Fraude fiscale

Fraude fiscale

La fraude fiscale est le détournement illégal d'un système fiscal afin de ne pas contribuer aux charges publiques. À l'inverse, l'évasion fiscale est l'utilisation légale de failles du système fiscal afin de réduire le montant de l'imposition. L'OCDE tente actuellement de limiter celle-ci via son modèle de convention sur l'échange de renseignements en matière fiscale.

Sommaire

Définition

Fait de se soustraire ou tenter de se soustraire, frauduleusement, au paiement total ou partiel de l'impôt.

Une définition plus pragmatique est proposé par A. Margairaz : « il y a fraude lorsqu'on applique des procédés permettant d'échapper à un impôt alors que le législateur n'avait pas prévu d'échappatoire »[1]

La fraude fiscale suppose une intention délibérée de fraude et des éléments matériels (omission ou insuffisance de déclaration, erreur délibérée, organisation d'insolvabilité ou autres manœuvres, par exemple). Elle ne doit pas être confondue avec la soustraction fiscale.

Histoire du phénomène

Le mécanisme de la fraude fiscale, n'est pas l'apanage des sociétés dites développées. Dès qu'une société organisa un système cohérent et centralisé de prélèvement pour elle même, les mécanismes d'évitements apparurent. Ainsi dans le domaine historique certains mécanismes de fraudes, ou d'évasion dites fiscales sont connus par la tradition historique.

Dans le monde grec antique à l'époque d'Alexandre le Grand certaines pratiques d'enrichissement par évitement ou astuces fiscales ont été recensées[2]. De même sous le tribunat de Gracques à Rome au IIIe siècle av. J.‑C., un phénomène de fausses déclarations foncières qui avaient été établies par les riches propriétaires romains - entre autres les Sénateurs - fut dénoncé. Une fraude fiscale à l'époque très prisée par ces grands propriétaires terriens pour minorer les impôts sur la terre, et les successions[3]. Ce fut un grand mécanisme d'évitement qui joua un rôle dans la crise sociale que subissait l'État romain Républicain, au dire d'Appien.

Analyse du phénomène

Mesure statistique de la fraude

les instruments de mesure sont nombreux mais toujours approximatifs, car le mécanisme de la fraude étant caché par principe ne peut qu'être évalué sans une exhaustivité au demeurant impossible. Ces méthodes sont [4] :

Estimation dite méthodique

L'économie occulte (travail et revenus dissimulés) selon cette méthode doit laisser des traces ou vestiges sur les marchés et agrégats économiques (tels monétaires, productifs, de consommations etc..). L'objectif est d'évaluer la distorsion entre les différents revenus nationaux évalués.

Ces traces sont alors approchées par étude statistique du marché (ex du travail), en partant d'échantillons dits probants d'acteurs économiques au sein de la population dont la cohérence entre le revenu et la dépense est analysée. Sont aussi utilisés les agrégats de la comptabilité nationale.

En France, le Conseil des impôts (devenu aujourd'hui conseil des prélèvements obligatoires) utilisa dès 1972 cette méthode d'estimation [5]. La statistique des contrôles fiscaux qu'élabore le Ministère de l'Économie est rapproché des revenus nationaux.

Dans les autres pays, ce mode d'évaluation a été aussi été pratiqué avec régularité par des États membres de l'OCDE tels les USA, la Suède etc.

Cette méthode est plus statistique, moins incantatoire, mais imparfaite tant il est difficile de connaitre par extrapolation le montant de la fraude fiscale par l'examen de la différence entre les montants rappelés par le contrôle, de la connaissance d'un état des revenus et richesse en France. Fragilité du calcul qui peut donner selon les paramètres utilisés par les Pays un résultat en indice entre 1 à 5 !

Néanmoins cette méthode a eu le mérite et l'avantage de mieux baliser en vue du calcul le profil sociologique du fraudeur fiscal.

Méthode de l'échantillon représentatif des contribuables

Cette méthode est très répandue, car elle intègre l'évaluation par sondage d'une population dite représentative (très à la mode depuis une dizaine d'années), avec les statistiques du contrôle fiscal réalisé chaque année. Concrètement, le sondage s'établit aléatoirement sur 40 000 foyers fiscaux. Cet échantillon est alors réduit par des règles statistiques et mathématiques à 4165 contribuables dont les revenus sont rapprochés sur une année x, avec les contrôles et rappels d'impôts effectués sur ledit échantillon. Puis on extrapole sur l'ensemble des redevables français les résultats statistiques obtenus sur l'échantillon.

Il peut être aussi utilisé dans le calcul des résultats tirés de questionnaires envoyés à une population de personnes (question sur le travail au noir, les connaissances fiscales, le droit etc).

Les USA, par ce moyen ont par exemple pu établir en 1979 que sur 65 millions de ménages assujettis, de 6 à 8 % n'avaient fait aucune déclaration.

