Dario Fo

Dario Fo
Dario Fo
Dario Fo.jpg
Activités Ecrivain, dramaturge, acteur, metteur en scène de théâtre
Naissance 24 mars, 1926
Sangiano
Langue d'écriture italien
Genres Théâtre
Distinctions Prix Nobel de littérature (1997)
Molière de l'auteur (2000)
Œuvres principales

Dario Fo (né le 24 mars 1926 à Sangiano, près de Varèse, en Lombardie, Italie) est un écrivain italien, dramaturge, metteur en scène et acteur, ce qui en fait un « homme de théâtre complet. »

Connu pour ses engagements politiques, Dario Fo est l'un des dramaturges italiens les plus représentés dans le monde avec Goldoni.

Dario Fo a une admiration sans bornes pour un dramaturge vénitien du XVIe siècle, Angelo Beolco, dit Ruzzante, qu'il considère comme son « plus grand maître avec Molière. » Dans le discours pour la réception du prix Nobel de littérature qu'il prononça à Stockholm en 1997, il rendit un hommage appuyé à « un extraordinaire homme de théâtre de ma terre, peu connu ... même en Italie. Mais qui est sans aucun doute le plus grand auteur de théâtre que l'Europe ait connu pendant la Renaissance avant l'arrivée de Shakespeare[1]. » Il insista sur la qualité du théâtre de Ruzzante, qu'il considère comme « le vrai père de la Commedia dell'arte, qui inventa un langage original, un langage de et pour le théâtre, basé sur une variété de langues : les dialectes de la Vallée du Pô, des expressions en latin, en espagnol, même en allemand, le tout mélangé avec des onomatopées de sa propre invention[1]. »

Sommaire

Biographie

Fils de Felice Fo et de Pina Rota, connus pour leurs activités antifascistes, il se dit contraint de devancer l'appel, après avoir essayé de s'y soustraire, et de s'engager volontairement à 17 ans, en 1943, comme parachutiste pour l'aventureuse République de Salò, sachant qu'il s'agissait du seul moyen d'éviter d'éventuelles représailles sur sa famille. Une longue polémique l'a opposé sur ce point à un journaliste en 1975.

Il sort diplômé en 1950 de l'Académie des beaux-arts de Brera de Milan dans la section Architecture. Il y avait également étudié la mise en scène et fut intrigué puis finalement obsédé par la découverte des grandes machineries de la Renaissance. Il y avait aussi cultivé son goût pour la peinture.

Dario Fo au MondoMare Festival à Lerici

Il débute à la radio (Sette Giorni a Milano et Rosso e Nero) et à la télévision, où il joue, avec son accent lombard, les monologues satiriques qu'il écrit et qui se veulent des fresques délirantes.

À partir de 1952, avec Franco Parenti (it) et Giustino Durano, il s'illustre en tant qu'acteur dans des pièces comiques à sketches, présentant des situations absurdes, au texte rapide, joué avec une précision millimétrique : Il dito nell'occhio. Il y rencontre Franca Rame qu'il épouse à Milan à la basilique Sant'Ambrogio, le 24 juin 1954.

Avec elle, il part pour Rome, où il est embauché pour collaborer à la mise en scène de plusieurs films de 1955 à 1958 : Lo svitato (1956), Souvenir d'Italie (1957), Les Époux terribles (Nata di Marzo, 1958).

Parallèlement, il fonde avec Franca Rame une compagnie théâtrale, et crée des pièces courtes, qui s'inspirent de Georges Feydeau ou d'Eugène Labiche pour la mécanique de scène et de Jacques Tati ou Charles Chaplin pour le caractère des personnages. Il joue aussi dans des pièces de Shakespeare et de Molière, ainsi que dans des farces traditionnelles et régionales issues du répertoire de Franca Rame.

En 1959, sa pièce de théâtre, Les archanges ne jouent pas au flipper (it) (Gli arcangeli non giocano a flipper), écrite en une vingtaine de jours, le propulse au rang des dramaturges en vogue et lance sa carrière internationale, à raison d'une pièce nouvelle chaque automne, jusqu'en 1967.

