Ecriture Littéraire

Ecriture Littéraire

Écriture littéraire

L'écriture littéraire désigne la manière par laquelle certains écrits se situent dans la société et l'histoire. Le mot écriture a acquis un sens tout a fait nouveau au début des années 1960, Roland Barthes l'ayant choisi pour désigner la façon dont l'écrivain lui même envisage la place de ses écrits [1]

L'écriture littéraire obéit aux normes de l'orthographe et de la grammaire, mais aussi de la rhétorique, de la poétique. L'écrivain utilise des techniques d'écriture, outils de langages qui lui permettent de se façonner un style, et il s'autorise également des licences poétiques, des digressions, des néologismes, de manière à appuyer son discours, à rendre esthétique sa prose. C'est ainsi qu'il se différencie et devient artiste.

L'écriture est l'ensemble des outils de langage qui permettent de construire un texte qui produit du sens.

Dans les parties qui suivent, nous tentons de présenter ce qu'est le travail de l'écriture.

Sommaire

Écritures

Trois formes d'écriture

L’écriture peut se définir par ses volontés, ses buts, ses attentes et à travers cela peut être divisée en trois formes, grosso modo : romanesque, documentaire ou informative et enfin émotionnelle. Bien sûr, toutes ces formes d’écriture ne sont nullement séparées par des cloisons, ni enfermées ; les boîtes sont simplement créees pour la simplicité de l’explication. Les objectifs, les volontés, les envies de chacune d’entre elles peuvent se retrouver dans chaque autre et même, bien souvent, plusieurs de ces descriptions sont présentes dans un même texte.

Romanesque

L’écriture romanesque ou narrative est une volonté de raconter une histoire, de la faire vivre chez ses lecteurs sans forcément d’autres buts ; ce peut être une histoire de crimes, d’amour ou de science-fiction. L’objectif est le même : offrir un espace hors du temps, hors de la réalité, qui permet de s’évader, de rêver ; cette écriture est nécessaire au lecteur qui a un besoin, inéluctablement, de vivre d’autres histoires que la sienne. Certains s’extasieront, d’autres rêveront, certains autres réfléchiront et d’autres, certains, compareront l’histoire à la leur pour progresser. L’écriture n’en est pas le seul moyen : la télévision, la musique ou le cinéma ont aujourd’hui pris part sur beaucoup d’autres arts qui, tous, permettent cette évasion, cette réflexion.

Documentaire

L’écriture peut également être documentaire ou informative : c’est alors une volonté de transmettre sa culture, son savoir-faire, ses analyses ou même ses impressions. Le lecteur y cherchera une source de culture dans laquelle il puisera volontiers, mais aussi des points de vue différents sur diverses choses qui lui permettront de se forger une opinion ; quoi qu’il en soit, cette écriture-ci est une forme de conseil ou d’aide. Là encore, l’écriture n’est pas le seul media disponible.

Émotionnelle

Enfin, l’écriture peut, après l’évasion, la réflexion, la culture et le débat servir l’émotion par la poésie. C'est l’écriture la plus complexe : elle est, pour l’auteur, une volonté de témoigner une impression, un sentiment ou une émotion, mais aussi un besoin de se libérer d’une partie trop prenante de soi ; enfin, c’est une volonté de justifier son existence dans une recherche d’une forme d’immortalité. L’objectif de la poésie est de transporter le lecteur dans un autre univers ou de lui ouvrir les yeux sur son propre univers, lui montrer les beautés qu’il rencontre à longueur de journée sans même les regarder. Sa particularité tient au fait qu’elle s’exprime en utilisant musiques et images ; elle créé un lien entre les arts et, en cela, est souvent considérée comme la forme d’art la plus aboutie.

Buts et moyens

L'écriture est pour l'écrivain le moyen de transmettre un récit, une intrigue, une description, un portrait, un sentiment, une émotion.

C'est aussi le moyen de créer sa propre langue. Chaque écrivain possède son style, sa manière de construire l'histoire, de construire les phrases, d'utiliser les mots. Chacun utilise, autant qu'il crée, ses techniques d'écriture.

