Acte Administratif Unilatéral En France

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Acte administratif unilatéral en France

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En droit français, l'acte administratif unilatéral est l'acte administratif pris par une personne publique créant des droits et obligations à l'égard des administrés. On l'oppose au contrat administratif.

Sommaire

Les catégories d'acte administratif unilatéral

On distingue les actes réglementaires qui définissent une situation générale, des actes non-réglementaires qui se composent en majorité des décisions individuelles (caractérisant une situation individuelle), des décisions collectives (concernant plusieurs personnes dont la situation est solidaire) et les décisions particulières (pour une situation individualisée qui a des effets sur un nombre indéterminé de personnes).

Exemples :
règlement : interdiction de stationner dans une rue
décision individuelle : M. X est titularisé comme professeur certifié
décision collective : résultat d'un concours
décision particulière : déclaration d'utilité publique

La distinction ne se fait pas sur le nombre de destinataires mais sur l'individualisation de cette décision.

L'entrée en vigueur de l'acte administratif unilatéral

Cette distinction n'est pas absolue, ainsi certains actes peuvent être les deux. De plus, certains actes sont soumis à un régime juridique qui emprunte aux deux catégories.

Si la validité (c'est-à-dire sa régularité juridique) d'un acte administratif s'apprécie dès sa signature, son opposabilité (c'est-à-dire sa capacité à produire des effets juridiques à l'égard de personne) ne s'apprécie qu'une fois ces destinataires informés par une publicité adéquate.

Pour les actes réglementaire, l'opposabilité est subordonnée à la publication/l'affichage de l'acte : ainsi, les décrets doivent être publiés au Journal Officiel, des ministères disposent de Bulletins Officiels pour accueillir leurs arrêtés et circulaires, les actes des départements doivent être publiés au Recueil des actes administratif disponible dans chaque préfecture, les arrêtés municipaux doivent être publiés dans le Bulletin municipal et affichés sur des panneaux spéciaux). L'ordonnance n°2004-64 "relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs" accorde au Journal Officiel électronique la même valeur que la version papier, renvoyant au Conseil d'Etat le soin de définir une liste d'actes administratifs dont la publication au J.O électronique suffit pour permettre l'entrée en vigueur.

Pour les actes individuels, l'opposabilité est subordonnée à la notification de la décision à l'intéressé par lettre avec accusé de réception.

Cependant, certains actes demandent des publicités complexes combinant notification aux intéressés et diverses publicités à l'égard des tiers (ainsi des permis de construire, notifiés aux intéressés, affichés en mairie et sur les terrains visés). Dans l'arrêt CEDH, 1992, Geouffre de la Pradelle[1], la juridiction européenne condamna la France en partie pour l'obscurité et l'incohérence de ses règles de publicité des décrets de classement de site.

L'entrée en vigueur ne peut être en principe rétroactive (CE, 1948, Société du journal l'Aurore : la non rétroactivité des actes administratifs est un PGD) : les AAU ne décident que pour l'avenir, afin d'assurer la sécurité juridique des administrés. Le principe connait de rares exceptions : les décisions de retrait, les décisions prises pour palier les effets d'une annulation pour excès de pouvoir (par nature, elle est rétroactive le plus souvent), les décisions prises en applications de lois rétroactives.

L'exécution de l'acte administratif

Selon l'arrêt CE, Ass., 1982, Huglo le caractère exécutoire des décisions administratives est "la règle fondamentale du droit public". Ce caractère entraîne le privilège du préalable (les décisions administratives sont présumées régulières) dont le corollaire est l'exécution provisionnelle (l'administration peut poursuivre l'exécution de ses décisions en dépit d'un recours dirigés contre elles.

Cette exécution provisionnelle ne connait que quelques limites : des dispositions législatives prévoient des sursis à exécution (arrêts de reconduite à la frontière en droit des étrangers, sursis à paiement en droit fiscal) et le juge a possibilité de prononcer des sursis à exécution s'il estime les moyens suffisamment sérieux et le préjudice que l'exécution entrainerait difficilement réparable, s'il doit statuer sur un référé-suspension.

