Chambre régionale des comptes

Chambre régionale des comptes
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Les chambres régionales des comptes (CRC) sont des juridictions administratives financières françaises qui exercent dans chaque région française. Elles exercent les mêmes missions que les chambres territoriales des comptes.

Indépendantes, elles sont chargées de vérifier les comptes des collectivités locales et de juger des éventuels conflits relatifs à ces comptes. Elles forment avec la Cour des comptes, sinon un ordre juridictionnel stricto sensu, du moins un ensemble de juridictions, dont l'unité a été soulignée par la rédaction du code des juridictions financières.

Créées par la loi n°82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (articles 84 à 89), elles font maintenant l'objet d'une partie spécifique dans le code des juridictions financières (articles L210-1 et suivants).

En 2007, les chambres comptaient au total 1112 fonctionnaires chargés de les faire fonctionner dont 328 magistrats et rapporteurs, 345 assistants de vérification et 439 agents administratifs[1].

Sommaire

La Cour des comptes et les chambres régionales

Les liens entre la Cour des comptes et les chambres régionales sont étroits.

Contrôle hiérarchique

La Cour opère un contrôle hiérarchique sur le fonctionnement des chambres régionales.

La gestion des moyens des chambres est assurée par la Cour qui est, par ailleurs, chargée d'une mission d'inspection permanente des chambres régionales des comptes. Le procureur général près la Cour des comptes anime le réseau des procureurs financiers (anciennement commissaires du gouvernement)[2] près les chambres régionales des comptes.

Lien juridique

Il existe un lien juridique entre la Cour des comptes et les chambres régionales.

La Cour est le juge d'appel des chambres régionales (le Conseil d'État est juge de cassation) pour ce qui concerne le jugement des comptes des comptables publics.

Actions communes

La Cour et les chambres participent à des enquêtes communes, sous l'égide d'un comité de liaison. Les chambres contribuent à l'élaboration du rapport public annuel de la Cour et collaborent aux enquêtes qui débouchent sur des rapports publics particuliers[3].

Rapprochements humains

Des formations communes permettent aux magistrats de la Cour et des chambres des comptes de délibérer ensemble sur ces travaux communs. Sur le plan statutaire, les présidents de chambre régionale ou territoriale des comptes sont des magistrats de la Cour des comptes détachés dans un statut d’emploi (les magistrats de CRC nommés président de chambre sont également nommés conseillers référendaires à la Cour). Un accès spécifique au grade de conseiller maître et de conseiller référendaire de deuxième classe a été institué par la loi du n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 au bénéfice des magistrats de CRC.

Les missions des chambres régionales des comptes

Les chambres régionales des comptes sont nées de la décentralisation, en 1982. Ce sont des services déconcentrés de l'État, à forme juridictionnelle. Le contrôle a posteriori dans le domaine financier, qui a été substitué au contrôle a priori relevant de la tutelle, devait être exercé par des institutions de l'État, indépendantes et proches des contrôlés.

La mission transversale des chambres est une mission de régulation de la décentralisation. Elles contribuent à assurer l'équilibre nouveau des pouvoirs et des compétences voulu par le législateur. Elles veillent à la régularité, à la qualité et à la probité des gestions publiques locales. Elles contribuent, par leurs observations de gestion et par leurs avis budgétaires, à l'équilibre des finances locales.

Outre le pouvoir d'engager la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics (débets), elles disposent d'un important pouvoir : celui d'informer. Leur mode d'intervention est éminemment démocratique. C'est en assurant la transparence des gestions publiques, en informant par des avis et des rapports d'observations (qui sont publics), à la foi les élus, les citoyens et les pouvoirs publics (en plaçant ceux-ci devant leurs responsabilités), qu'elles obtiennent la correction des irrégularités et le redressement des erreurs de gestion.

Les compétences des chambres régionales des comptes

Les chambres régionales des comptes sont une institution jeune. Depuis la loi du 2 mars 1982, leurs compétences, comme les conditions de leur exercice ont été modifiées, ajustées, par de nombreux textes. Parmi les étapes les plus importantes, il faut citer le principe posé en 1990 de la communication des observations définitives par l'exécutif d'une collectivité territoriale à son assemblée délibérante et la possibilité depuis 1992 pour le préfet et les autorités territoriales, de demander aux chambres de procéder à des vérifications.

De même, les compétences et les moyens juridiques des chambres ont été renforcés pour leur permettre de contrôler plus efficacement les marchés et les délégations de service public.

La loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes et le décret d’application du 27 septembre 2002 ont encore fait évoluer les compétences et les procédures des juridictions financières. Les seuils du renvoi à l’apurement administratif sont aménagés ; le régime de délégation des contrôles par la Cour des comptes est précisé ; l'examen de la gestion est mieux défini (interdiction formelle de faire des remarques d'opportunité) ; les règles de contradiction et de publication des observations sont renforcées.

