Charles-René de Bernard de Marigny

Charles-René de Bernard de Marigny

Charles de Bernard de Marigny

Charles de Bernard de Marigny
Charles de Bernard de Marigny
Naissance 1er février 1740
Sées
Décès 25 juillet 1816 76 ans)
Brest
Origine Français
Allégeance Royaume de France Royaume de France
Drapeau français Royaume de France
Drapeau de l'Empire français Empire français
Flag of the Kingdom of France (1814-1830).svg Royaume de France
Grade Vice-amiral
Service - 1754 - 1792
- 1814 - 1816
Conflits Guerre de Sept ans
Faits d’armes Bataille d'Ouessant (1778)
Distinctions Grand-croix de Saint-Louis

Charles-René-Louis, vicomte de Bernard de Marigny, né à Sées le 1er février 1740 et mort à Brest le 25 juillet 1816, est un vice-amiral français, grand-croix de l’ordre de Saint-Louis, commandant de la marine au port de Brest.

Sommaire

La famille

Le père de Marigny appartenait à l’une des plus anciennes familles de la Normandie, mais son défaut de fortune ne lui eût pas permis de donner à ses huit enfants une éducation conforme à son rang, sans le secours des institutions destinées aux enfants nobles. Des trois frères de Marigny, l’aîné était officier de dragons, le second servait dans la marine, un autre était à l’école militaire. Quant à lui, destiné à l’état ecclésiastique, il fut placé de bonne heure au séminaire de Sées pour y suivre ses études. Mais la sollicitude de ses parents ne put maîtriser le penchant qui le portait aux entreprises aventureuses ; à quatorze ans, il quitta la maison paternelle, et se rendit à pied à Rochefort, où il réclama la protection de son frère, plus âgé que lui de quelques années, et qui y servait alors comme garde de la marine.

La carrière

Le jeune Marigny se fit, dès ce moment, une règle de conduite dont il ne se départit jamais ; n’ayant rien à attendre de son père, mécontent du parti qu’il avait pris, il voulut désormais ne rien devoir qu’à lui-même, et il travailla nuit et jour pour acquérir les connaissances nécessaires à l’état qu’il embrassait.

Ses efforts furent couronnés de succès. Admis, en 1754, parmi les gardes de la marine, l’année suivante il obtint un ordre d’embarquement sur la frégate la Valeur, avec laquelle il fit une campagne de quatorze mois. Cependant sa constitution semblait désavouer son goût pour le métier de marin, car pendant la durée de cette campagne, il éprouva constamment le mal de mer ; mais sa persévérance maitrisa chez lui la nature, et dans une nouvelle campagne qu’il fit sur le même bâtiment, les symptômes de cette maladie disparurent entièrement.

Nommé enseigne en 1757, Marigny s’embarqua d’abord sur la corvette le Zéphir, et ensuite sur l’Actif. Ce vaisseau faisait partie de l’escadre de huit vaisseaux et deux frégates, aux ordres du comte d’Aché, destinée à protéger les possessions françaises dans l’Inde, et il participa aux divers combats qu’elle soutint contre les Anglais sur la côte de Coromandel, en 1758.

Après une campagne d’environ quarante mois, le chevalier de Marigny revint en France sur le Zodiaque. Il servit successivement sur les vaisseaux le Glorieux, le Minotaure, l’Union, la frégate la Légère, et la flûte la Garonne, avec lesquels il fit diverses campagnes à Saint-Domingue, à la côte d’Afrique, aux îles du Vent, au Portugal et en Inde, jusqu’en 1767, époque à laquelle il fut fait lieutenant de vaisseau. Étant à l’île de France, en 1768, il reçut l’ordre de s’embarquer, comme passager, sur un bâtiment de la Compagnie, avec la mission d’explorer les côtes de Coromandel et du Bengale. Il visita alors les différents comptoirs européens, y recueillit des renseignements précieux, qu’il consigna dans des mémoires particuliers. Ce voyage dura environ huit mois, et à son retour en France il déposa au ministère de la marine les résultats de ses recherches, dont l’utilité fut appréciée.

