Franjo Tudman

Franjo Tudman

Franjo Tuđman

Franjo Tuđman

Franjo Tuđman (souvent orthographié Franjo Tudjman) (14 mai 192210 décembre 1999) fut le premier président de la république de Croatie indépendante pendant les années 1990.

Le parti politique de Tuđman, l'Union démocratique croate (Hrvatska Demokratska Zajednica, HDZ ) remporta les premières élections post-communistes et multipartites le 7 mai 1990. Il devint alors président du pays. Un an plus tard, il décréta l’indépendance de la Croatie. Il fut réélu deux fois et resta au pouvoir jusqu’à sa mort, fin 1999.

le président Serbe Slobodan Milosevic et le Croate Franjo Tudjman furent les principaux artisans de la disparition de la Yougoslavie et du renouveau du nationalisme[1].

Sommaire

Ère communiste

Franjo Tuđman est né à Veliko Trgovišće, un village de la région croate du Zagorje, au nord de la Croatie. Son frère aîné sera tué dans les rangs des partisans au printemps de 1943[1].

Jeune communiste, il rejoint les délégués croates au sein du Quartier général de l'armée populaire yougoslave de libération en janvier 1945. À la libération, il intègre la nouvelle armée de Tito et est affecté au bureau du personnel du Quartier général[1].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Tuđman se bat du côté des partisans de Tito. C’est là qu’il rencontre sa future femme Ankica Tuđman. Il devient dans les années 1950 l’un des plus jeunes généraux de l’Armée populaire yougoslave. Il existe une polémique au sujet de ses qualités militaires, certains estimant qu’il doit son grade à sa région d’origine (le Zagorje) dont peu de partisans étaient originaires, d’autres réfutent ces accusations et estiment que Tuđman était certainement un des généraux de Tito les plus éduqués. Son livre, Rat protiv rata (La guerre contre la guerre) de 1957, couvrant différents événements militaires d’Hannibal aux partisans en passant par Napoléon, fut le sujet d’étude de nombreux futurs généraux de l’Armée populaire yougoslave.

Tuđman quitta le service actif en 1961 et fonda l'Institut pour l’histoire du mouvement des travailleurs croates (Institut za historiju radničkoga pokreta Hrvatske) dont il fut le directeur jusqu’en 1967.

Le dissident

En plus de son livre sur la guérilla, Rat protiv rata, Tuđman écrivit un certain nombre d’articles critiquant le parti communiste de Yougoslavie dont il fut exclu. Son œuvre la plus importante de cette époque est Velike ideje i mali narodi (Grandes idées et petites nations) à propos de l’histoire politique et le dogme de l’élite politique yougoslave.

En 1971, il fut condamné à deux ans de prison pour sa participation au printemps croate (il fut libéré après 9 mois). Le printemps croate fut un mouvement réformiste prônant de plus grands droits et une plus grande reconnaissance de la Croatie au sein de la République Fédérale socialiste de Yougoslavie. La contestation fut réprimée par la police et l'armée.

A cette période Tuđman critiquait le rôle du centralisme en Yougoslavie et aussi l’idéologie à la base de l’État yougoslave. Cette idée romantique de nation panslave qui naquit au XIXe fut selon lui transformée en réalité par une domination serbe au niveau de la langue, de l’économie, de la culture et aussi dans l'armée. Il critiqua aussi le dénombrement des victimes du Camp de concentration de Jasenovac, ce qui fut le début d’une longue polémique (voir Oustachis#Victimes) divisant historiens, nationalistes serbes et croates.

A propos du communisme et de l’idée de parti unique, Tuđman restait dans la ligne du parti.

Tuđman fut condamné à 3 ans de prison, en 1981, pour activités nationalistes après son interview par une télévision suédoise dans laquelle il parla de la position de la Croatie au sein de la République fédérale socialiste de Yougoslavie. Il fut libéré après 11 mois.

Négationnisme

Plusieurs personnalités juives, dont le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel, ont dénoncé le négationnisme du président croate Franjo Tuđman[2]. Le mercredi 21 avril 1993, Elie Wiesel déclara que les écrits de Franjo Tuđman aident ceux qui en contestent jusqu'à l'existence de l'Holocauste[2].

Israël n'a jamais envoyer d'ambassadeur en Croatie tant que Franjo Tudjman fût chef de l'Etat Croate[2], malgré les excuses du président croate[3]

En 1989, Tuđman publia son livre le plus connu Les Horreurs de la guerre, dans lequel il questionna le nombre de victimes en Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce livre, qui mélange méditations sur le rôle de la violence dans l’histoire du monde et expérience personnelle, dénonce une hyperinflation du nombre de victimes serbes dans l’État indépendant de Croatie (NDH).

