Copule (logique)

Copule (logique)

Syllogisme

En logique aristotélicienne, le syllogisme est un raisonnement logique à deux propositions (également appelées prémisses) conduisant à une conclusion qu'Aristote a été le premier à formaliser. Par exemple, Tous les hommes sont mortels, or les Grecs sont des hommes, donc les Grecs sont mortels est un syllogisme ; les deux prémisses (dites « majeure » et « mineure ») sont des propositions données et supposées vraies, le syllogisme permettant de valider la véracité formelle de la conclusion. La science des syllogismes est la syllogistique, à laquelle, entre autres, se sont intéressés les penseurs de la scolastique médiévale, mais aussi Antoine Arnauld, Gottfried Leibniz et Emmanuel Kant. Elle est l'ancêtre de la logique mathématique moderne et a été enseignée jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Sommaire

Étymologie

Du grec συν (syn), qui signifie "avec" ou "plus", et du grec (logos), qui peut signifier :

  • Parole
  • Discours
  • Étude
  • Raisonnement

Le sens de logos à utiliser est tout simplement parole (désignant ici une proposition) .
Syllogisme signifie donc littéralement "parole (qui va) avec (une autre)".

Introduction

Le syllogisme permet de mettre en rapport dans une conclusion deux termes, le majeur et le mineur, au moyen d'un moyen terme. Le majeur et le mineur ne doivent apparaître qu'une fois chacun dans les prémisses, le moyen terme est présent dans chaque prémisse (puisqu'il permet la mise en rapport des deux autres termes) tandis que la conclusion expose le rapport entre le majeur et le mineur, de sorte que le syllogisme est un « rapport de rapports » (expression de Renouvier, Traité). Voici un exemple de syllogisme :

  Termes
Prémisse majeure moyen   majeur
Tous les hommes sont mortels
or...
Prémisse mineure mineur   moyen
Tous les Grecs sont des hommes
donc...
Conclusion mineur   majeur
Tous les Grecs sont mortels

La syllogistique consiste à dresser la liste de toutes les formes de syllogismes correspondant à des raisonnements valides, et à étudier les liens qui existent entre ces diverses formes.

Avant de chercher à comprendre le fonctionnement des syllogismes, il faut prendre garde à un point des plus importants : dire d'un syllogisme qu'il est valide ou concluant, c'est affirmer que sa forme est valide. Sa vérité matérielle, cependant, n'importe pas. Ainsi, le syllogisme

Toutes les créatures à dents sont kleptomanes,
Or les poules ont des dents,
Donc les poules sont kleptomanes

est formellement valide. Il n'a, en revanche, aucune valeur de vérité matérielle.

Les propositions

Sujet et prédicat des propositions

Les syllogismes sont constitués de propositions, ou affirmations faites d'un sujet (désigné par S) relié par une copule à un prédicat (désigné par P), de type

S {sujet} est {copule} P {prédicat}, ce qu'on notera dans la suite (S ⊂ P), en utilisant la notation désignant les sous-ensembles.

Ces propositions doivent être construites dans un ordre précis : le sujet de la conclusion, en effet, doit être présent dans une des prémisses (normalement la mineure), son prédicat dans l'autre (la plupart du temps la majeure), pour que le syllogisme soit valide. Le moyen terme (M) établit le rapport : {M est P} or {S est M} donc {S est P}.
Note : l'ordre dans lequel apparaissent les prémisses n'importe pas. L'usage est de citer en premier celle qui contient la majeure, c'est-à-dire le prédicat de la conclusion.

Il est donc exclu que le moyen terme apparaisse dans la conclusion ou que l'une des prémisses mette en relation les deux termes extrêmes (termes mineur et majeur).

Rapport entre le sujet et le prédicat

En fait, la copule est introduit un rapport entre les deux concepts S et P. Ce rapport doit être appréhendé sous l'angle de la compréhension (désigne en logique l'ensemble des qualités et des caractéristiques propres à un ensemble, ou classe, d'objets) et de l'extension (l'ensemble des objets qui possèdent ces qualités et propriétés en commun). S est P doit se donc comprendre à la fois comme :

  • compréhension : « l'ensemble S possède l'attribut de P » ;
  • extension : « l'ensemble S fait partie de l'ensemble P ».

