Flex-sécurité

Flex-sécurité

Flexicurité

La contraction de flexibilité et curité est fréquemment employée pour désigner un système social conjuguant une grande facilité de licenciement pour les entreprises (flexibilité) à des indemnités longues et importantes pour les salariés licenciés (sécurité). D'origine récente, ce néologisme n'a encore de figé ni l'orthographe ni la prononciation en français. Les différentes variantes (flexicurité, flexécurité, flexsécurité, flex-sécurité, flexisécurité, flexi-sécurité) connaissent des fortunes diverses. En anglais par contre, le mot-valise flexicurity ne semble pas avoir de concurrent sérieux.

Sommaire

Historique de la notion

La notion de "flexicurité" trouve son origine en 1995 aux Pays-Bas suite à une note du ministre du travail, Ad Melkert, intitulée "Flexibility and Security". Elle débouchera en 1999 sur la loi « flexibilité et sécurité » (« wet Flexibiliteit en Zekerheid ») dont l’objectif majeur est de réduire le dualisme du marché du travail, c’est-à-dire l’existence d’une main-d’œuvre stabilisée sur des marchés primaires et d’une main d’œuvre peu sécurisée sur des marchés secondaires beaucoup plus flexibles[1]. Concrètement, cette loi a consisté à faciliter le recours aux contrats de travail temporaires par les entreprises, à attribuer les mêmes droits aux travailleurs en matière de sécurité sociale quel que soit le type de contrat et à soumettre les agences de travail temporaire à des régles plus strictes.

C'est toutefois l'expérience danoise qui sert le plus souvent de référence dans la représentation qui domine les débats actuels sur cette notion. Au Danemark, la notion de « flexicurité » a été pour la première fois mentionnée dans une publication de 1999 du Ministère du travail (Arbejdsministeriet) dans laquelle était décrit le fameux « triangle d’or » :

  • une grande flexibilité du marché du travail,
  • un système d’indemnisation généreux,
  • des politiques actives de l’emploi.

Flexicurité et analyse économique

Le fait que les économistes aient pu disposer à partir de la fin des années 1980[2] de données précises sur les créations et destructions d’emploi a profondément modifié la compréhension du marché du travail en montrant l’ampleur des flux : chaque jour environ 10 000 emplois sont détruits et 10 000 emplois sont créés en France. Ce phénomène n’est pas spécifique à la France, Cahuc et Zylberberg[3], estiment au contraire qu’il serait possible de se référer à une « loi des 15% » qui s’énoncerait de la manière suivante : « à l’échelle d’une nation, chaque année environ 15% des emplois disparaissent et chaque année environ 15% d’emplois nouveaux apparaissent ». C’est la prise de conscience de l’ampleur de ce processus de destruction-création à la Joseph Schumpeter qui a conduit certains à s’intéresser à la flexicurité.

En effet, puisque le processus de destruction-création est de grande amplitude, l’important n’est pas tant de défendre des emplois parfois condamnés par le progrès mais plutôt de se préoccuper de la création de nouveaux emplois et de sécuriser les parcours des salariés appelés à changer de métier. C’est de là qu’est né en partie l’intérêt porté au modèle danois et plus généralement pour le modèle scandinave qui repose[4] à la fois sur une perception de la concurrence internationale et du changement technique comme une condition d’améliorer le niveau de vie et sur des politiques actives d’encouragement à l’innovation et au redéploiement des salariés vers les nouveaux secteurs.

Danemark

Le modèle danois de flexicurité repose sur six piliers :

  • Centralisation des organismes de l'emploi et de l'aide sociale sous un seul ministère ;
  • Code du travail très allégé, très peu d'interventions de l'État dans la législation ;
  • Licenciement très facile pour les entreprises (à relativiser cependant en raison du fort taux de syndicalisation, voir Lefebvre, Méda, 2008);
  • Dialogue social développé entre patronat et syndicats puissants ;
  • Prise en charge des salariés par l'État en cas de chômage dans des conditions avantageuses ;
  • Fortes incitations à reprendre un emploi pour le chômeur (obligations de formation, suivi, sanctions financières...)

Le taux de chômage danois officiel en 2005 était de 5%, contre 4,6% au Royaume-Uni et 9,8% en France. Par contre, le taux de pauvreté est de 12% au Danemark et aux Pays-Bas, comme en France, montant jusqu'à 18% au Royaume-Uni [5],[6]. En moyenne, un salarié danois passe sept ans dans la même entreprise. Le Danemark est toutefois confronté à des pénuries de main-d'œuvre dans les secteurs où le travail est plus pénible et moins valorisant (bâtiment, restauration, agriculture, etc.).

Dans l'analyse du modèle danois, on doit tenir compte d'éléments particuliers. En effet, selon le rapport 2007 de Statistics Denmark, un peu plus du tiers des emplois au Danemark sont attribuables au secteur public. De plus, le pourcentage de travailleurs syndiqués est d'environ 8 sur 10[7].

Flexicurité à la française ?

