsor de William Shakespeare est également d’Arrigo Boito, déconcerte ce public verdien et les mélomanes italiens : non seulement, pour la première fois depuis l’infortuné Un giorno di regno, le vieux Verdi se confronte au théâtre comique, mais avec sa comédie suprême montrant son génie contrapuntiste, il réussit à balayer d’un seul coup toutes les conventions de forme de l’opéra italien, montrant une vitalité artistique, un esprit de modernité et une énergie créative surprenants. Fasltaff a toujours attiré les musiciens, et exercé une influence décisive sur les jeunes compositeurs d’opéras, de Puccini à la génération des années quatre-vingt.

Otello et Falstaff, la tragédie et la comédie, sont considérés comme les opéras les plus achevés du maître.

Les dernières années

Plaque commémorative de la villa del Principe à Gênes.

La vie de Giuseppe Verdi est caractérisée par deux périodes : celle de la jeunesse, faite de tribulations et de luttes et celle de la pleine maturité, riche de sérénité et d’inspiration. Celle des dernières années s’écoule entre Sant’Agata et Milan ainsi qu'à Gênes durant la période hivernale.

Giuseppa Strepponi meurt subitement le 14 novembre 1897.

La casa di riposo per musicisti

Article détaillé : Casa di riposo per musicisti.
Maison de retraite des musiciens fondée par Verdi à Milan

Le 16 décembre 1899, Verdi fonde à Milan la maison de retraite des musiciens (Casa di riposo per musicisti) dans l’objectif d’assurer l’entretien de « ceux qui ont consacré leur vie à l’art musical » et qui se trouvent en difficulté. Selon sa volonté, les premiers hôtes n’accéderont à la maison de repos qu’après sa mort.

Va, pensiero…

Article détaillé : Va, pensiero.

Alors qu’il séjournait dans un hôtel milanais, Verdi a une attaque le 21 janvier 1901. Il s’affaiblit progressivement et meurt six jours plus tard, le 27 janvier 1901. Dans son testament du 14 mai 1900, Verdi désigne en qualité de légataire universel une cousine de Busseto, Maria Verdi. Nombreux furent les legs destinés à divers organismes sociaux dont, naturellement, la Casa di riposo per musicisti, dans l’oratoire de laquelle il est enseveli, aux côtés de son épouse Giuseppina, le 27 février 1901.

Le jour des funérailles du maestro, la Piazza Duomo et les rues adjacentes sont recouvertes de paille pour que le vacarme des fiacres ne vienne pas troubler son repos. Ses funérailles sont immenses. 250 000 personnes sont présentes pour rendre un dernier hommage à l’une des plus importantes figures de la musique italienne. Lorsque son corps est transféré du cimetière à la Casa di riposo, un chœur de 820 chanteurs dirigé par Arturo Toscanini interprète le Va pensiero et le Miserere du Trouvère.

Analyse

L’œuvre

Verdi s’est aussi confronté à l’écriture en dehors du champ de l’opéra. Après avoir reçu la formation de maître de chapelle, selon la pratique de l’époque, il écrit quantité de musique sacrée instrumentale, mais abandonne presque complètement les genres non lyriques, à l’exception de la romance de salon, dès le début de sa carrière de compositeur d’opéras.

L’œuvre de Verdi est souvent empreinte de patriotisme italien : le Chœur des esclaves hébreux dans Nabucco, connu sous l'incipit Va, pensiero, est régulièrement proposé comme un possible hymne national italien. D’autres références à des événements politiques sont présentes dans I Lombardi alla prima crociata.

Les opéras

On trouvera l’analyse de chacune des œuvres opératiques dans l’article qui lui est consacré auquel on accédera à partir de la liste ci-dessus.

Les œuvres non opératiques

La musique vocale
La musique instrumentale

La partition d'une Valse gracieuse composée en 1859, d’abord perdue, fut finalement retrouvée. Dans la fameuse scène du bal du film Il Gattopardo de Luchino Visconti, les invités dansent sur cette valse orchestrée par Nino Rota.