Ainsi, tous les hommes sont mortels se comprend doublement :

  • compréhension : « l'ensemble des hommes possède les caractéristiques de l'ensemble des mortels » ;
  • extension : « l'ensemble des hommes fait partie de l'ensemble des mortels ».

L'on voit donc, outre la répartition des termes au sein des prémisses, une seconde contrainte se dessiner : une proposition doit être constituée de propositions dans lesquelles le prédicat est un sur-ensemble du sujet. Un syllogisme peut donc se résumer ainsi :

[(M ⊂ P) ∧ (S ⊂ M)] => (S ⊂ P).

Or, une table de vérité permet de vérifier que cette expression est une tautologie (au sens logique) :

M P S 1 2 1 3 1 2 1 4 1 3 1
[(M P) (S M)] => (S P)
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 0 1 1 1 1 0 1 1 1 0 1 1
1 0 1 1 0 0 0 1 1 1 1 1 0 0
1 0 0 1 0 0 0 0 1 1 1 0 1 0
0 1 1 0 1 1 0 1 0 0 1 1 1 1
0 1 0 0 1 1 1 0 1 0 1 0 1 1
0 0 1 0 1 0 0 1 0 0 1 1 0 0
0 0 0 0 1 0 1 0 1 0 1 0 1 0

Cette table de vérité doit être lue ainsi : la conjonction de « M est P » et de « S est M » implique bien que « S est P ». En effet, l'implication (portant le numéro 4 dans le tableau) est vraie quelles que soient les valeurs de M, P et S.

Les classes de propositions

Le tableau vu plus haut permet de comprendre pourquoi, pour peu qu'il soit correctement construit, un syllogisme est valide formellement. Il ne permet cependant de considérer que les syllogismes dont toutes les propositions seraient affirmatives et universelles. Ce ne sont pas les seules possibilités.

Il existe en effet quatre classes de propositions, distinguées par leur qualité et leur quantité :

  • qualité : propositions affirmatives ou négatives ;
  • quantité : propositions universelles (le sujet concerne toute l'extension) ou particulières (une partie de l'extension).

Ces quatre classes sont désignées traditionnellement par des lettres mnémotechniques telles qu'utilisées par la scolastique médiévale :

  • A = affirmative universelle : « tous les hommes sont mortels » ;
  • E = négation universelle : « aucun homme n'est immortel » ;
  • I = affirmation particulière : « quelques hommes sont peintres » ;
  • O = négation particulière : « quelques hommes ne sont pas peintres ».

Pour retenir ces lettres : affirmo (latin « j'affirme »), nego (« je nie »).

Deux propositions disposant des mêmes sujet et prédicat peuvent s'opposer par leur qualité et/ou par leur quantité. Ainsi les oppositions qui peuvent être créées sont les suivantes :

  • Deux propositions contradictoires sont des propositions qui s'opposent par la qualité et la quantité 
  • Deux propositions contraires sont des propositions universelles qui s'opposent par la qualité 
  • Deux propositions subcontraires sont des propositions particulières qui s'opposent par la qualité 
  • Deux propositions subalternes sont des propositions qui s'opposent par la quantité.

On établit ainsi le carré logique de l'opposition des propositions.

Or, un syllogisme doit considérer la classe de ses propositions et l'ordre dans lequel elles apparaissent pour rester valide : le schéma [(M ⊂ P) ∧ (S ⊂ M)] => (S ⊂ P) ne suffit pas, ne serait-ce parce que l'on a parfois à faire à des exclusions d'ensembles, et non de seules inclusions.

Les modes

La position du moyen terme : notion de figure

On l'a dit, l'ordre dans lequel apparaissent les prémisses n'est pas pertinent. Ce qui l'est, en revanche, c'est la répartition du sujet et du prédicat de la conclusion au sein des prémisses, indiquée par celle du moyen terme.

La forme canonique d'un syllogisme est [(M ⊂ P) ∧ (S ⊂ M)] => (S ⊂ P). Dans ce cas, le moyen terme est sujet de la majeure et prédicat de la mineure. Cela dessine ce que l'on nomme la première figure, dans laquelle le terme majeur est prédicat de la prémisse majeure et le terme mineur sujet de la prémisse mineure. Trois autres figures sont cependant possibles :

  • 1re figure : [(M ⊂ P) ∧ (S ⊂ M)] ;
  • 2e figure : [(P ⊂ M) ∧ (S ⊂ M)] ;
  • 3e figure : [(M ⊂ P) ∧ (M ⊂ S)] ;
  • 4e figure : [(P ⊂ M) ∧ (M ⊂ S)]. Cette quatrième figure n'a pas été analysée par Aristote (considérant qu'elle revient à la première figure dont les prémisses seraient inversées) mais, selon la tradition, par Galien au IIe siècle de l'ère chrétienne. On la nomme aussi figure galénique.

