Bouzouki

Bouzouki

Le bouzouki est un instrument de musique répandu en Grèce, dont il est souvent considéré comme l'instrument « national » depuis le milieu du XXe siècle. C'est un luth à manche long fretté, de la famille du tambur, très proche du tambur bulgare ou serbe, de la tambouritza, ou du saz dont il se différencie par les frettes fixes, l'ouïe centrale et le son plus métallique. Contrairement à une idée répandue on trouve son ancêtre le « tambouras » sous le nom « pandouras » dès l'époque byzantine dans tout l'espace grec et slave, soit avant l'arrivée des Turcs dans les Balkans[1].

Le mot « bouzouki » est d'étymologie incertaine, dérivé selon certains du turc bozuk signifiant « cassé » ou « déraciné » mais plus vraisemblablement du persan bozorg, ou plutôt tambur-e bozorg qui signifie « grand tambur » (le son « rg » s'étant modifié en « k » en grec et en turc).

Des instruments plus ou moins similaires, comme le buzuq arabe, ou le bozuk turc existent dans de nombreux pays des Balkans, de Méditerranée orientale, et généralement dans les pays ayant appartenu au monde byzantin puis ottoman. L'histoire et la généalogie de ces instruments sont souvent sujettes à caution, en raison de considérations nationalistes, et du manque d'intérêt des musicologues anciens pour ces instruments de musique populaire.

L'attitude de certains éléments de la société grecque à son égard a ainsi évolué : considéré (notamment par les milieux nationalistes) comme un instrument d'origine orientale, associé aux réfugiés d'Asie Mineure et jugé à ce titre « étranger » à la culture grecque (considérée comme essentiellement occidentale dans ces milieux), associé au monde de la criminalité et des bas-fonds en tant qu'instrument du rebetiko, il a eu mauvaise réputation jusqu'au milieu du XXe siècle et son utilisation a parfois été réprimée. Le rebetiko s'étant développé à partir des années 1920 en tant que musique folklorique populaire issue des milieux pauvres et des diasporas grecques en Turquie, d'où l'influence turque et perse dans cette musique, et la similitude de l'instrument avec des luths orientaux.

Par la suite, ayant acquis avec le rebetiko et surtout ses dérivés une certaine respectabilité, parfois considéré comme dérivant d'instruments apparentés de la Grèce antique et byzantine (pandouris, tambouras) afin de renier toute influence turque, il est devenu une sorte d' « instrument national » grec, et symbolise souvent la Grèce et sa musique dans la culture populaire occidentale (publicités, disques, décoration de restaurants, etc.).

Récemment, le bouzouki (généralement une version modifiée de celui-ci) a été introduit dans la musique traditionnelle irlandaise.

Buzuq arabe

Bien que le buzuq soit mentionné par Farabi dès le Xe siècle, il restera toujours un instrument très discret, aujourd'hui rarement rencontré au Moyen-Orient (Syrie, Liban, Iraq, Palestine, Jordanie) et en Albanie. Rural à l'origine, il est devenu depuis 1960, un instrument citadin, propre à l'exécution de la musique savante arabe et occidentale.

Lutherie

C'est un luth à manche long de 120 cm de long, à caisse piriforme à fond soit plat, soit bombé (monoxyle ou lamellé-collé), au manche fretté de 24 à 26 ligatures amovibles, terminé par un chevillier moderne, où sont montées deux ou trois doubles cordes métalliques. Il y a souvent un beau travail de marqueterie.

Jeu

Du fait qu'il soit fretté, il ne se prêtait guère à l'exécution des maqâmat, mais certains interprètes virtuoses n'hésitent pas à s'y aventurer ainsi le Syrien Muhammad 'Abd el-Karîm et les Libanais Mohamed Matar et Issa Hassan. On le joue à l'aide d'un « risha », un plectre en plume. C'est l'instrument de prédilection des communautés tsiganes établies en Orient.

Bouzouki grec

Un bouzouki à trois chœurs
Un bouzouki à quatre chœurs

Lutherie

Long de 70 cm, il dispose d'un long manche étroit muni de 27 frettes fixes, et d'une caisse piriforme (dont le fond en lamellé-collé est bombé). La rosace est plus ou moins décorée de nacre, le bouzouki traditionnel étant généralement plus sobre. Les cordes sont métalliques et doublées, les chœurs graves étant normalement accordés à l'octave.