L’unique incursion de Verdi dans le genre de la musique de chambre est constituée par son Quatuor à cordes en mi mineur (1873).

La musique sacrée
Article détaillé : Requiem.

Il écrit une messe de Requiem pour la mort d’Alessandro Manzoni, « l’une des plus formidables pièces de l’histoire de la musique sacrée[68] », exécutée en l’église San Marco à Milan le 22 mai 1874. Après la mort de Rossini, en 1869, Verdi avait déjà proposé en hommage collectif au compositeur de Pesaro un Requiem composé par tous les musiciens italiens majeurs de ce temps, et dont il avait réservé le Libera me qui passera, après quelques changements, dans le Requiem pour Manzoni.

Toujours dans le domaine de la musique sacrée, l'athée Verdi laisse un Pater noster, sur le texte en italien du Dante, publié en 1880 et les Quattro pezzi sacri (Quatre pièces sacrées), composées dans la maturité tardive et publiées en 1898 : Ave Maria, Stabat Mater, Laudi alla Vergine et Te Deum.

Les hymnes

Il compose, pour l'Exposition universelle de Londres en 1862, une cantate, l'Inno delle nazioni, dont le texte est écrit par Arrigo Boito. Œuvre patriotique, son ouverture invoque la joie du peuple et son finale mêle les hymnes nationaux Fratelli d'Italia, la Marseillaise et God Save the King. À la suite d'un imbroglio, la cantate n'est finalement pas donnée pour l'ouverture de l'exposition. Verdi furieux, s'en déclare malgré, tout dans une lettre à Léon Escudier, parfaitement satisfait :

« Moi qui n'écris jamais ni cantates ni hymnes ni marches, moi qui déteste et méprise toute œuvre de circonstance, vous imaginez combien je me sens heureux de m'en être tiré à si bon compte[69] »

Le style

Les prédécesseurs de Verdi qui ont influencé sa musique sont Gioachino Rossini, Vincenzo Bellini, Giacomo Meyerbeer et, plus notablement, Gaetano Donizetti et Saverio Mercadante. À la possible exception d’Otello et d’Aïda, il est libre de l’influence de Wagner. Quoique respectueux de Gounod, Verdi est attentif à ne rien apprendre du Français que certains de ses contemporains regardent comme le plus grand compositeur vivant. Quelques traits dans Aïda suggèrent au moins une connaissance superficielle de l’œuvre du compositeur russe Mikhail Glinka que Franz Liszt, après sa tournée dans l’empire russe a popularisé en Europe de l’Ouest.

Dans toute sa carrière, Verdi a rarement utilisé le contre-ut dans ses arias pour ténor, considérant que le fait de chanter cette note particulière devant une assistance distrait l’interprète avant et après que la note apparaît. Toutefois, il a donné un contre-ut à Duprez dans Jérusalem et à Tamberlick dans La forza del destino. Le contre-ut souvent entendu dans l’aria Di quella pira (Il trovatore) n’apparaît pas sur la partition de Verdi.

Bien que son orchestration soit souvent magistrale, Verdi compte fortement sur son don mélodique comme ultime instrument d’expression musicale. En fait, dans plusieurs passages, et particulièrement dans ses arias, l’harmonie est ascétique, tout l’orchestre sonnant comme un grand instrument d’accompagnement, comme une « grande guitare », dira Stravinski[70]. Certains critiques maintiennent qu’il n’accorde pas suffisamment d’attention à l’aspect technique de la composition, manquant de raffinement comme s’il était toujours en train d’apprendre. Verdi lui-même a déclaré : « de tous les compositeurs passés ou présents je suis le moins instruit » s’empressant toutefois d’ajouter : « je le pense tout à fait sérieusement et par instruction je n’entends pas connaissance de la musique ». Cependant, il serait incorrect d’affirmer que Verdi sous-estime la puissance expressive de l’orchestre ou ne l’emploie pas dans toute sa capacité lorsque c’est nécessaire. D’ailleurs, l’innovation orchestrale et contrapuntique est caractéristique de son style : par exemple, la montée rapide des cordes dans la scène de Monterone dans Rigoletto accentue le drame et, dans le même opéra, le chœur fredonnant six notes étroitement groupées en arrière-plan dépeint très efficacement les hurlements inquiétants de la tempête approchant.