L'extension des termes

Ces figures ont une importance dans la recherche des modes concluants car elles déterminent, outre la place du prédicat, celle des termes majeurs et mineurs ; or, selon qu'un terme est sujet ou prédicat, et selon la qualité de la proposition (affirmative ou négative), l'extension de ce terme varie. Si l'on se souvient que le syllogisme fonctionne sur l'inclusion de classes au sein d'autres classes, l'on comprend que l'extension des termes soit fondamentale : dire que tous les hommes sont mortels, or les Grecs sont des hommes donc les Grecs sont mortels nécessite que les ensembles hommes, mortels et Grecs soient pris dans la même extension d'un bout à l'autre du syllogisme ou au moins dans une extension moindre dans la conclusion. Si, par exemple, Grecs correspondait dans les prémisses à seulement les Grecs de Béotie et dans la conclusion à tous les Grecs, le syllogisme n'aurait aucun sens : la classe tous les Grecs n'est pas incluse dans la classe Grecs de Béotie. Sachant que l'extension des termes change selon la qualité de la proposition et leur place en son sein, il convient, si l'on veut respecter leur identité d'un bout à l'autre du syllogisme, de connaître les règles suivantes :

  • à proposition affirmative, prédicat particulier ;
  • à proposition négative, prédicat universel ;
  • à proposition universelle, sujet universel ;
  • à proposition particulière, sujet particulier.

En effet, dans :

  • tous les Grecs sont mortels, la classe Grecs est incluse dans celle des mortels ; l'on ne peut cependant pas dire que la classe mortels soit limitée à celle de Grecs (tous les Grecs sont mortelstous les mortels sont Grecs). L'on considère donc une partie de l'extension de mortels ;
  • aucun Grec n'est immortel, la classe immortel est saisie dans son entier : l'intégralité de la classe immortel n'a aucun point commun avec celle de Grecs. L'on peut donc dire qu'aucun Grec n'est immortel équivaut à aucun immortel n'est un Grec ;
  • quant aux sujets, ils sont quantifiés directement selon la quantité de la proposition où ils apparaissent : dans tout homme est mortel, la classe homme est prise en intégralité, dans quelques hommes portent une barbe de manière particulière.

L'on peut aussi résumer les questions d'extension en considérant les classes de propositions :

Classe de proposition Sujet de la proposition Prédicat de la proposition
A (universelle affirmative) universel particulier
E (universelle négative) universel universel
I (particulière affirmative) particulier particulier
O (particulière négative) particulier universel

L'extension des sujets et des prédicats, on le verra plus bas, joue dans la détermination des modes concluants.

Les modes concluants

Sachant qu'il existe quatre classes de propositions (A, E, I et O), qu'un syllogisme se compose de trois propositions et que le moyen terme dessine quatre figures, il existe donc 4³ × 4 = 256 modes. De ces deux cent cinquante-six, seuls vingt-quatre sont valides, ou concluants (six par figure), mais seuls dix-neuf sont en général retenus, et ceci depuis Théophraste. Cependant, Leibniz, dans son De Arte Combinatoria (1666), prend en compte les cinq autres, ces derniers ayant des conclusions particulières subalternes de conclusions universelles d'autres syllogismes.

Afin de dresser la liste des modes concluants, plusieurs règles (que l'on déduit d'autres règles logiques concernant l'extension des termes ; voir plus bas) sont à considérer :

  • l'extension des termes de la conclusion ne peut être plus importante que dans les prémisses ;
  • le moyen terme doit être universel au moins une fois dans les prémisses ;
  • on ne peut tirer de conclusion à partir de deux prémisses particulières ;
  • on ne peut tirer de conclusion à partir de deux prémisses négatives ;
  • deux prémisses affirmatives ne peuvent donner une conclusion négative ;
  • la conclusion doit être aussi faible que la prémisse la plus faible.

De sorte, il est possible de recenser les modes concluants. Ceux-ci sont depuis le Moyen Âge désignés par des noms sans signification dont les voyelles indiquent les classes des propositions. Ainsi, le syllogisme Barbara doit se comprendre comme étant composé de deux prémisses et d'une conclusion affirmatives et universelles (A).