En 1770, Marigny fut nommé au commandement de la Dorade. Cette gabare, qui était destinée à faire le cabotage sur les côtes de France, fut employée à transporter à Rochefort une grande quantité de munitions navales accumulées depuis longtemps à Bayonne, et Marigny s’acquitta de cette mission, d’autant plus difficile qu’il était surveillé par les croiseurs anglais, avec tant d’intelligence, qu’il n’en fut jamais inquiété. Au désarmement de ce bâtiment, il fut nommé premier aide-major de la marine à Brest. Là, il s’occupa activement et avec succès, à l’instruction et à la discipline des troupes. Lorsqu’en 1773, une escadre dont le commandement était destiné au comte d’Estaing fut armée à Toulon, Marigny fut désigné pour en faire partie sur le vaisseau le Lion, mais l’expédition projetée n’ayant pas eu de suite, l’escadre désarma sans avoir pris la mer. En 1775, Marigny fut fait chevalier de Saint-Louis, et nommé au commandement de la corvette le Serin. Il prit également celui de la station des îles du Vent, chargée de protéger le commerce français dans ces parages.

Un passager prestigieux

Une maladie de près d’une année, causée par l’imprudence qu’il commit de coucher à bord de son bâtiment trop nouvellement peint, le força d’en quitter le commandement ; mais lorsqu’il fut rétabli, on lui confia celui de la corvette l’Étourdie, avec laquelle il fit une campagne de six mois sur les côtes de la Manche. À la fin de l’année 1777, Marigny, qui commandait la frégate la Belle Poule, fut chargé de reconduire aux États-Unis Benjamin Franklin, qui avait été envoyé en France par le Congrès, pour solliciter des secours en hommes et en argent.

Le 7 janvier 1778, cette frégate, se trouvant par le 45 ° 46 de latitude nord, et le 8 ° de longitude, fut rencontrée par les vaisseaux anglais l’Hector et le Courageux, tous deux de soixante-quatorze, qui lui tirèrent chacun un coup de canon à boulet. Ils parvinrent à placer la Belle Poule entre leurs feux, et enjoignirent au commandant de mettre son canot à la mer. Le chevalier de Marigny s’y refusa. Alors l’un des deux lui détacha une embarcation avec un officier qui lui fit les questions suivantes i« Qui êtes-vous ? d’où venez-vous ? où allez-vous ? » Le chevalier répondit : « Je suis la Belle Poule, frégate du roi de France ; je viens de la mer, et je vais à la mer ; les bâtiments du roi mon maître ne se laissent jamais visiter. » Après quelques pourparlers, dans lesquels le chevalier de Marigny montra la même réserve et le même caractère, l’officier anglais s’excusa sur ce que son commandant avait pris la Belle Poule pour une frégate américaine, masquée sous le pavillon français.

Contrarié pendant trente-six jours consécutifs par des vents contraires, dégréé et menacé de perdre sa mâture, ses vivres épuisés et son équipage accablé de fatigues, , le chevalier de Marigny se vit contraint de revenir à Brest. Il n’y resta que le temps nécessaire pour transborder son équipage sur la Sensible, et il reprit immédiatement la mer avec cette frégate. Cette fois, sa traversée fut si heureuse, qu’après avoir débarqué aux États-Unis l’envoyé américain, et fait plusieurs prises considérables, dont une lettre de marque, il était de retour à Brest soixante-cinq jours après son départ de ce port. En opérant son retour, il fut rencontré, à la hauteur d’Halifax, par le vaisseau anglais le Centurion et la frégate le Diamant. Le vaisseau le héla, en lui demandant où il allait. « Je tiens la mer », répondit le commandant, et il continua sa route.

La guerre

L’activité continue de Marigny avait altéré sa santé, et il aurait eu besoin de repos ; mais l’horizon politique s’obscurcissait, tout prenait en France une attitude hostile, et le chevalier de Marigny ne crut pas devoir quitter le champ d’honneur. Effectivement, la guerre éclata entre la France et l’Angleterre, au mois de juin de la même année, et la Sensible, qui était la frégate de répétition du comte d’Orvilliers, participa au combat d’Ouessant, le 27 juillet 1778.

À la suite de cette affaire, Marigny fut nommé capitaine de vaisseau, et il passa au commandement de la Junon. Le 25 juillet 1779, l’armée navale aux ordres du comte d’Orvilliers sortit de Brest pour se réunir aux Espagnols. Cette jonction opérée, elle entra dans la Manche, et se dirigea sur les côtes d’Angleterre. L’escadre légère, que commandait La Touche-Tréville était en avant. Le 17 août, au matin, la Junon, qui en faisait partie, signale plusieurs voiles au vent, dont un vaisseau. Ayant reçu l’ordre de lui donner la chasse, elle suit ses mouvements, et, manœuvrant de manière à lui couper le chemin, l’atteint à demi-portée de canon de la côte. C’était l’Ardent, de soixante-quatre canons. Après avoir assuré son pavillon, Marigny commença le feu ; s’apercevant que le vaisseau n’ouvrait ses sabords que l’un après l’autre, il le jugea, dès lors mal, préparé au combat.

