Georges Clemenceau

Georges Clemenceau
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Georges Clemenceau
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Portrait de Clemenceau

Mandats
75e & 88e président du Conseil
25 octobre 190620 juillet 1909
Président Armand Fallières
Gouvernement Georges Clemenceau I
Législature IXe législature
Prédécesseur Ferdinand Sarrien
Successeur Aristide Briand
16 novembre 191718 janvier 1920
Président Raymond Poincaré
Gouvernement Georges Clemenceau II
Législature XIIe législature
Prédécesseur Paul Painlevé
Successeur Alexandre Millerand
Biographie
Nom de naissance Georges Benjamin Clemenceau
Surnom Le Tigre
Date de naissance 28 septembre 1841
Lieu de naissance France Mouilleron-en-Pareds, Vendée (France)
Date de décès 24 novembre 1929 (à 88 ans)
Lieu de décès France Paris (France)
Nationalité française
Parti politique Sensibilité radicale mais pas de parti
Profession journaliste

Georges Clemenceau[1], né le 28 septembre 1841 à Mouilleron-en-Pareds (Vendée) et mort le 24 novembre 1929 à Paris, est un homme d'État français, radical-socialiste, président du Conseil de 1906 à 1909, puis de 1917 à 1920.

Issu d'une famille républicaine, il fut maire du 18e arrondissement de Paris puis président du conseil municipal de Paris au début de la Troisième République, ainsi que député en 1871, puis de 1876 à 1893, siégeant en tant que républicain radical. Défenseur de l'amnistie pour les Communards et anticlérical, il prôna inlassablement la séparation de l'Église et de l'État et s'opposa à la colonisation, faisant tomber le gouvernement Jules Ferry sur cette question. Fondateur du journal La Justice et de la Société des droits de l'homme et du citoyen, il travailla ensuite à L'Aurore et prit une part active dans la défense du capitaine Dreyfus.

Élu sénateur en 1902, bien qu'il ait critiqué dans sa jeunesse l'institution anti-républicaine du Sénat et de la présidence de la République, il fut nommé ministre de l'Intérieur en 1906, se désignant lui-même comme le « premier flic de France ».

Surnommé « le Tigre », il réprima alors les grèves et mit fin à la querelle des inventaires, devenant président du Conseil de 1906 à 1909. Retournant au Sénat, il fonda un nouveau journal, L'Homme libre, renommé L'Homme enchaîné après avoir essuyé la censure au début de la Première Guerre mondiale.

En novembre 1917, il fut nommé de nouveau à la présidence du Conseil et forma un gouvernement consacré à la poursuite de la guerre. Négociateur lors de la Conférence de Versailles, le « Père la Victoire », après avoir promulgué la loi des huit heures, manqua de se faire élire à la présidence de la République en 1920, étant critiqué à gauche et à droite, et se retira de la vie politique.

Sommaire

Le fervent républicain

La famille Clemenceau

Né le 28 septembre 1841 à Mouilleron-en-Pareds, petite bourgade vendéenne, Clemenceau affirmera plus tard « C'est au caractère vendéen que je dois le meilleur de mes qualités. Le courage, l'obstination têtue, la combativité »[2].

Sa famille paternelle, de très ancienne bourgeoisie protestante, habite une gentilhommière, l'Aubraie, dans la commune de La Réorthe, en Vendée. Son arrière-grand-père, Pierre-Paul Clemenceau (1749-1825), était médecin des Armées de l'Ouest pendant la guerre de Vendée, puis sous-préfet de Montaigu et député du Corps législatif en 1805, au début du Premier Empire[3],[4].

Son père, Benjamin Clemenceau (1810-1897) est médecin ; c'est un républicain engagé qui aura une grande influence sur Georges, le second de ses six enfants. Il a participé aux Trois Glorieuses de 1830 et, lors de la Révolution de 1848, il a créé, une « Commission démocratique nantaise[3] ». Détenu une brève période à Nantes au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851[3], il est arrêté après l'attentat d'Orsini de 1858 et soumis, sans procès, à la transportation vers l'Algérie en vertu de la loi de sûreté générale[3]. Il est toutefois libéré avant d'embarquer à Marseille, grâce à l'indignation de Nantes[3] et à l'intervention de son collègue Pierre Honoré Aubinais, médecin nantais et bonapartiste de gauche, proche de Jérôme Bonaparte [réf. incomplète][5], et mis quelque temps en résidence forcée à Nantes[3]. Outre ce fond républicain, marqué par le buste de Robespierre sur la cheminée, son père lui enseignera la chasse, l'équitation et l'escrime : en 1890, Clemenceau sera le nègre de son ami James Fillis pour ses Principes de dressage et d'équitation[6].

Sa mère, Sophie Gautereau (1817 - † Hyères le 20 avril 1903), qui lui enseignera le latin (il connaîtra également le grec), est issue d'une famille petite-bourgeoise de religion protestante[3].

Jeunesse : du lycée de Nantes au séjour américain

Clemenceau par Nadar

Georges Clemenceau est élève du lycée de Nantes à partir de la classe de 5e en 1852-53. Son professeur de lettres de 5e est Louis Vallez, le père de Jules Vallès. Il effectue une scolarité convenable[7], obtenant chaque année (sauf en 4e) quelques accessits, et seulement trois prix (récitation classique en 5e, histoire naturelle en rhétorique, version latine en logique). Lors de la remise de ce dernier prix, en 1858, l'année de l'arrestation de son père, il est ovationné par les assistants[8]. À partir de 1883, Clemenceau est un membre-fondateur actif de l'Association des anciens élèves du lycée de Nantes (section parisienne) où il rencontre Boulanger[9], son condisciple en 1852-53, mais beaucoup plus âgé (élève de classe préparatoire à Saint-Cyr). Son nom sera donné au lycée dès 1919.

Il obtient le baccalauréat ès-lettres en 1858. Il s'inscrit ensuite à l'école de médecine de Nantes. En 1861, il part poursuivre ses études à Paris, où il s'inscrit également en droit.

Il obtient son doctorat en 1865, et pratique la médecine pendant près de vingt ans. Puis il se tourne vers la politique. Il fréquente des cercles artistiques et républicains dans le Quartier latin. Avec plusieurs camarades (Germain Casse, Jules Méline, Ferdinand Taule, Pierre Denis, Louis Andrieux[3]), il fonde un hebdomadaire, Le Travail, dont le premier numéro paraît le 22 décembre 1861. Zola se joint au groupe afin de soutenir le journal contre la censure[3]. Clemenceau y publie des piques à l'encontre de l'écrivain Edmond About, rallié au régime[3].

La publication prend fin au bout de huit numéros[3] : la plupart des membres ont en effet été arrêtés après un appel à manifester place de la Bastille afin de commémorer la Révolution du 24 février 1848[3]. Le 23 février 1862, Clemenceau est envoyé pour 73 jours à la prison Mazas[3]. « Quand on a l'honneur d'être vivant, on s'exprime ! »[réf. incomplète][Quand ?][10], dira-t-il plus tard.

Libéré, il visite son ami Ferdinand Taule, détenu à Sainte-Pélagie[3], où il rencontre Auguste Blanqui, alias « l'Enfermé », avec qui il se lie d'amitié et de complicité, ainsi qu'Auguste Scheurer-Kestner, personnage central de la défense de Dreyfus[3]. En 1896, il honorera Blanqui en parlant de « cette vie de désintéressement total (…) [qui] ne découragera que les lâches du grand combat pour la justice et pour la vérité[11] ».

Durant ses années d’études, Clemenceau participe à la création de plusieurs autres revues et écrit de nombreux articles. Après avoir effectué des stages à l'hôpital psychiatrique de Bicêtre, puis à La Pitié, il obtient le doctorat en médecine le 13 mai 1865 avec une thèse intitulée De la génération des éléments anatomiques, sous la direction de Charles Robin, un matérialiste ami d'Auguste Comte[3]. Sa thèse reprend les idées de Robin, qui est un adversaire du catholique bonapartiste Pasteur[3]. Elle est ensuite publiée chez Germen-Baillère en échange de la traduction par Clemenceau d’Auguste Comte and Positivism de J.S. Mill[3]. Plus tard, lorsque Pasteur sera devenu célèbre, Clemenceau reconnaîtra de bonne grâce son erreur.

Suite à un dépit amoureux avec Hortense Kestner, la belle-sœur de son ami Auguste Scheurer-Kestner, le 25 juillet 1865, il s’embarque, d'abord pour l'Angleterre, où son père le présente à Mill et Spencer[3], puis pour les États-Unis, qui sortent à peine de la guerre de Sécession. Il trouve un poste d’enseignant dans un collège pour jeunes filles à Stamford (Connecticut) où il donne des cours de français et d’équitation. Il devient également correspondant du journal Le Temps[3]. Clemenceau s’éprend alors d’une de ses élèves, Mary Plummer, qu’il épouse au civil le 20 juin 1869[3], avec qui il aura trois enfants, dont Michel, né en 1873, et dont il divorcera en 1891 pour une affaire d’adultère, alors qu'il l’a lui-même plusieurs fois trompée[12].

L'effondrement de l'Empire

Clemenceau dans son bureau. La photo aurait été prise le 6 août 1929, peu de temps avant sa mort.

Le 26 juin 1869, il est de retour en France avec sa femme. Son voyage aux États-Unis lui aura fait découvrir la démocratie américaine - il admire la procédure d'impeachment[3], et lui laisse un goût durable pour la philosophie et la littérature anglo-saxonne[3].

Dès que la guerre franco-prussienne éclate, il quitte sa femme et son nouveau-né, Madeleine, pour se rendre à Paris, où il arrive début août 1870[13]. Suite à la défaite de Sedan le 2 septembre 1870, il prend une part active, avec ses amis Arthur Ranc et Edmond Adam[13], à la « journée du Quatre Septembre » au cours de laquelle est proclamée la République.

Formé le jour même, le gouvernement de la Défense nationale nomme Étienne Arago maire de Paris, qui lui-même nomme des maires provisoires dans les différents arrondissements. Clemenceau, qui avait été introduit auprès d'Arago par son père, est ainsi placé à la tête du XVIIIe, Arago cherchant des républicains sûrs[13]. Il rencontre alors l'anarchiste Louise Michel[13], institutrice du quartier, et permet à Blanqui de devenir commandant du 169e bataillon[13], alors que le siège de Paris commence le 19 septembre 1870.

Fin octobre, les Parisiens se révoltent en apprenant la reddition du maréchal Bazaine à Metz et l'envoi par le gouvernement provisoire d'Adolphe Thiers à Versailles, pour négocier l'armistice avec Bismarck. Clemenceau fait placarder des affiches annonçant son refus d'une telle « trahison ». Le jour même, la Garde nationale des quartiers populaires organise un soulèvement afin de tenter de prendre l'Hôtel de Ville. La Garde nationale des quartiers bourgeois, emmenée par Jules Ferry, s'y oppose et empêche le coup de force. Clemenceau et Ferry deviennent ce jour des rivaux acharnés[13].

Désavoué, le maire Arago démissionne, suivi de Clemenceau[13]. Le gouvernement obtient la confiance des Parisiens par le plébiscite du 3 novembre, et organise des élections municipales le 5 novembre. Clemenceau est ainsi élu dans le XVIIIe arrondissement. Il est cependant destitué le 22 janvier 1871, jour d'une manifestation à l'Hôtel de Ville, pour avoir demandé, avec d'autres maires d'arrondissement réunis par Jules Favre, la démission du général Trochu[13]. L'armistice, refusé par Clemenceau et le peuple parisien, est signé six jours plus tard[13].

Le 8 février, ayant refusé l'offre de Gambetta de devenir préfet du Rhône[13], il est élu député de la Seine (en 27e position) au sein de la nouvelle Assemblée nationale. Il figure alors sur les listes électorales de l'Union républicaine, s'opposant à la paix léonine avec Bismarck, aux côtés de Victor Hugo, Garibaldi, Gambetta, Courbet, Louis Blancetc.[13].

De la Commune au conseil municipal de Paris

Article connexe : Commune de Paris (1871).
Clemenceau le 26 novembre 1917.

Début mars 1871, Clemenceau est à Paris. Le 1er mars 1871, il appelle ses concitoyens à s'abstenir de toute violence lors de l'entrée des Prussiens dans la ville[13]. Lors du soulèvement du 18 mars 1871, accompagné du capitaine Mayer et Sabourdy, il tente de sauver de la foule les généraux Thomas et Lecomte[13]. Le soir, le Comité central de la garde nationale a pris le pouvoir à Paris, et décide l'organisation d'élections municipales[13].

Deux jours plus tard, à l'Assemblée réunie à Versailles, Clemenceau dépose, avec 18 députés républicains, un projet de loi afin d'organiser l'élection d'un conseil municipal de 80 membres à Paris, « qui aura le titre et exercera les fonctions de maire de Paris[13] ». Il navigue ainsi entre le gouvernement de Thiers et la Commune de Paris, tentant de concilier les camps ennemis, ce qui lui attire l'inimitié des deux parties[13]. Les communards le font ainsi démissionner de sa fonction de maire le 22 mars[13], le remplaçant par un délégué du Comité central[13]. Ce dernier organise des élections municipales le 26 mars 1871, au cours desquelles Clemenceau n'obtient que 752 voix[13].

Minoritaire, il démissionne de son poste de conseiller municipal et de député la veille de la proclamation de la Commune[13], et fonde avec d'anciens maires la Ligue républicaine des droits de Paris, qui tente de négocier avec les deux camps[14]. Il quitte Paris le 10 mai 1871 afin de rejoindre le congrès des municipalités à Bordeaux, interdit par le gouvernement Thiers[14]. Devant cet échec, il tente de revenir à Paris, mais ne peut entrer dans la ville, soumise à l'attaque sanglante du gouvernement Thiers[14].

Soupçonné de connivence avec la Commune, il se rend clandestinement en Vendée, puis à Belfort et Strasbourg annexé[14], avant de retourner sur Paris le 15 juin 1871. Battu aux élections complémentaires du 2 juillet 1871, il se fait élire conseiller municipal de Paris le 30 juillet 1871, à Clignancourt. En 1872, il se bat en duel avec Poussargues, ce qui lui vaut 15 jours avec sursis et 25 francs d'amende[14]. Il est réélu lors des élections municipales de novembre 1874. Le 29 novembre 1875, il est élu président du conseil municipal de Paris par 39 voix sur 54 suffrages[14] :

« Le caractère dominant de notre politique municipale, déclare-t-il alors, (…) c'est d'être profondément imbue de l'esprit laïque, c'est-à-dire que, conformément aux traditions de la Révolution française, nous voudrions séparer le domaine de la Loi, à qui tous doivent obéissance, du domaine du Dogme, qui n'est accepté que par une fraction seulement des citoyens[15]. »

Le député radical (1876-1893)

Portrait par Édouard Manet

Son élection, le 20 février 1876, comme député de Paris à la Chambre des députés marque son émergence sur la scène nationale. Il est élu dans le 18e arrondissement dès le premier tour avec 15 000 voix contre 3 700 pour son rival[16]. Refusant alors aussi bien les institutions de la présidence de la République et du Sénat que le cumul des mandats, il démissionne de son poste de président du conseil municipal le 24 avril 1876[17].

Clemenceau s'impose par son verbe comme le chef incontesté des républicains radicaux (qui ne sont pas encore constitués en parti) et de l’opposition d’extrême gauche aux Opportunistes, emmenés par Gambetta. L'écrivain Julien Gracq parlera a posteriori de son « agressivité pure, gratuite, incongrue », de cette « personnalité aux arêtes tranchantes comme un rasoir[18] ». Il lutte alors pour l'amnistie des « Communards[19] », la révision des lois constitutionnelles de 1875 rédigées par les républicains opportunistes et les orléanistes, la laïcité et, 30 ans avant la loi de 1905, la séparation de l’Église et de l’État.

La lutte pour l'amnistie

Dès son discours du 16 mai 1876 à la Chambre, il se fait remarquer par son éloquence, qu'il met au service de l'amnistie[20]. Raspail, Lockroy et lui, ainsi que Victor Hugo au Sénat, s'unissent dans ce combat[20], mais ils sont minoritaires face aux opportunistes, qui, derrière Gambetta et Jules Méline, soutiennent une amnistie partielle[19].

Ils relancent le combat pour l'amnistie trois ans plus tard[19]. Au gouvernement Waddington qui veut exclure de celle-ci ceux qui « se déclarent les ennemis de la société », Clemenceau rétorque, suscitant les rires de la Chambre :

« À quel signe, à quel critérium, on reconnaît un ennemi de la société : M. le duc de Broglie est un ennemi de la société aux yeux de M. Baudry d'Asson, et moi je tiens M. Baudry d'Asson pour un ennemi de la société. Nous sommes ainsi 36 millions d'ennemis de la société qui sommes condamnés à vivre dans la même société (Nouveaux rires)[21]. »

Le projet est cependant rejeté. Il soutient alors, avec quelques amis, et incognito, la candidature à la députation de Blanqui, détenu à la maison centrale de Clairvaux[19]. Celui-ci est élu le 20 avril 1879 ; sa situation d'inéligibilité permet à Clemenceau de relancer la bataille pour l'amnistie[19]. En 1880, la démission du maréchal Mac-Mahon, ultime épisode de la crise du 16 mai 1877, son remplacement par Jules Grévy, et le résultat des élections sénatoriales permettent finalement à Clemenceau d'arriver à ses fins : l'amnistie pleine et entière est votée, sur un projet de loi du gouvernement Freycinet.

La rupture avec Gambetta et le discours de Marseille

Les moustaches du Tigre, sur une brochure américaine de 1920 intitulée « Nos Alliés ».

Après que les républicains se sont scindés entre radicaux et « opportunistes », Clemenceau attaque férocement ces derniers pour leur timidité et leur pragmatisme. Il contribue ainsi à la démission du ministre de l'Intérieur Marcère en mars 1879, provoquée par un scandale de police : à cette occasion, qui signe la rupture avec Gambetta, Clemenceau réclame l'épuration des cadres de police hérités du Second Empire[22].

