Eleonora Duse

Eleonora Duse
Eleonora Duse
Eleonora Duse en 1896
Eleonora Duse en 1896 Eleonora Duse signature.png

Surnom La Duse
Naissance 3 octobre 1858
Vigevano Drapeau d'Italie Italie
Décès 21 avril 1924
Pittsburgh
Activité principale Comédienne
Style Vérisme
Collaborations Gabriele D'Annunzio
Arrigo Boito
Répertoire


Eleonora Duse est une comédienne italienne née le 3 octobre 1858 à Vigevano et morte le 21 avril 1924 à Pittsburgh. Elle est considérée comme l'une des plus grandes actrices de son temps. Rivale de Sarah Bernhardt, elle lui voua cependant une admiration profonde.

Sommaire

Biographie

Née dans une famille de comédiens de Chioggia, Eleonora Duse passe son enfance dans la troupe amateur itinérante de ses parents, Alessandro Vincenzo Duse et Angelica Cappelletto. La famille Duse est apparentée à une autre famille de comédiens ambulants, les Vitaliani dont la fille Italia (it) est la cousine d'Eleonora. Dès l'âge de quatre ans, elle joue, en 1862, le rôle de Cosette dans une version théâtrale des Misérables. En 1878, elle tient les rôles de « première amoureuse » dans la compagnie Ciotti-Belli Blanes et, à tout juste vingt ans, est à la tête d'une compagnie aux côtés de Giacinta Pezzana (it). Elle connaît son premier succès en 1879 dans le rôle de Thérèse Raquin, dans la pièce de théâtre du même titre adaptée de son roman par Émile Zola en 1873, qui lui vaut l'adoration du public et la reconnaissance de la critique.

En 1879, elle entre dans la troupe semi-permanente de Turin de Cesare Rossi où elle portera à maturation son choix esthétique, recueillant l'héritage du passé mais rompant en même temps avec la tradition du « grand acteur » de la première moitié du XIXe siècle. C'est au cours de cette période, dans les années 1880, que la Duse accomplit les choix de répertoire qui marqueront son parcours artistique et sa carrière théâtrale. Un répertoire qui lui permet d'exprimer son sentiment de crise face à son époque. Étant donné l'absence significative de dramaturgie en Italie (de Paolo Giacometti (it), Giuseppe Giacosa, Achille Torelli (it), Emilio Praga (it) ne subsiste au mieux qu'un texte de chacun) elle privilégie les « pièces bien faites » françaises : modernes, mondaines, adaptées à l'évolution des goûts du public de cette fin du XIXe siècle, aux mécanismes parfaitement huilés pour coller aux valeurs bourgeoises. Mais entre les mains de la Duse, les drames de Victorien Sardou et d'Alexandre Dumas fils deviennent des pièces à démonter et à remplir ensuite d'une vie nouvelle, du message infiniment personnel de la Duse qui veut représenter les valeurs de cette classe telle qu'elle se présente dans la réalité qui l'entoure et non pas les approuver sans réserve. Ses thèmes de prédilection, les plus difficiles à affronter, sont les plus représentatifs de la société bourgeoise de l'époque : l'argent, le sexe, la famille, le mariage, le rôle de la femme. Il en ressort le portrait d'une société respectable mais en réalité hypocrite, brillante en apparence mais dépravée en substance, obnubilée par un dieu de l'argent régulateur de toute relation humaine, un monde dans lequel il est impossible d'éprouver des émotions sincères. Mais en émerge également l'intériorité féminine de la Duse : une intériorité brisée, aliénée, névrosée. Son répertoire est moderne et attractif : du vérisme de la Cavalleria rusticana de Giovanni Verga aux drames de Victorien Sardou et d'Alexandre Dumas fils qui sont également ceux du répertoire de Sarah Bernhardt. Entre les deux comédiennes nait rapidement une rivalité qui divise les critiques.

En 1881, Eleonora Duse épouse Tebaldo Checchi, un acteur de sa compagnie. L'union, de laquelle naît une fille, Henriette, se révèle rapidement malheureuse et se termine par une séparation définitive. En 1884, la Duse se lie avec Arrigo Boito qui traduit pour elle l'Antoine et Cléopâtre de Shakespeare. La relation, restée secrète, dure plusieurs années entre hauts et bas. Les rencontres ont lieu à Ivrea, dans le château de San Jose, demeure d'un ami commun, Giuseppe Bianchi. Pendant cette période, la comédienne fréquente le milieu de la scapigliatura, et son répertoire s'enrichit des drames de Giuseppe Giacosa, ami de Boito. Elle a une liaison avec Lina Poletti (it), qui dure deux ans. Son amitié avec Isadora Duncan qu'elle rencontre lors de tournées européennes est très commentée. En 1886, elle fonde sa propre compagnie. Elle porte sur les scènes italiennes les drames d'Henrik Ibsen, dont elle interprète Une Maison de poupée, Hedda Gabler, La Dame de la mer et Rosmersholm À partir de 1890, elle joue principalement hors d'Italie, notamment à Paris, où elle connaît la consécration en 1897. Rosmersholm d'Ibsen est notamment repris au Théâtre de l'Œuvre en 1898 dans la mise en scène d'Aurélien Lugné-Poë puis dans les décors mémorables d'Edward Gordon Craig en 1906.

