Etymologie populaire

Etymologie populaire

Étymologie populaire

L’étymologie populaire désigne les explications dues à des rapprochements spontanés, mais non scientifiques, concernant l'étymologie et le sens étymologique d'un mot.

Sommaire

Raisons de l'étymologie populaire

L'étymologie populaire s'appuie avant tout sur des ressemblances formelles fortuites entre le signifiant d'un mot et ceux d'autres mots ou radicaux déjà connus ; elle peut laisser ses empreintes dans le lexique d'une langue en modifiant l'orthographe et la prononciation d'un mot ancien mal analysé. D'un point de vue normatif, l'étymologie populaire est une erreur, mais nombre d'« erreurs » — de ce type ou d'un autre — ont été lexicalisées de sorte que certains mots issus d'une étymologie populaire ont maintenant le statut de lexèmes « normaux ». D'un point de vue linguistique, l'étymologie populaire est une volonté comme une autre de rationaliser la langue : en adaptant le signifiant d'un terme devenu inanalysable, elle permet de remotiver un mot, même si le signifié réinterprété est étymologiquement incorrect, ce qui lui donne plus de poids dans la mémoire. Il est en effet plus aisé de mémoriser des termes motivés (que l'on peut analyser en morphèmes, comme maisonnette, dans lequel un locuteur lambda est capable de reconnaître maison et -ette, un diminutif). C'est une forme de nivellement analogique : le mot obtenu par étymologie populaire doit être recréé par imitation d'autres signifiants mieux connus. Le plus souvent, le mot modifié est :

En français

girouette

On peut prendre un cas simple : le mot français girouette est expliqué, par étymologie populaire, comme un mot-valise composé de girer et (pi)rouette. Il n'en est cependant rien : le mot remonte à veðrviti, terme anglo-normand entré au XIIe siècle dans le lexique sous la forme wirewite. L'anglo-normand le tenait lui-même du norrois où le terme est un composé signifiant « indicateur (viti) du vent (veðr ; cf. anglais weather « temps qu'il fait » et weathervane « girouette »). Ce composé pouvait, dans les textes poétiques, désigner par métaphore un navire (pris dans la tempête). Cependant, au XVI e la graphie devient gyrouete (y étant une variante de i). Le mot a en effet entre temps été réanalysé : puisque wirewite ne renvoie à aucun morphème connu, il est modifié inconsciemment parce qu'il semble fortuitement composé de gire et rouette (« petite roue ») ce qui, pour le sens, fonctionne, une girouette traçant bien des cercles (rouette) en tournant (gire).

choucroute

De même, choucroute semble venir de chou et de croûte, alors qu'il remonte à surkrut, mot du dialecte alsacien correspondant à l'allemand Sauerkraut, littéralement « herbe amère ». Il est rentré dans le lexique sous la forme surcrute (1699, en suisse romand) puis sorcrotes (1739), puis a évolué vers sa forme actuelle à cause de l'influence de chou et de croûte, par le même processus que pour girouette.

remède de bonne femme

L'idée que l'expression « remède de bonne femme » proviendrait de « remède de bonne fame[1] », où fame serait employé pour renommée (latin fama)[2], s'est répandue depuis quelques années[3]. Cette étymologie n'a jamais été avérée, et semble être une hypothèse très récente. Elle est contestée par les linguistes[4] qui lui préfèrent largement le sens donné par Pierre Larousse : "des remèdes populaires ordonnés et administrés par des personnes étrangères à l'art de guérir "[5]. Cet emploi historique se retrouve dans les dictionnaires depuis le XVIIIe siècle et dans un texte de Nicolas Alexandre, La Médecine et la Chirurgie des Pauvres de 1714, et correspond bien au sens "bonne femme" que l'on retrouve aussi dans "Conte de bonne femme"[6]. Une autre piste en faveur de cette étymologie est la correspondance avec les expressions comparables dans des langues étrangères. L'anglais dit old wives' remedy[7], l'allemand Hausmittel, l'espagnol remedio casero, et l'italien rimedio empirico.

fainéant

L'orthographe actuelle de ce mot vient de l'étymologie populaire qui veut que ce mot vienne de "fait" et "néant", alors qu'il est une déformation de "faignant", ou "feignant", participe présent de feindre, au sens ancien de « se dérober (à la tâche), rester inactif[8] ».