Son discours de Marseille du 28 octobre 1880, qui reprend le programme de Belleville de Gambetta (1869)[23], blâme ainsi l'opportunisme qui vise à « ajourner » les réformes dans le cadre de la « République victorieuse des monarchistes[24] ». Il y réclame la séparation de l'Église et de l'État, la confiscation des biens des congrégations, la suppression du Sénat, l'élection des magistrats, l'autonomie municipale, l'impôt sur le revenu, la limitation de la durée légale de la journée de travail, la retraite des vieux travailleurs, la responsabilité des patrons en cas d'accident, le rétablissement du divorce et la reconnaissance du droit syndical[23], ainsi que l'interdiction du travail pour les enfants en-dessous de 14 ans, la liquidation des grandes compagnies de chemin de fer, des canaux et des mines[25].

À l'occasion d'une interpellation du jeune socialiste Alexandre Avez, il critique cependant le « collectivisme » et la socialisation des moyens de production. Lors de ce discours, prononcé le 11 avril 1880 au cirque Fernando à Paris, il rétorque à Avez : « il y a aussi des jésuites rouges[26] ». Le quotidien centriste Le Temps remarque : « Quelque avancé que l'on soit, on se trouve toujours être le réactionnaire de quelqu'un[26]. »

Bien que siégeant toujours à l'extrême gauche, il incarne ainsi une voie médiane entre le socialisme émergeant et l'opportunisme. Lors des débats sur la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, il tente de s'opposer à l'institution d'un délit d'outrage au président de la République, qu'il considère comme une forme de censure[27]. De même, il se moque en février 1881 du délit de diffamation :

« M. le rapporteur nous présente une loi qui donne paraît-il la liberté de la presse, mais il ne permet pas la diffamation ni envers les cours d'appel, ni envers les tribunaux, ni envers les armées de terre ou de mer, ni envers les corps constitués, ni envers les administrations publiques, ni envers un ou plusieurs membres du ministère, ni envers un ou plusieurs membres de l'autre Chambre, ni envers un fonctionnaire public, ni envers un dépositaire ou agent de l'autorité publique, ni envers un ministre de l'un des cultes salariés par l'État, ni envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent, ni envers un juré ou un témoin à raison de sa déposition. Moyennant qu'on ne parle jamais des personnes que je viens d'indiquer, on aura le droit de tout dire[27]. »

Il tente également d'autoriser les assemblées non permanentes lors des débats sur la liberté de réunion, alors que le projet de loi maintient l'interdiction sur les clubs politiques[28]. Concernant les lois Jules Ferry, il s'oppose radicalement à une loi sur l'éducation obligatoire qui n'inclurait pas le caractère laïque de l'éducation publique, considérant l'éducation obligatoire dans des écoles religieuses comme contraire à la liberté de conscience[28].

Durant ce mandat[29], il a ainsi voté pour les poursuites judiciaires contre les responsables du 16 mai (Mac Mahon, etc.) ; pour la révision des lois constitutionnelles de 1875 proposée par la commission Barodet ; pour l'élection des magistrats ; pour la séparation de l'Église et de l'État ; pour l'amnistie des Communards ; pour l'instruction laïque ; pour le service militaire réduit à 3 ans ; pour la fin de l'exemption du service militaire pour les séminaristes ; pour la diminution du traitement des cardinaux, archevêques et évêques ; pour la suppression de l'ambassade au Vatican ; pour le rétablissement du divorce ; pour la liberté d'association et la liberté de réunion ; contre l'interdiction des clubs ; pour la liberté de la presse ; pour la loi visant à protéger les employés des chemins de fer contre les grandes compagnies ; pour la journée de 10 heures maximum ; pour la reconnaissance des syndicats ; pour le scrutin de liste ; pour les poursuites contre le préfet de police Andrieux.

Pour asseoir davantage son influence, il fonde un journal, La Justice, qui paraît pour la première fois le 13 janvier 1880. Le rédacteur en chef en est Camille Pelletan. Malgré un tirage relativement faible et un échec économique durable, le quotidien bénéficie d'une certaine audience dans les milieux politiques.

Jules Ferry et le colonialisme

Prise de Bắc Ninh le 12 mars 1884 telle qu'interprétée par l'imagerie d'Épinal.

Réélu aux législatives de 1881, à la fois dans les deux circonscriptions du XVIIIe arrondissement où il s'est présenté et à Arles, où les républicains locaux lui ont demandé de se présenter[30], Clemenceau acquiert pour sa férocité le surnom de « Tigre », un animal qu'il disait ne pas aimer (« Tout en mâchoire et peu de cervelle. Cela ne me ressemble pas »[31]), et une réputation de « tombeur de ministères ». Intransigeant face aux opportunistes, il fait en effet tomber plusieurs ministères successifs, avec l'appoint de voix de droite. « Je n'ai pourtant jamais démoli qu'un seul ministère, dit-il pour sa défense, puisque c'était toujours le même[32]. » Lors du discours de Salerne en 1893, il déclarera :

« Ce qu’on ne dit pas. c’est que les modérés ont, à travers tout, sous des noms divers, maintenu les mêmes hommes et la même politique d’atermoiement. Ce qu’on ne dit pas, c’est que rencontrant un cabinet radical, les modérés ne se sont pas fait faute de s’unir à la droite pour le renverser. Ainsi se retourne contre eux un de leurs principaux griefs contre nous. »

Dès novembre 1881, il attaque le cabinet Ferry à propos de l'expédition tunisienne qui a abouti à l'instauration d'un protectorat (traité du Bardo), considérant qu'elle ne résulte que de l'action d'hommes « qui veulent faire des affaires et gagner de l'argent à la Bourse [33]! ». Il dépose une motion proposant une enquête sur les causes de l'expédition, la droite déposant une motion rivale accusant le gouvernement « d'avoir trompé les Chambres et le pays[33] ». Incapable de faire voter l'ordre du jour, Ferry démissionne et laisse la place au gouvernement Gambetta.

Deux mois plus tard, en janvier 1882, l'action de Clemenceau en faveur de la révision intégrale de la Constitution contribue à la démission du ministère Gambetta, remplacé par le cabinet Freycinet. En incitant les députés à refuser le vote d’un budget pour une intervention militaire sur le canal de Suez, ce qui est fait le 29 juillet 1882, il pousse également Freycinet à la démission.

En février 1883, Jules Ferry forme son deuxième cabinet, appuyé sur une coalition centriste (Union républicaine et « Gauche républicaine », groupe de centre-droit en réalité). Clemenceau et les radicaux se sont déjà opposés à Ferry lorsqu'il était au ministère de l'Instruction publique (1879-80 et 1882), l'accusant de timidité dans la mise en œuvre des réformes républicaines. Pour autant, le mouvement ouvrier et socialiste commence à s'organiser, contestant le radicalisme « vieille école » de Clemenceau. En 1882, Jules Guesde fonde en effet le Parti ouvrier français, tandis que les anarchistes se manifestent : pas seulement par la « propagande par le fait », dénoncée dès 1887 par Kropotkine, mais surtout avec la mise en place des Bourses du travail.

Lors des débats sur l'autorisation des syndicats (loi Waldeck-Rousseau votée en mars 1884), Clemenceau rétorque à Ferry, en janvier 1884 :

« C'est l'État qui doit intervenir directement pour résoudre le problème de la misère, sous peine de voir la guerre sociale éclater au premier jour[34]. »

Durant l'été 1884, alors qu'on débat de la révision constitutionnelle, Clemenceau prône l'abolition du Sénat et la suppression de la présidence de la République[34]. Il échoue, la loi du 9 décembre 1884 se limitant à une simple réforme du Sénat. La même année, il se rend avec une délégation radicale à Marseille lors de l'épidémie de choléra, faisant la connaissance de l'équipe du journal Le Petit Var[35].

Paul Cambon, résident général de France en Tunisie. Nommé en Tunisie, le général Boulanger ne lui plaira guère, et sera rappelé à Paris en 1885. Clemenceau rencontrera Cambon à Londres lors de la Première Guerre mondiale, et le choisira comme membre de son équipe de négociateurs lors de la conférence de paix.

Son combat contre Jules Ferry aboutit le 30 mars 1885 à la démission de ce dernier sur l'affaire du Tonkin. La Chambre, en particulier la droite et l'extrême gauche, refuse de voter une rallonge de 200 millions de francs pour les troupes françaises au Tonkin attaquées par l’armée chinoise. Le 9 juin 1885, le second traité de Tien-Tsin (en) confirme toutefois l'occupation française. Le succès apparent de la colonisation française dans les décennies suivantes poussera nombre d'historiens et membres du « parti colonial » à critiquer Clemenceau pour son « aveuglement », perspective qui a évolué depuis la décolonisation[36].

Le débat avec Ferry rebondit trois mois plus tard sous le cabinet Brisson, alors que Ferry défend l'expédition de Madagascar. De nouveau, Clemenceau s'oppose farouchement à la colonisation, refusant tout impérialisme au nom du respect envers les autres peuples et civilisations[37] ; il s'oppose par ailleurs à une « politique aventuriste » et du « fait accompli », faite au profit d'une camarilla d'hommes d'affaires[37], le célèbre « parti colonial » ; il défend enfin la nécessité de préparer la France face à l'Allemagne[37]. Le 28 juillet 1885, Ferry invoque à la Chambre le « devoir » qu'ont les « races supérieures » de « civiliser les races inférieures », véhiculant un discours positiviste et racialiste alors courant[38],[37], ainsi que la nécessité de trouver des débouchés commerciaux et de ne pas laisser le champ libre aux autres puissances européennes[39]. S'appuyant sur l'exemple de la Cochinchine, Clemenceau conteste le profit économique qu'apporterait la colonisation[37] (« pour refaire la France vaincue, ne pas gaspiller son sang et son or dans des expéditions sans profit », proclamera-t-il lors du discours de Salerne de 1893). Plutôt que de diffuser la « civilisation française » dans le monde, il préconise de lutter contre la misère en France et de faire avancer les droits sociaux[37]. Concernant les présupposés racistes de l'idéologie colonialiste, il rétorque le 31 juillet[40] :

« Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu'elles exercent et ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation. Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C'est bientôt dit. Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! Race inférieure, les Hindous ! Avec cette grande civilisation raffinée qui se perd dans la nuit des temps ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l'Inde pour la Chine, avec cette grande efflorescence d'art dont nous voyons encore aujourd'hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure, les Chinois ! Avec cette civilisation dont les origines sont inconnues et qui paraît avoir été poussée tout d'abord jusqu'à ses extrêmes limites. Inférieur Confucius ! […] Je ne veux pas juger au fond la thèse qui a été apportée ici et qui n'est autre chose que la proclamation de la puissance de la force sur le Droit […][41] »

La vague boulangiste

Article connexe : Boulangisme.
Toile de fond du boulangisme, le nationalisme français et la volonté de revanche sur la Prusse. Ici, fête nationale rue Saint-Denis, par Claude Monet, ami de Clemenceau, en 1878.

Les élections d'octobre 1885 marquent un progrès important des monarchistes alors que la Grande dépression s'abat sur la France. Clemenceau, mis en ballotage, est élu à la fois à Paris[42],[43] et dans le Var où le modéré Jules Roche s'est désisté par discipline républicaine, permettant à la liste radicale de l'emporter[42]. Clemenceau opte pour le Var (circonscription de Draguignan), département dont la population vote de plus en plus à gauche. Majoritaire, la gauche est cependant divisée entre les modérés de l'Union républicaine et de l'Union démocratique et l'extrême-gauche, incluant la Gauche radicale dont fait partie Clemenceau.

En 1886, le général Boulanger, ancien condisciple de Clemenceau au lycée de Nantes[44], est nommé Ministre de la Guerre dans le cabinet Freycinet, ce qui est considéré comme un geste des modérés vis-à-vis de Clemenceau[44]. Effectivement, Boulanger, républicain et patriote, applique de manière étendue la loi du 22 juin 1886 interdisant aux membres des familles ayant régné sur la France de servir dans l'armée. Opposé au colonialisme, qu'il considère comme un détournement de l'effort militaire vis-à-vis de Bismarck, et préparant la professionnalisation de l'armée, il plaît alors à Clemenceau, qui reste cependant circonspect[44].

Lors de l'affaire Schnæbelé (1887), Boulanger consulte Clemenceau, qui lui conseille d'agir avec fermeté sans tomber dans la provocation lancée par Bismarck[44]. C'est le début de la vague boulangiste qui manque d'emporter la République. Appuyé par une coalition hétéroclite de radicaux d'extrême-gauche (L'Intransigeant de Rochefort et La Lanterne) et de monarchistes, Boulanger, démis de ses fonctions en tant que ministre suite à la chute du cabinet Goblet provoquée par Ferry, puis démis de ses fonctions militaires en mars 1888, se présente successivement à plusieurs élections partielles, se faisant élire puis démissionnant pour se faire élire ailleurs, afin de faire la preuve de sa popularité. Il critique le parlementarisme et appelle à une réforme institutionnelle qui donnerait une grande place au référendum et à ce qu'il appelle la « démocratie directe » (proposition de loi du 4 juin 1888). Les sceptiques, au contraire, dénoncent un risque d'autoritarisme. Fin 1887, le scandale des décorations est utilisé par les boulangistes pour discréditer le régime parlementaire : le président Jules Grévy est contraint de démissionner en décembre 1887.

Les républicains, Jules Ferry en tête, s'inquiètent de cette vague antiparlementaire. Ferry fait l'objet de la colère populaire lors d'une manifestation des 1er et 2 décembre 1887, à laquelle participent des membres de la Ligue des patriotes de Déroulède, des proches de Rochefort, des anarchistes, dont Louise Michel, des blanquistes du Comité central révolutionnaire, etc., qui s'opposent à l'élection à la présidence de Ferry[44]. C'est finalement Sadi Carnot qui est élu.

De son côté, Clemenceau semble s'appuyer au début sur la vague boulangiste pour pousser ses propres projets de réforme institutionnelle (abolition du Sénat et de la présidence)[44], avec prudence puisque dès juillet 1887, il critique la manifestation en faveur de Boulanger qui a eu lieu le 14[44]. En mars 1888, tout en s'opposant aux boulangistes, il refuse de voter l'ordre du jour demandé par le cabinet Tirard, composé d'Opportunistes. Il exige en effet des réformes sociales, et pas seulement politiques : selon lui, c'est leur absence qui explique le succès du général. Il vote donc comme les députés boulangistes (Laguerre, ancien collègue de La Justice, ou Michelin). L'ordre du jour est néanmoins voté par 339 voix, contre 82[44]. Selon l'historien Michel Winock :

« Au fond, Clemenceau, à la mi-mars 1888, utilise la fièvre boulangiste, sans être boulangiste lui-même, pour aiguillonner le parti républicain, ses hommes au pouvoir et les parlementaires[45]. »

En avril, il s'oppose frontalement à Boulanger, l'accusant de césarisme et de bonapartisme, bref, de représenter un danger pour la République. Le 25 mai 1888, avec Joffrin, Ranc et Lissagaray, il fonde la Société des Droits de l'Homme et du Citoyen, unissant contre la vague boulangiste diverses tendances républicaines, à l'exception des partisans inconditionnels de Ferry, ainsi que certains « possibilistes » (Joffrin) .

Lorsque le 4 juin 1888, Boulanger présente à la Chambre son projet de réforme institutionnelle, Clemenceau s'y oppose, déclarant :

« je le dis très haut : je suis pour la politique de parti (…) Il [Boulanger] ignore apparemment, lui qui essaie de faire un parti, que c'est d'abord un groupement d'idées, que c'est là ce qui, dans tous les pays du monde, constitue un parti (…)
Lisez l'histoire de la France depuis la Révolution française, et vous verrez que le parti royaliste, que le bonapartisme lui-même, et en tout cas le parti républicain, ont chacun leurs traditions et leurs titres dont ils peuvent se réclamer. Vous croyez qu'ils peuvent disparaître à votre voix (…) Le voulussent-ils, ils ne le pourraient pas, et il me sera permis qu'il faut que le parti royaliste ne se sente guère de fierté au cœur pour adhérer à la déclaration que nous avons entendue tout à l'heure (…) ces cinq cent hommes qui sont ici, en vertu d'un mandat égal au vôtre, ne s'accordent pas sans discussion. Eh bien, puisqu'il faut le dire, ces discussions qui vous étonnent, c'est notre honneur à tous. Elles prouvent surtout notre ardeur à défendre les idées que nous croyons justes et fécondes. Ces discussions ont leurs inconvénients, le silence en a davantage. (…)
Si c'est le régime de discussion que vous croyez flétrir sous le nom de parlementarisme, sachez-le, c'est le régime représentatif lui-même, c'est la République sur qui vous osez porter la main[46]. »

« La Révolution est un bloc »

Couverture de L'Intransigeant : le « massacre de Fourmies ».
La Révolution est un bloc, discours du 29 janvier 1891 à la Chambre.


… il a été joué à la Comédie-Française une pièce évidemment dirigée contre la Révolution française. Il est temps d'écarter toutes les tartuferies auxquelles on a eu recours pour dissimuler la réalité. Assurément, on n'a pas osé faire ouvertement l'apologie de la monarchie contre la République. On ne pouvait pas le faire à la Comédie Française. On a pris un détour, on s'est caché derrière Danton. Depuis trois jours, tous nos monarchistes revendiquent à l'envi la succession de Danton. (…) Mais voici venir M. Joseph Reinach qui monte à cette tribune entreprendre le grand œuvre d'éplucher, à sa façon, la Révolution française. Il épluche en conscience et, sa besogne faite, nous dit sérieusement : J'accepte ceci, et je rejette cela ! (…) J'admire tant d'ingénuité. Messieurs, que nous le voulions ou non, que cela nous plaise ou que cela nous choque, la Révolution française est un bloc… un bloc dont on ne peut rien distraire, parce que la vérité historique ne le permet pas.
Je ne pouvais m'empêcher, en entendant M. Reinach, de faire un rapprochement bizarre. Ah ! vous n'êtes pas pour le tribunal révolutionnaire, monsieur Reinach ! mais vous avez la mémoire courte. Il n'y a pas longtemps, nous en avons fait un ensemble, un tribunal révolutionnaire… Nous en avons fait un ensemble, un tribunal révolutionnaire, et le pire de tous. Nous avons livré des hommes politiques à des hommes politiques, leurs ennemis, et la condamnation était assurée d'avance, [Clemenceau fait ici allusion à la condamnation par la Haute Cour de justice, le 14 août 1889, de Boulanger, Rochefort et Dillon à la déportation dans une enceinte fortifiée.].
Voilà ce que nous avons fait. Dans cet acte réfléchi, voulu, je revendique ma part de responsabilité et je ne regrette rien de ce que j'ai fait.
Vous souvenez-vous de l'état d'esprit de beaucoup de nos collègues à cette époque ? Oui, un jour néfaste est venu où nous avons eu peur pour la République et pour la patrie — nous pouvons le dire, c'est notre excuse.
(…) et, suivant le mot de Michelet, « à l'heure où la France était aux frontières faisant face à l'ennemi, ils lui plantaient un poignard dans le dos. » (…) c'est une besogne facile que de venir dire aujourd'hui à ces hommes qui ont fait la patrie, qui l'ont défendue, sauvée, agrandie : « Sur tel point, à telle heure, vous avez été trop loin ! ». Oui ! il y a eu des victimes, des victimes innocentes de la Révolution, et je les pleure avec vous.
(…) Vous avez tort de rire, quand vos ancêtres massacraient les prisonniers républicains à Machecoul, quand Joubert, le président du district, avait les poings sciés, est-ce que ce n'étaient pas là des victimes innocentes ? Est-ce que vous n'avez pas du sang sur vous ?
Vous savez bien que la Terreur blanche a fait plus de victimes que l'autre.
(…) si vous voulez savoir pourquoi, à la suite de cet événement sans importance d'un mauvais drame à la Comédie Française, il y a eu tant d'émotion dans Paris, et pourquoi il y a à l'heure présente tant d'émotion dans la Chambre, je vais vous le dire.
C'est que cette admirable Révolution par qui nous sommes n'est pas finie, c'est qu'elle dure encore, c'est que nous en sommes encore les acteurs, c'est que ce sont toujours les mêmes hommes qui se trouvent aux prises avec les mêmes ennemis.