L'écriture littéraire a pour but (désiré ou non) de se retrouver dans l'univers social, d'être publié, même si certains, comme Louis Aragon disent :

« L’écriture [avait été inventée] pour fixer, bien plutôt que des idées pour les autres, des choses pour soi. »

— Aragon, Je n'ai jamais appris à écrire ou les Incipit, 1969

Selon les écritures, l'écrivain utilisera l'écriture (les figures de style, la rhétorique, les expressions, les mots) pour servir son histoire ; ou alors, il utilisera l'histoire pour servir son écriture. Dans le second cas, le style sera plus probablement original, plus proche de l'invention singulière, car la matière même de l'écriture aura été le but du façonnage. Dans le premier cas, le texte sera une fabrication dont la fin sera l'histoire. Dans les deux cas, la frontière sera toujours ténue, chaque écriture étant une combinaison de fabrications et d'inventions. Écrire en langage peut aussi être écrire un langage. Ce langage sera dépendant de la langue de départ, du contexte socio-culturel ; tout texte est une imitation.

Cette transmission de pensées par l'abstraction des mots est par essence approximative : le mot ne touche pas l'objet, il reste un signifiant distinct du signifié, et connoté inévitablement. Le lecteur a tout loisir d'interpréter ce qu'il lit. Sachant cela, l'écrivain utilise donc l'écriture par ses évocations, par les sens possibles d'un mot.

Enfin, il est illusoire de chercher à séparer la forme et le fond de l'écriture, comme on cherche souvent à le faire quand on étudie les textes, car le sens d'une œuvre littéraire se trouve immanquablement pris dans une forme qui la sert, qui fait partie d'elle et ainsi participe au sens général. Séparer fond et forme revient à séparer ce qui fut dans la pensée même de l'auteur lié.

Ratures

Parlant de cette abstraction des mots, nous pouvons évoquer les infinies combinaisons de mots dans une langue. La possibilité de pouvoir tout représenter par des mots, chaque possibilité restant personnelle à celui qui l'écrira. Ce vertige est celui qui saisit l'écrivain lorsqu'il travaille un texte, la manifestation de ce vertige se trouve dans les brouillons d'écrivains, bien souvent remplis de corrections, de ratures, d'ajouts. (Voir à ce sujet des brouillons d'écrivains sur le site de la BNF)

Un roman, une nouvelle, un poème, ne sont jamais un premier jet. La volonté du mot juste, la recherche du rythme parfait, de la sonorité exacte, de la cohérence d'un personnage, d'une scène, provoquent des ajouts, des variations, des suppressions, des retours. La recherche dans ses souvenirs, dans ses connaissances, dans ses références, dans son imaginaire, dans les livres, dans les dictionnaires (synonymes, définitions, rimes, analogies, symboles...), l'idée qui surgit quand on ne l'attend pas et qu'il faut noter, tout cela fait partie du travail d'écriture. La cohérence dans un roman ne peut se faire qu'au prix d'un travail scrupuleux d'écriture, de relectures, de ré-écritures.

L'image de l'écrivain génial, flamboyant, qui écrit tout en une seule fois, reste une fantaisie romantique. Claude Simon avait coutume de dire que s'il ne se mettait pas à sa table de travail, rien ne se faisait ; en ce sens l'inspiration pour lui n'existe pas. L'écriture, loin d'être un acte inspiré, chaotique, une passion dévorante, est un véritable travail, une construction réfléchie mûrement qui ne laisse rien au hasard.

« Le difficile en littérature, c'est de savoir quoi ne pas dire.  » Gustave Flaubert.
«Lis tes ratures» Jean-Paul Chanteau
«C'est en écrivant qu'on devient écriveron» Raymond Queneau

Jets

On distingue le premier jet. Dans l'écriture automatique des surréalistes, cela est devenu la contrainte. Ce premier jet est celui des émotions. On peut dire que l'inconscient écrit. Il est celui sans retenue, que l'on ne relit pas.

Pourtant, nombre d'écrivains se corrigent pendant le premier jet, revenant immédiatement sur un mot, ou quelques lignes plus tôt sur une phrase.