Les chambres exercent trois grands types de compétences :

Le contrôle juridictionnel

(cf. articles L. 211-1, L. 211-3 et L. 211-4 du code des juridictions financières notamment)[4]

Elles jugent en première instance les comptes des collectivités et établissements publics de leur ressort. Il s'agit des comptes des collectivités locales mais également des établissements publics locaux, qui peuvent être très divers (syndicats intercommunaux, communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines, hôpitaux, offices HLM, collèges, lycées...).

Les chambres s'assurent de la régularité des comptes et du bon accomplissement par les comptables des tâches qui leur incombent. Ceux-ci peuvent voir leur responsabilité personnelle et pécuniaire mise en jeu par le juge des comptes. Leurs contrôles permettent également d'obtenir du comptable, par voie d'injonctions, que soient recouvrées des recettes ou reversées des sommes payées à tort. Les sommes en cause sont parfois très importantes.

Le contrôle juridictionnel des comptes ne se limite pas aux comptes régulièrement produits par les comptables publics. Les chambres, dès lors qu'elles constatent que des personnes se sont immiscées irrégulièrement dans le maniement de deniers publics, peuvent les déclarer, provisoirement puis définitivement, comptables de fait et les contraindre à produire un compte qui sera alors jugé. La procédure de gestion de fait, jugée trop longue par la Cour européenne des droits de l'homme, est appelée à être modifiée.

L'examen de la gestion

(cf. article L. 211-8[5] du code des juridictions financières notamment)

Les chambres examinent la gestion des collectivités publiques de leur ressort (collectivités territoriales et établissements publics). Elles peuvent également vérifier la gestion de leurs satellites de droit privé, c'est-à-dire notamment les sociétés d'économie mixte et les associations bénéficiant d'un concours financier supérieur au seuil de 1 500 euros.

Cet examen porte sur la régularité mais également sur la qualité de la gestion. Les chambres n'ont pas à apprécier l'opportunité des choix politiques des élus mais la sincérité des comptes, l'équilibre financier des opérations et des gestions, l'économie des moyens mis en œuvre et leur efficacité, c'est-à-dire la comparaison des moyens avec les résultats obtenus. Elles peuvent ainsi être conduites à procéder à une évaluation des politiques publiques locales.

Les observations résultant de cet examen font l'objet de rapports d'observations provisoires puis définitives (plus de 800 en moyenne annuelle) qui sont portées à la connaissance des assemblées délibérantes et rendues publiques.

Cet aspect de l'activité des chambres connaît depuis plusieurs années un important développement. Aux vérifications décidées par les chambres dans le cadre de leur programme annuel se sont ajoutées, depuis 1992, celles demandées par les préfets et par les ordonnateurs.

Les rapports d'observations alimentent régulièrement le débat public local. La presse leur donne un large écho. Ainsi chaque semaine, des dizaines d'articles de la presse nationale et de la presse régionale sont consacrés aux suites des vérifications des chambres régionales des comptes.

La Cour de discipline budgétaire et financière peut être saisie de certaines irrégularités commises en matière de finances publiques.

L'examen des comptes et de la gestion peut également conduire les chambres à relever des faits susceptibles d'une qualification pénale. Elles en informent alors le procureur de la République par l'intermédiaire du commissaire du gouvernement près la chambre régionale des comptes.

Mais leur rôle dans ce domaine est surtout préventif, en veillant à la régularité et à la transparence des gestions publiques locales.

Le contrôle budgétaire

(article L. 211-7[6] du code des juridictions financières notamment)

Les chambres régionales des comptes participent aux procédures de contrôle budgétaire en proposant au préfet les solutions à mettre en œuvre dans les cas suivants : budget non voté dans les délais légaux, budget voté en déséquilibre, compte fortement déficitaire, insuffisance des crédits nécessaires au règlement d'une dépense obligatoire, ou encore rejet du compte administratif (code général des collectivités territoriales, articles L. 1612-2[7] et suivants).

Dans ces cas, le préfet ne peut régler le budget de la collectivité ou de l'établissement qu'après avoir pris l'avis de la chambre régionale.

Contrairement au contrôle juridictionnel et à l'examen de la gestion, qui sont des contrôles a posteriori, le contrôle budgétaire est un contrôle contemporain, destiné à aider les collectivités concernées à surmonter des « accidents » budgétaires. Les chambres, dans ce cadre, ne sont plus des censeurs mais des conseils dont l'expertise financière et l'indépendance sont incontestées.

Existent également deux autres cas de saisines des CRC par les préfets de département. L'article R. 234-1[8] du code des juridictions financières prévoit la possibilité pour le représentant de l'Etat dans le département de consulter la chambre pour recueillir son avis sur une convention relative à une délégation de service public. L'article R. 234-2[9] du même code dispose qu'il en est de même pour les conventions relatives à des marchés.

Les dispositions légales et réglementaires concernant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes sont regroupées dans le code des juridictions financières.

Informations pratiques

Chacune des 22 régions métropolitaines héberge en son sein une chambre régionale des comptes, qui est installée dans le chef-lieu de région sauf en Lorraine (Épinal), en Nord-Pas-de-Calais (Arras), en Corse (Bastia) et en Basse-Normandie (Bénouville). Outre-mer, il existe deux chambres régionales des comptes (Guyane, Guadeloupe et Martinique, d'une part, et Réunion, d'autre part) et deux chambres territoriales des comptes (Polynésie et Nouvelle-Calédonie).