Les innovations de Verdi sont si caractéristiques qu’aucun autre compositeur ne les emploie ; elles restent encore aujourd’hui la signature exclusive de Verdi. Verdi est l’un des premiers compositeurs à avoir patiemment recherché le terrain dans lequel enraciner ses talents particuliers. Travaillant étroitement avec ses librettistes et bien conscient que l’expression dramatique est son atout, il s’assure que le travail initial sur lequel est basé le livret est débarrassé de tous les détails inutiles et de tous les personnages superflus, et ne conserve que les rôles débordant de passion et les scènes dramatiquement riches.

Bien que ses compositions soient parfois critiquées pour utiliser un diatonisme sacrifiant au goût populaire plutôt qu’un idiome musical purement chromatique[réf. souhaitée] et pour leur tendance au mélodrame, les opéras de Verdi dominent encore le répertoire de l'art lyrique un siècle et demi après leur création.

Verdi et Wagner

Les deux compositeurs, qui sont les chefs de leurs écoles respectives, semblent ne pas s’apprécier mais ils ne se sont jamais rencontrés. Les quelques commentaires de Verdi à propos de Richard Wagner et de sa musique sont loin d’être bienveillants :

« Il choisit invariablement et inutilement la voie inexplorée, essayant de voler là où une personne raisonnable marcherait avec de meilleurs résultats. »

Mais il a au moins cette parole aimable en apprenant la mort de Wagner :

« Triste ! Triste ! Triste !… Un nom qui laisse une empreinte des plus puissantes dans l’histoire de notre art. »

L’un des commentaires de Wagner est bien connu : après avoir écouté le Requiem le grand musicien allemand, d’habitude prolifique et éloquent dans ses commentaires sur les autres compositeurs se contente de dire… « Il vaut mieux ne rien dire ».

La postérité

Plusieurs de ses opéras, notamment ceux postérieurs à 1851 sont ancrés dans le répertoire. Aucun compositeur d’opéras italiens n’a atteint la popularité de Verdi, à l’exception de Puccini et Rossini.

L’homme Verdi

La personnalité

Verdi et la politique

Quand Milan, toujours sous l’occupation autrichienne, commence à soutenir les efforts de Victor Emmanuel pour la réunification, des partisans clandestins commencent à comploter pour que le roi de Sardaigne conquière Milan et, à cause de la censure autrichienne sévère, une inscription circule : W VERDI, dissimulant un code de ralliement contre l’occupant et qui se lisait : ViVa Vittorio Emanuele Re DItalia[71]. Le compositeur était au courant de cette utilisation de son nom et est supposé y avoir consenti.

De 1861 à 1865 Verdi est député du premier parlement du royaume d’Italie.

Partisan des mouvements du risorgimento, il participe par les prises de position de ses compositions musicales à l’Unification italienne.

Par la suite, profondément déçu, il s’éloigne de la politique mais est nommé sénateur en 1874.

Le propriétaire terrien

Autour de Verdi

Verdi et le cinéma

Films biographiques

Films biographiques, plus ou moins librement tirés de la vie de Giuseppe Verdi :

Verdi chez Visconti

Le Guépard

Nino Rota a utilisé pour la scène centrale du film de Visconti, la scène du bal, la Walzer in fa maggiore composée en 1859 pour piano, en créant un arrangement pour l’orchestre symphonique. Cette pièce, mineure dans la carrière de Verdi, retrouve chez Visconti la dimension psychologique et sociopolitique de l’œuvre verdienne.

Deux extraits de La traviata sont également entendus  : vers le premier tiers du film, la petite fanfare municipale joue quelques notes du chœur des bohémiennes de l'opéra (Noi siamo zingarelle) accompagnant l'entrée des Salina dans leur village. La scène suivante montre l'entrée des personnages dans l'église : alors que tout le monde s'installe, l'organiste joue un bref extrait du prélude de l'opéra[72].