Selon, Tuđman les historiens annonçaient que le nombre de Serbes tués dans le Camp de concentration de Jasenovac se situait entre 500 000 et 800 000. Comme les recherches du Croate Vladimir Šerjavić, dont les résultats concordent avec ceux du Serbe Bogoljub Kocovic, l’ont montré (voir l'article Oustachis), ces chiffre sont inexacts et aurait été utilisés par la propagande pour dénoncer les Oustachis, un des ennemis de la Seconde Guerre mondiale, vaincus par les partisans communistes. Franjo Tuđman affirmait que ces chiffres, clamés comme scientifiques, notamment par l’intelligentsia serbe, avaient pour but d’affirmer la domination serbe sur la Yougoslavie post-Tito. Tuđman affirmait que le nombre de l’ensemble des victimes du camp de Jasenovac (Serbes, Juifs, Tsiganes, Croates, et autres) se situait entre 30 000 et 60 000, ce qui était bien inférieur aux chiffres officiels et déclencha de grandes polémiques. Des études récentes annoncent le nombre de 56 000 à 85 000 victimes (voir Oustachis#Victimes).

Une autre polémique concerne le supposé antisémitisme de Tuđman. Dans son livre, s’appuyant sur les chiffres de l’historien allemand Weitlinger, il affirme que le nombre de victimes juives de la Shoah se situe aux alentours de 4 millions, et non entre 5 et 6 millions, chiffre fréquemment cité. Le 22 avril 1993, le New York Times annonce que Tuđman affirmerait que seulement 900 000 Juifs ont péri dans l’Holocauste. D’autres passages de son livre furent interprétés comme antisémites, dont une courte description du rôle des Juifs dans l’histoire, et un passage, basé sur le livre de Ante Ciliga "Sam kroz Evropu u ratu (1939-1945)"/ "Seul à travers la guerre en Europe (1939-1945)" décrivant la vie d’un détenu au camp de Jasenovac et ses relations avec son compagnon de chambrée juif. Il décrit les Juifs comme la nation la moins heureuse du monde, toujours victime de ses ambitions et de celles des autres, et ajoute que quiconque essaie de montrer qu’ils sont la source même de leur tragédie est rangé parmi les antisémites et est l’objet de haine de la part des Juifs. Plus tard, Tuđman émit l’idée d’exhumer les restes d’Oustachis et de les placer dans le camp de concentration de Jasenovac, pour forcer une réconciliation des victimes avec leurs bourreaux et en 1990, Tuđman déclara : « je suis content que ma femme ne soit ni serbe, ni juive »[4].

Le programme nationaliste

A la fin des années 1980, alors que la République fédérale socialiste de Yougoslavie avançait vers son démantèlement, Tuđman écrit un programme nationaliste que l’on peut résumer ainsi :

  • La création d’un État-nation croate,
  • Même si le but de Tuđman était la Croatie indépendante, il pensait que cela devait passer par une confédération yougoslave avec une grande décentralisation et démocratisation.
  • Tuđman voyait l'avenir de la Croatie dans un état capitaliste plus proche de l’Europe centrale et éloigné des Balkans.
  • Il affirmait que la JNA (Armée populaire yougoslave) avait été mise sous contrôle des Serbes nationalistes en moins de 4 ans, à la fois ethniquement et idéologiquement. Les Serbes qui constituaient 40% de la population représentaient 80% des officiers de l’armée yougoslave.
  • Concernant la Bosnie-Herzégovine, Tuđman affirmait que les Bosniens musulmans, ou Bosniaques, sont des Croates de confession musulmane, et qu'une fois libérés du communisme ils s’affirmeraient comme Croates, faisant de la Bosnie un pays majoritairement croate (avec 44% de Bosniaques, 17% de Croates, et 33% de Serbes). Cela ne se produisit pas.

Président de Croatie

Les tensions au sein du parti communiste de Yougoslavie menèrent le gouvernement fédéral à organiser les premières élections multipartites depuis 1945.

Les liens de Tuđman avec la diaspora croate lui permirent de créer l’Union démocratique croate ("Hrvatska demokratska zajednica" ou HDZ) en 1989, parti qui restera au pouvoir jusqu’en 2000. Le parti était un mouvement nationaliste revendiquant la tradition historique et culturelle croate et prônant les valeurs liées au catholicisme. Le but était de créer un État-nation croate et de gagner l’indépendance. Il annonça vouloir rétablir la Croatie dans ses frontières naturelles et historiques, qui aurait inclus la Bosnie-Herzégovine et se serait étendu jusqu'à la rivière Drina.