L'avantage de cette démarche a permis d'évaluer la fraude au sens juridique, mais aussi le montant des revenus non déclarés qui seraient découverts s'il était procédé à la vérification exhaustive de tous les foyers fiscaux imposés [6].

Néanmoins l'inconvénient de cette méthodologie est qu'elle demeure tributaire des distorsions des sondages (ex sur la représentativité), ou des questionnaires (réponses biaisées, ou sous/ sur estimées de la part des sondés), ou simplement tributaire de l'efficacité des services de contrôles, intimement liée aux moyens déployés par l'administration à cette fin, ainsi que des hommes politiques et de leur clientèle : patronat, acteurs « défiscalisés » et climat social (tel mode ou type de fraude peut être ainsi sous estimé ou sur évalué au travers du prisme de l'attitude implicite des acteurs socio-économiques d'un pays).

Amplitude géographique

La fraude fiscale concerne tous les pays du monde sans distinction, à des degrés divers. La situation réelle de fait, rend justice à une idée reçue dont l'origine remonte au théoricien Weber, qui croyait reconnaitre une civisme fiscal dans les pays dits protestants, et incivilité fiscale dans les pays dits latins. Cette distinction ne résiste pas à l'examen des chiffres recueillis de par le monde. En résumé, même si certains pays n'ont pas établi un délit pénal sanctionnant cette fraude, tous les pays par contre en subissent le poids social, et budgétaire.

Pour ne prendre qu'une illustration frappante la réputation d'honnêteté fiscal des Américains paraît bien être qu'une légende [7], selon le rapport du fisc américain repris en 1983 par le conseil des impôts, pour 1976, un rapport de l'Internal Revenu Service a estimé les revenus non déclarés par les personnes physiques entre 100 et 135 milliards de dollars Soit une perte de recettes de 19 à 26 milliards de dollars d'impôt direct représentant 9 à 12 % du PNB des USA, situation qui ne s'est d'ailleurs pas démentie comme le montre l'affaire dite des comptes suisses de 50 000 résidents américains auprès des établissements bancaires suisse en 2009.


Pays dits développés

Les principaux pays ont reconnu la fraude fiscale sur leur sol [8]. Pour ne prendre que quelques exemples, la Suède estime cette fraude entre 3,8 % et 5,5 % du PIB national, le Royaume Uni a établi que la simple fraude concernant les insuffisances déclaratives génèrent au moins 3,5 milliards sterling/an d'évasion fiscale.

Au Canada, la fraude fiscale a été estimée à hauteur de 10 % de l'imposition sur le revenu, un chiffre similaire évalué par les USA sur leur propre territoire. Selon un rapport de l'OCDE (2010) :

« L’évasion et la fraude fiscales mettent en péril les recettes des États du monde entier. Aux États-Unis, le Sénat estime à 100 milliards USD par an le manque à gagner imputable à l’évasion et { la fraude fiscales et dans un grand nombre de pays d’Europe, les recettes perdues se chiffrent en milliards d’euros. Le phénomène se traduit par une contraction des ressources disponibles pour financer les infrastructures et influe sur les conditions de vie de tous, tant dans les économies développées que dans les économies en développement. La mondialisation offre des perspectives d’accroissement de la richesse mondiale, mais multiplie aussi les risques [9]. »

Pays dits en cours de développement

Dans ces pays, les chiffres estimés de la fraude fiscale peuvent paraître parfois énormes. En effet selon une étude dans certains États ce sont entre 80 à 90 % des recettes fiscales que devraient percevoir les États ne sont jamais récupérés par leurs Trésors Publics[10]

plusieurs facteurs peuvent apporter des éléments pour comprendre l'ampleur du phénomène :

  • instabilité économique et /ou militaire du pays,
  • sous administration chronique (très souvent),
  • parfois absence de réelle légitimité de l'État pour des raisons culturelles ou historiques,
  • désorganisation des professions et métiers,
  • absence ou maquis anarchique des lois et règlements en matière fiscale,
  • souvent corruption étatique privilégiant la captation des richesses a des fins privatives...

L'exemple du Maroc dans les années 80 est emblématique. On y a estimé le volume de la fraude fiscale à hauteur de 50 % des rentrées fiscales de l'État [11] une campagne de contrôle lancée en 1980 révéla que la sous estimation fiscale pouvait atteindre plus de 100% des bases imposables dans les villes a l'exception de 4 villes dont Rabat. La sous-estimation moyenne sur l'ensemble du pays a été alors calculée à 125 %. Concrètement la dissimulation dans le domaine des BNC (bénéfices non commerciaux) est apparue si répandue que par exemple les 2/3 des médecins en arrivaient à déclarer un chiffre d'affaires ne correspondant en moyenne qu'à trois consultations par jour[12] !

Amplitude sociologique

Incantation politique : un ressenti subjectif

L'énoncé public de chiffres spéculatifs relatifs à la fraude fiscale ressort généralement plus de l'affirmation d'une conviction que de l'énoncé de faits objectifs, et ne vise pas tant à informer l'opinion qu'à susciter une émotion publique récupérable à des fins politiques (ex : faire approuver telle loi, réforme ou mesure, obtenir un soutien public pour capitaliser une audience sur un fait, une posture de travail, de revendication etc).

