Fichier National Automatisé Des Empreintes Génétiques

Fichier National Automatisé Des Empreintes Génétiques

Fichier national automatisé des empreintes génétiques

Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), créé en 1998, est un fichier commun à la police nationale française et à la gendarmerie nationale française qui gère les traces d'ADN prélevées au cours des investigations. Cette base de données ADN se trouve à l'Institut national de police scientifique (INPS), basé à Écully (Rhône).

Le fonctionnement du FNAEG est défini par le titre XX du livre IV du code de procédure pénale. Ce titre comprend une partie législative ainsi qu'une partie règlementaire composée de décrets en Conseil d'État, de décrets simples et d'un arrêté[1] définissant les loci sur lesquels portent les analyses destinées à l'identification génétique.

Sommaire

Historique

Créé par la loi Guigou relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, le FNAEG a été étendu par des lois successives (loi sur la sécurité quotidienne de 2001, loi pour la sécurité intérieure de 2003, loi Perben II, etc.) à de nombreux autres crimes et délits.

En septembre 2009, onze ans après sa création, le FNAEG compte 1 080 000[2] profils génétiques, soit près de 2% de la population française. 263 000 y figurent suite d'une condamnation (leur empreinte sera conservée quarante ans), et 817 000 simplement comme "mises en cause dans des affaires judiciaires" (la conservation est alors de vingt-cinq ans). Depuis sa création, le fichier a permis 25 000 rapprochements entre des traces relevées sur une scène d'infraction et des empreintes fichées[3], contre 10 000 rapprochements entre une trace et un individu, en avril 2008[4].

30 000 dossiers sont ajoutés chaque mois[5].

La croissance du nombre de personnes fichées au FNAEG
Nombre total de profils de personnes enregistrés au FNAEG Nombre de personnes condamnées enregistrées Nombre de personnes mises en causes enregistrées Nombre de traces inconnues
2002 2 100 [6]
2003
2004 40 000 [6]
2005
2006 283 000 [6]
2007 400 000 [7]
2008 (1er octobre) 806 356 [8] 177 728 [4] 425 000 [4] 38 184 [4]
2009 1 080 000[9] 263 000 817 000

Le FNAEG a été créé après l'arrestation du tueur en série parisien Guy Georges [6], identifié par une trace biologique relevée sans fondement légal.

Le FNAEG était destiné par la loi Guigou du 18 juin 1998, dans son article 28, à recueillir les empreintes génétiques des personnes impliquées dans les infractions à caractères sexuelles. Des lois successives ont étendu fortement son champ d'application :

Sous la pression et les critiques des organisations de défense des droits de l'homme, le gouvernement de Gauche plurielle de Lionel Jospin a attendu jusqu'en mai 2000 pour publier les décrets d'application de la loi et 2002 pour sa mise en œuvre effective.

Principe

L'article 706-54 du code de procédure pénale indique que le FNAEG est « placé sous le contrôle d'un magistrat ». Il est destiné à centraliser les données génétiques « issues des traces biologiques » , c'est-à-dire de celles découvertes au cours d'une investigation, ainsi que « les empreintes » , c'est-à-dire les prélèvements effectués sur des personnes. Il a pour but « de faciliter l'identification et la recherche des auteurs » d'infractions pénales.

Les traces biologiques peuvent être relevées à partir de cheveux, de poils, de salive, de sang, de peau ou de sperme laissés sur les lieux d'une infraction. D'une manière générale, tout ce qui contient de l'ADN peut être analysé en laboratoire. Les empreintes génétiques des individus sont effectuées par des policiers ou des gendarmes à l'aide d'un écouvillon qui est introduit dans la bouche d'une personne dans le but de prélever de la salive et des cellules de la muqueuse buccale.

L'ADN découvert à partir des traces biologiques prélevées sur le lieu des infractions et à partir des empreintes génétiques des individus permet d'alimenter le FNAEG. Le recoupement de ces deux sources permet d'aider les enquêteurs à identfier les auteurs d'infractions. En outre, l'ADN d'un cadavre non identifié peut aider à établir son identité.