Cependant, l'administration ne peut, sauf exception, exécuter elle-même les AAU auxquels s'opposent des administrés, sans autorisation juridictionnelle : la saisine d'une juridiction civile, répressive voir un juge des référés). Exceptionnellement, L'exécution forcée, est permise dans trois hypothèses, laissant la possibilité à l'administration d'utiliser son pouvoir de contrainte sans intervention préalable du juge : si une loi l'autorise (courant en matière de salubrité publique, par exemple), s'il y a urgence ou s'il n'existe aucune autre voie de droit possible (TC, 1902, Société immobilière de Saint-Just). En cas d'utilisation irrégulière de la contrainte, l'administration commet une voie de fait (CE, 1935, Action Française).

La disparition de l'acte administratif unilatéral

Disparition de l'acte administratif hors la volonté de l'administration

La disparition de l'acte administratif peut être due à la disparition de l'objet de l'acte, au décès de son destinataire. Elle peut résulter de son annulation pour illégalité par le juge administratif (le juge de l'excès de pouvoir) ou par le supérieur hiérarchique. Elle peut enfin résulter de la survenance du terme exprimé dans l'acte.

Disparition de l'acte administratif par la volonté de l'administration

L'administration peut retirer un acte de l'ordre juridique par deux moyens : l'abrogation qui ne fait disparaître que les effets de l'acte pour l'avenir ; le retrait, plus exceptionnel qui entraîne la disparition rétroactive des effets de l'acte.

Traditionnellement, la question -technique - s'articule :

  • autour des concepts d'actes créateurs et actes non créateurs de droits, distinction qui n'est pas forcément des plus maniable : sont des actes créateurs de droits la plupart des actes individuels sauf exceptions (décision recognitives, autorisations précaires, décision défavorables au destinataire, actes obtenus frauduleusement). Les décisions réglementaires ne sont pas créatrices de droits car, comme les lois, elles sont des actes impersonnels et généraux.
  • en fonction de la régularité ou de l'irrégularité des actes.

L'abrogation

L'abrogation est le procédé normal de l'administration. Elle peut être expresse (elle doit alors être prise par un acte contraire) ou tacite. En vue de concilier le PGD de la mutabilité des actes administratifs avec le PGD de la sécurité juridique, le juge administratif a rappelé la nécessité d'édicter le cas échéant des mesures transitoires entre la réglementation abrogée et la nouvelle réglementation (CE, 2006, Sté KPGM).

L'abrogation des actes réguliers
  • Pour les actes réguliers non créateurs de droits, l'abrogation est une faculté que l'administration peut à tout moment, sur simple opportunité, sans condition de légalité, utiliser et ce, même si le règlement avait été pris pour une durée précise (et avortée)  : cette liberté est justifiée par le principe de mutabilité des actes administratifs (CE, 1961, Vannier) : aucun droit acquis, aucun engagement contractuel ne peut faire obstacle à l'adaptation de l'administration aux nécessités mouvantes de l'intérêt général.
  • Pour les actes réguliers créateurs de droits, l'abrogation est impossible, mais un autre acte peut mettre fin aux effets produits : ainsi la nomination régulière d'un fonctionnaire ne peut être abrogée mais ce dernier peut être licencié, révoqué ou mis à la retraite.
L'abrogation des actes irréguliers

Qu'ils soient créateurs de droits ou non, l'administration a obligation d'abroger les actes devenus illégaux du fait d'un changement de droit ou de circonstances (CE, 1930, Despujol) sur simple demande d'un intéressé, le juge pouvant recevoir un REP contre la décision de refus d'abroger (implicite ou explicite).

Concernant les actes irréguliers dès leur origine, la jurisprudence a été longtemps plus floue, avant que l'arrêt C.E. Ass. 3 février 1989, Compagnie Alitalia[2] n'affirme l'obligation d'abroger les règlements illégaux dès l'origine ou en raison d'un changement de circonstance de droit ou fait (dans le cas d'espèce, règlement contraire aux objectifs d'une directive communautaire dont le délai de transposition était dépassé). Cependant, la jurisprudence Alitalia n'a s'applique pas explicitement aux actes créateurs de droits.

Le retrait

Encore plus attentatoire au principe de la sécurité juridique, il permet comme l'annulation d'un acte par le juge d'effacer rétroactivement les actes administratifs. De fait, il fut conçu comme un moyen de faire l'économie d'une future et probable annulation contentieuse, ses délais étant primitivement enfermés dans ceux du recours contentieux.

Retrait des actes non créateurs de droits

Concernant les règlements, le retrait n'est possible que tant que celui-ci n'est pas devenu définitif. Au delà, seule l'abrogation est possible, qu'il soit régulier ou non.

Concernant les décisions individuelles non créatrices de droit, le retrait est possible à tout moment (c'est le cas des actes frauduleux, des autorisations précaires).

