Esclavage salarié

Esclavage salarié

L'esclavage salarié est un terme utilisé par certains marxistes, mais surtout par de nombreux anarchistes.

Il est censé correspondre à la situation des salariés qui ont légalement (de jure) accepté un emploi et se sont ainsi soumis à l'autorité de l'employeur, mais qui, dans la pratique (de facto) seraient des esclaves.

Au sens anarchiste par exemple, le choix entre travailler pour un patron X et mourir de faim, ne constitue aucunement un choix libre. Cela relève plutôt d'une aliénation, purement établie par l'homme (« de l'homme sur l'homme ») et fondée à sa base sur une relation d'asservissement (la vie d'un salarié serait en quelque sorte gagée sur le travail qu'il fournirait à son employeur, à son rétributeur : il travaille pour X, il est ainsi payé par X, et donc il peut manger, c'est-à-dire qu'il survit ou il vit). Autrement dit, il loue sa force de travail, au quotidien, pour survivre.

C'est ainsi qu'au XIXe siècle la grande masse des travailleurs étaient qualifiée de « brassiers » (qui louent leurs bras), « manouvriers » (qui louent leurs mains). On employait aussi très couramment le terme de « journalier » (bien connu des généalogistes) : ce terme a l'extrême mérite de bien faire comprendre qu'un homme loue sa force de travail jour après jour. Cela signifie très concrètement que s'il n'est pas salarié pendant 10 jours (en langage courant, s'il ne trouve pas d'employeur ou s'il « chôme »), alors il n'est absolument pas payé pendant ces 10 jours, mettant ainsi réellement en péril sa propre survie. N'ayant par ailleurs aucune possibilité d'épargner (toute sa faible paye passant dans ses besoins vitaux), comment en effet manger pendant 10 jours sans le sou ? Cette sémantique vise donc à étendre la notion de l'esclavage à qui travaillerait pour survivre à peine dans une société industrielle capitaliste.

Sommaire

En tant que concept, dans une société capitaliste

L'esclavage salarié en tant que concept est une critique du capitalisme, lorsque une minorité de personnes contrôlent tous les moyens de production (le capital).

Cette critique provient souvent de la critique socialiste du capitalisme, mais elle est également parfois exprimée par une branche du libéralisme représentée par Thomas Jefferson[1], Henry George, Silvio Gesell et Thomas Paine, ainsi que l'école de pensée du Distributisme au sein de l'église catholique romaine. Ces critiques ont en commun l'idée que l'homme devrait avoir la liberté de travailler sans être aux ordres d'une tierce personne.

L'utilisation du terme « esclavage salarié » est aussi un moyen rhétorique pour faire un parallèle entre le travail dans l'époque actuelle et l'esclavagisme historique, notamment lorsque celui-ci était caractérisé par la possession des esclaves, ainsi que les droits de les acheter ou les vendre. Le concept de l'esclavage salarié repose sur le fait que certains travailleurs salariés ont des conditions de vie finalement peu éloignées de ces esclaves.

En tant que condition de classe

Une différence clé entre l'esclavage salarié et l'esclavage tout court a été identifiée par Karl Marx : les travailleurs peuvent parfois refuser de travailler pour un employeur spécifique, sans être (légalement) sujet à un châtiment corporel. Pour Marx, l'esclavage salarié est une condition de classe avant d'être une situation individuelle.

Pour Marx, cette situation de classe repose sur :

Marx a toutefois reconnu que certains esclaves salariés pouvaient parfois échapper à leur situation. Mais historiquement, même si certains esclaves (au sens historique) pouvaient également gagner leur liberté (c'était parfois possible, chez les Romains, par exemple), cela ne justifie pas l'esclavage.

Le problème prend une allure différente en cas de crise économique : même quand son "maître" n'a pas de travail à lui donner, un esclave doit en effet continuer à être logé et nourri. Ce n'est plus nécessaire avec un salarié, qui peut être tout simplement licencié.

En pratique

L'esclavage salarié est de nos jours une réalité dans certains pays, les salariés réduits à l'esclavage se voient privés de leurs papiers et passeports, de leurs droits, empêchés ainsi de retourner dans leurs pays et étant de fait réduits à la volonté de l'employeur.

A Londres, et même maintenant à Paris, il devient fréquent de voir des travailleurs dits « pauvres » (intérimaires, rmistes, smicards, etc.) dormir dans leur voiture au lieu de payer un loyer exorbitant, ou bien encore « biffer », c'est-à-dire fouiller dans les poubelles à la recherche de quelque résidu réutilisable ou alimentaire... Tel semble être une des conséquences plus ou moins indirecte de l'application d'un consensus des plus grandes puissances économiques mondiales autour d'un libéralisme exacerbé (ou néolibéralisme), dit parfois et au regard de telles situations de misère, « libéralisme sauvage ».

Bien évidemment, ces situations assimilables à un esclavage salarié n'épargnent en rien certains États totalitaires apparemment situés hors de ce consensus mondial (Corée du Nord, certains pays africains, etc.). La seule donnée changeant revient à la nature de l'employeur : l'État et ses ramifications, au lieu de sociétés privées cotées en bourse et de leurs filiales. Mais le concept d'esclavagisme salarié demeure bien applicable à toutes ces situations, tant que le destin vital des uns ne leur est pas entièrement restitué (c'est-à-dire tant que chacun n'est pas dans une position de choix réel donc libre), mais demeure suspendu aux bons vouloirs des autres (les « puissants », ou les « plus » puissants).

A ce titre, et sans aucune commune mesure avec les situations de misère décrites plus haut, les dits employeurs dans les sociétés industrialisées se trouveraient aussi, d'un point de vue théorique et tout relatif, en position d'esclavage. Seulement, il ne s'agirait plus d'esclavage salarié mais d'esclavage fiscal, toute activité économique étant redevable d'un pourcentage plus ou moins grand aux autorités étatiques des territoires dont elle dépend administrativement. Cet esclavagisme fiscal - bien que n'entraînant aucune « misère » de ses esclaves - demeure extraordinairement plus exposé médiatiquement que l'esclavagisme salarié (exemple : bouclier fiscal, moins d'impôts, exonérations de charges sociales, taxes flottantes, délocalisations, émigrations des gros salaires, attrait des paradis fiscaux, etc.). C'est d'ailleurs clairement le positionnement politique de l'écrasante majorité des droites, et le cœur même de toutes les politiques modernes se revendiquant libérales. Cela se fait aux détriments des dimensions « sociales » inhérentes à toute réflexion autour de l'esclavage salarié, pourtant sans doute et de loin le plus réel et le plus insupportable.

Bibliographie

  • Roger Botte, « Les habits neufs de l’esclavage. Métamorphoses de l’oppression au travail », Cahiers d'études africaines, Esclavage moderne ou modernité de l’esclavage ? [lire en ligne]

Références

Annexes

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