Situations où le prélèvement est possible

L'article 706-54 du code de procédure pénale précise les trois situations où il est possible de procéder à des prélèvements sur des personnes.

  • Les personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 du code de procédure pénale.
  • Les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants qu'elles aient commis ou non les infractions visées, sur décision d'un officier de police judiciaire agissant d'office, sur la demande du Procureur ou d'un juge d'instruction.
  • Les personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit.

En plus des prélèvements sur les personnes, l'article R53-10 précise qu'il est possible de prélever :

  • Des traces biologiques issues de personnes inconnues, recueillies dans le cadre d'une enquête préliminaire, d'une enquête pour crime ou délit flagrant, ou d'une instruction préparatoire
  • Des échantillons biologiques prélevés sur des cadavres non identifiés et des traces biologiques issues de personnes inconnues, recueillies dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort ou pour recherche des causes d'une disparition inquiétante ou suspecte
  • Des échantillons biologiques issus ou susceptibles d'être issus d'une personne disparue, recueillis dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes d'une disparition inquiétante ou suspecte
  • Des échantillons biologiques prélevés, avec leur accord, sur les ascendants et descendants d'une personne disparue, dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes d'une disparition inquiétante ou suspecte

Infractions concernées

L'article 706-55 du code de procédure pénale précise la liste des infractions permettant le prélèvement et la conservation des traces et empreintes génétiques. Elles sont les suivantes :

  • Les atteintes sexuelles sur mineur et les exhibitions sexuelles
  • Les crimes contre l'humanité et les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d'atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d'exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs
  • Les crimes et délits de vols, d'extorsions, d'escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d'atteintes aux biens
  • Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l'association de malfaiteurs
  • La fabrication d'engins explosifs et l'importation illicite de matériel de guerre
  • Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l'une de ces infractions

Conservation des données

L'article R53-10 du code de procédure pénale indique que la conservation des données dans le FNAEG est possible dans les cas d'une personne condamnée ou contre laquelle il existe un ou plusieurs indices graves ou concordants pour les infractions mentionnées à l'article 706-55.

Dans le cas d'une personne à l'encontre de laquelle il existe seulement une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un crime ou un délit, le prélèvement sert uniquement pour effectuer une comparaison avec les données du FNAEG et sera détruit ensuite.

Durée de conservation des données

Selon l'article R53-14, les informations enregistrées ne peuvent être conservées au-delà d'une durée de quarante ans à compter soit de la demande d'enregistrement, soit du jour où la condamnation est devenue définitive.

Une durée maximum de vingt cinq ans est prévue pour les prélèvements effectués sur des prévenus, c'est-à-dire des personnes contre lesquelles il existait, pendant la garde à vue, un ou plusieurs indices graves ou concordants pour les infractions mentionnées à l'article 706-55.

Pour les personnes disparues ou pour les cadavres non identifiés, les données sont détruites dès la découverte de la personne ou dès l'identification du cadavre.

Droit à l'effacement des données

Selon le deuxième alinéa de l'article 706-54 du code de procédure pénale, il existe une possibilité d'obtenir l'effacement des données du FNAEG pour les personnes mises en cause ainsi que pour les ascendants et descendants d'une personne disparue.

  • Les personnes mises en cause, c'est-à-dire celles à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55, doivent adresser directement leur demande au procureur de la République de la juridiction qui a traité l'affaire ayant donné lieu à l'enregistrement. L'article 706-55 indique que la décisions de l'effacement revient au procureur de la République « lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. » Le procureur fait connaître sa décision à l'intéressé par lettre recommandée. S'il n'a pas ordonné l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction. Si le juge des libertés et de la détention ordonne l'effacement, le procureur peut également contester cette décision devant le président de la chambre de l'instruction. Cette contestation suspend l'exécution de la décision.
  • Les parents et les descendants d'une personne disparue peuvent obtenir de droit l'effacement de leurs données en en formulant la demande directement au procureur de la République de la juridiction qui traite l'affaire.