Note : les noms de ces modes peuvent varier ; les logiciens de Port-Royal les disent « Barbari », « Calentes », « Dibatis », « Fespamo » et « Fresisom ».

De la première figure (« modes parfaits »)

Schéma : [(M ⊂ P) ∧ (S ⊂ M)] => (S ⊂ P) ; ces modes sont dits « parfaits » parce qu'ils ont servi à Aristote à démontrer le caractère concluant des modes des autres figures (ou « modes imparfaits »). En effet, tout syllogisme peut se ramener à l'un des quatre modes parfaits. Chacun de ces modes donne une conclusion d'une des classes :

  • Barbara : tout M est P, or tout S est M, donc tout S est P ;
  • Celarent : aucun M n'est P, or tout S est M, donc aucun S n'est P ;
  • Darii : tout M est P, or quelque S est M, donc quelque S est P ;
  • Ferio : aucun M n'est P, or quelque S est M, donc quelque S n'est pas P.

Deux syllogismes, bien que formellement valides, ne sont généralement pas retenus. Le premier (AAI) est subalterne de Barbara, le second (EAO) est subalterne de Celarent. Les conclusions qu'ils proposent sont affaiblies[1], et leur intérêt est donc limité :

  • AAI (Barbari)  : tout M est P, or tout S est M, donc quelque S est P ;
  • EAO (Celaront) : aucun M n'est P, or tout S est M, donc quelque S n'est pas P ;


De la deuxième figure

Schéma : [(P ⊂ M) ∧ (S ⊂ M)] => (S ⊂ P) ; tous ces modes ont une conclusion négative :

  • Baroco : tout P est M, or quelque S n'est pas M, donc quelque S n'est pas P ;
  • Camestres : tout P est M, or aucun S n'est M, donc aucun S n'est P ;
  • Cesare : aucun P n'est M, or tout S est M, donc aucun S n'est P ;
  • Festino : aucun P n'est M, or quelque S est M, donc quelque S n'est pas P.

Les deux syllogismes, AEO (Cesaro) et EAO (Camestrop), bien que valides, ne sont généralement pas retenus, car subalternes de Camestres et Cesare.


De la troisième figure

Schéma : [(M ⊂ P) ∧ (M ⊂ S)] => (S ⊂ P) ; chacun des modes de cette figure implique une conclusion particulière :

  • Bocardo : quelque M n'est pas P, or tout M est S, donc quelque S n'est pas P ;
  • Darapti : tout M est P, or tout M est S, donc quelque S est P [2] ;
  • Datisi : tout M est P, or quelque M est S, donc quelque S est P ;
  • Disamis : quelque M est P, or tout M est S, donc quelque S est P ;
  • Felapton : aucun M n'est P, or tout M est S, donc quelque S n'est pas P [3] ;
  • Ferison : aucun M n'est P, or quelque M est S, donc quelque S n'est pas P.


De la quatrième figure, dite « galénique »

Schéma : [(P ⊂ M) ∧ (M ⊂ S)] => (S ⊂ P) ; la conclusion des modes de cette figure ne peut pas être universelle affirmative. Les modes galéniques n'ont pas été reconnus concluants par Aristote.

  • Bamalip : tout P est M, or tout M est S, donc quelque S est P [4] ;
  • Camenes : tout P est M, or aucun M n'est S, donc aucun S n'est P ;
  • Dimatis : quelque P est M, or tout M est S, donc quelque S est P ;
  • Fesapo : aucun P n'est M, or tout M est S, donc quelque S n'est pas P [5] ;
  • Fresison : aucun P n'est M, or quelque M est S, donc quelque S n'est pas P.

Le syllogisme AEO (Calemop), bien que valide, n'est généralement pas retenu, car subalterne de Camenes.


Validation des modes concluants

On a indiqué plus haut des règles communes à toutes les figures permettant de repérer les modes concluants sans en expliquer les raisons profondes, si ce n'est évoquer l'importance de l'extension des termes. Ainsi, comment expliquer qu'un Bamalip galénique (tout P est M, or tout M est S, donc quelque P est S) est concluant mais pas un éventuel « Bamalap » galénique (tout P est M, or tout M est S, donc tout S est P) ?

Il faut, pour ce faire, étudier par le menu les règles de formation des syllogismes.