Le style de ses pièces perpétue le style de la commedia dell'arte et de la farce médiévale : l'improvisation, le déluge verbal, la performance physique et l'enchaînement de gags en sont les principales caractéristiques. L'utilisation de parlers populaires, d'accents régionaux et de formules idiomatiques occupe également une place de choix. Le théâtre de Fo se démarque par une esthétique grotesque, faisant la part belle aux allusions scatologiques et aux notations grivoises. À noter aussi un remarquable sens de l'économie et d'invention dans l'utilisation de rares accessoires. Souvent chez Fo, qui met en scène ses propres pièces, un même acteur interprète plusieurs personnages (référence au théâtre grec antique) et porte un masque ou un accoutrement et un maquillage volontairement simple et délibérément trivial ou bouffon. Fo cherche souvent à dépasser le cadre de la représentation scénique en la parodiant et en la renvoyant à sa nature d'artifice. Le naturalisme est farouchement rejeté puis le faux et l'invraisemblable sont érigés en principes incontournables. Ainsi, il n'est pas rare de voir les comédiens s'adresser au public et l'utiliser comme extension de la scène, commenter les objets du décor, critiquer ouvertement la progression dramatique de la pièce et émettre des jugements sur les contraintes imposées par la préparation d'un rôle.

Quant au fond, le comique, la fantaisie et la satire s'inscrivent dans une perspective éminemment politique, voire militante : la charge sociale aux accents anti-conformistes, anti-capitalistes et anti-cléricaux est toujours présente, entraînant fréquemment la censure, qui se révéla particulièrement féroce en 1962 pour une émission télévisée, Canzonissima, où le couple Fo-Rame est médiatiquement lynché, car on tolérait encore qu'ils fassent rire de petites salles de théâtre, mais on s'effrayait du message corrosif qu'ils pourraient faire passer avec les médias.

Dario Fo à Cesena (2008)

Par conviction « anti-bourgeoise », refusant de poursuivre le rôle de « bouffon de la bourgeoisie », ils amènent le théâtre dans les usines et les maisons du peuple, s'inspirant de l'idée de théâtre national populaire du TNP et des pièces de Bertold Brecht. Les spectateurs viennent souvent pour la première fois au théâtre pour voir une de ses pièces.

Après 1968, la compagnie est organisée en coopérative pour éviter les contrôles aussi bien économiques que politiques. Les spectateurs deviennent des adhérents et chaque pièce est suivie d'un débat. Les thèmes sont plus explicitement politiques et provocateurs. Grande pantomima con bandiere e pupazzi piccoli e medi ((Grande pantomime avec drapeaux et pantins petits et moyens) est une des pièces emblématiques de cette période.

Franca Rame rapporte qu'il est arrivé durant cette période que l'évêque de Vicenza demande à la police d'arracher toutes les affiches de leur spectacle ou que, refusant les coupes imposées dans leur texte par la censure, ils ont joué malgré tout le texte original en risquant ainsi l'arrestation immédiate. Le manuscrit des Arcangeli aurait ainsi fait l'objet de 280 plaintes et demandes de censure, de la part de la police, à chaque fois que la pièce était jouée. Dario Fo fut même défié en duel par un militaire ne supportant pas des répliques moqueuses sur l'armée dans l'histoire de Christophe Colomb remaniée dans Isabelle, trois caravelles et un charlatan (Isabella, tre caravelle e un cacciaballe).

En 1969, Mystère bouffe est un one-man-show inspiré des mystères et des « jongleries » populaires du Moyen Âge. La pièce utilise fréquemment le gromelot, langage peu compréhensible et véhément, dont seuls certains passages, parfois dialectaux, sont vaguement compréhensibles. Le gromelot suscite immanquablement le rire du public et sa complicité.

Les tracasseries administratives attirent l'attention et lui amènent un public toujours plus grand. Fo crée le groupe Nuova Scena dans un hangar et compte plus d'abonnés, dès la première saison, que le Piccolo Teatro de Milan ; l'endroit est un lieu de discussions animées. Il fonde aussi le collectif La Commune pour développer le théâtre de rue, se démarquant ainsi du parti communiste.