Il existe également un droit d'accès au FNAEG prévu par la loi informatique et liberté. Il s'exerce auprès du directeur central de la police judiciaire au ministère de l'Intérieur.

Refus de se soumettre au prélèvement

L'article 706-56 du code de procédure pénale prévoit le délit de refus de se soumettre au prélèvement pour les personnes mises en cause. Les peines prévues sont un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende et, si l'auteur des faits est condamné pour crime, deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Ces peines ne peuvent se confondre avec celles déjà subies et doivent être proportionnelles au délit principal.

Cet article est cependant contesté, entrainant de nombreux refus de prélèvement[10].

Ce même article punit également le fait « pour une personne faisant l'objet d'un prélèvement, de commettre ou de tenter de commettre des manœuvres destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d'une tierce personne, avec ou sans son accord ». Ce délit est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Si le Code pénal prévoit de punir le refus de prise d’ADN, en pratique, le refus n’est pas systématiquement poursuivi.

Pour les personnes condamnées, le refus du fichage génétique entraîne la suppression des remises de peine.

Gestion et consultation du FNAEG

Le FNAEG est placé sous le contrôle d'un magistrat du parquet hors hiérarchie, nommé pour trois ans par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et assisté par un comité composé de trois membres nommés dans les mêmes conditions. Article R53-16 du code de procédure pénale

Ces magistrats disposent d'un pouvoir de contrôle sur le FNAEG et peuvent faire procéder à des saisies ou copies d'information ainsi qu'à l'effacement d'enregistrements illicites.

Le traitement du FNAEG est mis en œuvre par la Direction centrale de la police judiciaire.

Selon l'article R53-18, les personnels de la Police nationale et la Gendarmerie nationale, spécialement affectés dans le service mettant en œuvre le traitement, et dûment habilités, peuvent seuls, à la demande de l'autorité judiciaire ou des officiers de police judiciaire, assurer l'alimentation du fichier, avoir accès aux informations enregistrées et procéder aux opérations de rapprochement.

Les officiers et les agents de police judiciaire ne peuvent accéder directement au fichier que pour vérifier si y figure l'état civil d'une personne susceptible de faire l'objet d'un prélèvement biologique en application de ces dispositions. Ils ne peuvent accéder à aucune autre donnée.

Les personnels affectés au service central de préservation des prélèvements biologiques et dûment habilités peuvent accéder directement aux données enregistrées dans le fichier, à l'exception de celles relatives aux résultats d'analyse.

Les polices et magistrats des pays de l'Union européenne, depuis la mise en réseau de ce type de fichiers décidée le 12 juin 2007 par les ministres de l'Intérieur des 27 pays, ont aussi la possibilité d'accéder à ce fichier.

Il existe un dispositif permettant de retracer, par suivi informatique, la consultation du fichier.

Critiques

Les critiques de ce fichier portent principalement sur le fichage en masse apparu depuis la révision de la loi de 2003 et faisant passer le nombre de personnes enregistrées de 2 807 en 2003 à plus de 450 000 en 2007 [11],[12],[13], et plus de 700 000 en 2008 [5], soit déjà plus de 1% de la population française. En janvier 2009, le chiffre officiel est de 1 014 587 [14].

Fin 2006, les médias rapportèrent le cas d'individus refusant de se soumettre au prélèvement génétique, en particulier des faucheurs volontaires d'OGM [6]. Bien que peu nombreux (moins de 200 alors que le FNAEG compte alors environ 400 000 profils), ils dénoncent activement ce qu'ils considèrent comme une menace pour les libertés individuelles, entre autres via le collectif "Refus ADN".

