Bruno le Chartreux

Bruno le Chartreux
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Bruno le Chartreux
Image illustrative de l'article Bruno le Chartreux
Naissance vers 1030?
Cologne (Allemagne)
Décès 6 octobre 1101 
Serra San Bruno, Calabre
Vénéré à Serra san Bruno, Calabre, Italie
Canonisation 1514 (autorisation de culte privé, étendue à l'Église universelle au concile de Trente Grande-Chartreuse
Fête 6 octobre
Saint patron Chartreux, fraternités monastiques de Bethléem, Calabre
Serviteur de Dieu • Vénérable • Bienheureux • Saint

Bruno le Chartreux, saint né à Cologne vers 1030, mort le 6 octobre 1101 à l'ermitage de la Torre, aujourd'hui chartreuse de Serra San Bruno en Calabre. Il est le fondateur de l'ordre des Chartreux. Son culte dans l'Église universelle a été autorisé à la suite du concile de Trente (1570).

Sommaire

Sources biographiques

Les sources concernant la vie de Bruno sont rares et lacunaires. Cette carence a donné lieu à une abondante littérature hagiographique sans valeur critique[1]. Sa légende, représentée en 22 tableaux par Le Sueur, ornait le cloître des Chartreux de Paris ; ils se trouvent désormais au musée du Louvre. Au milieu du XXe siècle, les travaux de première main du chartreux Dom Maurice Laporte, ainsi que ceux de Bernard Bligny, ont ouvert la voie à une nouvelle hagiographie, plus dépouillée et plus soucieuse d'exactitude historique.

Hormis quelques chartes et lettres, ainsi que le rouleau des titres funèbres (connu à partir d'une copie arrangée du XVIe siècle), un des deux plus anciens documents historiographiques conservés au sujet de Bruno de Reims est une courte notice de 121 mots, contenue dans un catalogue des premiers prieurs de la Grande-Chartreuse, connu sous le nom de Chronique Magister écrit par Guigues I, cinquième prieur du lieu :

« Maître Bruno, de nationalité allemande, naquit de parents nobles, dans l'illustre ville de Cologne. Très érudit dans les lettres aussi bien séculières que divines, il fut chanoine de l'Église de Reims dont l'importance ne le cède à nulle autre parmi les églises de Gaule ; puis il y fut maître de l'enseignement. Ayant quitté le monde, il fonda l'ermitage de Chartreuse et le gouverna pendant six ans. Sur l'ordre du pape Urbain II, dont il avait été jadis le précepteur, il se rendit à la curie romaine, pour aider le Pontife de son soutien et de ses conseils dans les affaires ecclésiastiques. Mais il ne pouvait supporter les tumultes et le genre de vie de la curie ; brûlant de l'amour de la solitude naguère abandonnée et du repos contemplatif, il quitta la curie, après avoir même refusé l'archevêché de l'Église de Reggio auquel il avait été élu par la volonté du pape. Il se retira dans un désert de Calabre dont le nom est La Tour. Puis là, après avoir réuni de nombreux laïcs et clercs, il s'appliqua tant qu'il vécut à la vocation de la vie solitaire. Il y mourut et y fut enseveli, onze années environ après son départ de Chartreuse[2]. »

Il faut également citer l'autobiographie de Guibert de Nogent (+1124), indépendante de la chronique Magister et beaucoup plus détaillée qu'elle, qui décrit longuement la vocation de Bruno de Reims et la vie des premiers chartreux[3].

Origines et formation

Bruno serait né à Cologne, en Allemagne, d'une famille de haut rang dont le nom est inconnu, probablement un peu avant 1030. Il aurait été d'abord chanoine dans sa ville natale qu'il quitta assez jeune pour continuer ses études à Reims, ville réputée à l'époque pour son école cathédrale. Pendant une trentaine d'années, Bruno demeure à Reims. En 1057, l'archevêque de Reims, Gervais de Belleme, lui confie en remplacement d'Hermann, la direction de l'école dont il avait été l'élève. Il y enseigne les arts libéraux et la théologie. Bruno exerce cette charge pendant 20 ans.

L'archevêque chassé

L'archevêque de Reims, Gervais, meurt en 1067 et est remplacé par un homme sans scrupules, Manassès de Gournay. Celui-ci est plus préoccupé par les biens matériels que par sa charge d'archevêque. Voulant avoir, malgré tout, l'estime du clergé, il nomme Bruno chancelier de la cathédrale et directeur de toutes les écoles de Reims. L'attitude de Manassès devient de plus en plus insupportable, à tel point qu'un concile réuni à Lyon en février 1080, prononce sa déposition. Cette sentence est confirmée par le pape Grégoire VII qui ordonne au clergé de Reims de chasser l'indigne archevêque et d'en élire un nouveau à sa place.

