Danses macabres

Danses macabres

Danse macabre

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Une des 17 gravures sur bois de la Danse macabre du cloître des Saints Innocents à Paris. Publiées en 1485 par deux éditeurs parisiens, Guyot Marchant et Verard, elles furent diffusées dans toute l’europe. Le seul exemplaire parvenu jusqu'à nous se trouve à la bibliothèque de Grenoble.
Détail de la danse macabre de l'église Saint-Germain de La Ferté-Loupière dans l'Yonne.

La Danse macabre est un élément, le plus achevé, de l'art macabre du Moyen Âge, du XIVe au XVIe siècle. Par cette sarabande qui mêle morts et vivants, la Danse macabre souligne la vanité des distinctions sociales, dont se moquait le destin, fauchant le pape comme le pauvre prêtre, l'empereur comme le lansquenet.

Tout au long du XVe siècle et au début du XVIe, ce thème est peint a fresco sur les murs des églises et dans les cimetières d'Europe du Nord. Il est diffusé à travers l'Europe par les textes poétiques colportés par les troupes de théatre de rues.

Cette forme d'expression est le résultat d'une prise de conscience et d'une réflexion sur la vie et la mort, dans une période où celle-ci est devenue plus présente et plus traumatisante. Les guerres — surtout la guerre de Cent Ans — les famines et la peste, que représentent souvent les trois cavaliers de l'Apocalypse, ont décimé les populations[1].

Sommaire

Contexte artistique

Danse macabre du Triomphe de la Mort, Clusone (Italie, 1485).

La Danse macabre est une étape dans la représentation de la Mort. Ce thème apparaît après celui du Dit des trois morts et des trois vifs, du Triomphe de la Mort, de l'Ars moriendi, du Mors de la Pomme, des Vanités et des Memento mori.

Mais alors que la leçon du Triomphe de la mort présente l'individu mourant, ayant le temps de faire un dernier examen de conscience, la Danse macabre entraîne celui-ci immédiatement vers la pourriture, en montrant une Mort insensible aux inégalités sociales.

XVe siècle

À l'origine, la Danse macabre constituait le sujet de représentations théâtrales populaires, les Mystères.

Elle prenait donc la forme d'échanges verbaux — le plus souvent de quatre lignes — entre la Mort et 24 personnes rangées par ordre hiérarchique. Un rôle prépondérant y était vraisemblablement attribué aux sept frères macabres, à leur mère et à Eléasar. Une représentation eut d'ailleurs lieu à Paris dans le cloître des Innocents en leur mémoire. D'où le nom consacré en latin de chorea macabæorum (danse macabre). D'autres théories prétendent que le mot « macabre » vient de l'arabe makabir qui signifie "tombeaux" ou "cimetière", ou encore d'un peintre du nom de Macabré. La prédication des Ordres mendiants contribua à la diffusion dans la chrétienté de ce thème du destin inéluctable de l'homme et de l'égalité de tous devant la mort.

  • L'une des plus anciennes figurations de Danse macabre connue apparaît à Paris, en 1424, sur les murs du charnier du cloître des Saints Innocents. Cette fresque, aujourd'hui détruite[2], ne comportait que des hommes[3]. Elle nous est parvenue à travers des gravures populaires que l'on retrouve dans le Manuscrit de Blois, au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France.
  • Vers 1440, le moine anglais John Lydgate traduisit le poème et recopia la représentation du charnier des Saints Innocents sur l'église Saint Paul de Londres[4]. Le thème de la Danse macabre se diffusa ainsi en Angleterre.
  • On retrouve autour de 1460, dans l'église de Lübeck, une Danse macabre apparue lors du passage de la « mort noire » (la peste). Cette peinture murale de la chapelle de la mort fut en partie annotée par Bernt Notke. Les vers en allemand populaire ont partiellement été conservés jusqu'à aujourd'hui.
La danse macabre y est représentée sous sa forme la plus simple : 24 figures humaines, ecclésiastiques et laïques, dans l'ordre décroissant de pape, empereur, impératrice, cardinal, roi, jusqu'au paysan, jeune homme, jeune femme et enfant. Chaque personnage y danse toujours avec son mort.
Cette fresque fut détruite au cours de la Seconde Guerre mondiale. Deux vitraux réalisés par Alfred Mahlau en 1955-1956 rappellent aujourd'hui dans cette chapelle ce chef-d'œuvre disparu.
Fragment de la Danse macabre de Bernt Notke pour Rīga aujourd'hui dans l'ancienne église Saint-Nicolas de Tallinn.
  • À partir du milieu du XVe siècle, de nouvelles fresques apparaissent. Elles sont exécutées dans les églises d'Amiens, d'Angers, de Dijon ou de Rouen, aussi bien sur le sol que sur les façades.
A la dança mortal venid los nascidos
que en el mundo soes de qualquier estado ;
el que non quisiere a fuerça de amidos
facerle e venir muy toste parado.
Pues ya el freire vos ha pedricado
que todos vayais fazer penitencia,
el que non quisiere poner diligencia
por mi non puede ser mas esperado.