L'extension des termes de la conclusion ne peut être plus importante que dans les prémisses

L'extension des termes de la conclusion (ses sujet et prédicat) ne peut dépasser celle qu'ils ont dans les prémisses. Puisque la conclusion découle des prémisses, il faut que les ensembles qui y sont désignés soient ou les mêmes ou des plus petits pour que le jeu d'inclusion de classes au sein d'autres classes fonctionne. Cela explique pourquoi le mode Bamalip (tout P est M, or tout M est S, donc quelque S est P) de la quatrième figure ne peut avoir de conclusion universelle : dans cette figure, le terme mineur (sujet de la conclusion) est toujours prédicat, or, dans ce mode, il est pris en particulier puisque la proposition est affirmative. Il doit donc être particulier dans la conclusion.

Le moyen terme doit être universel au moins une fois dans les prémisses

Le moyen terme assurant le rapport entre les termes de la conclusion, celui-ci doit au moins une fois être utilisé sous son extension universelle. En effet, ce rapport ne fonctionne que si le moyen terme possède une identité claire. Or, si le moyen terme n'était considéré deux fois qu'en partie, rien ne permettrait d'affirmer que ces deux parties sont identiques ou que l'une est incluse dans l'autre. Ceci explique pourquoi les syllogismes de la deuxième figure, dans lesquels le moyen terme est toujours prédicat, donc pris particulièrement, ne peuvent suivre un schéma AAA : rien n'indique que dans les deux prémisses ce moyen terme serait le même : les cerises sont sphériques, or les yeux sont sphériques, donc les yeux sont des cerises. Dans les prémisses, les deux classes des objets sphériques évoqués ne se recoupent pas : le rapport entre le terme mineur et le majeur ne peut être assuré en l'absence d'un moyen terme non ambigu.

On ne peut tirer de conclusion à partir de deux prémisses particulières

Ce cas de figure est impossible. En effet, dans le cas où les deux prémisses seraient affirmatives particulières, tous les termes seraient particuliers (voir tableau plus haut), dont le moyen. Or, le moyen terme doit obligatoirement être pris au moins une fois universellement (voir plus haut).

Dans le cas où l'une des deux prémisses serait négative particulière (deux négatives étant impossibles ; voir plus bas), la conclusion devrait être négative, le prédicat P de la conclusion serait donc universel, et le syllogisme devrait contenir au moins deux termes universels, P et M. Le prédicat de la prémisse négative est universel, mais seule une prémisse universelle permettrait d'obtenir un sujet universel.

On ne peut tirer de conclusion à partir de deux prémisses négatives

Le sujet et le prédicat de la conclusion étant mis en rapport par le moyen terme, si ce rapport est nié deux fois, on ne peut naturellement établir de lien. Ainsi, il ne peut exister de syllogisme EEE ou OOO (ou un mélange quelconque de ces deux classes), qui ressemblerait à cela : aucun animal n'est immortel, or aucun dieu n'est un animal, donc aucun dieu n'est immortel.

Deux prémisses affirmatives ne peuvent donner une conclusion négative

Deux prémisses affirmatives unissent les termes de la conclusion par le moyen terme. On ne peut donc obtenir une conclusion négative, c'est-à-dire une absence de lien entre les termes. Cela exclut tous les modes AAE, AAO, IIE, AIE, IIO, etc.

La conclusion doit être aussi faible que la prémisse la plus faible

On entend par « faible » une hiérarchie au sein des qualités et des quantités :

  • la particulière est plus faible que l'universelle ;
  • la négative que l'affirmative.

Lorsque une des prémisses est négative (le cas où deux prémisses seraient négatives n'étant pas possible ; voir plus haut), le rapport établi par le moyen terme entre le terme majeur et le mineur est double : l'une des classes est incluse ou identique à celle du moyen terme, l'autre est exclue du moyen terme. Il ne peut donc y avoir d'union entre le majeur et le mineur.

De même, à supposer qu'une conclusion soit universelle affirmative, ses prémisses devront aussi être affirmatives et contenir chacune un terme universel, l'extension des termes de la conclusion ne pouvant dépasser celle des termes des prémisses. Si la conclusion est universelle négative, il faut que les prémisses contiennent trois termes universels, soient une négative (prédicat universel), et deux sujets universels.