Senso

Le film débute sur une scène de manifestation des partisans de l’unité italienne contre l’occupant autrichien, lors d’une représentation d'Il trovatore à La Fenice de Venise. La scène se déroule sur l’air célébrissime de Manrico, Di quella pira. À la fin du troisième acte, lorsque le chœur en armes chante « All’armi, all’armi! Eccone presti / a pugnar teco, teco a morir[73] », semblant défier les officiers autrichiens, les patriotes lancent des balcons leurs affichettes vert blanc rouge, au cri de « Viva l’Italia » et « Viva Verdi ». Là encore, Visconti rappelle intensément le rôle et l’utilisation de Verdi dans le Risorgimento.

Chez les autres réalisateurs

Bernardo Bertolucci ouvre son film 1900 par l’annonce, symbolisant le siècle finissant mais aussi celui qui commence, de la mort de Verdi, aux cris de « Verd, lé mort » (en dialecte Émilien-romagnol).

La reconnaissance institutionnelle

Trois conservatoires de musique italiens portent son nom : celui de Milan, celui de Turin et celui de Côme.

Nombre de communes ont également dédié leur théâtre au maestro Verdi :

Annexes

Documents sonores

Ernani (1844) : O sommo Carlo
Mattia Battistini (en), Emilia Corsi, Luigi Colazza
et Aristodemo Sillich (1906)


Rigoletto (1851) : La donna è mobile
Enrico Caruso (vers 1908)


Rigoletto : Bella figlia dell'amore
Enrico Caruso, Bessie Abott (en),
Louise Homer (en), Antonio Scotti (en) (1907)


Il trovatore (1852) : Stride la vampa
Gabriella Besanzoni (1920)
La traviata (1853) : Ah! fors'è lui
Lucrezia Bori (1910)


Un ballo in maschera (1859) : È scherzo od è follia
Enrico Caruso, Frieda Hempel (en),
Maria Duchêne, Andrés de Segurola
et Léon Rothier (1915)


La forza del destino (1862) : Nè gustare m'è dato un'ora
Enrico Caruso, Giuseppe de Luca (vers 1918)
Aida (1871) : O patria mia
Marie Rappold (en) (1916)


Aida : La fatal pietra (Morir ! sì pura e bella !)
Nicola Zerola (en) (1909)


Otello (1887) : Sì, pel ciel marmoreo giuro !,
Enrico Caruso et Titta Ruffo (1914)


Otello : Nium mi tema (Morte d'Otello)
Francesco Tamagno (1903)

Iconographie

Cliquez sur une vignette pour l’agrandir
Caricature de Verdi pour le magazine Vanity Fair (1879)
Caricature de Verdi en 1860 par Melchiorre De Filippis Delfico (it)
Croquis de Verdi aux répétitions de Falstaff à l'Opéra-Comique en 1894

Autres projets

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Bibliographie

La bibliographie verdienne est innombrable, essentiellement en Italie et dans les pays anglo-saxons. Ne sont reprises ici que les publications signalées, dans les ouvrages les plus récents, comme étant les plus facilement accessibles en français ou les plus importantes en langue étrangère. On se reportera utilement à la notice bibliographique de ces publications pour un développement plus détaillé.

Nota : Les ouvrages ou articles relatifs à l’un des vingt-huit opéras de Verdi sont cités dans l’article correspondant.