Oui, ce que nos aïeux ont voulu, nous le voulons encore[47]

Aux élections générales de septembre-octobre 1889, le camp républicain s'unit contre la menace boulangiste et la droite. Clemenceau se présente de nouveau à Draguignan. Au premier tour, il obtient 7 500 voix sur 15 400 suffrages exprimés, face au boulangiste Achille Ballière, ex-déporté de Nouvelle-Calédonie, et au radical Louis Martin (3 500 voix). Par discipline républicaine, Martin se désiste et Ballière, bon perdant, se retire, permettant la réélection de Clemenceau le 6 octobre 1889 (9 500 voix sur 10 200 suffrages exprimés, l'abstention ayant augmenté au deuxième tour).

Le 29 janvier 1891, à l'occasion d'une interpellation du gouvernement au sujet de l'interdiction de la pièce de Victorien Sardou, Thermidor, Clemenceau fait son célèbre discours dans lequel il affirme : « la Révolution est un bloc ».

Lors de la fusillade de Fourmies du 1er mai 1891, Clemenceau évoque un « Quatrième État » à propos des ouvriers et réussit à faire voter l'amnistie des manifestants arrêtés[48]. Avec Millerand et Pelletan, il proposera, sans succès, une mesure similaire suite à la grève des mineurs de Carmaux de 1892.

Le scandale de Panama

Duel entre Clemenceau et Paul Déroulède, gravure parue le 21 décembre 1892 dans la Berliner Illustrierte.

En 1892, Clemenceau est mis en cause dans l'affaire de Panamá. La première attaque vient de Gaston Calmette qui, le 12 décembre 1892, écrit sous pseudonyme un article dans Le Figaro, dans lequel il monte en épingle une rencontre, la veille de la mort de Jacques de Reinach, avec Clemenceau, Maurice Rouvier et Cornelius Herz. Rouvier avait en fait demandé à Clemenceau d'être son témoin pour cette réunion[49].

Ensuite, il est accusé par les boulangistes (Maurice Barrès), les antisémites (notamment La Libre Parole), Ernest Judet, propriétaire de l'influent Petit Journal, dont les attaques sont douteuses (voir ci-dessous la caricature du « pas du commandité » du 19 août 1893), d'avoir frayé avec Cornelius Herz, d'origine juive, qui achetait les votes de certains députés et avait naguère investi dans La Justice. On intente un procès contre Clemenceau, de fausses preuves sont produites mais il est blanchi.

Néanmoins, le mal est fait, sa réputation est entachée, la revanche de ses nombreux adversaires est en marche. Le nationaliste Paul Déroulède l'accuse de corruption à la Chambre le 20 décembre 1892 et le provoque publiquement en duel. Le 22 décembre 1892, aucune des six balles tirées par chacun des adversaires ne fait mouche. Les témoins sont Barrès et Léon Dumonteil pour Déroulède, Gaston Thomson et Ménard-Dorian pour Clemenceau[50].

Edouard Ducret va jusqu'à fabriquer un faux pour faire accuser Clemenceau d'intelligence avec l'ennemi, en l'occurrence le Royaume-Uni, avec le relais de Lucien Millevoye. Ce dernier, qui accuse non seulement le député radical mais également Rochefort, est ridiculisé à la Chambre.

La campagne haineuse de 1893

« Le pas du commandité », Clemenceau attaqué par Le Petit Journal, éd. du 19 août 1893. En premier plan, Cornelius Herz avec un « nez sémitique ».
La UNE du Petit Journal du 19 août 1893( Cliquez à répétition sur l'image pour lire ). Au centre, « Les litanies de M. Clemenceau (sic)», par Emile Judet, propriétaire du journal, et la fameuse réplique visant à le faire passer pour un agent britannique, « Aoh, yes! », comme réponse à chacune des accusations mensongères du journal. À gauche, dans « Pour ou contre la patrie », dans lequel Clemenceau est également attaqué, le journal fait l'apologie de l'expansion coloniale, et salue à droite la candidature de « l'éminent confrère » M. Drumont.

Lors de la campagne électorale pour les législatives d'août-septembre 1893, l’opposition utilise abondamment la rhétorique de l’homme vendu aux puissances étrangères, de l’escroc, du parvenu… Il est soumis à une campagne particulièrement haineuse, dépassant de loin le département du Var. Ses ennemis, de gauche et de droite, forment même une Ligue anti-clemenciste, et Engelfred crée le 5 août un nouveau journal, L'Anti-Clemenciste[51]. La presse, nationale et régionale, n'est pas en reste : le Petit Dracénois de Fortuné Rouvier se retourne contre lui, le Petit Journal, une puissance qui tire à un million d'exemplaires, continue sa campagne contre lui, de même que La Cocarde, Le Figaro, Le Petit Marseillais, La Croix, etc[51]. Le marquis de Morès, fondateur avec Drumont de la Ligue antisémitique, se présente contre lui et l'accuse d'être un « agent de l'Angleterre[51] ».

En face, Clemenceau est moralement soutenu par Rochefort, Jaurès ou les mineurs de Carmaux[51]. Le 8 août 1893, dans son discours de Salerne, il dénonce « la meute » qui s'est lancée contre lui et il demande : « Où sont les millions ? ».

Le 20 août 1893, au premier tour, il obtient 6 634 voix : il est le mieux placé des dix candidats, mais en ballottage ; le 3 septembre, il est battu, n'obtenant que 8 610 voix contre 9 503 à l'avocat Joseph Jourdan, soutenu par une coalition hétéroclite de gauche et de droite[51]. .

De l'Affaire Dreyfus au Sénat (1893-1902)

Clemenceau, l'écriture, la question sociale

Duel entre Clemenceau et Déroulède.
Le Petit Journal, 7 janvier 1893.

Cet échec électoral force Clemenceau à se mettre en retrait. Il s'appuie sur ses talents d'écriture ainsi que sur sa notoriété pour faire face à ses difficultés financières ; il a en effet des dettes pour La Justice, où il remplace Pelletan à la rédaction en chef à partir d'octobre 1893. Un nouveau duel - il en a eu 12 au total[52], considérant ceux-ci comme la marque de l’accomplissement de la liberté individuelle garantie par la République[53] - l'oppose à Paul Deschanel, qui l'a de nouveau impliqué, sans preuves, dans l'affaire de Panama, le 27 juillet 1894. Deschanel est légèrement blessé.

Clemenceau profite de ce répit pour écrire dans La Justice une série d'articles, rassemblés en 1895 dans La Mêlée sociale, avec une préface qui décrit un processus de civilisation rigoureusement inverse à celui prôné par le darwinisme social ; le jeune Maurras, pas encore devenu royaliste, la dit d'une « tumultueuse beauté[54] ». Il y dénonce les tarifs Méline de 1892 qui protègent les cultivateurs de blé, mais pas, selon lui, les petits propriétaires terriens ni les populations urbaines, assujetties à une hausse des prix[55]. Il ne cesse d'appeler à la réforme sociale, mettant l'accent sur la misère à travers des faits divers ; il reprend, à propos du chômage, la phrase de Marx sur « l'armée de réserve du travail[55] ». Il critique la répression des grèves, fait l'éloge de Louise Michel, critique l'évolution du christianisme, qui, d'« insurrection des pauvres », est devenu un « syndicat des riches[55] ».

Il s'indigne de l'appel à la foi[précision nécessaire], relayé par Jules Simon ou Zola, s'élève contre la propagande par le fait des anarchistes, rappelant une « effroyable histoire de sang, de tortures et de bûchers, auprès desquels la bombe de Vaillant est une plaisanterie d'enfants[55] ! ». Il compare la psychologie de ce dernier à celle de Robespierre qui voulait « amener le règne de la vertu sur terre[55] ». Comme Jaurès, il s'oppose aussi à la peine de mort, décrivant par le détail l'exécution d'Émile Henry :

« Je sens en moi l'inexprimable dégoût de cette tuerie administrative, faite sans conviction par des fonctionnaires corrects. (…) Le forfait d'Henry est d'un sauvage. L'acte de la société m'apparaît comme une basse vengeance[55]. »

Il s'oppose aux lois scélérates (1894), prenant la défense de l'ouvrage censuré de l'anarchiste Jean Grave, La Société mourante et l'anarchie[55].

Il s'attaque au libéralisme économique défendu par Léon Say, Yves Guyot et Leroy-Beaulieu[55] :

« Qu'est-ce que votre laissez-faire, votre loi de l'offre et de la demande, sinon l'expression pure et simple de la force ? Le droit prime la force : voilà le principe de la civilisation. Dès que nous avons constaté votre loi, à l'œuvre contre sa barbarie[55]! »

Contre l'individualisme libéral et la non-intervention de l'État d'un côté, contre le collectivisme de l'autre, il préconise les réformes sociales et l'impôt sur le revenu et sur la propriété[55]. Il ébauche néanmoins une possibilité d'entente avec Jaurès, affirmant que son programme n'est, en fait, que « la reprise du programme radical-socialiste défendu par La Justice depuis quatorze ans[55] ».

Par ailleurs, d'août 1894 à 1902, il écrit dans La Dépêche de Toulouse, contrôlée par Maurice Sarraut, d'abord des chroniques littéraires, puis des articles politiques[56]. Il collabore également au Journal (de 1895 à 1897), à L'Écho de Paris (1897), devient éditorialiste à L’Aurore et à l'hebdomadaire Le Bloc[56]. Il publie des recueils d'articles : Le Grand Pan (1896), dans lequel il fait l'apologie du paganisme précédant le judéo-christianisme ; Au fil des jours (1900) et Les Embuscades de la vie (1903). Il s'essaie même au roman, avec Les Plus Forts (1898). Ses essais littéraires, qui ne remportent guère de succès populaire, sont raillés par Barrès, Maurras étant plus indulgent. En revanche, Léon Blum est élogieux pour Le Grand Pan ainsi que pour son roman[56]. Il écrit aussi une pièce de théâtre, Le Voile du Bonheur, jouée au théâtre Récamier en 1901, mais sans grand succès.

L'affaire Dreyfus

C'est l’affaire Dreyfus qui permet à Clemenceau de revenir au premier plan. Entré comme rédacteur à L’Aurore en octobre 1897[57], il n’est au départ pas convaincu de l’innocence du capitaine Dreyfus, condamné au bagne en 1894. Approché par Mathieu Dreyfus, par Lucien Herr, le bibliothécaire de l'École normale supérieure, et par son ami Arthur Ranc, il va progressivement entrer dans l'Affaire[58].

Ranc l'envoie chez son vieil ami, dont il s'était éloigné, Auguste Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat, qui a eu connaissance par Me Leblois du témoignage du lieutenant-colonel Picquart innocentant Dreyfus et accusant Esterhazy[58]. Sans se prononcer sur l'innocence de Dreyfus, Clemenceau s'indigne contre le refus de transmettre les pièces du dossier à l'avocat de la défense, et va réclamer la révision du procès sur cette base[58]. Loin de considérer que cela déshonore l'armée, il s'étonne au contraire que l'armée puisse ne pas être soumise à la justice ; il commence aussi à prendre conscience du rôle de l'antisémitisme[58].

C’est l’acquittement d'Esterházy, le 11 janvier 1898, qui déclenche la crise. Le 13 janvier, Zola publie « J'accuse… ! », dont le titre a été trouvé par Clemenceau[58]. Il lui dédicacera ainsi l'Iniquité : « À Zola, pour l'avoir suivi dans la bataille ». La même année, il publie un ouvrage particulièrement réaliste [réf. nécessaire] sur les mœurs de la communauté juive, Au pied du Sinaï.

Il plaide ensuite dans le procès intenté à Zola et au journal, aux côtés de son[précision nécessaire] frère, avocat. Le 23 janvier 1898, il lance le néologisme d'intellectuel :

« N'est-ce pas un signe, tous ces intellectuels, venus de tous les coins de l'horizon, qui se groupent sur une idée et s'y tiennent inébranlables[58] ? »

Provoqué par Édouard Drumont, il défie celui-ci en duel le 26 février 1898, aucune des trois balles tirée par chacun ne touchant l'adversaire[58]. Absorbé par l'Affaire, il décline la proposition qui lui est faite de se présenter dans le Var pour les législatives de mai 1898[58].

Depuis décembre 1897, ses articles sont presque quotidiens : ils sont réunis en sept volumes (L'Iniquité, La Honte, etc.) publiés entre 1899 et 1903, qui seront des succès populaires, permettant au « Tigre » de rembourser la plupart de ses dettes. Malgré la réticence de son directeur Arthur Huc, il écrit également dans La Dépêche. C'est après la lecture publique des preuves alléguées contre Dreyfus, par le ministre de la Guerre Godefroy Cavaignac, le 7 juillet 1898, qu'il acquiert l'intime conviction de l'innocence du capitaine, sans toutefois changer sa ligne de défense[58].

Cloué au lit par une bronchite contractée à la station thermale de Carlsbad, il ne peut assister au procès de révision en août-septembre 1899 à Rennes, ouvert peu après la formation du gouvernement de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau. Il recommande alors d'attaquer frontalement les militaires, ce qui n'est pas suivi par Me Demange. En septembre 1899, alors que Dreyfus a été de nouveau condamné pour trahison, mais avec circonstances atténuantes - jugement dont Clemenceau moque l'incohérence -, Waldeck-Rousseau envoie le ministre Millerand proposer à l'équipe dreyfusarde d'accepter de demander une grâce présidentielle. Contrairement à Jaurès, Clemenceau y est opposé, préférant la justice et la reconnaissance de droit de l'innocence de Dreyfus plutôt qu'un acte de clémence : dans une lettre à Me Labori, il avait souligné : « Dreyfus n'est ici qu'un protagoniste symbolique. Il faut sauver tout ce que représente l'innocence aux abois[59]. » Cependant, interrogé par Mathieu Dreyfus, qui refuse de demander la grâce sans l'unanimité de l'équipe dreyfusarde, il lui laisse le champ libre[60]. Le président Loubet signe le décret de grâce le 19 septembre 1899. Cinq jours plus tard, Clemenceau réitère ses convictions :

« Oh! je n'ignore pas qu'on va poursuivre la réhabilitation de Dreyfus devant la Cour de cassation. (…) Mais au-dessus de Dreyfus - je l'ai dit dès le premier jour - il y a la France, dans l'intérêt de qui nous avons d'abord poursuivi la réparation du crime judiciaire. La France à qui les condamnations de 1894 et de 1899 ont fait plus de mal qu'à Dreyfus lui-même[61]. »

De même, il s'oppose à la loi d'amnistie du 14 décembre 1900, qui concerne aussi bien le général Mercier que Picquart et Zola[62].

En décembre 1899[63],[64], Clemenceau quitte L’Aurore, indigné par un article d'Urbain Gohier qui se vantait d'avoir à lui seul défendu Dreyfus[57]. Il crée alors un nouvel hebdomadaire : Le Bloc, qu'il rédige quasiment en entier[57]. Il s'attaque à nouveau au colonialisme, s'intéressant en particulier au cas de l'Indochine, et critiquant au passage les missionnaires. Ce journal paraît jusqu’au 15 mars 1902.

Le sénateur : anticléricalisme et anticolonialisme (1902-1906)

Après dix ans d'absence, son retour à la vie parlementaire s'appuie sur ses nombreuses amitiés, mais aussi sur les appuis acquis grâce à son engagement pour la défense de la justice lors de l'affaire Dreyfus. Lorsqu'une place de sénateur inamovible se libère, ce qui provoque une élection partielle dans le Var, nombreux sont ceux qui l’incitent à poser sa candidature et se déclarent prêts à la soutenir. Réticent au départ, Clemenceau se laisse finalement convaincre par son éditeur, Stock, et surtout la délégation varoise menée par le maire de Draguignan[65]. Une autre raison est que le général Mercier, ennemi acharné lors de l'Affaire Dreyfus, s'est fait élire sénateur. La décision du Tigre est saluée par Jaurès[66].

Bien que Clemenceau ait affirmé antérieurement son radicalisme et son socialisme[67], il reste à l'écart du nouveau Parti radical-socialiste, créé en 1901, ce qui ne l'empêche pas d'être soutenu dans le Var par les radicaux d'une part, des républicains indépendants d'autre part[68].

Le 6 avril 1902, le radical hostile au bicamérisme, qui dénonçait le Sénat comme une institution antirépublicaine vingt ans plus tôt est triomphalement élu avec 344 voix sur 474 votants, contre 122 pour son rival, un conseiller général radical-socialiste[68]. Les législatives d'avril-mai 1902 voient la victoire du Bloc des gauches et la formation du cabinet Emile Combes.