Ces règles permettent d'expliquer le caractère concluant de tous les modes syllogistiques en excluant ceux qui ne seraient pas convaincants du fait de l'extension des termes. L'utilisation de syllogismes non concluants se rencontre cependant souvent dans le cadre de l'argumentation ; on parle dans ce cas de sophisme, la plupart du temps par généralisation, ou sophisme secundum quid.

Réduction aux modes parfaits

Techniques de réduction

Les quatre modes de la première figure, Barbara, Celarent, Darii, Ferio sont dits parfaits car le terme moyen y occupe une position médiane (sujet dans la majeure, prédicat dans la mineure). En outre, tous les autres modes peuvent s'y ramener au moyen de transformations élémentaires des propositions. L'initiale des modes parfaits B, C, D, F utilisent les premières lettres de l'alphabet, autres que A et E déjà prises pour désigner les universelles affirmatives et négatives.

Le nom des autres modes a été choisi de façon à pouvoir désigner le mode parfait vers lequel on peut les réduire ainsi que les transformations pour y parvenir.

  • Un mode donné peut être réduit au mode parfait portant la même initiale (B, C, D, F). Ainsi, Bocardo peut être réduit à Barbara, Cesare peut être réduit à Celarent, Dimatis peut être réduit à Darii, et Ferison peut être réduit à Ferio, etc.
  • Il y a quatre transformations possibles, désignées par la lettre S suivant un E ou un I, la lettre P suivant un A ou un I, la lettre M et la lettre C, plusieurs transformations pouvant s'appliquer au même mode.
    • La transformation S est une transformation simple de la proposition. Le S suivant une lettre E signifie qu'une universelle négative nul X n'est Y est transformée en l'universelle équivalente nul Y n'est X. Suivant une lettre I, c'est la particulière affirmative quelque X est Y qui est transformée en la particulière équivalente quelque Y est X.
    • La transformation P est une transformation per accidens d'une universelle affirmative vers une particulière affirmative. Dans une prémisse, AP signifie que l'hypothèse universelle tout X est Y est transformée en l'hypothèse particulière a fortiori vraie quelque Y est X. La prémisse de type A est alors transformée en prémisse de type I. Dans une conclusion, IP signifie que la conclusion particulière quelque Y est X provient d'une conclusion universelle tout X est Y qu'il suffit de prouver.
    • La transformation M permute les deux prémisses.
    • La transformation C conduit à une contradiction avec la prémisse qui précède la lettre C, au moyen d'un raisonnement par l'absurde sur la conclusion du syllogisme.

La connaissance des quatre syllogismes parfaits et des moyens d'y ramener les autres modes concluants permettait au logicien scolastique d'alléger la mémorisation des dix-neuf syllogismes.

Voici quelques exemples :

Réduction de Ferison

Ferison est le syllogisme nul M n'est P, or quelque M est S, donc quelque S est non-P. On le prouve en transformant simplement la deuxième prémisse en quelque S est M. L'application de Ferio (nul M n'est P, or quelque S est M, donc quelque S est-non P) conduit à la conclusion voulue.

Réduction de Fesapo

Fesapo est le syllogisme énonçant que : nul P n'est M, or tout M est S, donc quelque S est non-P. On prouve sa validité en le transformant en Ferio (nul M n'est P, or quelque S est M, donc quelque S est non-P) au moyen des deux transformations suivantes :

  • transformation simple de nul P n'est M en nul M n'est P.
  • transformation per accidens de tout M en S en quelque S est M.

On déduit donc des prémisses de Fesapo que nul M n'est P, or quelque S est M, donc (Ferio) quelque S est non-P.

Réduction de Bamalip

Bamalip est le syllogisme tout P est M, or tout M est S, donc quelque S est P. On procède à :

  • une permutation des deux prémisses : "tout M est S, or tout P est M". Une application de Barbara (tout M est P, or tout S est M donc tout S est P) sur les prémisses ainsi obtenus conduit à la conclusion tout P est S.
  • Une transformation per accidens de la conclusion tout P est S en quelque S est P conduit à la conclusion voulue.

Réduction de Camestres

Camestres est le syllogisme tout P est M, or nul S n'est M, donc nul S n'est P. Il se ramène à Celarent (nul M n'est P, or tout S est M, donc nul S n'est P) au moyen de :

  • transformation simple de la deuxième prémisse nul S n'est M en nul M n'est S.
  • permutation des deux premières prémisses, ce qui donne nul M n'est S, or tout P est M. L'application de Celarent sur ces deux prémisses permet d'en déduire nul P n'est S.
  • transformation simple de la conclusion obtenue en nul S n'est P.