Inspiré d'un fait réel, en 1970, Mort accidentelle d'un anarchiste (it) (Morte accidentale di un anarchico) donne avec humour et brio, sa version abracadabrante du cas de l'anarchiste Giuseppe Pinelli, dont la garde à vue, à la questure de Milan, s'était soldée par une défenestration mal expliquée. L'anarchiste serait un de ces personnages de soi-disant « fous » ou « bouffons », que Dario Fo affectionne et qu'il utilise fréquemment dans ses pièces pour les effets comiques absurdes qu'il peut créer avec et pour pouvoir contourner la censure.

Dario Fo réussit à se débattre aussi bien avec les pressions extérieures, que les dissensions internes au collectif, (qui se sépare en 1972), tout en réussissant à écrire plusieurs pièces par an. L'année suivante, un drame surgit dans la vie de son couple : Franca Rame est enlevée, torturée et violée pendant plusieurs heures par des militants d'extrême droite[2]. Rame ne réussira à évoquer ce traumatisme que dans les années 1980.

En 1974, il inaugure son propre théâtre avec sa pièce à succès Faut pas payer ! (Non si paga, non si paga !) , satire pittoresque et acerbe du monde industriel et de la société de consommation.

En 1977, ses principales pièces passent finalement à la télévision dans un cycle intitulé Le Théâtre de Dario Fo, qui le fait connaître du grand public. Il est même quelque temps présent dans le hit-parade comme parolier. D'ailleurs, nombreuses sont ses pièces accompagnées de chansons.

Anticonformiste, provocateur, engagé politiquement à l'extrême-gauche, il a de nombreux démêlés avec la justice italienne et le Vatican tout comme le Parti communiste italien. Interdit de séjour aux États-Unis en 1980, il reçoit le prix Sonning en 1981. En 1990, il met en scène Le Médecin malgré lui et Le Médecin volant deux courtes pièces de Molière à la Comédie-Française.

Si la tolérance s'est accrue, Dario Fo continue ses charges en s'inspirant aujourd'hui toujours plus de l'actualité. En 1989, Il papa e la strega (Le pape et la sorcière) est une charge anticléricale à propos d'une loi anti-drogue répressive. Avant la commémoration de 1992, il donne une nouvelle fois sa vision de l'aventure de Christophe Colomb avec Johan Padan à la découverte des Amériques (Joan Padan a la descoverta delle Americhe).

Il obtient la consécration internationale pour son abondante production théâtrale en se voyant attribuer le prix Nobel de littérature en 1997, récompense surprise qui partage la presse et les critiques[3].

Il gagne également un Molière, à Paris, en 2000 pour Mort accidentelle d'un anarchiste puis devient l'un des premiers satrapes étrangers du Collège de ’Pataphysique en 2001 avec notamment Umberto Eco.

Dans les années 2000, il écrit des charges contre Silvio Berlusconi et ses démêlées judiciaires dans Ubu roi, Ubu bass, et L'anomalo bicephale. Il met en doute la thèse officielle du gouvernement américain concernant les évènements du 11 septembre 2001. Il participe au film Zero : enquête sur le 11 septembre.

Engagé politiquement depuis longtemps, il se présente aux élections du 29 janvier 2006 à la mairie de Milan et obtient plus de 23% des voix, contre Bruno Ferrante. Il est aujourd'hui conseiller municipal.

En 2006, il est nommé docteur honoris causa de la prestigieuse université de Rome « La Sapienza », comme avant lui Luigi Pirandello et Eduardo De Filippo.

En 2010, l’œuvre de Dario Fo est particulèrement reconnnue en France : sa pièce Mystère bouffe et fabulages fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française (mise en scène par Muriel Mayette), où il a été lui même un metteur en scène apprécié autrefois , et ses pièces sont inscrites au programme du concours de l'agrégation d'italien.