Après la réaction cléricale et militariste provoquée par l'Affaire Dreyfus, l'ordre du jour républicain n'est autre que la séparation des Églises et de l'État revendiquée par le Tigre depuis des décennies. Cependant, dès la rentrée, son discours du 30 octobre 1902 étonne l'assemblée. Constituant selon l'historien Michel Winock « une des bases de la philosophie républicaine en matière de laïcité et d'éducation[69] », ce discours critique férocement la « politique romaine » et le « gouvernement romain », distingué de la « religion catholique romaine », ces deux composantes formant l'« Église romaine ». Alors que la loi 1901 sur les associations visait uniquement les congrégations religieuses non autorisées, il pourfend la « théocratie » catholique et réclame la « suppression pure et simple au nom de la liberté » des « congrégations religieuses », « législativement » supprimées depuis 1790 :

« Retirés du monde, les moines sont partout répandus dans le monde. La congrégation plonge ses racines dans tous les compartiments de l'État, dans toutes les familles. Et de toute sa puissance, elle enserre pour notre malheur cette société moderne, ce progrès, ce libéralisme que le Syllabus a condamné[70]. »

Il défend cependant la « liberté d'enseignement », contestant, à l'encontre de Ferdinand Buisson (qu'il cite) et de la gauche républicaine, l'intérêt pour l'État du monopole de l'éducation :

« l'État, au lieu de s'immobiliser dans le monopole, recevra de ses concurrents l'impulsion nécessaire à son propre développement d'éducateur[71]. »

Le Temps s'alarme de ce regain de jacobinisme tandis que Péguy, pas encore converti, publie ce discours dans les Cahiers de la quinzaine, avec le titre : « Discours pour la liberté[72] ».

Il participe finalement à la chute du cabinet Combes, à la fois en raison de l'affaire des fiches et de la non-dénonciation du Concordat qui aurait dû, selon lui, être l'aboutissement de la crise provoquée par le voyage du président Loubet à Rome[73].

En avril 1905, lors des débats sur la loi de séparation des Églises et de l'État, Clemenceau passe à nouveau à l'attaque, cette fois-ci contre Aristide Briand et Jean Jaurès ; il s'oppose à leur frilosité à propos de l'article 4, qui concerne la dévolution de la propriété ecclésiastique aux associations cultuelles[74]. Alors que le catholique Albert de Mun se félicite de « ce grand coup donné à la loi », Clemenceau traite Briand de « socialiste papalin » et accuse la nouvelle formulation de l'article de « [mettre] la société cultuelle dans les mains de l'évêque, dans les mains du pape » ; « voulant rompre le Concordat, la Chambre des députés est demeurée dans l'esprit du Concordat (…) au lieu de comprendre qu'elle aurait pour premier devoir d'assurer la liberté de tous les fidèles, sans exception[74]. ». Malgré cela, il vote la loi. Le 30 septembre 1906, la séparation de l'Église et de l'État constitue le deuxième thème de son discours à la Roche-sur-Yon.

Pas plus que sur l'anticléricalisme, revigoré par l'Affaire, Clemenceau ne cède quoi que ce soit sur le colonialisme. Dans L'Aurore du 13 juin 1904, il critique la domination française sur le Maroc, et se moque, le 2 avril 1905, au moment de la crise de Tanger, de la politique de l'inamovible ministre des Affaires étrangères, Théophile Delcassé :

« Les politiques républicains, trouvant plus aisé de remporter des victoires sur les populations désarmées de l'Afrique et de l'Asie que de s'adonner à l'immense labeur de la réformation française, envoyaient nos armées à des gloires lointaines, pour effacer Metz et Sedan, trop prochains. Une effroyable dépense d'hommes et d'argent, chez une nation saignée à blanc, où la natalité baissait. (…) Partis de France dans l'illusion qu'à la condition de tourner le dos aux Vosges, le monde s'ouvrait à nous, nous rencontrons l'homme de l'autre côté des Vosges devant nous à Tanger[75]. »

La volonté de protéger le pays n'est jamais loin : « Être ou ne pas être, voilà le problème, qui nous est posé pour la première fois depuis la guerre de Cent Ans, par une implacable volonté de suprématie. » (L'Aurore, 18 juin 1905[74]). Il s'éloigne de Jaurès, entré aux côtés de Jules Guesde à la SFIO[74], et critique l'internationalisme de Gustave Hervé dans « Pour la patrie » (12 mai 1905) :

« ils comprendraient peut-être que la nature humaine est à la racine de tous les faits sociaux, bons ou mauvais, et que la suppression de la patrie ne détruirait point le fondement universel de l'égoïsme humain, ne changeant que la forme des manifestations de violence inhérentes à l'homme, seul ou associé[74]. »

Clemenceau au pouvoir

Le « premier flic de France » (1906)

Le préfet de police Louis Lépine et Clemenceau en 1908.

En mars 1906, après la victoire des radicaux aux législatives, Ferdinand Sarrien est appelé à former le cabinet. Clemenceau ironise : « Ça, rien ? Tout un programme [76]! ». Mais Briand, qui doit encore négocier les inventaires de l'Eglise, préfère l'avoir avec lui plutôt que contre lui, et subordonne sa participation à celle de Clemenceau[76] : ce dernier obtient ainsi l'Intérieur, alors que la France connaît une vague de grèves importantes, parfois quasi-insurrectionnelles (la CGT a entériné son orientation syndicaliste révolutionnaire avec la Charte d'Amiens, tandis que la SFIO est sur une position révolutionnaire et anti-réformiste bourgeoise, malgré les hésitations de Jaurès). « Je suis le premier des flics », dit-il alors[77],[78].

Place Beauveau, Clemenceau calme le jeu sur la question des inventaires : le 20 mars 1906, alors qu'il ne reste plus à inventorier que 5 000 sanctuaires sur 68 000, il déclare à la Chambre : « Nous trouvons que la question de savoir si l'on comptera ou ne comptera pas des chandeliers dans une église ne vaut pas une vie humaine[76]. »

Confronté à la grève qui fait suite à la catastrophe de Courrières (plus de 1 000 morts), il refuse d'envoyer, comme c'est l'usage, la troupe de façon préventive, c'est-à-dire dès que la grève se déclare, mais se rend à Lens dès le 17 mars, et affirme aux grévistes que leur droit à faire grève sera respecté, sans envoi de la troupe, tant qu'aucune personne ni propriété ne sera menacée[76]. Les grévistes s'échauffant, il se résout à envoyer la troupe le 20 mars ; le Temps (22 mars) est rassuré[76].

La grève fait tache d'huile, atteignant Paris : L'Echo de Paris titre « Vers la révolution ». À l'approche du 1er mai 1906, Clemenceau avertit Victor Griffuelhes, secrétaire général de la CGT, qu'il sera tenu responsable pour tout débordement, et fait arrêter préventivement plusieurs militants d'extrême-droite, « laissant entendre la préparation d'un complot » (Winock, 2007[76]). Il fait aussi venir 45 000 soldats à Paris[76] : la « fête du travail », sous haute surveillance policière, se déroule dans le respect de l'ordre et de la propriété[76]. En juin 1906, une joute l'oppose à Jaurès à la Chambre[76].

Le 18 octobre 1906, Sarrien, malade, recommande au président Fallières Clemenceau pour lui succéder[76].

Le gouvernement Clemenceau (1906-1909)

Grève postale à Paris, mai 1909.

Il accède à la présidence du Conseil le 25 octobre 1906, à 65 ans, et restera au pouvoir presqu'aussi longtemps que Waldeck-Rousseau. Son cabinet comprend le socialiste indépendant René Viviani, à la tête d'un Ministère du Travail inédit, et le général Picquart, qui avait dévoilé la supercherie accusant Dreyfus, comme ministre de la Guerre. Conformément à l'habitude de cumuler la présidence du Conseil avec un portefeuille ministériel, Clemenceau demeure à l'Intérieur. Enfin, il maintient Briand à l'Instruction publique et aux Cultes.

Son programme ministériel, dévoilé le 5 novembre 1906 à la Chambre, vise à maintenir la paix avec l'Allemagne, tout en réformant l'armée afin de préparer la France à un éventuel conflit. Sur le plan social, il déclare vouloir accomplir la réalisation de la loi sur les retraites ouvrières, la loi sur les 10 heures, améliorer la loi Waldeck-Rousseau sur les syndicats, racheter la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest en quasi-faillite, intervenir dans le contrôle de la sécurité dans les mines avec possibilité de rachat des compagnies houillères, préparer un projet de loi sur l'impôt sur le revenu… 17 chantiers sont ainsi lancés.

La séparation de l’Église et de l’État

Le sujet prioritaire, c'est toutefois l'application de la loi de séparation des Églises et de l'État, fermement condamnée par Pie X dans l'encyclique Vehementer nos. Cela soulève de nouveaux débats, le Vatican faisant tout pour empêcher la formation des associations cultuelles, auxquelles sont censées être dévolues les biens de l'Église. Attaqué par Maurice Allard, Briand rétorque le 9 novembre 1906 en rappelant que la loi de séparation est une loi d'« apaisement », que l'État laïc « n'est pas antireligieux » mais areligieux[79]. Si la loi n'est pas appliquée d'ici décembre 1907, Briand déclare qu'il s'appuiera sur la loi de 1881 sur les réunions publiques afin de maintenir la possibilité d'un exercice légal des cultes. Par circulaire du 1er décembre 1906, il précise qu'une déclaration annuelle doit suffire à cet exercice. Le 11 décembre, le Conseil des ministres rappelle qu'en cas de non-déclaration (annuelle), les infractions seront constatées : l’intransigeance pontificale menace de créer un « délit de messe ». Mgr Montagnini, à la tête de la Nonciature apostolique de la rue de l’Élysée, est expulsé sous l'accusation d’inciter au conflit.

Le 21 décembre 1906, un nouveau débat, durant lequel Briand accuse le Vatican de préconiser l’intransigeance afin de réveiller « la foi endormie dans l’indifférence », aboutit à la loi du 2 janvier 1907 qui vise à rendre impossible la sortie de la légalité des catholiques « quoi que fasse Rome[80] ». Le pape la dénonce à nouveau, le gouvernement parle d'« ultimatum »… et finalement, par la loi du 28 mars 1907, autorise les réunions publiques, sans distinction d'objet, et sans déclaration préalable. La position d'apaisement du gouvernement est confirmée par la loi du 13 avril 1908, qui considère les églises comme des propriétés communales et prévoit des mutualités ecclésiastiques (pour les retraites, etc.)[80]. Ces mesures ne seront cependant acceptées par le Vatican qu'après la Première Guerre mondiale avec le compromis, élaboré par Pie XI et le gouvernement français, des « associations diocésaines[80] ».

« Clemenceau, briseur de grèves »

Portrait de Clemenceau par Anatole France dans L'Humanité du 31 octobre 1906 (cliquer à répétition sur l'image pour lire). L'article a aussi été publié dans la Neue Freie Presse. « Il était nécessaire que Clemenceau devînt chef du gouvernement puisqu'il était chef du parti radical, qui forme la majorité de la Chambre. (…) J'ai souhaité son avènement aux affaires (…) Je suis plus socialiste que jamais. (…) Ce sera l'éternel honneur de Clemenceau d'avoir secoué l'égoïsme bourgeois des opportunistes. (…) Et quand Jules Ferry, abandonnant jusqu'aux apparences de l'anticléricalisme, s'allia avec le clergé dans des entreprises coloniales, fructueuses seulement pour quelques capitalistes privilégiés (…), Clemenceau, au risque de perdre sa popularité, s'éleva contre un système de conquêtes lointaines (…) Si l'on regarde aux dangers que courra bientôt le ministère (…) Les dangers qui viennent de lui-même ne sont pas les moindres. D'esprit, il est souple et divers ; de caractère, il est vif et cassant. Je ne le fâcherai pas en disant qu'il y a des choses qu'il préfère au pouvoir. Il a le sens de l'action (…) il est philosophe (…) ministre de l'Intérieur, il était déjà tout le ministère avant d'en être le chef. Alors il a opposé aux socialistes les doctrines d'un agnosticisme social sans doute grave et mélancolique (…) Bien qu'il n'ait jamais varié dans ses doctrines (…) et qu'il soit, aujourd'hui comme en 1870, républicain libéral et patriote, il surprend par l'imprévu de ses idées. (…) Libéral de naissance (…) il est, de caractère et d'esprit, homme d'autorité. Il est révolutionnaire et il exècre la démagogie (…) Le journal Le Temps chaque jour vante sa sagesse, le loue de sa modération (…) le compromet ainsi chaque jour, le rend suspect aux yeux des républicains radicaux. Le côté faible de Clemenceau, c'est son indépendance (…) Il est libéral, mais il ne l'est pas comme eux. (…) Il faudra bien que Clemenceau, bon gré mal gré, réforme le bloc des gauches, sans quoi, pris entre l'extrême gauche et la droite, il est perdu. »
Caricature montrant Clemenceau arbitrant le combat des viticulteurs du Midi contre les betteraviers du Nord

Président du Conseil le plus à gauche qu'ait connu jusqu'alors la IIIe République, mais « premier flic de France », Clemenceau est confronté à d'importantes grèves (1906 bat des records[81]). Il s'illustre par sa férocité, à la fois contre le personnel politique qu'il estime peu quand il ne l'accable d'un profond mépris - ainsi quand il décide de retirer le portefeuille des Finances au vieux président Ribot : « Il est voûté, mais ce n'est pas un abri sûr[82] » et contre les mouvements sociaux.

C'est d'abord, en mars 1907, une grève des électriciens à Paris. Le génie militaire rétablit le courant. En avril, une grève de l'alimentation, lancée par la CGT, touche Paris. La fonction publique réclame le droit de grève (la Poste le 12 mars 1909), inimaginable pour Clemenceau. Des dizaines de postiers, ainsi que Marius Nègre, fondateur du Syndicat national des instituteurs, et le syndicaliste révolutionnaire Émile Janvion sont ainsi révoqués. La Ligue des Droits de l'homme apporte son soutien aux révoqués.

Au printemps 1907, la révolte des vignerons du Languedoc s'étend à l'ensemble de la population de la région et prend une tournure insurrectionnelle. Le 10 juin 1907, le maire socialiste de Narbonne, Ernest Ferroul, démissionne, avec l'appui des maires locaux. Les viticulteurs réclament des aides équivalentes à celles accordées aux betteraviers du nord. Cinq ou six manifestants sont tués le 20 juin[83], la préfecture de Perpignan est incendiée, et le lendemain, le 17e régiment se mutine. Le 21 juin, la Chambre confirme son appui à Clemenceau, et il reçoit le leader gréviste, et non-violent, Marcelin Albert, le 23. Il trompe celui-ci en lui offrant 100 francs pour payer son billet de retour, ce qui détruit sa légitimité. La grève s'essouffle, et le 29 juin 1907, la Chambre vote la loi revendiquée, qui fixe une surtaxe sur les sucres utilisés pour la chaptalisation.

En juillet 1907, deux grévistes sont tués à Raon-l'Étape[84].

L'année suivante, il est confronté à la grève de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges : deux grévistes tués le 28 mai 1908. Le socialiste Édouard Vaillant accuse la « politique du gouvernement » d'être « responsable du meurtre ». Clemenceau rétorque : « la Chambre (…) dira si elle veut faire avec nous l'ordre légal pour les réformes contre la révolution[85] ». Hormis les socialistes, la majorité le soutient[85]. Le conflit redémarre le 2 juin 1908 à Vigneux, où deux grévistes sont tués et plusieurs blessés : il s'agit de la violence policière la plus grave depuis le début de la IIIe République, dans la mesure où les gendarmes ont tiré à bout portant dans une salle, sur des ouvriers désarmés et accompagnés de femmes et d'enfants[84]. Le 30 juillet, toujours à Vigneux[86], quatre grévistes sont tués et il y a plusieurs blessés du côté des forces de l'ordre[85].

Clemenceau décide alors des arrestations massives dans les rangs de la CGT (Griffuelhes, Pouget, etc.), malgré l'attitude conciliante du secrétaire général[85]. Des rumeurs insistantes feront état d'un agent provocateur qui aurait été utilisé par Clemenceau pour dissoudre la CGT anarcho-syndicaliste qu'il aborrhait[85]. Bien que l'existence d'un tel agent soit avérée (elle sera l'objet d'une interpellation de Caillaux en 1911), l'enquête historique de Jacques Julliard, Clemenceau, briseur de grèves, relativise son importance dans les événements : comme le disait Péricat, le secrétaire de la Fédération du bâtiment, surestimer son rôle serait faire bien peu de cas « de la Fédération du bâtiment, de son Comité fédéral et de ses militants »[87].

En fin de compte, Clemenceau, tout comme Viviani, préfèrerait plutôt favoriser une tendance moins dure à la CGT, poussant à ce que celle-ci abandonne le vote par membres (un membre = une voix) au profit d'un vote par syndicat (une fédération = une voix)[88].

Il est également confronté à des grèves d'employés voulant faire appliquer la loi sur le repos hebdomadaire votée sous Sarrien, notamment dans le secteur de la boulangerie.

Il devient rapidement ami avec le préfet de police Lépine — alors qu'ils ne s'aimaient guère au départ — et conduit d'importantes réformes de la police. Alors que la presse s'effraie des « Apaches », il soutient la création de la police scientifique par Alphonse Bertillon, un des « experts » de l'Affaire Dreyfus, et des « Brigades du Tigre » (officiellement : brigades régionales mobiles) par Célestin Hennion, nommé à la tête de la nouvelle Sûreté générale[89]. Hennion met en place un fichier des récidivistes et crée un service d'archives, tandis que les Brigades régionales fichent les « nomades ». Le projet de loi du 25 novembre 1908 « relatif à la réglementation de la circulation des nomades » aboutira à la loi du 16 juillet 1912 « sur le port du carnet anthropométrique d’identité » : recensant les empreintes digitales ; ce carnet, qui ne s'applique qu'aux Tsiganes, préfigure la carte d'identité[90] et le livret de circulation.

Le cabinet Clemenceau ne se résume cependant pas à la répression. L'abolition de la peine de mort est mise à l'ordre du jour de la Chambre le 3 juillet 1908, suite à une intervention de Joseph Reinach. Le gouvernement est pour, ainsi que Jaurès, Briand et l'abbé Lemire ; mais la commission parlementaire est contre et son rapport est approuvé le 8 décembre 1908 par une majorité rassemblant le centre et la droite catholique[91]. Le projet de loi sur l'impôt sur le revenu, présenté en février 1907 par le ministre des Finances Joseph Caillaux, est bloqué par le Sénat. En revanche, la loi Ribot sur les Habitations Bon Marché (HBM) est votée en avril 1908, puis, en juillet 1909, la loi sur le bien de famille insaisissable, qui vise à protéger les paysans. Zola est transféré au Panthéon.