Ouvrages

  • Tubeuf, André, Verdi, de vive voix, Actes Sud, coll. Classica, Arles, 2010, 288 p. (ISBN 978-2-7427-8837-8)
  • Milza, Pierre, Verdi et son temps, Perrin, Paris, 2001, 559 p. (ISBN 2262016194), réédit. collection Tempus, 2004 (ISBN 2262022941)
  • Gefen Gérard, Verdi par Verdi, Archipel, Paris, 2001, 285 p. (ISBN 2841872785)
  • Labie, Jean-François, Le cas Verdi, Fayard, Paris, 2001, 462 p. (ISBN 221360813X)
  • Orcel, Michel, Verdi, la vie, le mélodrame, Grasset, Paris, 2001, 367 p. (ISBN 2246610516)
  • Van, Gilles de, Verdi, un théâtre en musique, Fayard, Paris, 2001, 470 p. (ISBN 2-213-02895-8)
  • Duault, Alain, Verdi, la musique et le drame, Gallimard, collection Découvertes, Paris, 2001, 192 p. (ISBN 2070530159)
  • Phillips-Matz, Mary Jane, Giuseppe Verdi, Gefen, Gérard, traduction et préface, Fayard, Paris, 1996, 1031 p. (ISBN 2-213-59659-X)
  • Gatti, Carlo, Verdi, Barbaud, Pierre, traduction, Ed. D’aujourd’hui, Les introuvables, Plan de la Tour, 1977, 2 vol., 274 p. (Nota : Reproduction en fac-similé de l’édition de Paris, Gallimard, 1961, épuisé, consultation en bibliothèque seulement.)
  • (it) Abbiati, Franco, Giuseppe Verdi, Ricordi, Le vite, Milan, 1959, 4 vol.
  • Baldini, Gabriele :
    • (it) Abitare la battaglia : la storia di Giuseppe Verdi, Garzanti, collection Saggi blu, Milano, 2001, 335 p. (ISBN 88-11-59703-X)
    • (en) The story of Giuseppe Verdi : Oberto to Un ballo in maschera, traduction Roger Parker, University Press, Cambridge, 1980, (ISBN 0-521-22911-1)
  • Budden, Julian, Les opéras de Verdi, en 3 volumes :
  • (de) Springer, Christian, Verdi und die Interpreten seiner Zeit. Holzhausen, Vienne, 2000, 490 p. (ISBN 3-85493-029-1)
  • (de) Springer, Christian, Verdi-Studien : Verdi in Wien ; Hanslick versus Verdi ; Verdi und Wagner ; Zur Interpretation der Werke Verdis ; "Re Lear" – Shakespeare bei Verdi. Edition Praesens, Vienne, 2005, 435 p. (ISBN 3-7069-0292-3)
  • (de) Springer, Christian, Giuseppe Verdi – Simon Boccanegra. Dokumente – Materialien – Texte. Éditions Praesens, Vienne, 2008, 719 p. (ISBN 978-3-7069-0432-2)
  • (it) Polo, Claudia, Immaginari verdiani. Opera, media e industria culturale nell'Italia del XX secolo, Milano: BMG/Ricordi, 2004

Articles ou publications collectives

  • Guide des opéras de Verdi, Jean Cabourg, directeur de la publication, avec la collaboration de Ivan A. Alexandre, Christophe Capacci, Michel Debrocq, Gilles de Van, Sylviane Falcinelli, Stéphane Goldet, Piotr Kaminski, Fernand Leclercq, Rolland Mancini, Isabelle Moindrot, Marie-Aude Roux, Pascale Saint-André, Georges Voisin et Jean-Paul Williart, traduction des livrets par Yvelaine Duault, Georges Farret, Jacques Fournier, Michel Orcel et Béatrice Vierne, Fayard, collection Les indispensables de la musique, Paris, 1990, 1283 p. (ISBN 2-213-02409-X)
  • Colas, Damien, « “Quels accents ! quel langage !” : examen du traitement de l’alexandrin dans Les vêpres siciliennes », in : L’opéra en France et en Italie (1791-1925). Une scène privilégiée d’échanges littéraires et musicaux, (Actes du colloque franco-italien, Villecroze, octobre 1997), Hervé Lacombe (éd.), Paris, Société française de musicologie, 2000, p. 183-210.
  • Maestro Verdi, Christian Merlin, Jean Cabourg, Pierre Flinois, Gilles de Van, Etienne Barilier, Alessandro di Profio, André Lischke, Damien Colas, Jean-François Labie, Hector Bianciotti, Didier Van Moere, Jean-Claude Yon, Alain Perroux, Pierre Michot, Joël-Marie Fauquet, Jean-Louis Dutronc, Sandro Cometta, Jean-Michel Brèque, Elisabetta Soldini, Laureto Rodoni, L’Avant-scène Opéra, Paris, 2001, 155 p. (ISBN 2-84385-171-8)
  • (de) Colas, Damien, « Verdi und Donizetti: ein Vergleich », Giuseppe Verdi — Große Komponisten und ihre Zeit, Markus Engelhardt (éd.), Laaber, Laaber-Verlag, 2001, p. 317-338 (ISBN 978-3-89007-182-4)
  • Di Profio, Alessandro, Verdi, Giuseppe, Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, dir. Joël-Marie Fauquet, Fayard, Paris, 2003, (ISBN 2-213-59316-7)