Bibliographie italienne

  • Gli arcangeli non giocano a flipper
  • Aveva due pistole con gli occhi bianchi e neri
  • Chi ruba un piede è fortunato in amore
  • Isabella, tre caravelle e un cacciaballe
  • Settimo: ruba un po’ meno
  • La colpa è sempre del diavolo
  • Grande pantomima con bandiere e pupazzi piccoli e medi
  • L’operaio conosce 300 parole, il padrone 1000: per questo è il padrone.
  • Legami pure che tanto io spacco tutto lo stesso
  • Vorrei morire anche stasera se dovessi pensare che non è servito a niente
  • Tutti uniti! Tutti insieme! Ma scusa, quello non è il padrone ?
  • Fedayn
  • Mistero Buffo
  • Ci ragiono e canto
  • La marcolfa
  • Gli imbianchini non hanno ricordi
  • I tre bravi
  • Non tutti i ladri vengono per nuocere
  • Un morto da vendere
  • I cadaveri si spediscono e le donne si spogliano
  • L’uomo nudo e l’uomo in frak
  • Canzoni e ballate
  • Morte accidentale di un anarchico
  • La signora è da buttare
  • Coppia aperta, quasi spalancata
  • 25 monologhi per una donna
  • Una giornata qualunque
  • Il papa e la strega
  • Il primo miracolo del bambino gesú
  • Dialogo con i matti
  • Joan Padan a la descoverta de le Americhe
  • Il diavolo con le zinne
  • Lu santo juliare Francesco
  • Il tempio degli uomini liberi
  • Ubu roi, Ubu bass
  • L’anomalo bicefalo
  • L'Apocalisse rimandata

Bibliographie française

  • Mort accidentelle d'un anarchiste (Ed Arche)
  • Faut pas payer !
  • Mystère bouffe (Mistero buffo, 1969) (Ed Arche)
  • Histoire du tigre et autres histoires (Ed Arche)
  • Récits de femmes et autres histoires (avec Franca Rame) (Ed Arche)
  • Premières farces.
  • Klaxon et trompettes... et pétarades.
  • Le gai savoir de l'acteur.(Ed Arche)
  • Johan Padan à la découverte des Amériques. (Ed Arche)
  • Le Pays de Mezaràt, mes sept premières années et un peu plus (Plon, 2004, ISBN 2-259-19932-1, ISBN Ed. Orig. 88-07-01626-5).
  • Le monde selon Fo (Fayard)
  • Amour et dérision
  • L'apocalypse différée ou à nous la catastrophe (Fayard, 2010, ISBN 978-2-213-64386-1).

Bibliographie internationale

  • Concetta D'Angeli - Simone Soriani, Coppia d'arte - Dario Fo e Franca Rame, Pise, Edizioni Plus, 2006 [1]
  • Tom Behan, Dario Fo. Revolutionary Theather, Pluto Press 2000
  • Ruggero Bianchi, La teatralizzazione permanente. Happening proletario e rituale della militanza nel teatro politico di Dario Fo, in « Biblioteca Teatrale », n. 21-22, 1978
  • Luciana D'arcangeli, Franca Rame giullaressa, in Franca Rame. A Woman on Stage, Bordighera 2000
  • Joseph Farrell, Dario Fo & Franca Rame. Harlequins of the revolution, Methuen 2001
  • Tony Mitchell, Dario Fo. People's court jester, Methuen 1999
  • Antonio Scuderi, Dario Fo and Popular Performance, Legas 1998; ID, The Cooked and the Raw: Zoomorphic Symbolism in Dario Fo's Giullarate, in « The Modern Language Review », n. 1, vol. 99, janvier 2004
  • Simone Soriani, Dario Fo. Dalla commedia al monologo (1959-1969), Corazzano (PI), Titivillus, 2007
  • Chiara Valentini, La storia di Dario Fo, Feltrinelli 1997
  • Paolo Puppa, Il teatro di Dario Fo, Marsilio 1978
  • Claudio Meldolesi, Su un comico in rivolta, Bulzoni 1978

Notes et références


Précédé de :
Wisława Szymborska
Prix Nobel de littérature
1997
Suivi de :
José Saramago



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