La posture de « premier flic de France » l'amène à se brouiller durablement avec Jaurès, qui n'écartait pas, au début de son cabinet, une possibilité d'alliance avec le leader radical. La SFIO et la CGT ne sont clairement pas sur la même ligne que le radical-socialisme de Clemenceau. D'où cet échange savoureux au Parlement :

« Jaurès, vous n'êtes tout de même pas le bon Dieu !
- Et vous, vous n'êtes pas le Diable !
- Qu'en savez-vous[92] ? »

Politique étrangère et coloniale

En politique extérieure, dont est responsable son ami Stephen Pichon, Clemenceau se soumet aux résultats de la Conférence d'Algésiras et probablement aussi à l'influence du parti colonial. En effet, lorsqu'en mars 1907 un médecin est assassiné au Maroc, il ordonne un débarquement et autorise le général Lyautey à occuper Oujda. Le 30 juillet 1907, plusieurs Français sont tués lors d'une émeute consécutive à la décision de faire passer un chemin de fer à travers un cimetière musulman. Cela finit par un bombardement de Casablanca en août puis par l'occupation de Settat. Ces « incidents » (comme ils sont qualifiés en France…) suscitent aussi quelques remous avec l'Allemagne. En 1908, une querelle franco-allemande au sujet de la désertion de soldats de la Légion étrangère finit par un arbitrage de la Cour de La Haye, qui donne raison à la France le 22 mai 1909. Le 9 février 1909, par un accord franco-allemand, Paris s'engage à accorder l'égalité de traitement aux ressortissants allemands au Maroc, tandis que Berlin reconnait la légitimité de la France à s'octroyer le maintien de l'ordre dans le pays.

En revanche, un décret du 24 septembre 1908 propose une timide réforme en Algérie, avec l'élection des conseillers généraux indigènes, jusque là nommés par le gouverneur. En octobre 1908, une délégation des Jeunes Algériens vient réclamer la reconnaissance de l'ensemble des droits civils et politiques pour les Algériens « évolués ». Clemenceau se heurte à ce sujet aux Européens d'Algérie ; il se rattrapera avec la loi du 4 février 1919, louée par Messali Hadj[93].

Delcassé fait tomber Clemenceau

Clemenceau est renversé au bout de presque trois ans, alors que la session parlementaire touche à sa fin et qu'un grand nombre de députés de la majorité sont rentrés dans leurs circonscriptions. Le 20 juillet 1909, Clemenceau se refuse à répondre à des questions d'ordre technique sur la Marine posées par son rival Delcassé, qui a fait tomber le ministre Gaston Thomson l'année précédente ; il fait voter un ordre du jour. Celui-ci est repoussé par 212 voix contre 176 (avec 176 absents dont 76 radicaux-socialistes et 23 républicains de gauche) et Clemenceau démissionne. En effet, furieux, il a révélé à la Chambre que les ministères de la Guerre et de la Marine considéraient, lors de la crise de Tanger, que la France n'était pas prête à la guerre, ce qui équivalait à révéler des informations confidentielles presque de l'ordre du secret défense[94]. Dans sa biographie, Jean-Baptiste Duroselle écrit [réf. nécessaire] : « [la] chute [du gouvernement Clemenceau] présenta un caractère accidentel et fut liée à une incontestable maladresse tactique de sa part ». Le 21 juillet 1909, L'Humanité titre : « La fin d'une dictature ».

Le journalisme et l'Amérique latine

Caricature du docteur Domingo Cabred (es), qui a installé une clinique psychiatrique à ciel ouvert, dans la localité d'Open Door, Buenos Aires (en), visitée et louée par Clemenceau. Cabred fut l'un des premiers à plaider pour l'irresponsabilité pénale en matière psychiatrique lors du Congrès national d'anthropologie criminelle de Genève de 1898.

Les années 1909-1912 constituent dans sa carrière une période d'accalmie. Le 10 avril 1910 paraît le premier numéro du Journal du Var dont il est le créateur. Il se détache peu à peu de cette publication pendant les deux années qui suivent.

Le 30 juin 1910, il embarque sur le Regina Elina (en) pour effectuer en Amérique latine (Argentine, Uruguay, Brésil) une tournée de conférences destinées à renflouer son portefeuille ; il y fait l'apologie du régime parlementaire. L'Illustration, ainsi que le New York Times[95], rend compte de la tournée et publie ses « Notes de voyage ». En Argentine, qui fête un siècle d'indépendance (es) et s'apprête à voter la loi Sáenz Peña (es) établissant le scrutin universel secret, le Tigre rencontre Villanueva, président du Sénat argentin, et fait l'éloge des « indigènes » locaux (du moins des survivants…)[96]. Il y assiste avec intérêt à une conférence sur la « justice sociale » du criminologue Enrico Ferri[95]. Il fait l'éloge des systèmes scolaires (il remarque que la séparation entre l'Église et l'État existe presque entièrement de fait) et pénitentiaire ainsi que des hospices ; il les juge bien meilleurs que leurs équivalents français, tout en soulignant certaines limites matérielles de l'Instruction publique[95]. De même, il est étonné par la modernité du système de santé ; il critique l'enfermement psychiatrique, tel qu'il l'a connu à l'asile de Sainte-Anne, en comparaison avec le traitement en extérieur, accompagné d'essais de réinsertion, pratiqué par le docteur Cabred (es)[97].

Revenu en Europe à bord du Principe Umberto (en), il doit passer devant une commission d'enquête parlementaire sur l'« affaire Rochette » (une sorte de chaîne de Ponzi) qui avait suscité de nouvelles piques anti-parlementaires de Barrès[98], mais est blanchi de tout soupçon, ainsi que le préfet Lépine[99].

En 1912, il subit aussi une opération risquée de la prostate, dont il sort en meilleure forme. Après la crise d'Agadir, il vote, avec une quarantaine d'autres sénateurs, contre la ratification de la convention franco-allemande : « nous voulons la paix (…) Mais (…) si on nous impose la guerre, on nous trouvera[100]. » Clemenceau, sans être devenu revanchard, est désormais convaincu de la réalité de la Weltpolitik allemande.

Suite à l'élection présidentielle de janvier 1913, il se brouille de nouveau avec Raymond Poincaré, président du Conseil depuis 1912, qui ne s'étant pas retiré devant le candidat choisi par le camp républicain, Jules Pams, a été élu en s'appuyant sur la droite.

En mars 1913, il fait tomber le cabinet Briand en tant que président de la Commission sénatoriale chargée d'examiner le projet de loi, complexe, sur le scrutin proportionnel, destiné à remplacer le scrutin d'arrondissement, voté par la Chambre le 10 juillet 1912. Clemenceau, bien que critique à l'égard de ce dernier, considère celui-là comme propice au césarisme et s'oppose au changement. Le Sénat le suit (161 contre 128) et Briand démissionne : c'est le second cabinet de la IIIe République, depuis celui de Léon Bourgeois (1896), à être renversé par le Sénat.

L'Homme, libre ou enchaîné ? La guerre

Extrait d'une caricature de L'Humanité publiée le 27 mai 1913, montrant Clemenceau et le président de la République Poincaré réconciliés dans un soutien commun à la loi des trois ans. La légende de la caricature complète, titrée « Embrassons-nous, Folleville » dit : « Oublions le passé… Embrassons-nous, veux-tu ? »
Article connexe : Première Guerre mondiale.

Le 6 mai 1913 paraît le premier numéro de L’Homme libre, journal édité à Paris. Il y publie quotidiennement son éditorial, et ne cesse d'avertir la France du danger que constitue l'Allemagne (« Pour la défense nationale », 21 mai 1913 ; « Vouloir ou mourir », 24 mai ; « Ni défendus ni gouvernés », 15 juillet, etc.). Il défend avec ardeur la loi des trois ans, qui accroît la durée du service militaire, et qui est votée le 19 juillet 1913 avec l'appui de la droite contre les deux-tiers des députés radicaux-socialistes.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en juillet 1914, Clemenceau défend dans son journal l'Union sacrée et la prééminence des civils sur l'état-major. Déterminé à se battre, il est loin de l'optique de la « fleur au fusil » : « La parole est au canon (…) Et maintenant, aux armes ! Tous. J'en ai vu pleurer, qui ne seront pas des premières rencontres. Le tour viendra de tous. (…) Mourir n'est rien. Il faut vaincre. » (L'Homme libre, 5 août 1914). Le 26 août 1914, il refuse la proposition de Briand d'entrer dans le cabinet Viviani : il ne veut rien d'autre que la présidence du Conseil[101] !

Il va jusqu'à reprocher au ministre Malvy de n'avoir pas arrêté les militants fichés au « carnet B », alors que la quasi totalité de la gauche socialiste s'est ralliée à l'Union sacrée[102]. Après qu'il a dénoncé les insuffisances du service sanitaire aux armées, qui fait voyager les blessés dans les mêmes wagons que des chevaux atteints du tétanos, son journal est suspendu par Malvy du 29 septembre au 7 octobre 1914, en application de la loi du 4 août qui réprime les « indiscrétions de la presse en temps de guerre ». Le journal reparaît le 30 septembre sous le titre L'Homme enchaîné ; immédiatement saisi, il reparaîtra sous ce nouveau nom le 8 octobre à Paris. Son quotidien sera à nouveau suspendu en août 1915. Clemenceau enverra alors les articles aux parlementaires[103].

Pendant les années qui suivent, Clemenceau s’emploie à critiquer l’inefficacité du gouvernement, l'insuffisance des informations qu’il transmet, le défaitisme, l'anti-militarisme et le pacifisme, et défend sans cesse le patriotisme et l’« Union sacrée » face aux Allemands. Siégeant à la Commission des Affaires étrangères du Sénat et à la Commission de l'Armée, il en devient rapidement président, distribuant rapports et blâmes au ministère, effectuant de multiples visites au front en sa qualité de président de la Commission de l'Armée. Il affirme la légitimité du contrôle du Parlement sur les actes du gouvernement et la conduite de la guerre : « Il n'est bon pour personne de n'être pas contrôlé, critiqué ; cela n'est que trop vrai, même et surtout du haut commandement militaire[104]. »

En juillet 1915, son secrétaire Léon Martin ayant été envoyé au front, il est remplacé par le poète Jean Martet.

Il siège au sein des comités secrets du Sénat réunis à partir de juin 1916, alors que la bataille de Verdun fait rage. Trois jours après la première réunion du comité secret, il fait partie avec son ami Stephen Pichon des 16 sénateurs qui refusent de voter la confiance au gouvernement Briand[105]. Au lendemain d'une nouvelle réunion, il présente au Sénat, le 24 décembre 1916, un ordre du jour refusant la confiance à Briand, mais celle-ci est votée (194 voix contre 60)[105].

Clemenceau, président du Conseil pendant la Grande Guerre. Dessin de Sem de 2006, qui reprend une photo célèbre de Clemenceau (détenue par le fonds Albert Harlingue/Roger-Viollet).

Malgré son patriotisme, Clemenceau reste attaqué par certains royalistes. Ainsi, le 30 août 1916, Léon Daudet, fils de l'écrivain Alphonse, lui adresse cette lettre ouverte : « Oh ! Comme je vous connais ! Votre élément, c'est le désastre national à condition de pouvoir y faire des mots. Vous appartenez à la génération absurde et aveugle qui, en 1870-71, guettait une ascension politique sur les malheurs de la patrie »[106]. Il est toutefois soutenu par Barrès.

À l'entrée en guerre des Etats-Unis (avril 1917), , il déclare (sans prévoir l'évolution des événements en Russie ni le traité de Brest-Litovsk d'avril 1918) :

« Le suprême intérêt des pensées générales par lesquelles le président Wilson a voulu justifier l'action de son pays, c'est que la révolution russe et la révolution américaine se complètent à miracle pour fixer définitivement toute la portée idéaliste du conflit. Tous les grands peuples de la démocratie, c'est-à-dire du juste droit pour tous, ont désormais pris, dans la lutte, la place qui leur était destinée[107]. »

Le 22 juillet 1917, lors d'une interpellation concernant l'offensive Nivelle, il fait pendant deux heures et demie une critique acharnée de Malvy ; ce discours, applaudi au Sénat, est reproduit en plusieurs éditions par L'Homme enchaîné du 23 juillet puis diffusé en brochure sous le titre L'Antipatriotisme au Sénat[108]. Malvy démissionne un peu plus tard, ce qui entraîne la chute du cabinet Ribot (septembre 1917), remplacé par Painlevé.

Le président du Conseil ou le « Père la Victoire » (1917-1920)

Statue au rond-point des Champs-Élysées à Paris.
Article connexe : Première Guerre mondiale.

L’homme enchaîné garde son nom jusqu’à l’accession de Clemenceau à la Présidence du Conseil, le 16 novembre 1917. Le 13 novembre en effet, le gouvernement Painlevé tombe et le président Poincaré doit rapidement lui trouver un successeur. Il aurait eu alors à choisir entre Joseph Caillaux et Clemenceau. Bien qu'il n'aime guère Clemenceau, il préfère celui-ci, favorable à une victoire militaire et dont la force morale l'impressionne, plutôt que Caillaux, partisan d’une paix de compromis.

À 76 ans, Clemenceau devient ainsi à nouveau président du Conseil, malgré l'opposition de Briand et des socialistes (Marcel Sembat affirme à Poincaré que sa nomination susciterait un soulèvement immédiat[109]). Hormis la presse socialiste, les journaux acclament sa nomination, jusqu'au New York Times, dithyrambique[109].

Son gouvernement est essentiellement composé de proches et de figures qui s'effacent derrière lui[109] : Stephen Pichon aux Affaires étrangères, Jules Pams à l'Intérieur, Georges Leygues à la Marine, Louis Loucheur à l'Armement, etc. Son ami Georges Mandel devient chef de cabinet et Jules Jeanneney sous-secrétaire d'État à la présidence ; dans son cabinet se trouve aussi Georges Wormser, son futur biographe. En novembre 1919, il fera entrer André Tardieu au gouvernement ; celui-ci restera un ami proche jusqu'à son entrée dans le gouvernement Poincaré (2) dans les années 1920. Lui-même se réserve le portefeuille de la Guerre (« (le ministère de) La Guerre est une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux généraux », avait-il dit vingt ans plus tôt… ).

Le 20 novembre 1917, il annonce à la Chambre son programme de gouvernement : « Vaincre pour être juste, voilà le mot d'ordre de tous nos gouvernements depuis le début de la guerre. Ce programme à ciel ouvert, nous le maintiendrons[109]. » Il rend hommage aux « poilus » comme au courage de l'arrière : « ces silencieux soldats de l'usine, sourds aux suggestions mauvaises », « ces vieux paysans courbés sur leurs terres », « les robustes femmes de l'arrière » et « ces enfants qui leur apportent l'aide d'une faiblesse grave[109] ». Mais il affirme également la fin des « campagnes pacifistes » : « Ni trahison, ni demi-trahison : la guerre ! ». Il précise toutefois : « Nous sommes sous votre contrôle. La question de confiance sera toujours posée[109]. » Il est acclamé ; seuls les socialistes lui refusent la confiance : le lendemain, La Lanterne de Marcel Sembat écrit : « depuis le début de la guerre, on n'a rien entendu d'aussi vide[109] ! »

Il restaure la confiance, mettant tout en œuvre pour que la République soutienne le choc de cette guerre (Guillaume II prédisait justement le contraire, assurant que les démocraties – France et Royaume-Uni – s'effondreraient d'elles-mêmes si la guerre devait durer). Il s'attache d'abord à épurer l'administration, révoquant le préfet de police et le préfet de la Seine, ainsi que nombre de fonctionnaires jugés incompétents[110].

Dans sa politique intérieure, Georges Clemenceau s’emploie à mater énergiquement toute tentative de révolte, de mutinerie ou de grève dans les usines. Il mène également une lutte énergique pour le soutien du moral des troupes. Pour ce faire, il pourchasse les pacifistes, les défaitistes, les « embusqués » (pour soutenir le moral des troupes[110]) et fait également pression sur la presse favorable à ces mouvements sans pour autant utiliser la censure.

Cérémonie au cours de laquelle Pétain devient maréchal. Au fond à droite, Clemenceau, à côté du président Poincaré. Les deux ont toutefois préféré Foch à Pétain comme généralissime, méfiant en particulier à l'égard du « pessimisme » de Pétain.

Il généralise l'appel aux troupes coloniales (la « force noire » du général Mangin, qu'il nomme à la tête du 9e corps d'armée malgré l'hostilité de Pétain), nommant le député sénégalais Blaise Diagne, qui vient d'adhérer à la SFIO, Commissaire Général chargé du recrutement indigène[111]. Malgré les révoltes, 65 000 hommes sont ainsi recrutés dans les colonies en 1918[111]. Il fait également appel à l'immigration italienne, négociant avec le président du Conseil Orlando pour obtenir cette main-d'œuvre d'appoint[111]. 70 000 immigrants italiens sont ainsi en France en mars 1918[111]. Par la loi du 10 février 1918, il obtient le droit de réglementer par décret « la production, la circulation et la vente » des produits servant à la consommation humaine ou animale, point sur lequel le cabinet Briand avait échoué en 1916. Ceci lui permet de renforcer l'économie de guerre[111].

Les défaitistes sont réprimés, soit à la demande de Clemenceau, soit par la justice. Ainsi, l'ex-ministre de l'Intérieur Malvy, lourdement attaqué par Clemenceau journaliste, demande à ce qu'une Commission de la Chambre examine son cas pour le disculper[110] ; celle-ci le renvoie devant la Haute Cour de justice, et il sera condamné pour forfaiture à l'été 1918.

Le 11 décembre 1917, Clemenceau s'attaque directement à Joseph Caillaux, accusé de chercher une « paix blanche » (sans annexions) ; il demande la levée de son immunité parlementaire conjointement à celle du député Louis Loustalot[110]. 397 députés votent pour la levée ; Caillaux est incarcéré en janvier 1918, Clemenceau refusant toute intervention judiciaire[110]. Caillaux sera condamné par la Haute Cour en février 1920[110].

Clemenceau frappe aussi la rédaction du Bonnet rouge, journal défaitiste subventionné par l'Allemagne[110],[112], ainsi que Paul Bolo (dit « Bolo Pacha »), payé par l'Allemagne pour racheter Le Journal, ce qui lui vaudra d'être condamné à mort[110].