En vertu du principe de non-rétroactivité des actes administratifs, les actes administratifs réguliers ne peuvent être retirés. Par exception, la jurisprudence a admis ce retrait pour les actes individuels à la demande de leur bénéficiaire.

Retrait des actes créateurs de droits

Concernant les actes individuels régulières créatrices de droit, le retrait n'est admis par la jurisprudence que si le bénéficiaire en fait lui-même la demande.

Pour les actes individuels irréguliers créateurs de droit, la règle traditionnelle provenait de l'arrêt Dame Cachet (C.E 3 novembre 1922) selon lequel l'administration pouvait retirer l'acte illégal tant que le juge de l'excès de pouvoir était compétent pour l'annuler. Le délai était donc de deux mois à compter de la publication éventuelle de l'acte. Cette jurisprudence a montré ses limites car l'absence de publication d'un acte individuel (et l'absence de notification aux tiers concernés) ne permettait pas de déclencher à leur égard le délai de deux mois. L'acte devenait donc retirable par l'administration indéfiniment (C.E 6 mai 1966 Ville de Bagneux). Cette jurisprudence fut tempérée par les arrêts Ève (C.E. Sect. 14 novembre 1969 ) en ce qui concerne les décisions implicites d'acceptation (non retirables) et Mme de Laubier (C.E. Ass. 24 octobre 1997) en ce qui concerne l’effet d’un défaut de mention des voies et délais de recours (dont l’administration ne pouvait se prévaloir à son propre profit).

Les règles de droit ont radicalement évoluées depuis.

  • Il faut distinguer trois cas quant aux décisions individuelles créatrices de droit mais illégales :

a) Pour les décisions implicites d'acceptation, l'article 23 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 indique qu’une telle décision peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre; 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé.

b) Pour les décisions implicites de rejet, la jurisprudence Cachet continue de s’appliquer : l’administration peut et doit retirer l’acte, pour illégalité, dans le délai du recours contentieux (CE, 26 janvier 2007, n° 284605, SAS Kaefer Wanner).

c) Pour les décisions explicites, la jurisprudence a été transformée profondément le 26 octobre 2001 avec l'arrêt Ternon selon lequel le retrait d'un acte créateur de droit explicite est possible, s'il est illégal et sauf législation ou réglementation spécifique, dans les quatre mois suivant la prise de décision et seulement dans ce délai (il peut aussi être retiré dans le cas, très rare, où le bénéficiaire demande lui-même le retrait). Le délai de retrait d'un tel acte est donc désormais totalement déconnecté du délai de recours contentieux.

Les décisions pécuniaires sont créatrices de droit, et ne peuvent être retirées au delà du délai de quatre mois (jurisprudence Soulier, C.E. 6 novembre 2002), mais peuvent être abrogée si les conditions légales de versement ne sont pas ou ne sont plus réalisées. En revanche, de simples erreurs de liquidation dans le paiement d'une somme ne sont pas créatrices de droit et l'administration est alors en droit de récupérer les trop-perçus.

Exceptions

a) Une exception aux règles précédentes résulte de l'article L. 424-5 du Code de l’urbanisme qui dispose, pour les décisions rendues après le 1er octobre 2007 :
« La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d’aucun retrait.
Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. »
Mais cette uniformisation des délais de retrait de l'article L.424-5 du Code de l’urbanisme ne concerne pas les certificats d'urbanisme.

b) D'autres exceptions peuvent résulter de normes spécifiques, notamment lorsque le droit de l'Union européenne entre en jeu.

Le cas des actes non-créateurs de droit

Par ailleurs, les actes individuels non-créateurs de droit (comme une autorisation précaire) peuvent toujours être abrogés par l'administration compétente qu’ils soient ou non réguliers. Il n'y a obligation d'abroger l'acte que si celui-ci est devenu irrégulier au cours de son existence (du fait d'un changement de circonstances). Enfin, l'administration peut et doit le retirer s'il était illégal dès le départ (cas d’un acte obtenu par fraude par exemple, ou d'un acte purement recognitif erroné).

Bibliographie

  • Yves Gaudemet, Traité de Droit administratif Tome 1 16e édition, 2001

Notes et références

  1. Le Conseil d'Etat avait considéré que la requête du demandeur était forclose, le délai courant à partir non pas de la notification du décret, mais de sa précédente publication
  2. Jurisprudence reprise par la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.
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