De nombreuses personnes pensent alors à l'intègre Bruno pour remplacer Manassès de Gournay sur le siège archiépiscopal de Reims. Mais celui-ci a d'autres projets en tête, ayant formé le dessein de se retirer dans la prière avec quelques amis. Il refuse donc le siège qui avait été naguère celui de saint Remi, met de l'ordre dans ses affaires et donne tous ses biens aux pauvres. En 1083, avec deux amis, il se rend en Bourgogne, où saint Robert de Molesmes lui ayant remis un ermitage, il s'y retire un moment. C'est là qu'il se sent attiré par une vie d'ermite propice à la recherche de Dieu.

Le fondateur de l'ermitage de Chartreuse

Saint Hugues de Châteauneuf, l'évêque de Grenoble, lui suggère de s'installer dans la solitude sauvage du massif de la Chartreuse où il resta six ans.

Bientôt s'y élève un monastère dont les moines vivent isolés dans des demeures individuelles, y menant une existence austère et laborieuse, ne se réunissant que pour l'office. Ils n'ont pas l'intention de former un ordre.

En 1091, Bruno est appelé à Rome par le pape Urbain II, un de ses anciens élèves de Reims, qui sollicite ses conseils sur les réformes à entreprendre dans l'Église. Mais Bruno ne pense qu'à reprendre sa vie d'ermite. En 1092, il part en Calabre où il fonde d'autres ermitages et se retire dans l'un d'eux, Santa Maria del Bosco, secondé par son bras droit Lanuin et avec l'accord du comte Roger Ier de Sicile qui fait don de terres à la nouvelle fondation calabraise.

La rencontre miraculeuse de Roger en train de chasser et de Bruno en prière est une légende tardive. De même, le diplôme de fondation octroyé par Roger est un faux selon une majorité d'historiens. À l'ermitage de Sainte-Marie est bientôt associé un monastère de vie cénobitique.

Bruno meurt au monastère de Santo Stefano del Bosco neuf ans plus tard, le 6 octobre 1101.

Après sa mort, les titres funèbres recueillis en Italie, en France et en Angleterre, font écho à la lettre circulaire rédigée par ses compagnons de Calabre, portée par un messager charger de diffuser la nouvelle. On lui attribue sagesse, douceur et science.

Dès les dernières décennies du XIe siècle, l'ensemble du complexe monastique passe à l'ordre de Cîteaux, puis tombe en décadence. Il faut attendre le début du XVIe siècle pour que les chartreux viennent relever les lieux et fonder la chartreuse de Santo Stefano del Bosco. Avant cette date, le site de Calabre n'entretient aucun lien institutionnel avec les monastères brunoniens de Calabre.

L'ordre cartusien s'est édifié à partir de son exemple et des Coutumes consignées par le prieur Guigues, quatrième successeur de Bruno à la Grande-Chartreuse, vers 1125.

Écrits

Tous les écrits attribués par le passé à Bruno sont apocryphes, à l'exception de deux courtes lettres écrites en Calabre et de la profession de foi prononcée sur son lit de mort[4]. On lui a attribué à tort des commentaires des épîtres de saint Paul, puis des Psaumes qui sont des œuvres de la fin du XIe et du début du XIIe siècle publiées sous son nom à partir du XVIe siècle seulement (Paris, 1509 pour le commentaire des épîtres pauliniennes, et Paris 1524 pour celui des Psaumes, voir aussi Cologne 1611 et 1640). Elles étaient inconnues des auteurs chartreux du Moyen Âge. C'est à tort qu'on répète encore aujourd'hui que le commentaire des Psaumes a été publié en 1509[5].

Canonisation

Saint Bruno, par M. Pereira (1652, R.A.B.A.S.F., Madrid).

Le fondateur des Chartreux n'a jamais été ni canonisé, ni béatifié. En 1514, à la suite de l'installation des Chartreux sur le site de l'ermitage de Calabre où Bruno était mort, l'Ordre obtint oralement du pape l'autorisation de célébrer le culte de son fondateur, dont les restes venaient d'être retrouvés dans l'église de l'ermitage. Aucun acte pontifical n'a été établi à cette occasion. Mais le cardinal protecteur de l'ordre des chartreux, dans un acte daté du 19 juillet 1514, donna à l'ordre l'assurance qu'il avait obtenu du pape "par oracle de vive voix" l'autorisation pour les chartreux de célébrer la mémoire liturgique de saint Bruno.