La censure est cependant allégée, étant restreinte aux faits militaires et diplomatiques : « Le droit d'injurier les membres du gouvernement doit être mis hors de toute atteinte[110] », déclare-t-il à la suite de la publication d'un article qui le visait férocement. Il pose également régulièrement la question de confiance, se soumettant ainsi au contrôle parlementaire[110]. À de nombreuses reprises, les chambres du Parlement doivent ainsi choisir entre soutenir ses décisions et le renverser[110].

Mettant la pression sur les États-Unis pour faire venir des troupes, il participe au Conseil supérieur de guerre, dont la première réunion a lieu le 1er décembre 1917 avec Lloyd Georges, Orlando et le conseiller présidentiel de Wilson, Edward House, et à la Conférence interalliée pour tenter de mettre en place une direction intégrée des troupes.

Plus résolu et plus intransigeant que jamais, il conduit ainsi une politique de salut public qui porte ses fruits l'année suivante, consacrant un tiers de son temps à la visite des tranchées[111], suscitant l'admiration des « poilus » pour son courage (il se couvre la tête d'un simple chapeau). Le 8 mars 1918, il présente ainsi son programme de gouvernement à la tribune alors qu'il veut faire voter les crédits de guerre :

« Vous voulez la paix ? Moi aussi. Il serait criminel d'avoir une autre pensée. Mais ce n'est pas en bêlant la paix qu'on fait taire le militarisme prussien.
Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c'est tout un. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre[113]. »

Il ajoute alors : « Celui qui peut moralement tenir le plus longtemps est le vainqueur[114]. » Churchill a ainsi dit de lui : « Dans la mesure où un simple mortel peut incarner un grand pays, Georges Clemenceau a été la France[115] »

Le 24 mars 1918, trois jours après le déclenchement d'une nouvelle offensive du général Ludendorff, Clemenceau envisage sérieusement d'opérer un retrait du gouvernement sur la Loire, mais Poincaré l'en dissuade[116]. Le « Tigre » se rend alors à Compiègne voir Pétain, qu'il juge à nouveau trop pessimiste[116]. Le 26 mars, il se rend avec Poincaré à Doullens, au nord d'Amiens. Il préfère alors Foch à Pétain comme généralissime des troupes interalliées, choix entériné le 14 mai après une rencontre à Beauvais, le 3 avril, avec Lloyd George et le général Pershing. Poincaré et Clemenceau se méfient en effet de Pétain, malgré cela nommé maréchal en novembre 1918. Poincaré raconte ainsi que le « Tigre » lui aurait dit :

«  Imaginez-vous qu'il m'a dit une chose que je ne voudrais confier à aucun autre que vous. C'est cette phrase : « Les Allemands battront les Anglais en rase campagne ; après quoi, ils nous battront aussi. » Un général devrait-il parler et même penser ainsi[117] ? »

À son surnom de « Tigre » vient s'ajouter celui de « Père la Victoire », qui résume à lui seul la part prise par lui au redressement de 1918, notamment pour son rôle dans la création du commandement unique. Après une nouvelle offensive lancée à partir du Chemin des Dames, qui permet à l'armée allemande de se trouver à 60 km de Paris (Pétain conseille alors à Clemenceau de quitter la capitale), le gouvernement est critiqué par les présidents des Chambres, Dubost et Paul Deschanel[118]. Le 4 juin 1918, il obtient la confiance de la Chambre par 377 voix contre 110[118]. Deux jours plus tard, un Comité de défense du camp retranché de Paris est institué, pour préparer les mesures en cas d'évacuation du gouvernement.

À partir de la bataille de Château-Thierry, en juillet 1918, le vent commence à tourner. En octobre, alors que l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Turquie ont fait savoir qu'elles demandaient l'armistice sur la base des Quatorze Points de Wilson, Clemenceau manque de démissionner suite à une lettre de Poincaré, dans laquelle celui-ci refuse tout armistice tant que les troupes ennemies n'auront pas évacué tout le territoire français, voire l'Alsace-Lorraine[118]. Alors que la droite (L'Action française, L'Echo de Paris, Le Matin…) fait preuve de jusqu'au boutisme, réclamant d'aller jusqu'à Berlin imposer l'armistice[118], Clemenceau s'y refuse, préférant mettre fin au carnage et signer l'armistice du 11 novembre 1918. Ceci lui vaut l'ironique « Perd-la-Victoire » au sein de la droite nationaliste.

Le Conseil des Quatre à la conférence de paix : Lloyd George, Vittorio Orlando, Georges Clemenceau, et Woodrow Wilson.

En compagnie du Président de la République, il entreprend un voyage triomphal dans l’Alsace et la Lorraine libérées. Le 21 novembre 1918, l'Académie française l'élit à l'unanimité, aux côtés du maréchal Foch ; Clemenceau ne siégera jamais. L'Humanité ironise :

« M. Clemenceau a contribué à la Commune. Il est devenu conservateur. M. Clemenceau a été dreyfusard. Il a étouffé la justice. M. Clemenceau a assailli, criblé de sarcasmes et ruiné le Sénat. Il est sénateur. M. Clemenceau a mésestimé l'Académie française. Il en a été élu hier membre[119]. »

L'empereur déposé Guillaume II écrira au contraire, dans ses Mémoires :

« La cause principale de la défaite allemande ? Clemenceau. (…) Non, ce ne fut pas l'entrée en guerre de l'Amérique, avec ses immenses renforts (…) Aucun de ces éléments ne compta auprès de l'indomptable petit vieillard qui était à la tête du gouvernement français. (…) Si nous avions eu un Clemenceau, nous n'aurions pas perdu la guerre[119]. »

La Conférence de paix (1919)

Où l'on voit les quatre chefs d'Etat de la conférence de Versailles, sous le titre « Paix et future chair à canon ». En bas, la légende : « Le Tigre : C'est curieux ! J'ai l'impression d'entendre un enfant pleurer ». L'image montre Clemenceau regardant un enfant, avec marqué au-dessus « Classe militaire de 1940 ». Ce dessin prémonitoire de l'Australien Will Dyson (en) est paru dans le Daily Herald en mai 1919.

La gauche lui est alors hostile, invoquant les Quatorze points de Wilson et sa vision idéaliste contre Clemenceau, opposition exprimée tant dans Le Rappel ou La République française que dans Le Matin, proche de Briand et dans L'Œuvre (radicale) de Gustave Téry[120]. La droite, au contraire, soutient Clemenceau, espérant arracher le plus possible à l'Allemagne (Le Figaro, Le Gaulois, L'Echo de Paris, L'Action française et une partie de la presse radicale, Le Pays, Le Radical ainsi que le centriste Le Temps)[120]. Le 29 décembre 1918, la Chambre lui renouvelle sa confiance par 398 voix contre 93[120].

Représentant de la France à la conférence de paix de Paris (janvier-juin 1919), il y défend trois priorités : la ratification de la réintégration de l'Alsace-Lorraine, les réparations et l'assurance de la sécurité de la frontière franco-allemande[121]. Il fixe seul la composition de la délégation française, faisant venir Tardieu comme négociateur, accompagné du ministre des Affaires étrangères Pichon, du ministre des Finances Klotz et de l'ambassadeur Jules Cambon. Il est élu président du Conseil des Dix, devenu, après le départ du Japon, Conseil des Quatre, avec Wilson, Lloyd George et Orlando.

Pour cela, il exige l'annexion de la rive gauche du Rhin et de lourdes indemnités matérielles et financières. En mars, il obtient la réduction de l'armée allemande à 100 000 hommes, avec un service militaire sur la base du volontariat. Le 14 avril 1919, le Conseil des Quatre lui accorde l'occupation du Rhin pendant 15 ans avec évacuation partielle de 5 ans en 5 ans, celle-ci pouvant être retardée en cas d'absence de garanties suffisantes contre des projets d'agression allemande (art. 429 du Traité). Il s'oppose sur ce sujet au maréchal Foch, qui, soutenu par Barrès, prône l'annexion de la Rhénanie. Il revendique également l'annexion de la Sarre, bassin minier qui remplacerait les pertes du Nord de la France, et obtient finalement, en avril 1919, un consensus avec la création d'un statut autonome, sous administration de la Société des Nations, de celle-ci.

Le matin du 19 février 1919, l'anarchiste Émile Cottin lui tire dessus à trois reprises, sans le blesser grièvement. Une balle, jamais extraite, se loge dans l’omoplate à quelques millimètres de l’aorte. L’attentat déclenche dans la population et dans la presse une ferveur extraordinaire. L’enthousiasme populaire est exacerbé, on idolâtre Clemenceau. Il s’en sort finalement sans trop de dommage et intervient pour commuer la condamnation à mort de Cottin en dix ans de réclusion. Six jours plus tard, il reprend ses activités, faisant preuve d'une santé vigoureuse pour son âge, et conserve son poste de président du Conseil jusqu'en 1920.

S'il défend les promesses faites à l'Italie lors du traité de Londres, il refuse de soutenir Orlando sur la question de Fiume, qui n'avait pas été évoquée en 1915. Le Premier ministre italien part, furieux. En juin 1919, les Allemands montrant des réticences à l'égard du traité de paix, Clemenceau consulte Foch pour organiser une éventuelle offensive. Finalement, le traité de Versailles est signé le 28 juin 1919, dans la Galerie des Glaces de Versailles, une idée de Clemenceau qui voulait marquer le coup par rapport au lieu de la proclamation du Reich allemand. La ratification par la Chambre a lieu le 23 octobre 1919, Clemenceau déclarant au Sénat : « Nous ne faisons pas de miracles[122]. »

Poussé par une opinion publique traumatisée par la guerre (« le boche doit payer »), ses exigences envers l'Allemagne ont pu être considérées par certains [Qui ?] comme exorbitantes. Concessions territoriales et versement de réparations importantes sont les deux pans de son programme. Ses exigences se heurtent néanmoins au refus du Royaume-Uni et des États-Unis, soucieux de préserver un rôle relatif à la puissance allemande, ce qui aboutit à un compromis bancal. Nombre d'historiens contemporains [Qui ?] estiment que Clemenceau porte une certaine responsabilité dans les erreurs du traité de Versailles.

La SFIO se montre très critique, accusant Clemenceau d'avoir surchargé l'Allemagne ; de même que la droite nationaliste (Jacques Bainville, de l'Action française, est particulièrement virulent), qui au contraire l'accuse d'avoir fait preuve de faiblesse.

Politique intérieure (1919)

Clemenceau peint par l'Américaine Cecilia Beaux, 1920.

Avant de partir, Clemenceau, qui se montre particulièrement dur envers la Russie soviétique, fait tout de même voter la loi des huit heures (avril 1919), afin de couper l'herbe sous le pied de la SFIO, quelques jours avant le 1er mai 1919. Le ministre de l'Intérieur Jules Pams interdit toute manifestation. Celle-ci a tout de même lieu : 300 manifestants blessés, deux morts, et 400 blessés du côté des forces de l'ordre[123]. Le gouvernement est interpellé à la Chambre le 6 mai, mais celle-ci lui vote la confiance par une large majorité[123].

Une loi sur les conventions collectives est également adoptée le 25 mars 1919. Cela n'empêche pas qu'il continue à être attaqué par les socialistes : le 4 avril 1919, à la suite de l'acquittement de Raoul Villain, l'assassin de Jaurès, un article d'Anatole France, publié dans L'Humanité, déclare : « Ce verdict vous met hors la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause[124]. ». En juin, les métallurgistes parisiens entament une grève d'envergure, revendiquant l'application de la loi des 8 heures. Le 18 juillet 1919, le radical et ex-ministre Augagneur fait voter un ordre du jour défavorable au ministre de l'Agriculture Victor Boret. Au lieu de démissionner, Clemenceau remplace ce dernier par Joseph Noulens, ex-ambassadeur en Russie et anti-bolchévique notoire. Il convoque le dirigeant de la CGT Léon Jouhaux, un modéré, et lui promet l'amnistie et l'accélération de la démobilisation tout en affirmant qu'il n'hésitera pas à réquisitionner la fonction publique en cas de grève générale[125]. Le 22 juillet 1919, il est à nouveau mis en difficulté à la Chambre par la gauche, mais parvient à se maintenir[125].

Aux législatives de novembre 1919, que Clemenceau a refusé de repousser[125], la droite, réunie au sein du Bloc national, l'emporte largement : c'est la chambre Bleu horizon. Cette victoire est en partie due à la nouvelle loi électorale du 22 juillet 1919, qui a instauré le scrutin proportionnel avec une dose de majorité[125], mais aussi aux divisions de la gauche.

Candidature avortée à la présidence de la République

En janvier 1920, Clemenceau, qui aspire désormais à une retraite paisible, accepte que des amis soumettent sa candidature à la présidence de la République. Mais ses nombreux ennemis, à gauche comme à droite, s’accordent pour soutenir la candidature de son adversaire Paul Deschanel. Aristide Briand, en particulier, convainc la droite catholique du danger que cet anticlérical impénitent représente (Léon Daudet l'appelle le « Vendéen rouge[126] »), tandis que la SFIO garde en tête l'image du « premier flic de France ».

Deschanel, qu’il avait battu en duel en 1894, l’emporte d’une courte majorité lors du vote préparatoire au sein du groupe républicain, le 16 janvier 1920, à l’Assemblée nationale. Clemenceau retire alors à ses amis l’autorisation de poser sa candidature. Le lendemain, Paul Deschanel remporte l’élection présidentielle à une très large majorité et le 18, Clemenceau présente la démission de son gouvernement.

Vie sociale et fin de vie

L'ami de Monet et les salons

La cantatrice Rose Caron, compagne de Clemenceau et interprète de Wagner.

Durant sa longue carrière politique, malgré son activité infatigable, il a trouvé le temps de s'intéresser à l'art et fut le protecteur de Claude Monet et d'autres peintres, tels que Jean Peské. Il rencontra Monet dans les cafés du Quartier latin, foyer de l'agitation républicaine face au second empire : les deux étudiants républicains s'y croisaient régulièrement. Leur amitié profonde se développa lorsque Clemenceau publia un grand article élogieux, intitulé « Révolution de cathédrales » dans son journal La Justice, le 20 mai 1895, à propos de l'exposition chez Durand-Ruel. Il écrivit le livret d'un opéra, Le Voile du bonheur. Doté d'un humour certain, Clemenceau s'est régulièrement illustré par des propos sarcastiques concernant la France, sa société et ses voisins.

Il pratiquait également le sport (gymnastique tous les matins, équitation) et aimait les plaisirs de la campagne, la chasse, les animaux (il avait un bouledogue), notamment les oiseaux… (il installe des paons et des cigognes au ministère place Beauveau) ; dans « Le Cinquième État », il s'émeut des « inutiles travaux » infligés aux animaux domestiques[127].

N'aimant guère, cependant, la paysannerie réactionnaire de Vendée[127], il fréquentait assidûment les salons littéraires et musicaux de la Belle Époque et, ayant divorcé, était connu comme coureur de jupons (Léonide Leblanc, ex-maîtresse du duc d'Aumale, l'actrice Suzanne Reichenberg, la comtesse d'Aunay, et, pendant plus longtemps, la cantatrice Rose Caron[127]). Il fut également un ami de la féministe Marguerite Durand, de la femme de lettres Anna de Noailles, de l'actrice Sarah Bernhardt ou de Cécile Sorel, autre actrice également amie de Barrès, à qui il déclarera : « Toute ma vie j'ai été amoureux[127] ».

Il fréquente ainsi le salon de la comtesse de Loynes avant qu'elle ne choisisse, avec son amant Jules Lemaître, le camp des anti-dreyfusards[128]. Celui, surtout, d'Aline Ménard-Dorian, fille du ministre du gouvernement de la Défense nationale Pierre-Frédéric Dorian et épouse d'un maître des forges député radical, mère de Pauline Ménard-Dorian (qui se maria avec le petit-fils de Victor Hugo). Dans le salon républicain d'Aline, rue de la Faisanderie, on rencontrait Émile Zola, Alphonse Daudet, les frères Goncourt, Rodin, Carrière, Béthune, Renouard, Victor Considerant, et nombre d'hommes politiques républicains de l'époque, tels que Georges Périn, Allain-Targé, Challemel-Lacour, Henri Rochefort, etc[128].

À la fin du siècle, il fréquentait également beaucoup, avenue Hoche, le salon de Mme Arman de Caillavet, l'égérie d'Anatole France, « le plus célèbre des salons dreyfusistes, et où l'on rencontrait la fine fleur des arts et des lettres, en même temps que le gratin politique[128] ».

Il se rendit à Vienne en 1886, lors de la crise boulangiste, au mariage de son frère Paul avec Sophie Szeps, fille du journaliste Moritz (en), propriétaire de la gazette libérale Wiener Tagblatt (de), célébrations au cours desquelles il rencontra l'archiduc Rodolphe d'Autriche (1859-1889), ami des Szeps et favorable à un rapprochement avec la France. Jusqu'à l'annexion de la Bosnie-Herzgovine par l'Autriche-Hongrie en 1908, il put espérer une alliance avec l'Autriche[129]. Par ailleurs, il demeurera proche de sa belle-sœur, Berta Zuckerkandl (en).

Clemenceau à Saint Hermine.

Il fut portraituré par Nadar (photographie reproduite supra), par le caricaturiste Léandre, qui le représente pourfendant symboliquement un « rond-de-cuir[130] », par Manet[131] et par Rodin[132] ; il décrit lui-même une séance de pose avec Rodin : « montant sur un escabeau pour faire des croquis du sommet de son crâne puis, s'accroupissant, pour mieux voir le bas de sa mâchoire, tout cela pour lui faire une tête de général mongol[133],[134] ». Albert Besnard le représenta sur une gravure à l'eau-forte en 1917[135].

Un buste en terre cuite de Clemenceau fait face à celui de son ami et presque exact contemporain Claude Monet dans son l'atelier-salon du peintre à Giverny (Eure) ; c'est en effet Clemenceau qui l'encouragea, alors qu'il était désemparé après la mort de sa femme et celle de son fils Jean et qu'il était atteint de cataracte, à se faire opérer et à poursuivre ses recherches picturales, qui aboutirent à ses célèbres Décorations des Nymphéas, et c'est à son instigation que le peintre les offrit à son pays, le 12 avril 1922.