Réduction de Baroco

Baroco est le syllogisme tout P est M, or quelque S est non-M, donc quelque S est non-P. Prouvons le par l'absurde : si la conclusion était fausse, alors on aurait tout S est P. Mais l'application de Barbara sur tout P est M, or tout S est P conduit à la conclusion tout S est M, en contradiction avec la deuxième prémisse de Baroco. La conclusion de Baroco quelque S est non-P est donc nécessairement exacte.

Paradoxes

Un paradoxe se produit lorsqu'à partir de prémisses que l'on croit vraies et par des moyens que l'on croit valides, on produit une conclusion que l'on croit fausse: il faut abandonner une de ces trois croyances.

L'application sans discernement de syllogismes approximatifs ou mal compris peut conduire à quelques étrangetés. Voici deux exemples.

Paradoxe 1

  Termes
Prémisse majeure moyen   majeur
Toutes les choses rares sont chères
or...
Prémisse mineure mineur   moyen
Un cheval bon marché est rare
donc...
Conclusion mineur   majeur
Un cheval bon marché est cher

Dans cet exemple, on est tenté de croire que "bon marché" signifie le contraire de "cher", et par conséquent que la conclusion est fausse. Il n'en est rien. Que veut-on dire en effet par "tout ce qui est rare est cher" ? Que ce qui est rare coûte de l'argent à trouver. Le coût est à proportion de la rareté. En revanche, le prix du cheval bon marché étant fixé bas, on peut constater, ayant recruté quelqu'un pour en trouver un, que ça nous coûte très cher. La conclusion: "un cheval dont le prix est fixé bas coûte cher à trouver"... est vraie.

Le paradoxe du fromage à trous en est un autre exemple. Voir aussi Apagogie/Raisonnement par l'absurde.

Le paradoxe 2 explique également la problématique d'induction des propositions.

Paradoxe 2

Comment puis-je affirmer que tous les Grecs sont mortels ? Stricto sensu, je ne peux en être certain que si j'ai bien vu mourir tous les Grecs, y compris Socrate. On concevra donc que dans la pratique un syllogisme déductif est rarement applicable sans une part plus ou moins escamotée d'induction. On a pu jadis croire qu'un syllogisme expliquait quelque chose sur le monde réel à une époque où l'on croyait aux essences, c'est-à-dire où on pensait que le mot définissait la chose, et non l'inverse (voir Induction (logique), Réalisme vs. Nominalisme).

Exemples de syllogismes et faux-syllogismes dans les arts

Littérature

Dom Juan dans la pièce éponyme de Molière déclare à son valet: "l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus" (V, ii). Même si c'est un faux syllogisme (du fait de l'ajout de la qualité "à la mode", c'est un bon exemple du pouvoir de l'argumentation. En effet, son valet Sganarelle, qui ne sait que répondre, illustre la réaction humaine face à une illusion qui semble mathématiquement correcte.

Notes et références

  1. Dans la logique médiévale, l'ensemble vide n'existe pas. Il en résulte que, si tout S est P, a fortiori, quelque S est P. Si cette hypothèse n'est pas respectée, alors les syllogismes Bamalip, Darapti, Felapton et Fesapo cessent d'être valides. Cette convention est encore présente en 1886 dans le livre Logique sans peine, de Lewis Carroll, mais sera rejetée par Frege.
  2. à condition que M soit non vide
  3. à condition que M soit non vide
  4. à condition que P soit non vide
  5. à condition que M soit non vide

Articles connexes

Bibliographie

Ouvrages modernes

  • Philippe Thiry, Notions de logique, De Boeck Université, 1998 (ISBN 2-8041-2965-9)
  • Roger Caratani, Initiation à la philosophie, l'Archipel, 2000, (ISBN 2-84187-220-3), p.404-411

Textes anciens

  • Aristote, Premières Analytiques
  • Antoine Arnauld, Pierre Nicole, La logique ou L'art de penser, notes et postface de Charles Jourdain, Gallimard, 1992, (ISBN 2-07-072726-2)
  • Leibniz, Dissertatio de Arte Combinatoria, disponible sur Gallica (en latin)

Liens

La théorie formelle des syllogismes par Marcel Crabbé

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