Le second jet (et les suivants) seront ceux, reposés, de la reprise en main du texte, quand l'écrivain donne la cohérence, travaille le style.

Jean Guenot distingue l'écriture du roman en « couches minces » de l'écriture en « couches épaisses ». Dans le premier cas, l'écriture du roman se fait en entier, mais d'abord par allusions, par notes, par mots clefs. Ensuite les couches s'étoffent, tout au long du roman. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que chaque couche soit complètement terminée. Dans le second cas, l'écriture du roman se fait par partie, chaque partie étant terminée avant de passer à la suite.

Styles

Toute écriture est personnelle : on reconnaît le style d'un écrivain, et dans une moindre mesure on peut également reconnaître le style de n'importe qui sachant écrire correctement.

  • Le style parlé, un peu vociférant, de Louis-Ferdinand Céline, dans Voyage au bout de la nuit : « "Je vais me tuer !" qu'il me prévenait quand sa peine lui semblait trop grande. Et puis il parvenait tout de même à la porter sa peine un peu plus loin comme un poids bien trop lourd pour lui, infiniment inutile, peine sur une route où il ne trouvait personne à qui en parler, tellement qu'elle était énorme et multiple. Il n'aurait pas su l'expliquer, c'était une peine qui dépassait son instruction. Lâche qu'il était, je le savais, et lui aussi, de nature espérant toujours qu'on allait le sauver de la vérité, mais je commençais cependant, d'autre part, à me demander s'il existait quelque part, des gens vraiment lâches... On dirait qu'on peut toujours trouver pour n'importe quel homme une sorte de chose pour laquelle il est prêt à mourir tout de suite et bien content encore. Seulement son occasion ne se présente pas toujours de mourir joliment, l'occasion qui lui plairait. Alors il s'en va mourir comme il peut, quelque part... Il reste là l'homme sur la terre avec l'air d'un couillon en plus et d'un lâche pour tout le monde, pas convaincu seulement, voilà tout. C'est seulement en apparence la lâcheté.  »
  • Le style coulé, fluide, au milieu de la Nature et dans le souvenir, c'est Marcel Proust (extrait de Sur la lecture): «  Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres et que nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin; le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le plus intéressant, l'abeille ou le rayon de soleil gênants qui nous forçaient à lever les yeux de sur la page ou à changer de place, les provisions de goûter qu'on nous avait fait emporter et que nous laissions à côté de nous sur le banc, sans y toucher, tandis qu'au-dessus de notre tête le soleil diminuait de force dans le ciel bleu, le dîner pour lequel il avait fallu rentrer et où nous ne pensions qu'à monter tout de suite après, finir le chapitre interrompu, tout cela, dont la lecture aurait dû nous empêcher de percevoir autre chose que l'importunité, elle en gravait au contraire en nous un souvenir tellement doux, tellement plus précieux — à notre jugement actuel — que ce que nous lisions alors avec tant d'amour que, s'il nous arrive encore aujourd'hui de feuilleter ces livres d'autrefois, ce n'est plus que comme les seuls calendriers que nous ayons gardés des jours enfuis, et avec l'espoir de voir reflétés sur leurs pages les demeures et les étangs qui n'existent plus. »
  • Phrases longues, ponctuation squelettique, parenthèses nombreuses, style coulant de page en page de Claude Simon (Les Géorgiques) : C'était un très vieux général (du moins il leur paraissait tel) lui aussi (comme l'élégante alezane) sans un atome de graisse, sec sinon même desséché, avec ses joues glabres et parcheminées, cartonneuses aurait-on dit, comme s'il avait été extrait pour la circonstance (la guerre) intact, ivoirin et momifié, de quelque tombeau pharaonique ou conservé peut-être dans le froid (il y semblait insensible, ne portait qu'un léger manteau de ratine (une longue veste plutôt) fendu par derrière, comme s'il eût mis pour une promenade au Bois, le matin, croisant dans l'allée des Acacias les élégantes en calèche et en victorias, les vieilles cocottes contemporaines de sa jeunesse (car pour eux il devait au moins dater de cette époque, c'est-à-dire celle qui avait précédé non cette guerre mais l'autre — puisqu'il semblait maintenantun fait acquis que l'Histoire dût être divisée non en siècles mais en courtes périodes d'une vingtaine d'années, le temps pour les couturiers aux fastes babyloniens de fourrer les femmes dans des tuyaux de lamé, leur farder les yeux de vert, suspendre dans leurs salons des tableaux cubistes, puis faire vendre le tout aux enchères avant saisis-arrêt, après quoi l'état de choses normales (la guerre) pouvait reprendre et les vieux généraux mis en conserve dans les frigidaires reparaître intactes, aptes de nouveau au service, c'est-à-dire à exercer le droit de vie et de mort, si nécessaire sur eux-mêmes (celui-là devait se tirer une balle dans la tête), auquel prix, pendant les mois d'inaction forcée, il leur était alloué quelque anglo-arabe à pedigree pour qu'ils puissent se livrer non à des inspections mais aux quelques heures d'exercice quotidien et d'aération sans doute indispensable aux momies).
  • Début d'un roman américain:
« They sent him to Dallas to kill a nigger pimp named Wendell Durfee. He wasn't sure he could do it.
The Casino Operator's Council flew him. They supplied first-class fare. They tapped their slush fund. They greased him. They fed him six cold.
Nobody said it:
Kill that coon. Do it good. Take our hit fee.
The flight ran smooth. A stew served drinks. She saw his gun. She played up. She asked dumb questions. »
Un style à la mitraillette, des phrases de quatre mots blanches comme la mort, c'est James Ellroy, le début de The cold six thousands (titre français: American death trip).