En France, ce phénomène traduit la politisation des chiffres financiers des comptes nationaux.

Ainsi en 1976, le Directeur Général des Impôts pouvait dire que « en 1983 la fraude fiscale sera un phénomène marginal et sera résorbé en tant que phénomène social » [13] Or cette même année, le Ministre du budget évaluait la fraude fiscale au montant alarmant de 100 milliards de francs

La prédiction pouvait donc avoir pour objet soit de justifier l'inertie de la répression, soit de préparer l'opinion aux sévérités des vérifications à venir [14].

Procédure de répression

En France : sur plainte déposée par l'administration après avis conforme de la Commission des infractions fiscales, avant la fin de la troisième année suivant celle de l'infraction.

Risques encourus

  • Pénalités et amendes habituelles
  • Sanctions pénales
  • Sanctions complémentaires ou accessoires (privation des droits civiques).

Notes et références

  1. Margairaz in la fraude fiscale et ses succédanés 1972 p. 28.
  2. Pseudo Aristote ( Théophraste ? ) les économiques livre II éd. Vrin.
  3. APPIEN les guerres civiles édition la Roue à Livre
  4. J.C Martinez (professeur de Droit Paris II) la fraude fiscale page 14 est suiv. QSJ n°2180
  5. J.C Martinez op cité QSJ N°2180 page 16
  6. J.C Martinez op cité QSJ n°2180 page 19
  7. J. Cosson in les industriels de la fraude fiscale éd. seuil 1971
  8. J.C Martinez op. cité QSJ n°2180 page 22
  9. PROMOUVOIR LA TRANSPARENCE ET L’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS À DES FINS FISCALES, note succincte de référence de l'OCDE, 21 avril 2010
  10. P. Ngaosyvathn in la fraude fiscale dans les pays du tiers monde Problème économique 19 mars 1975 n)1414 p. 19.
  11. M. Rahj in la fiscalité dans la stratégie de développement du Maroc thèse a Paris V 1982 page 388
  12. M Rahj in la fiscalité .. op cité
  13. cité par P. Courtois face au fisc éd. Stock 1970
  14. J.C Martinez op cité QSJ N°2180 page 15

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Fraude fiscale de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Fraude Fiscale — La fraude fiscale est le détournement illégal d un système fiscal afin de ne pas contribuer aux charges publiques. À l inverse, l évasion fiscale est l utilisation légale de failles du système fiscal afin de réduire le montant de l imposition.… …   Wikipédia en Français

  • Fraude fiscale — ● Fraude fiscale fraude commise par le contribuable envers le fisc …   Encyclopédie Universelle

  • Fraude fiscale —    Droit financier: soustraction illégale à la loi fiscale de tout ou partie de la matière imposable qu elle devrait frapper …   Lexique de Termes Juridiques

  • fraude — [ frod ] n. f. • fraulde 1255; lat. fraus, fraudis 1 ♦ Vx Action faite de mauvaise foi dans le but de tromper. 2 ♦ Mod. Tromperie ou falsification punie par la loi. Délit de fraude. « On dut recourir à l alcool de grain et le mélanger à l alcool… …   Encyclopédie Universelle

  • FISCALE (ÉCONOMIE) — La fiscalité économique est un concept récent à caractère opérationnel, qui trouve sa nécessité à la convergence de deux disciplines anciennes dont il exprime l’interdépendance. Il permet de jeter un pont entre l’approche, traditionnelle en droit …   Encyclopédie Universelle

  • Fraude intellectuelle — Fraude On qualifie de fraude toute action destinée à tromper[1]. Sommaire 1 Droit français 2 Textes 3 Exemples 4 …   Wikipédia en Français

  • Fraude à la TVA — Le mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée peut être l objet de différents types de fraude : la fraude à la TVA « simple » et le carrousel TVA ou fraude carrousel. Ces fraudes permettent à des sociétés éphémères, voire à des… …   Wikipédia en Français

  • Fraude — On qualifie de fraude toute action destinée à tromper[1]. Sommaire 1 Droit français 2 Textes 3 Exemples 4 …   Wikipédia en Français

  • Modèle de convention de l'OCDE sur l'échange de renseignements en matière fiscale — Succursale d UBS à Zoug, Suisse. Zoug est connu pour être une étape du « sandwich néerlandais »; par ailleurs, UBS a été poursuivie par le gouvernement des Etats Unis pour avoir favorisé la fraude fiscale de citoyens américains, avant d …   Wikipédia en Français

  • Examen de la situation fiscale personnelle — Droit fiscal en France  Pour les autres articles nationaux, voir Droit fiscal. En France, le droit fiscal est la branche du droit public qui traite des autorisations légales accordées aux administrations publiques françaises, dont l État,… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”