« Nous sommes fous tous les deux mais pas de la même folie. C'est pourquoi nous nous comprendrons bien jusqu'au bout[136] ».

Clemenceau fréquenta aussi les peintres et graveurs Jean-François Raffaëlli (1850-1924) et Eugène Carrière (1846-1906), habitué du salon d'Armand de Caillavet.

« Au soir de la Pensée »

Clemenceau « en promenade sur la plage » en Vendée, août 1919, dans Le Pays de France, édité par Le Matin.

À 79 ans, Clemenceau va désormais consacrer son temps à de longs voyages. Il part ainsi, en avril 1920, pour l'Égypte à bord du Lotus, puis au Soudan où il rencontre le nationaliste Osman Digma[137]. De retour à Paris, il paie ses dernières dettes et s'achète une Citroën - André Citroën ne voulant pas la lui faire payer, Clemenceau exige en retour qu'il accepte 10 000 francs pour la caisse de solidarité des ouvriers[138].

Il fréquente Basil Zaharoff, marchand d'armes millionnaire, « vieux Grec d'Odessa qui gagne cent mille francs par jour, fume les cigares les plus chers du monde, très beau, l'air d'un Tintoret, très généreux, splendide aventurier, roi secret de l'Europe » (Paul Morand)[139].

Celui-ci lui procure chauffeur et Rolls-Royce afin de remplacer celle que lui avait offerte en 1917 le roi d'Angleterre en qualité de Président du Conseil, et qu'en conséquence le gouvernement français lui a demandé de laisser à l'État en 1920. Le seul geste du Pouvoir envers lui - aucune pension ou indemnité - a été l'offre de la Médaille militaire, qu'il a déclinée avec indignation, lui « simple civil qui n'est même pas un ancien gendarme[140] ».

Le 22 septembre 1920, lendemain de la démission de Deschanel, il part pour Ceylan sur la Cordillère. Il est invité en Inde par Ganga Singh (en), le maharajah de Bikâner, rencontré lors de la Conférence de paix. Il visite aussi Colombo, Singapour, Djakarta, Bandoeng, Rangoon, Bénarès, Bombay, Mysore (où le maharajah local l'a également invité)…

De retour à Toulon le 21 avril 1921, il se rend ensuite en Angleterre, où l'université d'Oxford le fait docteur honoris causa (22 juin 1921). Il y rencontre ses amis Churchill, Kipling, le rédacteur en chef du Times Steed, l'ex-Premier ministre Asquith et, à sa demande, fait une visite à Lloyd Georges. De retour en France, séjournant en Vendée, il inaugure le 9 octobre 1921 le Monument aux Morts de Mouilleron-en-Pareds, son village natal, et le 2 son propre monument, au centre du bourg de Sainte-Hermine (Vendée), le célèbre groupe sculpté sur place en deux ans par son ami le sculpteur François-Léon Sicard, qui le représente debout sur un rocher avec plusieurs « poilus » : la statue, décapitée pendant l'Occupation par les troupes allemandes, a été restaurée - la tête est conservée à la « maison de Georges Clemenceau » de Saint-Vincent-sur-Jard. Au proche village de Féole se trouve le logis médiéval de L'Aubraie de son grand-père (propriété privée), où, enfant, il séjournait .

En février 1922, il relance un journal : L'Écho national a comme « fondateur » Clemenceau, et comme « directeur politique » Tardieu. Édouard Ignace, Georges Bonnefous, Georges Suarez, Gaston Bénac y collaborent[141].

À l'automne 1922, il part aux États-Unis pour une tournée de conférences , plaidant la cause de la France. De retour le 20 décembre 1922, Clemenceau s’attelle à la rédaction de plusieurs ouvrages : Démosthène, où il peint à la fois l'orateur grec et lui-même ; Grandeur et Misères d’une victoire, où il défend, contre Poincaré et Foch, son action politique de 1917-1919 et évoque le risque du réarmement allemand en raison de l'abandon des garanties du traité de Versailles et de la politique d'apaisement de Briand ; et surtout Au soir de la Pensée, un gros ouvrage de réflexion et de philosophie qui va être le but principal de ses vieux jours : il y réfléchit sur l'humanité, les différentes religions et cultures, le progrès, etc.

Fin 1923, à 82 ans, il rencontre Marguerite Baldensperger, de 40 ans sa cadette - « Je vous aiderai à vivre et vous m'aiderez à mourir » - épouse d'un professeur de littérature à la Sorbonne, à qui il écrit régulièrement jusqu'à ses derniers jours des lettres qui lui tiennent lieu de journal, 668 au total, publiées en 1970 par son fils Pierre sous le titre Lettres à une Amie ; elles révélent « un Clemenceau inconnu, attentif, courtois, plein de tendresse et d'égards (…) soudain ombrageux, irrité, tel qu'en lui-même l'amour ne l'a pas entièrement changé. ».

Au vu de la situation internationale, il se décide à écrire au président Coolidge le 9 août 1926 :

« Nous sommes débiteurs et vous êtes créanciers. Il semble que ce soit pure affaire de caisse. N'y a-t-il point d'autres considérations à envisager ? (…)
Si les nations n'étaient que des maisons de commerce, ce sont des comptes de banques qui règleraient le sort du monde. (…) Or, c'est le secret de la comédie qu'il ne s'agit ici que d'échéances fictives pour aboutir à l'emprunt, avec de bonnes hypothèques sur nos biens territoriaux, comme en Turquie (…)
La France n'est pas à vendre, même à ses amis[142] ! »

Coolidge ne se donna pas la peine de répondre, se contentant d'un communiqué laconique[143]. Ce fut la dernière intervention politique de Clemenceau.

Mort

Georges Clemenceau, en novembre 1929.

À 88 ans, frappé par une crise d'urémie, il meurt après trois jours de maladie à l'aube du 24 novembre 1929, à son domicile de la rue Franklin à Paris - ancienne « garçonnière » de Robert de Montesquiou - qu'il habitait depuis 35 ans et qui, mis en vente par les héritiers de sa propriétaire en 1926, avait alors été acheté en secret par un de ses fervents admirateurs, le milliardaire américain James Stuart Douglas (en) (1867-1949).

« Pour mes obsèques, je ne veux que le strict minimum, c'est-à-dire moi[144] ».

« Une terrasse plantée d'acacias qui domine le lit d'un ruisseau. Des arbres, beaucoup d'arbres. Quelque chose dans tout cela de simple et en même temps d'orgueilleux. Une sorte de paix des premiers âges (…) M. Clemenceau me montrant sa tombe : voilà la conclusion de votre livre : un trou et beaucoup de bruit pour rien[145] ».

Sur son lit de mort, Clemenceau, voyant arriver un prêtre dit « Enlevez-moi ça ! »

Son exécuteur testamentaire était son vieil ami Nicolas Pietri. Le lendemain de sa mort, conformément à son testament du 28 mars précédent, qui excluait tout « cortège ni cérémonie d'aucune sorte », son corps - auprès duquel avait été placé selon ses instructions l'humble bouquet que lui offrirent en Champagne le 6 juillet 1918 deux soldats d'avant-poste promis à la mort - fut transporté dans sa voiture et à 12 heures 30, arriva à Mouchamps (Vendée), au « bois sacré » où reposait depuis 1897 son père, en présence de 200 gendarmes et de nombreux paysans accourus malgré les barrages routiers et la fermeture du chemin du manoir-ferme du « Colombier », domaine où ses ancêtres avaient vécu du début du XVIIIe siècle à 1801.

Il fut porté en terre par son chauffeur Brabant, son valet de chambre Albert Boulin, deux fossoyeurs et deux paysans, sur le bord d'un ravin boisé dominant une boucle du Petit Lay, terrain donné à la commune en avril 1922 par Clemenceau et ses cinq frères et sœurs, dans une grande simplicité, celle des funérailles protestantes traditionnelles.

Un de ses familiers, le jeune lieutenant d’infanterie Jean de Lattre de Tassigny, futur maréchal de France, dont la pieuse mère disait chaque jour son chapelet depuis 1918 pour la conversion de Clemenceau, fut avec son épouse parmi ses rares amis vendéens à assister à ses obsèques.

La copie de la Minerve casquée dite « de Samos » par Sicard surplombe les deux sépultures jumelles, sans dalles ni inscriptions, seulement entourées de grilles ombragées par un grand cèdre de l'Atlas, « arbre de La Liberté » planté en 1848 par son père.

Pendant de longues années, la commune de Montmartre fit fleurir la sépulture, de même que celle de Mouchamps le jour anniversaire de l'Armistice de 1918, et l'État, celui de sa mort (24 novembre).

Par décision ministérielle du 15 juillet 1998, les deux tombes, la stèle et l'allée d'accès ont été inscrites à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques.

Postérité

Sépulture de Georges Clemenceau à Mouchamps (Vendée)
Minerve casquée par Sicard

Hommages de personnalités

« Vous n'avez pas crié « Vive la France ! » pour rien ! La France vivra et, au nom des Français, je jure qu'elle vivra victorieuse. Quand la victoire sera gagnée, et que justice sera faite, les Français viendront vous le dire », déclarera Charles de Gaulle[146].

Vinrent s'incliner sur la tombe : en mai 1943, Erwin Rommel, le 12 mai 1946, Charles de Gaulle, en présence d'une foule estimée à 30 000 (ou 3 000 ?) personnes, et lors de visites officielles deux Présidents de la République (le 9 novembre 1951, Vincent Auriol, et le 11 novembre 1987, François Mitterrand, entouré de 300 personnes) et un ancien Président du Conseil et président du parti radical-socialiste (Édouard Herriot en 1955).

Hommages de Nantes

Nantes est certainement une des villes qui a le plus rendu hommage à Clemenceau, de son vivant même.

En effet, c'est dès le 12 novembre 1918 que la municipalité exprime le souhait de donner son nom au lycée où il a fait ses études secondaires, ce qui est entériné par un décret du 4 février 1919.

Peu après, est décidée la construction d'un monument aux morts du lycée ; lors du conseil municipal du 26 mars 1919, un débat s'élève pour savoir si on doit y représenter Clemenceau : les socialistes, par la voix d'Eugène Le Roux, futur député, estiment que ce n'est pas nécessaire et rappellent qu'il est aussi le président du Conseil de 1906-1907 ; le monument (sans Clemenceau) de Siméon Foucault est inauguré en sa présence, le 27 mai 1922 ; Clemenceau prononce un discours dont la dernière phrase, adressée au lycéens, est restée depuis lors gravée sur une plaque dans la cour d'honneur : « pour connaître par vous-mêmes, sans attendre l'avenir, la fortune de vos efforts, retroussez résolument vos manches et faites votre destinée ». Cette cérémonie fait la couverture de L'Illustration du 3 juin.

D'autres hommages sont rendus après sa mort. Dès le 24 novembre 1929, la municipalité donne son nom à la rue du Lycée et peu après, décide d'ériger un monument en son honneur dans la cour du lycée, en pendant au monument aux morts. Ce monument comporte en médaillon un buste de Clemenceau par Sicard. Il est inauguré le 26 avril 1931 en présence d'André Tardieu (cf. L'Illustration du 2 mai, de nouveau en couverture).

Enfin, en 1966, un des ponts de la « deuxième ligne de ponts » reçoit le nom de Clemenceau (le second, celui de Briand).

Honneurs anthumes

  • Le Monument à Georges Clemenceau à Sainte-Hermine (Vendée), de Sicard, date de 1920.

Honneurs posthumes

Onomastique

Son nom a été donné à un porte-avions français, en service de 1961 à 1997. Lors de son dernier voyage le commandant du « Clem' », comme l'appellent encore de vieux marins, vint mouiller entre l'île de Ré et la côte vendéenne et fit tirer une salve d'honneur afin de saluer symboliquement « Bel-Ebat » à Saint-Vincent-sur-Jard, la maison de vacances de Clemenceau.

Il a aussi été donné à de nombreux établissements scolaires : lycées (Reims, Montpellier, Chantonnay…), collèges (Tulle…) ainsi qu'à des rues en France et à l'étranger : par exemple, à Beyrouth (en).

En Amérique du Nord, on trouve un James Douglas, Jr. (en), fondateur du Clemenceau Heritage Museum consacré à l'histoire de la ville), ainsi qu'une montagne dans les Rocheuses canadiennes, le Mont Clemenceau.

Monuments

Sa statue du rond-point des Champs-Élysées à Paris (1932. Photo coul. plus haut) est due au sculpteur officiel François Cogné (1876-1952) ; des réductions en terre cuite ont été produites.

Musées

À Saint-Vincent-sur-Jard (Vendée), la longue et basse maison de pêcheur louée à partir de 1920 au commandant Luce de Trémont, châtelain à Avrillé (Vendée), un hobereau voisin, afin d'y passer la moitié de l'année, ce qu'il appelait sa « bicoque » ou son « château horizontal », abritant vieux meubles familiaux, objets personnels et livres, fut achetée par l'État et transformée en une sorte de maison du souvenir, gérée par la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites.

À Paris, son appartement, devenu propriété américaine, fut transformé en musée[147] en 1931 et géré par une fondation qui reçut des trois héritiers de Clemenceau les meubles et objets s'y trouvant à sa mort. Demeuré ouvert pendant la Seconde Guerre mondiale, il reçut la visite de militaires allemands, dont le Feldmarschal von Stülpnagel, commandant en chef des troupes d'occupation en France.

Son fils, Michel Clemenceau (1873-1964), résistant, déporté et interné en 1940-1945, homme politique de la Quatrième République, à qui son père avait dédicacé ainsi un de ses ouvrages : « À mon fils, qui aura des devoirs après ma mort », rassembla de nombreux souvenirs et objets d'art lui ayant appartenu dans la résidence qu'il se fit bâtir en 1927 à Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne), nommée « La Grange-Batelière » et la légua à sa jeune épouse, Madeleine Michel-Clemenceau. Le 13 février 2005, la succession de celle-ci mit aux enchères publiques en 250 lots le contenu de la « maison Clemenceau », dont une partie de la collection d'art asiatique du Tigre à qui en 1922, en remerciement de sa réception en Vendée, le prince héritier du Japon Hiro-Hito, âgé de 11 ans, envoya deux bannières en soie peintes de carpes, qui devinrent le signal de sa présence pour les pêcheurs - et « un ivoire millénaire figurant la déesse des eaux », dons personnels du couple impérial. Lors de cette vente, l'État préempta certains souvenirs et documents historiques.

À Mouilleron-en-Pareds (Vendée), l'État a acquis en 2005 la maison natale de Clemenceau située à deux rues de celle de Jean de Lattre de Tassigny ; elles sont réunies dans le projet global du Musée national des Deux Victoires (ou Musée Georges Clemenceau et Jean de Lattre), créé en 1959 dans la mairie à l'initiative de la maréchale de Lattre et d'André Malraux.

L'Institut vendéen Clemenceau-de Lattre, association d'amis du musée, a son siège dans cette commune.

Expositions

À l'occasion du cinquantenaire de sa mort, une exposition inconographique Clemenceau, du portrait à la caricature s'est tenue du 4 juillet au 29 septembre 1980 au Musée national des Deux Victoires de Mouilleron-en-Pareds (Vendée), .

En novembre 1997, l'Association des Maires de Vendée a organisé l'exposition itinérante du riche fonds documentaire et iconographique du collectionneur vendéen Octave Fort - dont les archives du général Mordacq, chef du cabinet militaire de Clemenceau de 1917 à 1920- sous le titre Clemenceau, cet inconnu.