Fond et forme

Dans un texte, quand la forme correspond au fond, la puissance évocatrice est démultipliée, ou au moins confirmée. Un texte évoquant la douce puissance, la force et l'immanente beauté de la nature sera, avec bonheur, lyrique. Une phrase annonçant l'arrivée trépidante d'un taureau battant le sol de ses sabots, sera tapante et frappante de p, de b, de t...

Pour parvenir à cela, l'écriture fait appel à la poétique, à la rhétorique, aux figures de styles : assonance, allitération, métaphore, métonymie, comparaison, répétition, oxymore, anacoluthe... Mais aussi à des formes plus simples d'artifices : placement des mots, utilisation des temps (présent, futur, passé simple, plus que parfait...), emploi de l'adjectif, de l'adverbe...

  • «  La bonne prose pourtant doit être aussi précise que le vers, et sonore comme lui. » Gustave Flaubert.
  • «  Quand je n'essaye pas d'écrire, je lis. Très lentement. À haute voix dans ma tête. Je lis en écoutant des mots. Quand j'écris aussi, j'entends les mots. L'écriture, c'est d'abord un texte que j'écoute. J'écris et je prononce en même temps. Il faut que je m'entende.  » Nathalie Sarraute, dans Le Monde.
  • « La forme est la chair même de la pensée, comme la pensée est l'âme de la vie.  » Gustave Flaubert.
  • « Plus une idée est belle, plus la phrase est sonore.  » Gustave Flaubert.

Écriture et Histoire

Écrire s'inscrit dans une époque. L'écrivain s'inscrit dans une lignée. Il est influencé par ses lectures, par son temps, par sa classe sociale. Roland Barthes remarque que la forme choisie par des écrivains varie avec le temps, que des contemporains peuvent avoir des styles proches ou différents, que tout sépare. « Gide et Queneau, Mallarmé et Céline, Claudel et Camus, qui ont parlé le même état historique de notre langue avaient des écritures profondément différentes. ».

« Placés au cœur de la problématique littéraire qui ne commence qu'avec elle, l'écriture est essentiellement la morale de la forme, c'est le choix de l'aire sociale au sein de laquelle l'écrivain décide de situer la nature de son langage. ». Dans le degré zéro de l'écriture, Barthes aborde l'écriture blanche, les écritures politiques, l'écriture du roman, l'utopie du langage, y a-t-il une écriture poétique, triomphe et rupture de l'écriture bourgeoise, écriture et révolution.

Notes et références

  1. Barthes R., Le degré zéro de l'écriture, Paris, ed Seuil, 1953


Voir aussi

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Sources et bibliographie

Liens externes

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