Daniel Paul Schreber

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Daniel Paul Schreber, né le 25 juillet 1842 à Leipzig et décédé le 14 avril 1911 était un magistrat. Il est célèbre pour ses délires psychotiques, qu'il raconte dans un ouvrage autobiographique : “Mémoires d’un névropathe”.

Sommaire

Biographie

Fils de Moritz Schreber, un médecin renommé, Daniel Paul est le troisième d’une fratrie de cinq enfants.

Il entreprend avec succès une carrière dans la magistrature. En 1884, après un échec aux élections à l’Assemblée nationale allemande (Reichstag), il traverse un épisode hypocondriaque, avec tentative de suicide.

En octobre 1893, il est nommé Président de chambre à la cour d’appel de Dresde. Victime d’insomnies qu’il attribue dans un premier temps à un surmenage, il est rapidement contraint d’entrer en maison de santé. Quelques mois plus tard, en proie à de nombreuses hallucinations, il est suspendu de ses fonctions, mis sous tutelle et placé dans une clinique spécialisée pour malades mentaux.

En 1900, après un procès, il obtient de pouvoir sortir librement de l’asile et de publier ses mémoires intitulés Mémoires d’un névropathe, qui exposent en détail les formes de son délire.

Le délire de Schreber

Le délire de Schreber s’articule autour d’un système complexe de relations des êtres à Dieu ; celui-ci est censé pouvoir examiner à tout moment des « nerfs » des individus, métonymies de l’être humain. Schreber est persuadé qu’on le persécute parce que ses propres nerfs attirent Dieu.

Après son premier internement (pour cause d'hypocondrie), le président Schreber est reconnaissant envers son médecin, le professeur Flechsig, mais ces sentiments sont selon Freud dus à un processus de transfert, où Schreber prend le médecin comme succédané, à la place de personnes significatives (souvent aimées) par Schreber. Mais lors d'une absence prolongée de sa femme, Schreber fait un rêve (il a des pollutions nocturnes) où il éprouve des désirs homosexuels envers son ancien médecin. Ce désir homosexuel dont le medecin est l'objet amène Schreber à souhaiter devenir une femme. Mais il refoule cela, Flechsig devient alors son persécuteur: "l'être désiré devint maintenant le persécuteur, le contenu de la fantaisie de souhait devint le contenu de la persécution" (Freud, Cinq psychanalyses, p444). Par la suite, le délire de persécution de Schreber évolue, et Dieu devient le nouveau persécuteur. C'est là une aggravation du conflit, mais aussi le début d'une solution. Car il accepte alors ses désirs homosexuels: il est plus facile de s'offrir à Dieu. Prend place alors un délire de grandeur pour "rationaliser" ses désirs. Car s'il est digne d'être persécuté, c'est seulement parce que lui même est une personnalité puissante. D'ailleurs, même le soleil pâlit devant lui. Schreber devient alors la femme de Dieu, et sa fantaisie de devenir une femme devient une idée morbide: il rêve de devenir une femme soumise à la copulation. Et ce pour la raison qu'il n'a jamais réussi à avoir d'enfants avec sa femme. Ainsi, le but de Schreber, dans sa paranoïa, est de "repeupler le monde de nouveau-nés à l'esprit schrébérien".(Lacan démontra que les hypothèses de Freud quant à l'homosexualité de Schreber était fausse, car il n'y a pas de refoulement dans la psychose. L'homosexualité à l'époque de Freud était considéré comme une perversion, bien sur maintenant nous savons que cela est faux. Freud a essayé d'expliquer un cas psychotique par les processus de névrose car ce n'étaient que les seules bases théoriques sur lesquelles il pouvait s'appuyer.)

Freud, après d’autres, s’y est intéressé. Lacan a suivi son exemple, en rejetant certaines hypothèses de Freud. Le philosophe Gilles Deleuze et le psychanalyste Félix Guattari en ont parlé à leur tour, dans le cadre de leur théorie de la schizophrénie.

Interprétation de Freud

Sigmund Freud consacra une étude aux Mémoires d'un névropathe dans le recueil Cinq psychanalyses, sous le titre « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa : Le président Schreber». Il interprète en général la paranoïa comme une conséquence de l'homosexualité. Il y a d'abord inversion du sentiment d'amour en haine, puis projection. Dans le cas de Scheber, l'homosexualité refoulée se traduit d'abord par un délire de persécution, dans lequel son ancien médecin, le professeur Flechsig, cherche à le transformer en femme. Ensuite, ce n'est plus Flechsig qui le persécute, mais Dieu. Et le délire devient mystique, Schreber, par son union avec Dieu, devant faire le salut du monde.

