Droit naturel

Droit naturel

Le droit naturel (en latin jus naturale) est l'ensemble des normes prenant en considération la nature de l'homme et sa finalité dans le monde[1]. Le droit naturel s'oppose au droit positif, et diffère du concept de loi naturelle. En outre, le droit naturel se distingue des droits naturels : ces derniers se réfèrent à des droits subjectifs, tels que, par exemple, les droits de l'homme. On parle de droits naturels pour ceux-ci parce qu'on présume que ces droits seraient issus de la nature humaine, et qu'ils seraient donc inhérents à chacun, indépendamment de sa position sociale, de son ethnie, de sa nationalité, ou de toute autre considération. Les premières formulations du concept de droit naturel viennent de l'école de Salamanque, et ont ensuite été reprises et reformulées par les théoriciens du contrat social (Hobbes, Locke, Rousseau).

Les théoriciens et les défenseurs de la notion de droit naturel sont appelés jusnaturalistes, et la doctrine correspondante jusnaturalisme.

Au sens large, le droit naturel désigne toute recherche objective de normes de droit en fonction des seules caractéristiques propres à l'être humain, indépendamment des conceptions du droit déjà en vigueur dans les sociétés humaines. Juridiquement le droit naturel est une « règle considérée comme conforme à la nature (de l'homme ou des choses) et à ce titre reconnue comme de droit idéal »[2]. Le droit naturel s'oppose au positivisme juridique.

Le droit naturel étant supposé exister partout même s'il n'est pas effectivement appliqué et sanctionné, il n'est donc pas nécessairement un droit opposable; étant fondé sur la nature humaine et non sur la réalité sociale dans laquelle vit chaque individu, le droit naturel est réputé universellement valable même dans les lieux et aux époques où il n'existe aucun moyen concret de le faire respecter.

L'expression droit naturel est susceptible d'acceptions légèrement différentes :

– recherche du juste par une analyse rationnelle et concrète des réalités sociales dans leur contexte mondial, orientée par la considération de la finalité de l'homme dans l'Univers ;
– principes immuables, découverts par la raison, permettant d'éprouver la valeur des règles de conduite admises par le droit objectif, qui dérivent du comportement « naturel » (instinctif) des êtres.

Sommaire

Historique de la notion de droit naturel

Bien que la philosophie antique se soit beaucoup préoccupée de la différence entre la " nature " (physis, φúσις) d'un côté et la " loi " ou " coutume " (nomos, νóμος) de l'autre, il n'y a pas, à proprement parler, de « droit naturel » en Grèce. Toutefois, les stoïciens ont formulé une notion de loi naturelle universelle. Celle-ci est cependant davantage descriptive que prescriptive : elle décrit l'action des êtres humains en fonction d'un plan providentiel voulu par la Nature ou par Dieu tendant vers le bien et le juste. Cependant, Antigone de Sophocle, pièce écrite au Ve siècle av. J.-C. en Grèce, offre une première ébauche de ce que pourrait être le droit naturel. Par un édit, le roi Créon va interdire de célébrer les rites funéraires de Polynice. Sa sœur, Antigone va transgresser l'interdiction en vertu de "lois non écrites" en vigueur "depuis l'origine" : "Je ne croyais pas, certes, que tes édits eussent tant de pouvoir qu'ils permissent à un mortel de violer les lois divines : lois non écrites, celles-là, mais intangibles. Ce n'est pas d'aujourd'hui ni d'hier, c'est depuis l'origine qu'elles sont en vigueur". C'est la première représentation d'un individu qui agit contre la loi non pas en fonction de son intérêt mais au nom d'une loi supérieure.

À la Renaissance, l'école de Salamanque a reformulé le concept de droit naturel (XVIe siècle) lui donnant son sens moderne. Il fait alors référence à la nature de l'homme.

Le philosophe néerlandais Hugo Grotius (1583-1645) est souvent considéré comme l'un des fondateurs du droit naturel moderne. Il est le premier philosophe de l'époque moderne à avoir étudié cette question, en relation avec le droit international et le droit commercial, à une époque où le commerce maritime se développait considérablement. Samuel von Pufendorf, très influencé par Grotius, s'est aussi penché sur la question.

Le droit naturel est en tout cas une émanation de la pensée européenne occidentale des Temps Modernes. Son développement coïncide d'une part avec la remise en question (notamment à travers la Réforme et la philosophie humaniste) de la religion catholique en tant que fondement ultime de toute légitimité, et d'autre part avec un développement sans précédent des échanges internationaux accompagnés de conquêtes coloniales. Le droit naturel est ainsi la transposition laïcisée et rationalisée, en pleine période d'expansion économique, scientifique et impériale, d'un universalisme déjà inscrit dans la culture européenne mais dont la base ne pouvait plus reposer ni sur un consensus religieux ni sur une autorité morale commune.

Les théories du contrat social

Article détaillé : Contrat social.

Hobbes est le premier à avoir formulé une théorie du contrat social dans le Léviathan, dans laquelle il distinguait entre le « droit naturel », qui décrit simplement comment les individus agiraient à l'état de nature (si celui-ci existait réellement), et les lois naturelles, sur lesquelles les individus se mettent d'accord, à l'aide de la raison, afin de vivre en société. L'état social implique donc, selon Hobbes, d'une part la restriction du droit naturel de chacun, qui s'étend sur toutes choses, et d'autre part l'établissement des lois naturelles par les lois civiles, ou droit positif, sans lesquelles on ne peut parler véritablement de « loi ». Il n'y a en effet pas de loi, selon Hobbes, sans souveraineté et sans organisation de la contrainte pénale, qui seule garantit celle-ci. Hobbes, tout comme Jean-Jacques Rousseau après lui, est donc beaucoup plus proche du positivisme juridique que du jusnaturalisme.