Liens externes

Notes et références

  1. L’acte de naissance de Joseph Verdi porté au registre de l’état civil de Busseto est repris ainsi par plusieurs auteurs : Cf. bibliographie supra
  2. Petit peuple
  3. Pierre Milza, Verdi et son temps, p. 13 (Cf. bibliographie)
  4. Michel Orcel, Verdi, La vie, le mélodrame, p. 12 (Cf. bibliographie)
  5. Gérard Gefen, Verdi par Verdi, p. 29 (Cf. bibliographie).
  6. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 19.
  7. Verdi n’aura qu’une sœur, née en 1816, Giuseppa Francesca, qu’il chérira, mais qui mourra à l’âge de dix-sept ans
  8. Situation exceptionnelle dans un village où les habitants parlent le dialecte parmesan et où seuls les enfants de notables sont instruits dans la langue du Dante
  9. Ce thème de la malédiction se retrouve dans nombre de ses opéras : Nabucco, Macbeth, Rigoletto, Simon Boccanegra, La Force du destin.
  10. L’inscription retrouvée sur la face inférieure de la touche la plus aigüe est ainsi reproduite, avec ses errements orthographiques, sur le site de la Casa Verdi : « Da me Stefano Cavalletti fu fato (sic) di nuovo questi saltarelli e impenati a corame e vi adatai (sic) la pedagliera che ci ho regalato ; come anche gratuitamente ci ho fato (sic) di nuovo li detti saltarelli, vedendo la buona disposizione che ha il giovanotto Giuseppe Verdi di imparare a suonare questo strumento, che questo mi basta per essere del tutto sodisfato (sic). ANNO DOMINI 182(1) ». Les traductions donnant « marteaux » pour « saltarelli » sont erronées : l’instrument serait alors non une épinette mais un clavicorde.
  11. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 35.
  12. Filomena Maria Verdi, sa fille adoptive, était chargée de les détruire après la mort de son père ; certaines ont cependant été retrouvées dans les archives du Monte di Pietà e d’Abbondanza de Busseto.
  13. Paradoxe signalé par Pierre Milza (Verdi, op. cit., p. 40) : c’est l’intervention de l’archiduchesse autrichienne qui a permis que Verdi poursuive la carrière qui allait faire de lui le symbole de la lutte italienne contre les Habsbourg.
  14. Le passeport de Giuseppe Verdi est conservé au musée de la Scala de Milan
  15. Dont Verdi prétendra par la suite qu’elle était destinée à la famille du comte
  16. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 63
  17. Pas plus que pour celles de sa jeune sœur, disparue quelques semaines plus tard, Verdi n’avait eu la possibilité de se déplacer pour assister aux obsèques de son maître.
  18. Guerre civile (!) pour Phillips-Matz, Giuseppe Verdi, p. 80.
  19. Milza, op. cit., p. 67.
  20. L’archiduchesse Marie-Louise avait interdit l’exécution de toute musique dans les églises de Busseto pour couper court à la querelle entre Coccardini et Codini
  21. Milza, op. cit., p. 71
  22. Lettre conservée au museo civico de Busseto, rapportée par Milza, op. cit., p. 78
  23. Ivan A. Alexandre, Guide des opéras de Verdi, sous la direction de Jean Cabourg, pp. 22 et 23
  24. Récit autobiographique de Verdi à Giulio Ricordi en 1879, rapporté par Milza, op. cit., p. 86
  25. Milza, op. cit., p. 91
  26. La programmation de la Scala était alors découpée en deux saisons : celle du carnaval qui commençait à Noël et s’achevait au 21 mars, et celle de l’automne, du 11 août au 30 novembre.
  27. Rapporté par Milza, op. cit., p. 114
  28. Il faut savoir que Donizetti à la même époque se contentait d’un cachet de 3 000 lires : Milza, Verdi, op. cit., p. 121.
  29. Milza, Verdi, op. cit., p. 121