Pour certains[8] l'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail (signé par quatre syndicats de salariés sur huit) pourrait être l'amorce d'une flexisécurité à la française. Le texte qui réaffirme que « le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail » prévoit trois formes de cessation du contrat : la démission , le licenciement (qui doit être motivé), ou la « rupture conventionnelle ». Il est également créé pour les ingénieurs et cadres un « contrat de mission » d'une durée minimum de 18 mois et maximum de 36 mois. Par ailleurs, la période d'essai est allongée et peut aller de deux mois pour les ouvriers et les employés à quatre mois pour les cadres avec possibilité d'allongement par accord de branche professionnelle. Les indemnités de licenciement devraient être augmentées [9] et « une portabilité des droits » c'est-à-dire que le salarié au chômage devrait garder durant au moins un tiers de sa durée d'indemnisation du chômage sa couverture prévoyance santé. Il devrait également conserver 100% de son droit individuel à la formation [8]. Si pour certains partenaires sociaux[10] l'accord est équilibré, certains économistes sont plus dubitatifs. Pour Etienne Wasmer[11] l'accord peut inciter les parties à se mettre d'accord sur des ruptures conventionnelles et donc à s'entendre au détriment des ASSEDIC[12] (aléa moral). Pour pallier ce problème, Francis Kramarz propose d'instaurer un « bonus-malus » pour les entreprises dans le prolongement du rapport d'Olivier Blanchard et de Jean Tirole [12]. Francis Kramarz [13] craint que le contrat de mission des cadres ne fragilise des populations qui trouvaient facilement un CDI et considère que l'accord ne s'attaque pas à la question, pour lui cruciale, des règles du licenciement économique. Enfin il[14] s'inquiète du fait que cet accord concerne surtout les grandes entreprises et laisse de côté les petites entreprises où les salariés recourent plus fortement que dans d'autres pays aux prud'hommes en cas de licenciement pour motif personnel. Il souhaiterait que les syndicats soient plus présents dans ce secteur[15]. Cette préoccupation se retrouve dans la commission Attali[16] qui propose de chercher un mode de financement des syndicats qui les incite à défendre les «  salariés les plus fragiles : ceux des petites et moyennes entreprises, ceux qui sont à la recherche d'un emploi, ceux qui sont en situation d'exclusion professionnelle »[17].

Bibliographie

  • Attali Jacques(ed.), 2007, 300 décisions pour changer la France, Commission pour la libération de la croissance française
  • Blanchard Olivier et Tirole Jean, 2003, Protection de l'emploi et procédures de licenciement, La documentation française (Lire en ligne)
  • Alain Lefebvre et Dominique Méda, 2006, Faut-il brûler le modèle social français ?, Seuil
  • Alain Lefebvre et Dominique Méda, 2008, "Performances nordiques et flexicurité : quelles relations ?", Travail et emploi, 2008, n° 113
  • Bernard Gomel, Dominique Méda, Nicolas Schmidt, Raphaël Dalmasso, 2008 : "Le CNE : une tentative de flexicurité à la française", Connaissance de l'Emploi

Liens externes

Notes

  1. Guillaume BLACHE (2008) « Flexicurité » et « Marchés transitionnels du travail » : même combat ?, Lettres d'Europe et Entreprises, n°42 [1]
  2. Cahuc Pierre, Zylberberg André, 2004, Le chômage, fatalité ou nécessité ?, Flammarion, 2005, pp.17-21,
  3. Cahuc Pierre, Zylberberg André, 2004, Le chômage, fatalité ou nécessité ?, Flammarion, 2005, p. 19.
  4. Voir Robert Boyer, L’attrait du paradoxe scandinave , Le Monde du 23/03/06
  5. Les chiffres proviennent de L'Humanité Dimanche n°4, du 30 mars au 5 avril 2006, p.21. Le taux de pauvreté se réfère au nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, en général défini comme la moitié du salaire médian du pays en question.
  6. Pour la définition du chômage, voir l'article chômage.
  7. Statistiques Denmark, Statistical yearbook 2007, http://www.dst.dk/HomeUK/Statistics/ofs/Publications/Yearbook.aspx
  8. a  et b Rémi Barroux, L'amorce d'une "flexisécurité" à la Française Le Monde du 14/01/2008
  9. Laurence Chavane, Cinq avancées pour améliorer la relation entre l'entreprise et ses salariés, Le Figaro du 14 janvier 2008
  10. Marcel Grignard Pourquoi la CFDT a dit oui Lire en ligne
  11. Etienne Wasmer, 2008, réformer le contrat social : "Impossible mission" ? Lire en ligne
  12. a  et b Jean-Damien Pô, Réforme du marché du travail : au milieu du gué, Les Échos des 25 et 26 janvier 2008
  13. Francis Kramarz, 2008, Marché du travail : un accord historique ? Lire en ligne
  14. Kermarz, 2008, p.4
  15. Karmarz, 2008, p.4
  16. Francis Karmartz a été conseiller spécial de cette commission voir Francis Kramarz, 2008 p.4
  17. Attali, 2008, p.114
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