Par une manœuvre savante, il passa derrière lui pour l’attaquer à tribord. L’Ardent répondit faiblement au feu nourri de la Junon ; ses coups étaient incertains, mal dirigés, et il allait se rendre, lorsque la frégate la Gentille, joignant la Junon, attaqua le vaisseau à babord. Celui-ci se trouvant entre deux feux, et voyant s’approcher l’escadre légère amena. Le chevalier de Marigny eut tout l’honneur de ce combat. Plus tard, le marquis de Rossel fut chargé d’en faire le sujet d’un tableau qui fut envoyé au commandant de la Junon. Ce tableau portait en légende : « Donné par le roi au brave chevalier de Marigny. » Le ministre de la marine, en lui annonçant ce cadeau flatteur, lui disait dans sa lettre : « Sa Majesté vous donne le commandement du vaisseau l’Ardent, que vous avez attaqué et combattu si vaillamment. »

L’année suivante, faisant partie d’une division commandée par le chevalier de Ternay, l’Ardent prit part à l’engagement qu’elle soutint, le 21 juin 1780, contre cinq vaisseaux anglais. En 1781, une escadre de huit vaisseaux, aux ordres du chevalier Destouches, ayant à bord un corps de troupes d’environ mille hommes, destiné à renforcer l’armée américaine, se rendait dans la Chesapeake, lorsque, le 16 mars, elle fut rencontrée par celle de l’amiral Arbuthnot, également composée de huit vaisseaux. Dans le combat qui eut lieu, l’Ardent, pris entre le feu du London, de quatre-vingt-dix-huit et du Royal-Oak, de soixante-quatorze, allait succomber, lorsque l’Éveillé, de soixante-quatre, que commandait le Gardeur de Tilly, parvint à le dégager, malgré la disproportion de leurs forces réunies ; l’Ardent eut cinquante-quatre hommes tués et un grand nombre de blessés dans cette affaire.

L’année suivante, Marigny prit part, avec l’Ardent, aux combats des 25 et 26 janvier, sous Saint-Christophe, à et à la prise de cette ile, qui en fut le résultat. Chargé par le comte de Grasse de se rendre en France pour y rendre compte des opérations de l’armée, le chevalier de Marigny quitta l’Ardent, et prit passage sur la frégate l’Aigrette. Cette mission lui épargna de se trouver à la malheureuse journée du 12 avril 1782. Son vaisseau l’Ardent y fut pris, et son frère le comte de Marigny, qui commandait le César, sauta en l’air avec ce vaisseau. Au commencement de l’année 1783, le chevalier, devenu vicomte de Marigny, reçut l’ordre d’aller prendre, à Toulon le commandement du vaisseau la Victoire, mais la paix, qui fut conclue le 20 juin, rendit cet armement inutile.

Attaque du fort Cabinda

Cet événement semblait devoir condamner Marigny à un long repos, mais une occasion se présenta cependant bientôt d’utiliser ses services, et le ministre, qui connaissait son infatigable activité, s’empressa de la saisir en lui donnant la charge du bombardement de Cabinda.

Les Portugais avaient construit un fort à Cabinda, l’un des principaux comptoirs de la côte d’Angola et ils n’y admettaient aucun navire étranger et gênaient les opérations des négociants qui venaient y faire la traite. Le roi de France, ne croyant pas devoir tolérer cette atteinte portée aux franchises dont ses sujets avaient toujours joui, ordonna l’armement d’une division composée de la Vénus, frégate de trente-six, la Lamproie, gabare de vingt-quatre, et l’Anonyme, cutter de dix canons. Le commandement de cette division fut confié au vicomte de Marigny, et ses instructions lui enjoignaient de protéger, par tous les moyens possibles, le commerce français à la côte d’Angola. Il appareilla de Brest avec ces trois bâtiments, portant trois cents hommes de troupes, et mouilla devant Cabinde, le 17 juin 1784.