Une autre version : L'étymologie de Fainéant viendrait de "fait" "néant" c'est-à-dire ne fait rien d'importance. On rencontre effectivement dans l'histoire de France de nombreux rois dit "fainéants" car ces rois n'en avaient souvent que le titre et non les prérogatives généralement associées à ce rang, du fait de leur jeunesse et de la brièveté de leurs règnes. On peut aussi y voir la possibilité d'un effacement de leurs actes par l'église, car seule l'église chrétienne et ses moines copistes transmettaient le savoir, or de par leur comportement vis-à-vis du pape et de la hiérarchie de l'église dans son ensemble on peut aisément penser qu'ils s'en sont attiré les foudres[9],[10],[11] !

Ce n'est que plus tard que l'association avec la paresse domine sur le manque de possibilités, de celui qui ne veut pas se donner les moyens ou manque a ses obligations. "Quel fainéant celui-là, il ne fait rien !" On utilise le mot chômeur pour ceux qui ont perdu leur travail ou n'en ont pas. Mais on les stigmatisera volontiers du sobriquet de fainéants alors qu'il s'agit le plus souvent d'un manque de possibilités et donc réduit à l'inaction à l'instar de nos anciens rois de France malheureux.

Fautes liées à l'étymologie populaire

Enfin, l'étymologie populaire permet aussi d'expliquer certaines erreurs non lexicalisées, comme la modification de rémunération en *rénumération par certains locuteurs. Le radical latin muner- (dans re-muner-atio), signifiant « don », n'étant pas très productif en français, le mot est réinterprété comme un dérivé de numération, le radical numér- étant, de loin, plus fréquent. On retrouve cela avec le mot infarctus, souvent transformé en infractus (-farct- formant une syllabe peu commune en français et fractus renvoyant au mot courant fracture) ou encore *rebourratif à la place de roboratif (par influence de bourratif). Ainsi, le mot étant alors lié par la mémoire à un radical connu, il devient plus facile à retenir et utiliser. Pourtant, *rénumération, *infractus et *rebourratif sont — encore — considérés comme des erreurs.

La différence entre forme erronée et forme correcte est cependant parfois difficile à établir : ainsi, caparaçon est souvent transformé en *carapaçon, par contamination avec carapace. Or, l'étymologie du mot n'est pas claire : emprunté à l'espagnol médiéval caparaçón (actuellement caparazón), le mot pourrait remonter à un radical latin cappa, « cape », faisant de carapaçon un terme entièrement faux, étymologiquement parlant, ou à un radical *karapp- (qui donne carapace), auquel cas la forme jugée correcte caparaçon serait, quant à elle, le résultat d'une métathèse des consonnes /k/ et /r/. Ainsi, l'influence de carapace sur *carapaçon serait un retour aux sources étymologiques justifiable.

En anglais

L'anglais possède aussi des exemples frappants : le mot nickname « surnom » est une métanalyse par étymologie populaire de ekename qui, en vieil anglais, se traduit par « nom (name) en plus (eke) ». La métanalyse se situe au niveau de la liaison avec l'article : an + ekename « un surnom » est réinterprété a + nekename, ce qui reste possible grammaticalement, l'article anglais s'écrivant a devant consonne, an devant voyelle. Cette métanalyse est facilitée par le fait que eke n'est, en moyen anglais, plus utilisé par ailleurs : il ne renvoie donc plus à un sens précis, aucun autre mot ne l'évoque et permet d'éviter que sa forme s'altère trop. Il est confondu avec un prénom puisque nakename devient ensuite nickname, comme si le mot était composé de Nick, le prénom, et de name, « nom ». Le lien sémantique entre ce prénom et le sens général d'« un surnom » n'est pas explicite (Nick appartient à l'ensemble des prénoms, les prénoms appartiennent à l'ensemble des appellatifs, parmi lesquels on compte aussi des surnoms). Il est cependant renforcé par le fait que Nick est lui-même le surnom (créé par apocope) de Nicholas.

D'autres exemples notables en anglais :

  • sand-blind. Sens littéral par étymologie populaire : « aveuglé (blind) par le sable (sand) », sens réel : « à moitié aveugle », étymologie réelle : du vieil anglais sam- (« à demi ») + blind (« aveugle ») ;
  • sparrow-grass. Sens littéral par étymologie populaire : « herbe (grass) à moineaux (sparrow) », sens réel : terme immotivé en anglais puisqu'il s'agit d'un emprunt au latin asparagus.

Notes et références

Articles connexes

Linguistique

Autre approximation populaire

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