Interprétation de Schatzman

En 1973, le psychiatre américain Morton Schatzman dans Soul Murder: Persecution in the Family[1] mis au jour que le père de Schreber - Daniel Gottlob Moritz Schreber - l'avait gravement persécuté dans son enfance.

Interprétation de Lacan

Exposée dans le chapitre des Écrits de Jacques Lacan intitulé « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », ainsi que dans son «  Séminaire sur les psychoses », cette interprétation est résumée dans l'article :

Interprétation de Deleuze et Guattari

A Saint Denis en 1980, Deleuze revient sur son approche (avec Guattari et dans un collectif étudiant) du "cas Schreber": (...) " Je prends un exemple : qu’est-ce que c’est que Schreber, le Président Schreber, le fameux Président Schreber ? Alors on l’avait étudié de très très près, ça nous avait tenus très longtemps. Si vous prenez ce délire, c’est quoi, vous voyez quoi ? C’est tout simple, vous voyez : un type qui ne cesse de, de délirer quoi ? L’Alsace et la Lorraine. Il est une jeune Alsacienne - Schreber est allemand - il est une jeune alsacienne qui défend l’Alsace et la Lorraine contre l’Armée française. Il y a tout un délire des races. Le racisme du Président Schreber est effréné, son antisémitisme est effréné, c’est terrible. Toutes sortes d’autres choses en ce sens. C’est vrai que Schreber a un père. Ce père qu’est-ce qu’il fait le père ? C’est pas rien. Le père, c’est un homme très très connu en Allemagne. Et c’est un homme très connu pour avoir inventé de véritables petites machines à torture, des machines sadiques, qui étaient très à la mode au 19e Siècle, et qui ont pour origine Schreber. Ensuite beaucoup de gens avaient imité Schreber. C’était des machines de torture pour enfant, pour le bon maintien pour enfant. Dans les revues encore de la fin du 19e Siècle, vous trouvez des réclames de ces machines. Il y a par exemple, je cite la plus innocente, par exemple des machines anti-masturbatoire, les enfants couchent avec les mains liées, tout ça. Et c’est des machines assez terrifiantes, parce que la plus pure, la plus discrète, c’est une machine avec une plaque de métal dans le dos, un soutien-machoire là, en métal, pour que l’enfant se tienne bien à table. Ça avait beaucoup de succès ces machines. Alors bon, le père, il est inventeur de ces machines. Quand il délire le Président Schreber, il délire aussi tout un système d’éducation. Il y a le thème de l’Alsace et la Lorraine, il y a le thème : l’antisémitisme et le racisme, il y a le thème, l’éducation des enfants. Il y a enfin le rapport avec le soleil, les rayons du soleil. Je dis, mais voilà, il délire le soleil, il délire l’Alsace et la Lorraine, il délire la langue primitive du dieu primitif, il s’invente une langue de, qui renvoie à des formes de bas allemand, bon. Il délire le dieu-soleil, etc. Vous prenez le texte de Freud à côté, qu’est-ce que vous voyez ? Bien, il se trouve précisément que Schreber, il a écrit son délire, alors c’est un bon cas. Vous prenez le texte de Freud à côté, je vous assure, enfin si vous avez souvenir de ce texte - à aucune page il n’est question de rien de tout ça. Il est question du père de Schreber en tant que père, et uniquement, tout le temps, tout le temps. Le père de Schreber, et le soleil c’est le père, et le dieu c’est le père, etc., etc. (...) " source: La voix de Gilles Deleuze, http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=68


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Apparition de Schreber dans Dark City

D'après le réalisateur Alex Proyas, le personnage de « D. P. Schreber » dans son film Dark City (1998) est inspiré des mémoires de Daniel Paul Schreber.

Bibliographie

  • Sigmund Freud, Le Président Schreber. Un cas de paranoïa, Paris, Payot, coll. "Petite Bibliothèque Payot", 2011 (ISBN 978-2228906562)
  • Pâcome Thiellement, Schreiber Président, Fage Eds, 2006
  • Sigmund Freud, Le Président Schreber, PUF, 2004, (ISBN 2-13-054828-8)
  • Daniel Paul Schreber, Mémoires d'un névropathe, Points/Seuil, 1975
  • Elias Canetti, Masse et Puissance. Traduction Robert Rovini. Gallimard, 1966. (ISBN 2070705072)
    • Apparition de Schreber dans le film Dark City :D'après le réalisateur Alex Proyas, le personnage de « D. P. Schreber » dans son film Dark City (1998) est inspiré des mémoires de Daniel Paul Schreber.

Notes et références

  1. Random House, New York 1973, 193 p. Traduction : L'esprit assassiné, Stock 1973.

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