Le HDZ remporte plus de 60% des sièges du sabor (voir Élection parlementaire croate de 1990) et suite à la modification de la constitution, Tuđman est élu Président de Croatie le 30 mai 1990. Il forme un gouvernement non communiste avec à sa tête Stjepan Mesić. Les républiques de Slovénie et de Bosnie-Herzégovine élirent aussi des gouvernements non communistes, tandis que les communistes gardèrent le pouvoir en Serbie et Monténégro.

En octobre 1990 la Croatie comme la Slovénie propose de transformer l’État fédéral en confédération d’États souverains coiffée d’un parlement consultatif, menaçant de faire sécession si cela ne se produit pas. Le 21 décembre 1990, la Croatie adopte une nouvelle constitution, lui conférant le droit de faire sécession.

Le dimanche 31 mars 1991, les premiers incidents éclatent au Parc national des lacs de Plitvice entre les milices serbes de la Krajina et les forces croates. Le 12 mai un référendum illégal est organisé en Krajina, les Serbes se prononcent pour un rattachement à la république de Serbie si la Croatie fait sécession. Le 19 mai la République de Croatie organise un référendum. Près de 95% des votes sont pour un État souverain et indépendant, libre de s'associer aux autres Républiques de la Fédération yougoslave. Le référendum obtient une participation de 70%, il est boudé par la minorité serbe (11% de la population). Ces évènements, ainsi que la déclaration de la région de la Krajina proclamant son rattachement à la république de Serbie, plongent la Croatie dans la guerre.

Pendant la période 1991-1995 la Croatie est en guerre, voir l’article Guerre en Croatie (1991-1995). Tuđman se révélera être un fin stratège sur le plan diplomatique et militaire et arrivera à créer une armée croate. Il profite des cessez-le-feu pour faire passer l’armée croate de 7 brigades à 64 après vingt cessez-le-feu, et ceci malgré un embargo sur les armes. Lors de la guerre en Bosnie Tuđman rencontre 47 fois en dix ans Slobodan Milošević pour s’accorder sur le partage de la Bosnie et la réoccupation de la république serbe de Krajina[5] par la Croatie point qui mènera certains membres du HDZ à quitter le parti. En 1994, Stjepan Mesić quitte le HDZ pour former un nouveau parti, les Démocrates indépendants croate (HND).

Tuđman mène une politique de privatisation de l’économie croate. Beaucoup lui reprochent d’avoir bradé les entreprises croates à des profiteurs de guerre.

Dérives autoritaires

La tombe de Tuđman, octobre 2005

Lors de la Crise de Zagreb en octobre 1995, il refuse de confirmer l'élection du maire de Zagreb, (il en a légalement le droit, le maire de Zagreb est aussi župan, ou préfet), refusant de voir l'opposition s'installer dans la capitale croate.

Le 15 mars 1996, il passe une loi instaurant le Délit de presse, permettant au président de poursuivre en justice les journalistes lui portant atteinte. En 1996, la rédaction de Feral Tribune est interrogé par la police pour avoir dénoncé le souhait du président d'inhumer, dans un mémorial aux victimes du nazisme, des dépouilles de combattants croates fascistes. L'hebdomadaire Panorama ferme pour des « problèmes d'hygiène dans les locaux du journal », Ivo Pukanić, de l'hebdomadaire Nacional, fut inculpé pour « avoir publié des informations nuisant à l'image de marque de la Croatie ». Malgré cela des fonctionnaires de l'Unesco soulignaient fin mai 1996 que « la situation de la presse en Croatie est tout de même plus nuancée que véritablement explosive »[6]

Il fut réélu 2 fois en 1992 et 1997. Atteint du cancer dès 1993, il mourut d’une hémorragie interne entre le 9 et le 10 décembre 1999.

Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

Tuđman est mort avant qu’il ne puisse être inculpé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, mais le tribunal l’identifie comme le chef d’une supposée entreprise criminelle de nettoyage ethnique de la Croatie contre les Serbes.

Sur le cas de l’opération Tempête, 3 Croates furent inculpés pour l’organisation du nettoyage ethnique dans la République serbe de Krajina, Ivan Čermak, Mladen Markač, et Ante Gotovina.

Voir aussi

Notes

Références
  1. a , b  et c Encyclopédie Universalis 2008 aricle Franjo tudjman
  2. a , b  et c L'inauguration d'un Musée de l'Holocauste à Washington Des personnalités juives dénoncent la présence du président croate Article paru dans l'édition du 23.04.93 LE MONDE
  3. CROATIE: excuses de Franjo Tudjman pour son livre négationniste Article paru dans l'édition du MONDE le 16.02.94
  4. Encyclopédie Universalis 2008 Article Franjo Tujman
  5. Encylopédie Universalis 2008 article Franjo Tudjman
  6. Le monde du 6 juin 1996
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