Un fort assez imposant battait la passe et une frégate de vingt-six, mouillée à l’entrée, en défendait l’approche. Marigny n’hésita pas à faire connaître à l’officier qui commandait cette frégate le but de sa mission ; il plaça ensuite la Vénus de manière à couper toute communication entre la frégate portugaise et le fort. Alors il signifie au commandant de ce fort les ordres précis qu’il a d’assurer l’indépendance du commerce français, et sa ferme résolution d’employer la force pour les faire exécuter. Il disposa en même temps les troupes de débarquement qu’il avait amenées, et se prépara à une attaque vigoureuse. Les Portugais parurent d’abord vouloir résister, puis le commandant du fort demanda un délai de trente jours pour prendre les ordres du gouverneur général. Il était cinq heures du soir; le vicomte de Marigny lui accorde jusqu’au lendemain à sept heures du matin. À midi, le fort était rendu et sa démolition commencée. Plusieurs prisonniers, au nombre desquels se trouvait un prince africain, furent rendus à la liberté, et le commandant de la Vénus emporta les suffrages de tous les négociants français dont il avait si chaudement défendu les intérêts.

La cour de Lisbonne, informée de l’issue de cette expédition, se plaignit hautement et fit demander par son ambassadeur, comme une réparation, la destitution de l’officier qui l’avait dirigée. Le conseil en fut donné, mais Louis XVI était trop grand et trop généreux pour céder aux suggestions d’une politique aussi pusillanime et le maréchal de Castries, alors ministre de la marine, approuva hautement au contraire la conduite de celui qui avait si bien et si rapidement rempli la mission qu’il lui avait confiée.

Dans l’escadre d’évolution qui fut armé en 1784, la frégate la Fine, que commandait Marigny, fut citée pour l’habileté et la précision de ses manœuvres. À son retour à Brest, il passa au commandement du vaisseau le Téméraire et, sur de nouveaux bruits de guerre, il reçut l’ordre de se rendre à Toulon pour y prendre le commandement d’une escadre destinée pour les mers de l’Inde.

Louis XVI et Marigny

Au mois d’août 1784, Marigny fut nommé major du corps royal des canonniers matelots, et, au mois de mai 1786, il fut fait chef de division et major de la première escadre. Il était chargé d’une inspection des ports, en 1789, et il se trouvait à Cherbourg lorsque Louis XVI y vint visiter les travaux qui s’exécutaient alors en ce port. Il eut l’honneur d’être brigadier du canot qui porta le roi en rade; en rentrant dans l’embarcation pour retourner à terre, le roi fit un faux pas ; Marigny le saisit aussitôt dans ses bras, et, malgré l’embonpoint du monarque, il le porta jusque dans la chambre du canot. « Mon Dieu, monsieur de Marigny que vous êtes fort ! » lui dit Louis XVI. « Sire, un Français est toujours fort, quand il tient son roi dans ses bras. » Le ton de respect et d’enthousiasme dont le vicomte de Marigny accompagna ces paroles, parut faire impression sur Louis XVI, et il y a lieu de croire que cette circonstance fut la source des sentiments que ce dernier conserva toujours pour lui.

En 1790, le port de Brest devint le théâtre de la révolte et de grands excès. Marigny étant, à cette époque, major-général de la marine, les révolutionnaires devaient naturellement haïr un homme aussi dévoué au roi, et aussi strict observateur de la discipline. Une nuit, on plaça à sa porte la potence et le carcan où l’on attachait les criminels ; mais rien ne put l’ébranler. Quelques jours après, on vint lui apprendre, au milieu de la nuit, que deux ou trois mille marins s’étaient révoltés, et demandaient la tête du major-général. Il prend à la hâte son uniforme, son épée et court à la caserne. « Vous demandez ma tête, dit-il aux marins mutinés ; la voici, je viens vous l’apporter. » Ces mots, prononcés avec force, et avec l’accent de l’indignation, joints à l’aspect de cette figure imposante que rien ne faisait pâlir, étonnèrent les révoltés ; les clameurs cessèrent, les groupes se dissipèrent, et les chefs de la révolte tombèrent à ses pieds, en demandant grâce.