  30. Mila Massimo, La giovinezza di Verdi, cité par Milza, Verdi, p. 129
  31. Milza, Verdi, op. cit., p. 133
  32. Milza, Verdi, op. cit., p. 140
  33. (La patrie trahie/En pleurs nous invite/Frères opprimés,/Courons pour la sauver.) Massimo Mila cité par Milza, op. cit., p. 522
  34. Milza, Verdi, op. cit., p. 157
  35. Lettre de Verdi à Clara Maffei, citée par Milza, op. cit., p. 159
  36. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 165
  37. Lettre de Verdi à Mazzini citée par Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 170
  38. La partition non orchestrée
  39. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 184
  40. Pierre Milza, Verdi, op. cit. p. 186
  41. Mary Jane Phillips-Matz, Verdi, op. cit., p. 317
  42. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 190
  43. Pierre Milza, Verdi, op. cit. p. 199
  44. Lettre de Piave à Marzari citée par Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 201
  45. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 208
  46. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 211
  47. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 525
  48. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 224
  49. Lettre de Verdi datée du 13 mars 1857 citée par Pierre Milza. Abbiati en attribue la destination à Vincenzo Torelli alors que pour Oberdorfer elle était destinée à Clara Maffei.
  50. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 229
  51. Extrait du mémoire en défense déposé par Verdi auprès du tribunal de commerce de Naples le 13 mars 1858. A. Luzio, Carteggi verdiani I, Rome, 1935, p. 269, cité par Mary Jane Phillips-Matz, Verdi, op. cit., p. 449
  52. Mary Jane Phillips-Matz, Verdi, op. cit., p.445
  53. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 273
  54. Lettre de Verdi à Piave du 3 novembre 1860, citée par Milza, Verdi, op. cit., p. 297
  55. Leur mariage est célébré en grand secret le 29 août 1859 à Collonges-sous-Salève, petit bourg savoyard proche de Genève, avec pour témoins le cocher qui les y a conduits et le sonneur de l'église.
  56. Cavour entend bien utiliser, pour « faire l'Italie » le rayonnement international et le symbolisme du « barde de la nation italienne » (Milza, Verdi, op. cit., p. 299).
  57. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 318
  58. Pierre Milza Verdi, op. cit., p. 323.
  59. Lettre à la comtesse Maffei citée par Pierre Milza dans Verdi, op. cit. p. 332.
  60. Pierre Milza, Verdi, op. cit. p. 341
  61. Lettre de Verdi à Clara Maffei en février 1867, citée par Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 347
  62. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 349
  63. Pierre Milza, Verdi, op. cit. p. 369
  64. Lettre du 10 août 1870 de Verdi a Cesare De Sanctis, citée par Pierre Milza, Verdi, op. cit. p. 373
  65. Lettre du 30 septembre 1870 de Verdi à Clara Maffei, citée par Milza, ibidem.
  66. Pierre Milza, Verdi, op. cit., p. 371
  67. Lettre de Verdi à Luccaroni citée par Sylviane Falcinelli dans Guide des opéras de Verdi, op. cit., p. 1042
  68. Gérard Gefen, op. cit., p. 15
  69. Mary Jane Phillips-Matz, Verdi, op. cit. p. 528
  70. Christian Merlin, La direction d’orchestre verdienne, L'Avant-Scène Opéra
  71. Longue vie à Victor Emmanuel, roi d’Italie
  72. Jean-François Labie, Maestro Verdi, op. cit., p. 117
  73. (« Aux armes, aux armes, nous sommes prêts à combattre et même à mourir »)

Sources


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Giuseppe Verdi de Wikipédia en français (auteurs)

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