Les magistrats (conseillers, premiers conseillers et présidents de section) sont issus de l'école nationale d'administration ou sont accueillis en détachement dans les chambres régionales des comptes. Ils portent en séance une robe noire complétée d'un mortier (coiffe de velours noir) et d'un jabot (rabat). Ils sont inamovibles et sont soumis à un régime d'incompatibilités destiné à garantir leur indépendance et leur impartialité. Le syndicat des juridictions financières (SJF) est leur organisation syndicale.

Le jugement des comptes, qui peut être contesté en appel devant la Cour des comptes (quatrième chambre) et en cassation devant le Conseil d'État, a fait l'objet de mutations procédurales importantes depuis un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 12 avril 2006[10], dont il résulte que la partie civile de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme doit s'appliquer au jugement des comptes des comptables par les CRC (renforcement des droits de la défense).

L'avenir des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC)

Le 5 novembre 2007, le président de la République française a demandé au Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Seguin, de lui adresser des propositions de réforme des juridictions financières, afin de créer un grand organisme d'audit public et d'évaluation. Les principales orientations proposées par le Premier président de la Cour des comptes étaient la certification des comptes des grandes collectivités territoriales sous la responsabilité de la Cour des comptes, la redéfinition de la responsabilité des gestionnaires publics, la fusion organique de la Cour des comptes et des chambres régionales, réduites de moitié, en une juridiction unique, et le renforcement de l'évaluation par la Cour des comptes.

Ce dernier point et le risque d'un affaiblissement du contrôle organique des collectivités territoriales (contrôle de la qualité et de la transparence de la gestion publique locale) focalisent, depuis le début de l'année 2008, l'attention des personnels des chambres régionales des comptes. Entre les mois de mai et de juillet 2008, un processus de concertation a regroupé des représentants des magistrats et du personnel de la Cour des comptes, des magistrats et secrétaires généraux des CRTC, ainsi que des experts travaillant pour la Cour des comptes (certification des comptes de l'Etat et de la sécurité sociale). Les principales associations d'élus locaux (AMF, ADF, ARF, AMGVF, FMVM, ACUFet ADCF) ont été associées à cette concertation.

Le syndicat des juridictions financières (SJF), représentant la majorité des magistrats des CRTC, s'oppose aux orientations principales du projet de réforme qui renforcera l'évaluation nationale des politiques publiques au détriment du contrôle des gestions publiques locales. Le SJF milite pour un contrôle équilibré des finances publiques où contrôle national et contrôle local doivent reposer sur des approches différenciées et complémentaires. Partisan d'une coopération améliorée entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, le SJF considère qu'une réforme réussie passera par la préservation partielle de l'autonomie de contrôle des chambres régionales et par le maintien d'une présence territoriale significative à l'échelon régional.

Le processus de concertation a fait l'objet de propositions remises à l'été 2008 aux services du président de la République et du Premier ministre. Ces propositions ont été reprises pour l'essentiel dans un projet de loi déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 29 octobre 2009. Le 17 novembre 2009, une partie des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes était en grève pour contester certaines orientations retenues dans le projet de loi et son étude d'impact : diminution du contrôle du secteur public local malgré l'importance des compétences transférées aux échelons locaux, centralisation de la programmation, responsabilité des gestionnaires inachevée, augmentation des missions et baisse des effectifs, remise en cause de l'équilibre de la décentralisation, éloignement du juge et du justiciable.

Notes et références

  1. Rapport d'activité 2007 sur site de la Cour des Comptes, 2007, p. 12. Consulté le 22 septembre 2008
  2. Article 106 du décret n° 2008-1397 du 19 décembre 2008 portant réforme des procédures juridictionnelles devant la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes et la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie: « Dans tous les articles de la partie réglementaire du code des juridictions financières, les références au commissaire du Gouvernement sont remplacées par des références au procureur financier ».
  3. Par exemple, les rapports particuliers sur le logement social et les organismes HLM, les lycées et collèges, l'aide sociale, l’action des départements dans le domaine de la voirie routière, l’intercommunalité en France, l’aide aux personnes âgées dépendantes
  4. Articles L. 211-1 à L. 211-4 du code des juridictions financières
  5. Article L.211-8 du code des juridictions financières
  6. Article L.211-7 du code des juridictions financières
  7. Article L. 1612-2 du code général des collectivités territoriales
  8. Article R.234-1 du code des juridictions financières
  9. Article R.234-2 du code des juridictions financières
  10. CEDH (Grande Chambre), 12 avril 2006, Martinie c. France, Requête no 58675/00; voir Gilles Miller, « Les chambres régionales et territoriales des comptes depuis l'arrêt Martinie de la CEDH », AJDA 2007 p. 467; voir aussi l'arrêt Kress.

Voir aussi

Liens externes


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