Cependant il ne fut bientôt plus possible de lutter contre la Révolution. Le comte d’Hector, commandant de la marine, et tous les officiers jusque-là fidèles au roi, voyant l’inutilité de leurs efforts, prirent le parti d’émigrer. Marigny reçut alors l’ordre de prendre le commandement de la marine et le ministre, en le lui transmettant, lui disait que c’était un nouveau sacrifice que le roi attendait de lui. En 1792, Marigny fut fait contre-amiral. Mais il s’opposa en vain aux révolutionnaires ; convaincu lui-même qu’il ne pouvait plus rien pour le service du roi, il demanda et obtint sa démission. À cette époque, il comptait trente-trois campagnes, avait exercé quatorze commandements, et assisté à sept combats, tous glorieux.

La disgrâce

Louis XVI, par une lettre close qu’il lui adressa, lui défendit formellement d’émigrer et, pour l’attacher de plus près à sa personne, il le nomma sous-gouverneur du Dauphin ; mais, témoin de la journée du 20 juin 1792 et de celle du 10 août, ce ne fut que par miracle qu’il échappa lui-même à la mort. Lors du procès de Louis XVI, il apprit, du fond de sa retraite, qu’au nombre des chefs d’accusation portés contre le roi, se trouvait celui d’avoir commandé et autorisé l’émigration. Il possédait une preuve du contraire ; croyant que l’exhibition d’une défense formelle, faite à lui-même par le monarque, pourrait servir à sa cause, il accourut à Paris, se présenta à l’avocat du roi, Malesherbes, la lui communiqua, et demanda à la lire à la barre de la Convention.

Le roi, instruit, de cette démarche, dit à son défenseur : « Je vous défends (et ce sera probablement le dernier ordre que je vous donnerai) de faire aucune mention de ce brave homme dans mon procès ; ce serait l’exposer, et probablement sans aucune utilité pour moi. »

Cependant, Marigny ne put échapper à la persécution ; jeté en prison avec sa sœur, sa femme et ses trois enfants, ils y éprouvèrent tous les genres de privations. Bientôt il fut appelé devant le tribunal révolutionnaire, comme prévenu d’avoir fait partie de l’armée royale de l’Ouest. On le confondait avec un de ses cousins, Gaspard de Bernard de Marigny, qui s’était distingué dans cette armée. Il allait être condamné, lorsqu’un des membres du tribunal se lève, et lui adressant la parole : « Non, lui dit-il, tu n’es pas le brigand de la Vendée ; je te reconnais, tu es un brave homme, un homme juste et le père du soldat. Tu as été mon major ; tu m’as quelquefois fait mettre en prison, mais toujours je l’avais mérité. Citoyens collègues, je réponds de son civisme. » Cette harangue l’arracha à la mort, et il fut reconduit en prison.

La reconnaissance

Rendu à la liberté par la chute de Robespierre, Marigny alla se cacher dans un modeste asile qu’il possédait aux environs de Brest. Il s’y livra à l’éducation de ses enfants, et partagea ses loisirs entre l’étude et l’agriculture. Nommé maire de sa commune sous le gouvernement impérial, il n’accepta ces fonctions que dans l’espoir de pouvoir être utile à ses concitoyens, et son administration lui mérita leur reconnaissance. Lors de la Restauration arrivé, Louis XVIII se ressouvint du dévouement et de la fidélité de Marigny et le nomma vice-amiral le 18 juin 1814, et le 27 décembre de la même année, il reçut la grande décoration de l’ordre de Saint-Louis. Au mois de décembre 1815, le roi le nomma commandant de la marine au port de Brest. Replacé à la tête d’un port où il avait laissé tant de souvenirs, il y fut reçu avec enthousiasme. Il sut, avec sagesse et modération, calmer les passions diverses, maintenir l’ordre et la discipline.

Tout entier aux devoirs de sa place, Marigny se livrait au travail avec l’ardeur d’un jeune homme, mais ses forces finirent par trahir son courage et ces fatigues continuelles achevèrent de briser les ressorts d’une constitution déjà usée par une vie laborieuse et tourmentée. Au mois de juin 1816, il ressentit les premières atteintes d’une maladie aiguë ; malgré ses souffrances, il voulut assister à une fête donnée à l’occasion du mariage du duc de Berry ; il passa la revue des troupes, mais chacun put constater les ravages que la maladie avait déjà produits sur lui. Les fatigues qu’il éprouva dans cette journée déterminèrent les symptômes les plus graves, et il succomba le 25 juillet suivant. Ses restes mortels, exposés dans son hôtel, reçurent le tribut des officiers de tous les corps, des marins et des citoyens.

Sources

  • Joseph François Gabriel Hennequin, Biographie maritime, t. 1er, Paris, Regnault, 1835, p. 351-63.
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