XVIe siècle

  • À partir du milieu du XVIe siècle, les images de danses macabres se renouvellent et deviennent de plus en plus variées. Les vers sont parfois abandonnés.
  • À Bâle, dans un premier temps, les Danses macabres sont transférées de la basse ville à la haute ville, sur les murs du cloître. Le nombre et l'arrangement des couples dansants restent identiques mais un prêtre est ajouté au début et un pêcheur à la fin. Lors de la destruction des murs en 1805, il ne subsiste de l'original que quelques fragments, bien que des illustrations aient été conservées parallèlement aux vers. Ce qui est devenu la célèbre « mort de Bâle » donna une nouvelle impulsion à cette catégorie de représentations, bien que la poésie ait complètement abandonné le genre.
  • Herzog Georg de Sachse fit réaliser en 1534, le long du mur du troisième étage de son château, un bas-relief de pierre. Cette Danse macabre était d'une composition tout à fait novatrice avec 24 personnages et trois figures mortuaires grandeur nature, sans couple dansant. Cette œuvre fut très endommagée par le grand incendie de 1701, puis restaurée et transférée dans la paroisse de Dresde[5].
  • Cette représentation est à l'origine de celle de l'église de Strasbourg, qui montre différents couples dans lesquels chacun est invité à danser par sa mort[6].
  • La Danse macabre de la Marienkirche à Berlin date elle aussi des années 1470-1490. Nicolas Manuel peint une vraie Danse macabre entre 1514 et 1522 sur les murs du cloître de Berne, constituée de 46 images, qui ne sont plus aujourd'hui accessibles que sous la forme de reproductions.

L'apport de Hans Holbein

Hans Holbein fait basculer la représentation de la Danse macabre d'une farandole tragi-comique, à la portée symbolique, vers l'idée d'une lutte individuelle et quotidenne avec la Mort.
  • Avec l'apparition de Hans Holbein le Jeune, la Danse macabre adopte une toute nouvelle forme artistique. Celui-ci met en scène l'irruption brutale de la Mort dans le travail et la joie de vivre. Cette représentation prend le pas sur l'idée que la mort n'épargne aucune classe sociale.
Ses œuvres (le plus souvent des gravures) parurent dès 1530 et furent largement diffusées sous forme de livres à partir de 1538.

Siècles tardifs

D'autres auteurs ont exploité ce thème, dont :

Représentations murales

En France

Parmi les représentations murales de la Danse macabre, la France possède plusieurs fresques intérieures :

En Suisse

  • À Lucerne, le Spreuerbrücke « Pont de la Danse des Morts », pont couvert datant de 1408 et ses 67 panneaux de Kaspar Meglinger (1626-1635)

Galerie

Autres formes de représentations

Dans l'architecture et le mobilier

Dans les manuscrits

Dans la musique

Emprunts et références

Notes

  1. En 1347, la grande peste ou peste noire, en provenance d'Asie mineure, apparaît en Europe. En moins de 4 ans, elle tua probablement 25 millions de personnes. 10 ans plus tard, une deuxième vague d'épidémie emporta environ 30 % de la population du continent. Au cimetière des Saints-Innocents, les inhumations de 1417 provoquèrent une élévation du sol de deux mètres.
  2. Le charnier fut détruit en 1554 pour laisser place à une avenue.
  3. L'éditeur Guyot Marchant publiera en 1486 une Danse macabre des femmes.
  4. Une fresque aujourd'hui disparue.
  5. Illustrée par Nanmann en 1844 sous le titre La mort dans toutes ses relations.
  6. Illustrée par Edel sous le titre La nouvelle église de Strasbourg.

Voir aussi

Bibliographie

  • Utzinger (Hélène et Bertrand), Itinéraires des Danses macabres, éditions J.M. Garnier, 1996, ISBN 2-908974-14-2.
  • André Corvisier. Les Danses macabres, Presses Universitaires de France, 1998. ISBN 2-13-049495-1.
  • Cet article comprend des extraits du Dictionnaire Bouillet. Il est possible de supprimer cette indication, si le texte reflète le savoir actuel sur ce thème, si les sources sont citées, s'il satisfait aux exigences linguistiques actuelles et s'il ne contient pas de propos qui vont à l'encontre des règles de neutralité de Wikipédia.

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