En juillet 2007, la Ligue des droits de l'Homme a dénoncé [15] la perméabilité accrue de ce fichier suite à sa mise en réseau avec les fichiers semblables de l'Union européenne, du fait que les pays ne sont pas arrivés à se mettre d'accord au sujet de la protection des données privées (ni sur les conditions de transfert à des pays extra-européens, tels que les États-Unis [16]); elle a aussi dénoncé une déresponsabilisation individuelle des personnes impliquées dans l'analyse scientifique, sous le prétexte d'une simplification administrative de la procédure et d'une baisse de son coût financier global. « Aujourd'hui, les trois quarts des affaires traitées dans les tribunaux peuvent entraîner un fichage génétique, à l'exception notable de la délinquance financière, ou encore de l'alcoolisme au volant » a précisé Ollivier Joulin, du Syndicat de la magistrature, à un journaliste du Monde, concluant que « l'exception devient la norme » [17].

La loi n'indique aucune restriction d'âge concernant la prise d'empreinte génétiques [5].

Le Fnaeg enfle de 1000 fiches par jour, 30 000 par mois, 365 000 par an. En 1998, date de sa création, ne devaient figurer que les violeurs et délinquants sexuels. En 2001, les socialistes y ajoutent les coupables de dégradations dangereuses et d'extorsions. En 2003, Sarkozy l'étend à quasiment tous les délits, même aux simples « mis en cause ». Un chiffre montre l'ampleur de l'inflation : en 2002, ce fichier comptait 2 100 empreintes. En septembre 2009, il en contient plus de un million, et Matthieu Bonduelle, le secrétaire général du Syndicat de la magistrature a déclaré que « personne ne prône le fichage généralisé, mais, de fait, on est en train de l'effectuer ».[18],[19]

Références

  1. Article A38 du code de procédure pénale
  2. Ouvrez la bouche, Le Monde, 18 septembre 2009
  3. Ouvrez la bouche, Le Monde, 18 septembre 2009
  4. a , b , c  et d Le fichier des empreintes génétiques contient 717 000 profils, Reuters, 23 avril 2008
  5. a , b  et c Lois Sarkozy sur la sécurité : des enfants sont fichés ADN, Bakchich, 13 juin 2008.
  6. a , b , c , d , e  et f La tentation du fichage génétique de masse, Le Monde, 25 septembre 2006
  7. www.biometrie-online.net/blog/post/2007/09/25/FNAEG-Fichier-national-des-empreintes-genetiques FNAEG - Fichier national des empreintes génétiques], Biometrie-onlinge, 25 septembre 2007
  8. Sur le site de la CNIL
  9. Ouvrez la bouche, Le Monde, 18 septembre 2009
  10. ADN : Au-Delà du "Non" Sur le refus de prise d’ADN
  11. Chiffre donné dans le quotidien le Figaro du 16 mai 2007,(fr) Record d'enquêtes élucidées grâce à l'ADN, article de Mathieu Delahousse
  12. (fr) À 8 et 11 ans, ils sont menacés de fichage génétique pour vol de jouets, article du quotidien Le Monde du 7 mai 2007
  13. (fr) On n’est jamais trop jeune pour Big Brother, communiqué du 23 juin 2005 sur le site de la Ligue des droits de l'Homme
  14. Chiffre fourni par le Ministère de l’Intérieur dans son communiqué de presse Évolution de l’activité des services de police et de gendarmerie − janvier 2009 [1]
  15. (fr) Les échanges salivaires font avancer l'Europe, Ligue des droits de l'Homme. Mis en ligne le 15 juin 2007, consulté le 29 août 2007
  16. (fr)Les polices de l'Union européenne mettent en commun leurs fichiers biométriques dans le quotidien Le Monde daté du 13.06.07
  17. (fr) La justice simplifie le fichage génétique, de Jean-Marc Manach, dans le quotidien Le Monde du 3 juillet 2007
  18. Le Canard enchaîné, "L'ADN fiche la trouille", article de Dominique Simonnot, mercredi 16 septembre 2009, p 4.
  19. Ouvrez la bouche, vous êtes fiché, article du quotidien Le Monde, daté du 18 septembre 2009.

Voir aussi

Liens externes

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