Le droit naturel et les droits de l'homme

Selon certains auteurs comme le philosophe italien Norberto Bobbio, la théorie du droit naturel aurait conduit au XVIIIe siècle à la formulation des droits de l'homme, aux États-Unis et en France, dans diverses déclarations des droits de l'homme. Cette continuité est toutefois contestée par d'autres [Qui ?].

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 constate quatre droits naturels fondamentaux : liberté, propriété, sûreté, résistance à l’oppression.

Depuis, le périmètre des droits de l'homme s'est considérablement élargi, notamment dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et les constitutions nationales du 20e siècle, posant indirectement le problème des limites du droit naturel.

Les critiques du droit naturel

Le droit naturel est affecté de deux limites fondamentales qui sont à la base de toutes les critiques. D'abord son contenu ne pourrait faire l'objet d'une définition stable et universelle que sous réserve d'un consensus général sur la nature humaine. Ensuite son application réelle supposerait qu'il soit transposé dans les divers systèmes juridiques et effectivement sanctionné par des autorités disposant du pouvoir de coercition, c'est-à-dire traduit en droit positif.

Universalisme & Relativisme

Il y a d'abord une critique ontologique, qui refuse d'admettre l'existence et l'universalité du droit naturel : c'est, par exemple, le thème général de la critique du contre-révolutionnaire Joseph de Maistre ou de Karl Marx (dans La Question juive), qui refusent le caractère abstrait de ce droit. Maistre affirme ainsi que le seul droit naturel est celui qui vient de l'histoire singulière de chaque peuple. Marx, quant à lui, insiste sur le caractère spécifique de chaque contexte social et historique, et n'envisage l'homme qu'en tant qu'il fait partie d'une société déterminée. Le concept de nature humaine, qui servirait à fonder les droits naturels subjectifs, est donc jugé problématique par ces auteurs (Marx parle bien d'un être générique, mais on ne peut extrapoler de ce qu'est l'individu dans une société capitaliste à ce qu'il est de façon universelle).

Epistémologie

Il y a ensuite une critique épistémologique : à supposer même que les droits naturels existent, comment peut-on les connaître ? C'est une critique formulée par Pascal contre Hobbes : la raison ne peut servir à nous indiquer des lois naturelles universelles. Cette objection se rapproche du non-cognitivisme éthique, qui s'oppose au réalisme moral.

Elle est reprise par Jeremy Bentham, qui insiste sur l'équivocité de la notion de droits naturels dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il essaie alors de formuler un concept utilitariste des droits de l'homme.

Positivisme juridique

Au XXe siècle, et en particulier sous l'influence de la Théorie pure du droit de Hans Kelsen, le positivisme juridique insiste sur la définition de l'objet de la science du droit, et affirme qu'on ne peut, au sens strict, parler de droit que s'il s'agit d'un système juridique positif. Le seul droit véritable est donc le droit positif : le droit naturel, lui, appartient à la sphère morale. L'usage du mot droit serait donc discutable, le droit naturel désignant un ensemble de principes qui seraient censés devoir inspirer le droit mais qui ne seraient pas eux-mêmes nécessairement juridiques.

Il apparaît que le droit anglo-saxon, fondé sur la common law, et la conception européenne du droit de tradition romano-germanique (droit écrit, puis évolution vers le droit positif), sont différents, de sorte que le rapport entre le droit naturel et le droit en général est sensiblement différent selon que l'on se place dans le monde anglo-saxon ou en France.

Le droit naturel après la Seconde guerre mondiale

Au XXe siècle, après la Seconde Guerre mondiale, on a beaucoup parlé de droits sociaux, ce qui a engendré la création de la Sécurité sociale, qui serait une forme de sûreté civile.

Le développement du constitutionnalisme depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale a conduit à traduire les principes fondamentaux de droit naturel dans le droit constitutionnel et les constitutions. Ils figurent également dans les principes des institutions européennes ou internationales.

L'évolution de la société et la perception des enjeux contemporains posent de nouvelles questions sur le sujet, comme les questions écologiques. C'est ainsi que sont apparues des chartes de l'environnement : la "Green charter (en)" en Australie (et dans le monde anglo-saxon), et la charte de l'environnement, en France, qui est l'un des textes fondamentaux ajoutée par une révision constitutionnelle au bloc de constitutionnalité avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Les juristes considèrent que le principe de sécurité juridique correspond au droit naturel de la sûreté. Dans les institutions européennes, la sécurité juridique est un principe explicitement reconnu dans les textes. En France, il figure dans la constitution par l'intermédiaire de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui inclut la sûreté, sans être décrit explicitement.

Bibliographie

Voir aussi

Citations

« La loi naturelle est écrite dans le cœur de l'homme » (Cicéron) [réf. nécessaire].

Références

  1. Telle est la définition du Petit Larousse.
  2. Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Association Capitant, 8e ed., 2007, Puf, coll. Quadrige, V° Naturel


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Droit naturel de Wikipédia en français (auteurs)

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