Jusqu'en 1904, elle est la maîtresse et l'interprète du poète Gabriele D'Annunzio. Elle quitte le théâtre en 1908 et joue en 1916 pour la seule fois au cinéma, dans Cenere (it) d'Arturo Ambrosio, film tiré du roman homonyme de Grazia Deledda. Elle revient au théâtre de 1921 à 1923. Elle meurt, au cours d'une ultime tournée américaine, à Pittsburgh, le 21 avril 1924. Elle est enterrée au cimetière d'Asolo conformément à sa volonté.

La rencontre avec D'Annunzio

En 1882 à Rome, Eleonora Duse rencontre pour la première fois Gabriele D'Annunzio. C'est un jeune homme séduisant, arrivé depuis peu des Abruzzes mais avec déjà trois œuvres publiées. Il se présente à la Duse et, avec des paroles mélodieuses, lui propose sans autre de coucher avec lui. Eleonora le congédie avec indignation mais, peut-être, avec aussi une secrète satisfaction. Ce jour-là, elle le décrit ainsi : « Già famoso e molto attraente, con i capelli biondi e qualcosa di ardente nella sua persona »[1],[2]. En 1888, Eleonora qui, sur la scène du teatro Valle, vient tout juste de se repentir de ses plaisirs de dévoyée, de prendre en pleine face une poignée de fausse monnaie et est morte de phtisie et d'amour dans le rôle de la malheureuse Dame aux camélias, se dirige encore pleine de soupirs et de sanglots vers sa loge. C'est alors qu'un frêle et élégant jeune homme surgit de la pénombre du corridor et lui crie, avec enthousiasme et assurance : « O grande amatrice! »[3]. Eleonora un peu épouvantée, le dévisage un moment et poursuit son chemin. C'était encore D'Annunzio[4]. Juin 1892 est la date que D'Annunzio inscrit, avec la dédicace « Alla divina Eleonora Duse » sur un exemplaire de ses Elegie romane. De ces livres, naît en Eleonora le désir d'une rencontre avec l'auteur. Et, lors de la rencontre, « si abbandona alla presa di quegli occhi chiari, si sorprende a dimenticare tutta la sua amara sapienza della vita e a godere della lusinga che essi esprimono »[5],[6].

Le tournant décisif de la vie et la carrière artistique d'Eleonora Duse fut la rencontre définitive à Venise, en 1894, avec Gabriele D'Annunzio, alors à peine trentenaire. Le lien sentimental et artistique tempétueux qui s'établit entre la comédienne et le jeune poète dura une dizaine d'années et contribua de manière déterminante à asseoir la réputation de D'Annunzio. Eleonora Duse, déjà célèbre et acclamée en Europe et outre-atlantique, porta sur toutes les scènes les drames dannunziens (Il sogno di un mattino di primavera, La Gioconda, Francesca da Rimini, La città morta, La figlia di Iorio), finançant souvent elle-même les productions et leur assurant le succès et l'attention de la critique y compris hors d'Italie. Cependant, en 1896, D'Annunzio lui prefera Sarah Bernhardt pour la première française de La ville morte. Les périodes de proximité et de collaboration entre les deux artistes alterneront avec les crises et les ruptures. D'Annunzio suivait rarement l'actrice dans ses tournées mais, en 1898, il loua la villa de la Capponcina à Florence, dans la frazione de Settignano, pour se rapprocher de la Porziuncola, la demeure d'Eleonora. En 1900, D'Annunzio pubblia son roman Il fuoco, inspiré de sa relation avec Eleonora Duse, suscitant de vives critiques de la part des admirateurs de la comédienne.