Aucune bulle ou document pontifical conservé ne vient attester cette autorisation, transmise à l'Ordre par le Révérend Père Dom François Dupuis, auteur d'une vie de saint Bruno. L'approbation tacite de l'Église, puis son inscription au calendrier liturgique universel, à l'occasion des réformes du concile de Trente, en constitue une confirmation équivalente. C'est pourquoi les canonistes parlent à son sujet de canonisation équipollente.

Communautés se réclamant de saint Bruno

Depuis le dernier tiers du XXe siècle, la famille des disciples de saint Bruno ne se limite plus à l'ordre des moines et des moniales chartreux. Plusieurs formes de vie nouvelles se réclamant de l'esprit de saint Bruno ont vu le jour. On distingue les formes de vie qui portent la marque d'une continuité historique avec la première fondation de Chartreuse, et les communautés nouvelles, de droit local, qui se réclament du modèle brunonien, que leurs fondateurs et formateurs soient ou non issus de l'ordre des Chartreux. Ces dernières se caractérisent par une forme de vie semi-érémitique et des tendances liturgiques orientalisantes qui n'ont pas de lien direct avec le charisme brunonien :

  • Communautés issues en ligne directe du monachisme brunonien primitif et fondées par des moines chartreux :

Bibliographie

Écrits de saint Bruno

  • Lettres et profession de foi de saint Bruno, dans Laporte (Maurice, chartreux), éd., Les lettres des premiers chartreux, Paris, Cerf, 1988 (Sources chrétiennes 88).

Vies de saint Bruno

  • Bligny (Bernard), Saint Bruno, le premier chartreux, éd. Ouest-France, Rennes, 1984.
  • Helly (Ange, chartreux), Petite vie de Saint Bruno, éd. Desclée de Brouwer, 1990.
  • Laporte (Maurice, chartreux), Aux sources de la vie cartusienne. Éclaircissements concernant la vie de saint Bruno (vol. 1) et Traits fondamentaux de la Chartreuse (vol. 2, surtout le ch. VII : fondations érémitiques, p. 263-344), Grande Chartreuse (dactylographié), 1960 [ouvrage fondamental qui a renouvelé l'historiographie brunonienne].
  • Posada (G. M., chartreux), Maître Bruno, Père des Chartreux, Biblioteca de Autores Cristianos, Madrid, 1980. Traduit de l'espagnol par Roland Quencez in Analecta Cartusiana.
  • Posada (G. M., chartreux), San Bruno – Biografia y Carisma, in Biblioteca de autores cristianos, 2001.
  • Ravier (André, s.j.), Saint Bruno, le Chartreux, éd. P. Lethielleux, Paris, 1981 (2e éd.)

Études

  • Ravier (André, s.j., Le premier ermitage de chartreuse juin 1084 - 30janvier 1132, Correrie de la Grande Chartreuse, 2001 (2e éd.)
  • Louf (André, O.Cist.), Saint Bruno (art.), in Documents-Episcopat (Bulletin du Secrétariat de la conférence des Évêques de France), n° 12, sept. 2001.
  • Moeris O., De la chaire d'enseignement à l'ermitage - Itinéraire historique et spirituel de saint Bruno, Université catholique de Louvain, mémoire de fin d'étude, 2003.
  • Morard (Martin), Le Commentaire des Psaumes et les écrits attribués à saint Bruno le Chartreux : codicologie et problèmes d’authenticité, dans Bruno et sa postérité spirituelle (référence ci-dessous), Salzburg, 2003, p. 21-39.

Notes et références

  1. On peut citer le Père de Tracy, 1768.
  2. Traduction par Dom Maurice Laporte, chartreux, dans Les lettres des premiers Chartreux, Sources chrétiennes 88, App. I, qui dépend du travail fondamental de A. Wilmart, La Chronique des premiers Chartreux, in Revue Mabillon, 1926 (16), p. 77-142
  3. Vie de Guibert de Nogent par lui-même, I, 11
  4. Voir texte de ces lettres reproduit sous ce lien : [1]
  5. Voir en particulier les interventions lors du Colloque international tenu à l'Institut Catholique de Paris en 2001, cf bibliographie
  6. Ermites de saint Bruno
  7. Sélignac

Annexes

Articles connexes

Lien externe

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