Carrière

Honneurs

Annexes

Bibliographie

Œuvres de Georges Clemenceau
  • La mêlée sociale, coll. « Bibliothèque-Charpentier », Charpentier & Fasquelle, 1895
  • Le Grand Pan, Eugène Fasquelle, 1896 (rééd. par l'Imprimerie Nationale en 1995, avec une préface de Jean-Noël Jeanneney)
  • Les Plus Forts, Roman contemporain, Eugène Fasquelle, 1898
  • Au Fil des Jours, Eugène Fasquelle
  • Aux Embuscades de la Vie, Eugène Fasquelle
  • Au pied du Sinai, 1898, rééd.par Georges Crès, 1920
  • Démosthène, Plon, 1926
  • Au soir de la pensée, Plon, 1927
  • Claude Monet, les Nymphéas, Plon, 1928 - « Son Claude Monet est à la fois l'hommage personnel que sa piété amicale a voulu rendre à l'artiste qui lui avait procuré tant de joie esthétique et au novateur dont l'exemple lui semblait devoir être conservé », Gaston Monnerville, op. cit.
  • Grandeurs et Misères d'une victoire, Plon, 1930
  • Figures de Vendée, rééd.Plon, 1930
  • Pour la Patrie, 1914-1918, pages extraites des articles et des discours de G.C., Plon, 1934
  • Discours de guerre, Plon, 1934
  • Discours de paix, Plon, 1938
  • L'Iniquité, premier des 7 tomes de ses écrits journalistiques consacrés à l'Affaire, publiés chez Pierre-Victor Stock de 1899 à 1903 ; rééd. de la publication de 1899-1906 établie par Michel Drouin, Mémoire du Livre, 2001
  • Numéro spécial de L'Illustration, novembre 1929
  • La Argentina del Centenario, Université nationale de Quilmes, Buenos Aires, 1999.
Traduction de Clemenceau
Biographies
  • Michel Winock, Clemenceau, Perrin, 2011
  • Alexandre Duval-Stalla, Claude Monet - Georges Clemenceau : une histoire, deux caractères, Gallimard, 2010
  • René Benjamin, Clemenceau dans la retraite, La Palatine à la Librairie Plon, 1930
  • Jean Martet, M. Clemenceau peint par lui-même, Albin-Michel, 1929
  • Général Mordacq, Le Ministère Clemenceau journal d'un témoin /1917 -1920, Plon, 193… en 4 tomes
  • -du même, Clemenceau au soir de sa vie /1920-1929, Plon, 1933, en 2 tomes
  • Madeleine Michel-Clemenceau, Georges Clemenceau, sa vie racontée à la jeunesse de France, éditions du Centre, 1975
  • Michel Winock, Clemenceau, éditions Perrin, septembre 2007 (ISBN 978-2-262-01848-1)
  • Guy Barbier, La Tendresse du Tigre, et Christophe Garach, Cinquante ans de vie publique, C.I.V.I.C., n° 33, septembre-octobre 1993, p. 22-25
  • Guy Barbier Aux Sables d'Olonne, Clemenceau et son sous-préfet, C.I.V.I.C. n° 91, octobre 1999, p. 68-69
  • Jean-Jacques Becker, Clemenceau en 30 questions, Geste éditions, 2001
  • - du même,Clemenceau. L'intraitable, Curriculum, date ?
  • Henri Brunetière, Clemenceau, la République et la Vendée, coll. Mémoire et Racine, 1999
  • Georges Clemenceau (son arrière-petit-fils), Lettre de mon jardin, Décoration Internationale, s.d., p. 72-73
  • Annick Cochet, Clemenceau et la Troisième République, Denoël, 1989
  • Actes du colloque du cinquantenaire de sa mort, Clemenceau et la Justice, 1979, publications de La Sorbonne, 1983
  • Jean-Baptiste Duroselle, « Clemenceau dictateur ? », L’Histoire, n° 17, novembre 1979, p. 75-77
  • Jean-Baptiste Duroselle, Clemenceau, Fayard, Paris, 1988
  • Philippe Erlanger, Clemenceau, Grasset-Paris-Match, puis Librairie Académique Perrin, 1968
  • Octave Fort, Clemenceau cet inconnu, tome 1, 2004
  • Gustave Geoffroy, Georges Clemenceau, sa vie, son œuvre, Larousse
  • Françoise Giroud, Cœur de Tigre, Plon/Fayard, 1995
  • Clément-Alphonse Gola,Clemenceau et son sous-préfet, Fontenay-le-Comte, Imprimerie Moderne, s.d.
  • Jean-Noël Jeanneney, Clemenceau, portrait d'un homme libre, Mengès, coll. Destins, 2005
  • J. Jolly (dir.) et al., Dictionnaire des parlementaires français - Notices biographiques sur les ministres, députés et sénateurs français de 1889 à 1940, Paris, Presses Universitaires de France, 1963, tome III, p. 1064-1070
  • Jacques Julliard, Clemenceau briseur de grèves - L’affaire de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges , Julliard, Paris, collection Archives, 1965, rééd. 2004
  • J. Lafitte, Qui était qui, Dictionnaire bibliographique des Français disparus ayant marqué le XXe siècle, Éditions Jacques Lafitte, Levallois-Perret, 2005, 2e édition
  • Bernard Lecomte, P. Ulanowska, Le dictionnaire politique du XXe siècle - 100 ans de politique française, Le Pré aux Clercs, Paris, 2000, p. 18-21
  • Pierre Miquel, Je fais la guerre - Clemenceau, le Père-La-Victoire, Tallandier, Paris, 2004
  • Gaston Monerville, Clemenceau, Fayard, 1968
  • Michel Mourre, Dictionnaire encyclopédique d’histoire, Bordas, Paris, 1978, Volume « C », p. 987-988
  • - du même, Le Petit Mourre - Dictionnaire d’histoire universelle, Bordas, Paris, 1981, p. 266
  • Jean Pépin, Clemenceau, 1994
  • Jacques Perot, Georges Clemenceau, exposition du cinquantenaire, Petit-Palais, 1979
  • Gilbert Prouteau, Le Dernier Défi de Georges Clemenceau, Éditions France-Empire, 1979
  • Sociéte des Amis de Georges Clemenceau, Georges Clemenceau, Imprimerie artisanale de Moret-sur-Loing, 1962
  • (en) David Robin Watson, A Political Biography, Eyre Methuen, Londres, 1974
  • Georges Wormser, La République de Clemenceau, Presses Universitaires de France, 1961
  • Benoît Yvert, Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989, Librairie académique Perrin, Paris, 1990, p. 411-414
  • Samuel Tomeï, Clemenceau, le combattant, coll. Tribuns, La Documentation Française ; Assemblée Nationale, 2008
Autres documents
  • Stéphane Prince, L'Esprit Français, Le Livre Contemporain, 1961, p. 288 
  • Paul Morand, Journal d'un attaché d'ambassade, 1916-1917, Gallimard, 1963, p. 17 
  • Guy Breton, Tout l'humour de Clémenceau, Jacques Grancher éditeur, Paris, 1995
  • Jean Silvain « Ne pas subir », dans Bien vivre - Vendée, été 1963, p. 37-39
  • « Clemenceau et Mouchamps », dans Hier, Mouchamps - Pages d'histoire locale, Groupe Histoire - mairie de Mouchamps, n° 6, novembre 1999

Notes et références

  1. Clemenceau s'écrit bien sans accent aigu sur le premier « e », même si la prononciation [klemãso:] est habituelle et non [klɘmãso:].
  2. Cité par Gilbert Prouteau dans Le dernier défi de Georges Clemenceau, éditions France-Empire, 1979, p. 92
  3. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v et w Michel Winock, Clemenceau, éditions Perrin, 2007, p. 32 sq.
  4. Notice de Pierre-Paul Clemenceau sur le site de l'Assemblée nationale, extraite du Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 d'A. Robert et de G. Cougny.
  5. Léonard, Jacques. Médecins de l'Ouest au XIXe siècle.
  6. Michel Winock, 2007, op. cit., chap. VII, p. 113 (pour l'escrime et le duel, voir p. 108
  7. Détails sur la scolarité de Clemenceau à Nantes : Jean Guiffan, Joël Barreau et Jean-Louis Liters dir., Le Lycée Clemenceau. 200 ans d'histoire, Editions Coiffard, Nantes, 2008. [ISBN 9782910366858] : Fiche biographique page 387, palmarès page 471.
  8. Témoignage de Maurice Sibille, futur député de Loire-Inférieure, cité ibidem, page 118
  9. Ibidem, page 111.
  10. Clemenceau ministre à un jeune collaborateur pétrifié et muet dans son bureau.
  11. Michel Winock (2007), op. cit., p. 38
  12. Antoine Cassan, Les fausses gloires de France : Clemenceau, contrepoints. org, 7 décembre 2007
  13. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s et t Michel Winock, Clemenceau, éditions Perrin, 2007, chap. I
  14. a, b, c, d, e et f Michel Winock, 2007, op. cit., chap. III
  15. Cité par Michel Winock, 2007, op. cit., chap. III, p. 57-58
  16. Michel Winock, 2007, op. cit., chap. III, p. 59
  17. Michel Winock, 2007, op. cit., chap. III, p. 61
  18. Entrée Clemenceau dans les Lettrines de Julien Gracq, cité par Winock, 2007, op. cit., p. 119
  19. a, b, c, d et e Michel Winock, 2007, op. cit., chap. IV, « La bataille de l'amnistie ».
  20. a et b Michel Winock, 2007, op. cit., chap. IV, « La bataille de l'amnistie », p. 68-69
  21. Cité par Winock, 2007, op. cit., chap. IV, p. 71
  22. Winock, 2007, op. cit., chap. V, p. 85-86. Clemenceau propose à la Chambre de voter un blâme contre le ministre, tandis que celui-ci exige un vote de confiance. Ni l'un ni l'autre ne sont accordés, suite à quoi le ministre démissionne.
  23. a et b Le radicalisme et la IIIe République : le temps des divisions sur le site du Sénat
  24. Discours prononcé par Clemenceau à Marseille le 28 octobre 1880, in P. Barral, Les fondateurs de la Troisième République, Colin Collection U, 1968 , p. 127-128. Cité in Jacques Mièvre, « Le solidarisme de Léon Bourgeois », Cahiers de la Méditerranée, vol. 63 | 2001, mis en ligne le 15 octobre 2004, Consulté le 3 juin 2010.
  25. Winock, 2007, op. cit., chap. V, p. 87
  26. a et b Winock, 2007, op. cit., chap. V, p. 84
  27. a et b Winock, 2007, op. cit., chap. VI, p. 95
  28. a et b Winock, 2007, op. cit., chap. VI, p. 96
  29. Les votes suivants sont repris de la note de bas de page in Winock, 2007, op. cit., chap. VI, p. 99. On trouvera également certains de ses votes sur sa notice dans le Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 d'A.Robert et de G.Cougny, en ligne sur le site du Sénat ou de l'Assemblée nationale
  30. Winock, 2007, op. cit., p. 99
  31. Gilbert Prouteau, op. cit., p. 20
  32. Winock, 2007, op. cit., chap. VII, p. 107
  33. a et b Winock, 2007, op. cit., chap.VI, p. 103-104
  34. a et b Winock, 2007, op. cit., p. 127
  35. Winock, 2007, op. cit., p. 141
  36. Winock, 2007, op. cit., p. 139
  37. a, b, c, d, e et f Winock, 2007, op. cit., p. 130 sq. (chap. « Contre Jules Ferry »)
  38. Discours à la Chambre de Jules Ferry du 28 juillet 1885. Voir aussi Jules Ferry#Extrait des débats du 28 et du 30 juillet 1885
  39. Winock, 2007, op. cit., p. 135 sq.
  40. Cf. Discours à la Chambre des députés, 31 juillet 1885 sur Assemblée nationale. Consulté le 20/02/2011
  41. Discours devant la Chambre des députés, 31 juillet 1885, [lire en ligne] Cf. aussi Jules Ferry#Extrait des débats du 28 et du 30 juillet 1885
  42. a et b Winock, 2007, op. cit., p. 142-144 (chap. IX)
  43. « où il arrive au premier tour en 6e place avec 202 000 voix, et 22e au second tour » : à première vue, cette formulation n'est pas claire. Ne serait-il pas plus logique qu'il soit 22° au 1° tour et 6° au second ?
  44. a, b, c, d, e, f, g et h Winock, 2007, op. cit., chap. IX et X
  45. Winock, 2007, op. cit., p. 166
  46. Discours du 4 juin 1888, cité par Winock, 2007, op. cit., p. 169 (chap. X)
  47. « La Révolution est un bloc ». Discours prononcé à la Chambre des députés : 29 janvier 1891, site de l'Assemblée nationale.
  48. Winock, 2007, op. cit., p. 182
  49. Winock, 2007, op. cit., p. 186-187
  50. Winock, 2007, op. cit., p. 191
  51. a, b, c, d et e Winock, 2007, op. cit., chap. XII
  52. François Guillet, « L’honneur en partage. Le duel et les classes bourgeoises en France au XIXe siècle», Revue d'histoire du XIXe siècle, 2007-34, La bourgeoisie : mythes, identités et pratiques, mis en ligne le 2 juillet 2007. Consulté le 3 octobre 2008
  53. François Guillet, 2007, art.cit.
  54. Maurras dans Revue encyclopédique de Larousse en mai 1895, cité par Winock, 2007, op. cit., chap. XIII, p. 225
  55. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k Winock, 2007 op. cit., chap. XIII
  56. a, b et c Winock, 2007, op. cit., chap. XIV
  57. a, b et c Claude Lévy, Un journal de Clemenceau : « Le Bloc » (janvier 1901-mars 1902), Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. X, n°2, avril-juin 1963, p. 105-120
  58. a, b, c, d, e, f, g, h et i Winock, 2007, op. cit., chap. XV
  59. Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 287
  60. Winock, 2007, op. cit., p. 290
  61. Article du 24 septembre 1899 de Clemenceau, cité par Winock, 2007, op. cit., p. 291
  62. Winock, 2007, op. cit., p. 291
  63. Paul-Henri Bourrelier, La revue blanche 2007, p. 839
  64. Georges Michon,Clemenceau, 1931, p. 89
  65. Winock, 2007, op. cit., p. 299
  66. Jaurès dans La Petite République, 14 mars 1902, cité par Winock, 2007, op. cit., p. 299
  67. Winock, 2007, op. cit.
  68. a et b Winock, 2007, op. cit., p. 300
  69. Winock, 2007, op. cit., p. 305. Winock cite aussi le discours du 17 novembre 1903.
  70. Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 302
  71. Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 305
  72. Winock, 2007, op. cit., p. 306
  73. Winock, 2007, op. cit., p. 307-308
  74. a, b, c, d et e Winock, 2007, op. cit., chap. XIX
  75. Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 311
  76. a, b, c, d, e, f, g, h, i et j Winock, 2007, op. cit., chap. XX
  77. Winock, 2007, op. cit., chap. XX, p. 351
  78. Samuel Tomei, « 1906 : Clemenceau versus Jaurès », dans Les Cahiers de Psychologie politique, no 10, janvier 2007 [texte intégral (page consultée le 19 janvier 2010)] 
  79. Winock, 2007, op. cit., p. 346
  80. a, b et c Winock, 2007, op. cit., p. 346 sq.
  81. Winock, 2007, op. cit., p. 355
  82. Cité dans Stéphane Prince 1961
  83. Winock, 2007, op. cit., p. 356, parle de cinq morts.
  84. a et b Sorlin Pierre. 0538_0000_2Jacques Julliard, Clemenceau briseur de grèves. L'affaire de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges (1908) (Coll. Archives, n° 14)., Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1969, vol. 24, n° 2, p. 538-540.
  85. a, b, c, d et e Winock, 2007, op. cit., p. 359-361
  86. Selon Michel Winock, 2007, op. cit.. Selon le compte-rendu de Pierre Sorlin du livre de Jacques Julliard, c'était à Villeneuve-Saint-Georges, mais il s'agit de deux communes limitrophes.
  87. Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 363
  88. Discours à la Chambre du 14 mai 1907, cité p. 363 par Winock, 2007, op. cit.. Voir aussi pages suivantes, et discours de Viviani du 23 octobre 1907.
  89. En hommage à l'empreinte que Clemenceau a laissé sur la police nationale, la vingt-deuxième promotion de commissaires de police issue de l'école nationale supérieure de la police, entrée en fonction en 1972, porte son nom.
  90. Emmanuel Filhol, « La loi de 1912 sur la circulation des « nomades » (Tsiganes) en France », Revue européenne des migrations internationales, vol. 23 - n°2 | 2007mis en ligne le 1er octobre 2010.
  91. Winock, 2007, op. cit., p. 365
  92. Gilbert Prouteau, op. cit., p. 121
  93. Winock, 2007, op. cit., p. 378
  94. Winock, 2007, op. cit., p. 376
  95. a, b et c CLEMENCEAU SEES ARGENTINA'S SCHOOLS AND HOSPITALS; CLEMENCEAU SEES ARGENTINA'S SCHOOLS AND HOSPITALS, New York Times, 5 mars 1911, 5e article d'une série de témoignages de Clemenceau pour le journal new-yorkais.
  96. Voir l'Illustration de Paris entre le 28 janvier et le 2 avril 1911. Lire Georges Clemenceau, La Argentina del Centenario, Université nationale de Quilmes, Buenos Aires, 1999.
  97. Racontant la Marseillaise et l'hymne national argentin joué dans ce centre ouvert psychiatrique, Clemenceau ironise : « Depuis lors je me suis toujours demandé pourquoi un certificat de folie n'est pas exigé de tous les candidats à l'admission à l'Opéra de Paris ». New York Times, art. cit.
  98. Zeev Sternhell, Maurice Barrès et le nationalisme français, éd. Complexes, 1972, p. 128
  99. Winock, 2007, op. cit., p. 385
  100. Winock, 2007, op. cit., p. 393
  101. Winock, 2007, op. cit., p. 406
  102. Winock, 2007, op. cit., p. 407
  103. Winock, 2007, op. cit., p. 417
  104. Cité par Winock, 2007, op. cit., chap. XXVI, p. 412
  105. a et b Cité par Winock, 2007, op. cit., chap. XXVI, p. 413
  106. Cité par Paul Morand 1963, à la date du 30 août 1916
  107. Cité par Winock, 2007, op. cit., chap. XXVII, p. 418
  108. Winock, 2007, op. cit., chap. XXVII, p. 421-424
  109. a, b, c, d, e, f et g Winock, 2007, op. cit., chap. XXVII, p. 426-428
  110. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k Winock, 2007, op. cit., chap. XXVIII, p. 432-434
  111. a, b, c, d, e et f Winock, 2007, op. cit., chap. XXVIII, p. 436-438
  112. Affaire du Bonnet rouge sur le site de la BDIC de l'Université de Nanterre.
  113. Discours du 8 mars 1918 sur le site de l'Assemblée nationale
  114. Winock, 2007, op. cit., chap. XXVIII, p. 431
  115. Cité par Gilbert Prouteau, op.cit, p. 73
  116. a et b Winock, 2007, op. cit., chap. XXIX, p. 445
  117. Winock, 2007, op. cit., chap. XXVIII, p. 442
  118. a, b, c et d Winock, 2007, op. cit., chap. XXVIII, p. 450-456
  119. a et b Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 459
  120. a, b et c Winock, 2007, op. cit., chap. XXX, p. 465
  121. Winock, 2007, op. cit., chap. XXX, p. 460
  122. Winock, 2007, op. cit., p. 477
  123. a et b Winock, 2007, op. cit., p. 484-485
  124. Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 482
  125. a, b, c et d Winock, 2007, op. cit., p. 486-489
  126. Winock, 2007, op. cit., p. 493
  127. a, b, c et d Winock, 2007, op. cit., chap. VII.
  128. a, b et c Michel Winock, Clemenceau, éditions Perrin, 2007, p. 116-117
  129. Winock, 2007, op. cit., chap. XXV, p. 393
  130. Fusain aquarellé au musée Léandre de Montreuil-Bellay, Maine-et-Loire
  131. huile sur toile 1879-1880, idem. - musée de Saô Paulo
  132. buste en bronze, 1911, musée Rodin, Paris
  133. Mention antérieure : « mogol »
  134. Bernard Champigneulle, Rodin, Somogy, éd. de 1985, p. 256
  135. N°181 au catalogue par Louis Godefroy de l'œuvre gravé du peintre, Paris 1926.
  136. Dernière lettre à Monet, juillet 1926
  137. Winock, 2007, op. cit., p. 498
  138. Winock, 2007, op. cit., p. 499
  139. Paul Morand, 2 décembre 1916, op. cit., p. 91
  140. Gilbert Prouteau, op. cit., p. 58 et 59
  141. Winock, 2007, op. cit., p. 504
  142. Cité par Winock, 2007, op. cit., p. 534-535
  143. Winock, 2007, op. cit., p. 534-535
  144. Formule qui a été prêtée à Charles de Gaulle
  145. Jean Martet, son secrétaire durant la visite du village du Colombier, 15 août 1928
  146. Charles de Gaulle (Londres, 11 novembre 1941)
  147. Site officiel du musée Clemenceau
  148. (pl) Uniwersytet Jagielloński w Krakowie - Wyróżnienia - Godność doktora honoris causa

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