Postérité

Après sa mort, de nombreux théâtres sont baptisés de son nom, tout comme des écoles et autres toponymes de villes italiennes. Elle fut une amie d'Axel Munthe[7] qui l'évoque dans Le Livre de San Michele (1929) dont est tiré en 1962 un film du même titre réalisé par Giorgio Capitani et Rudolf Jugert et dans lequel son rôle est interprété par Valentina Cortese. En 1953, Luigi Comencini lui a consacré un film biographique, La Valigia dei sogni (it). Ses costumes de scène, restaurés par le styliste italien Fausto Sarli sont exposés dans les musées du monde entier. Un cratère de 30 km de diamètre sur la planète Vénus lui est dédié en 1974[8].

Galerie

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Annexes

Bibliographie

en français
en italien (it)
  • Paola Bertolone. I copioni di Eleonora Duse : Adriana Lecouvreur, Francesca da Rimini, Monna Vanna, Spettri. Pisa, Giardini, 2000
  • Nino Bolla. Eleonora Duse : la grande tragica. Roma, Società Nazionale Editrice, 1974
  • Vittore Branca. Vocazione letteraria di Eleonora Duse : con una serie di documenti inediti. In: «Nuova Antologia», n. 2178 (aprile-giugno 1991)
  • Mario Cacciaglia. Eleonora Duse, ovvero Vivere ardendo. Milano, Rusconi, 1998
  • Gerardo Guerrieri. Eleonora Duse : nove saggi; a cura di Lina Vito. Roma, Bulzoni, 1993
  • Nicola Mangini. Eleonora Duse nella storia del teatro europeo. In: «Archivio Veneto», serie 5., vol. 121. (1983)
  • Franca Minnucci. "La Figlia di Iorio - Era mia, era mia e me l'hanno presa". Pescara, Ianieri, 2004.
  • Franca Minnucci. "Eleonora Duse - La fine dell'incantesimo". Pescara, Inaieri, 2010.
  • Cesare Molinari. L'attrice divina. Eleonora Duse nel teatro italiano fra i due secoli. Roma, Bulzoni, 1985
  • Daniela Musini. "Mia Divina Eleonora". Pescara, Ianieri, 2008
  • Donatella Orecchia, "La prima Duse. Nascita di un'attrice moderna", Roma, Artemide, 2007.
  • Maria Pia Pagani. Mirandolina e Vasilisa: due volti di Eleonora Duse. In: «Viglevanum: miscellanea di studi storici e artistici», 16(2006)
  • Luigi Rasi. La Duse. Roma, Bulzoni, 1986
  • Federico von Rieger. Eleonora Duse. Milano, Nord-Ovest, 1981
  • Mirella Schino. Il teatro di Eleonora Duse. Bologna, Il Mulino, 1992
  • Helen Sheehy. Eleonora Duse: la donna, le passioni, la leggenda. Milano, Mondolibri, stampa 2006
  • Olga Signorelli, Eleonora Duse, 1959
  • John Stokes, Michael R. Booth, Susan Bassnett. Tre attrici e il loro tempo: Sarah Bernhardt, Ellen Terry, Eleonora Duse. Genova, Costa & Nolan, 1991
  • Matilde Tortora (a cura di). Matilde Serao a Eleonora Duse : lettere. Napoli, Graus, 2004 * William Weaver. Eleonora Duse. Milano, Bompiani, 1985
  • Eleonora Duse nella vita e nell'arte (1858 - 1924). Venezia, Marsilio, 2001
  • Amarti ora e sempre : Eleonora Duse e Francesca da Rimini. [Catalogo della mostra tenuta a Rocca di Gradara nel 2006, a cura di Laura Villani, Maria Ida Biggi, Maria Rosaria Valazzi ; con la collaborazione di Daniele Diotallevi]. Urbino, QuattroVenti, 2006
  • Museo Teatrale alla Scala. Eleonora Duse: un vestire che divenne moda. Mostra, 3 marzo-1 aprile 1973. Catalogo a cura di Dada Saligeri; introduzione di Carlo Fontana. Milano, Arti grafiche G. Ferrari, 1973
en anglais (en)

Notes et références

  1. « Déjà célèbre et très séduisant, les cheveux blonds et quelque chose d'ardent dans sa personne »
  2. Denis Mack Smith, L' Italia del XX secolo, vol. I (1899-1908) tome I, p. 48, edizioni Rizzoli, 1977
  3. « Ô, grande séductrice ! »
  4. Denis Mack Smith, op. cit. pp. 48/49
  5. « Elle s'abandonne à l'emprise de ces yeux clairs, se surprend à oublier toute l'amère expérience de sa vie et à jouir de la flatterie exprimée par ce regard »
  6. Denis Mack Smith, op. cit. p. 49
  7. (en) Une courte biographie d'Axel Munthe sur le site keats-shelley-house.org
  8. (en) Le cratère Duse sur Vénus

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