Le bouzouki traditionnel (trichordo) compte trois doubles cordes (chœurs) accordées en ré - la - ré. Les deux chœurs les plus graves sont fréquemment utilisés comme bourdon, la mélodie étant jouée sur le chœur le plus aigu.

À partir du milieu du XXe siècle, accompagnant l'évolution de la musique « populaire » laika, l'utilisation du bouzouki à quatre chœurs (« tetrachordo ») s'est fortement développée, avec un accordage similaire à celui des quatre cordes les plus aiguës de la guitare: do - fa - la - ré, et souvent ré - sol - si - mi. Ce type d'accordage permet en effet une plus grande virtuosité et est plus adapté à l'harmonie occidentale.

Selon les sources grecques, la genèse de ce bouzouki est due soit à Stathopoulos, vers 1900, qui fut le fondateur de la firme Epiphone, soit à Stefanakis, après la Seconde Guerre mondiale, joueur de banjo qui eut l'idée d'ajouter une quatrième paire de cordes.[réf. nécessaire] Le bouzouki à quatre chœurs, électrifié pour pouvoir être amplifié, fut popularisé dans les années 1950, car il permettait un jeu rapide et virtuose, inhabituel jusqu'alors.

Jeu

Il est joué avec un plectre. On peut citer parmi ses interprètes : Markos Vamvakaris, Manolis Hiotis. Le bouzouki trichordo est souvent utilisé dans le répertoire du rebetiko, son accordage étant adapté à ce type de musique (utilisation du bourdon) ; il bénéficie auprès de ses adeptes d'une image d'authenticité par rapport au bouzouki tetrachordo jugé trop occidentalisé.

Traditionnellement soliste ou destiné à accompagner le chant, on a vu néanmoins des ensembles de plus de dix bouzoukis se former. La musique de bouzouki est notée au moyen de tablatures.

Bouzouki irlandais

Un bouzouki irlandais

Le bouzouki grec a été introduit au début des années 1960 en Irlande à la suite d’une erreur. Alec Finn demanda à un ami qui allait en Grèce de lui rapporter un luth, mais il lui rapporta un bouzouki à trois chœurs. Fidèle ami de Frankie Gavin, Alec Finn l'utilisa pendant sa carrière d'accompagnateur dans de Dannan. Dans les années 1970, d'autres musiciens comme Johnny Moynihan, Andy Irvine et surtout Dónal Lunny cherchèrent à faire évoluer l'instrument.

Le bouzouki est aujourd'hui largement répandu dans les musiques dites celtiques. On en trouve dans de nombreuses sessions et groupes de musiques aussi bien en Irlande (Dervish, Altan, Planxty, Dónal Lunny's band), Écosse (Capercaillie, Malinky), Bretagne (Kornog, Storvan) ou même Galice (Carlos Núñez band), ainsi que dans le groupe folk Djal (joué par Jean Banwarth). Son adoption tient entre autres à sa capacité d'être autant un instrument mélodique que d'accompagnement. Erick Falc'Her-Poyroux et Alain Monnier pensent que sa renommée vient de sa capacité à moins occuper l'espace sonore dans un contexte de groupe qu'une guitare[2]. Toutefois, d'autres éléments entrent en ligne de compte : l'accordage en open tuning qui permet un effet de bourdon comme pour la cornemuse (avec l'utilisation du capodastre pour convenir à la tonalité du morceau), le son plus cristallin et moins sourd que la guitare (le jeu en contre-chant faisant penser à la harpe celtique à cordes métalliques), le sustain plus important dû au doublage des cordes, sa polyvalence permettant de passer d'un jeu en accord brossé à la mélodie ou au contre-chant, son effet d'attaque plus important qu'une guitare qui donne l'impression d'un instrument de percussion, la possibilité de jouer en plein-jeu en continu sans se préoccuper de ne pas toucher certaines cordes comme pour la guitare[3].

Lutherie

Dónal Lunny demanda au luthier Peter Abnett de lui fabriquer un instrument comportant les caractéristiques suivantes : forme de larme et fond plat, quatre chœurs, cordes et accord différents. Ainsi naquit le « bouzouki irlandais ». De rares musiciens continuèrent cependant d'utiliser le bouzouki grec « trichordo », comme Alec Finn.

Jeu

Les accords les plus courants sont, du grave vers l'aigu : sol - ré - la - ré et la - ré - la - ré. On trouve aussi — entre autres — sol - ré - la - mi, c'est-à-dire l'accord de la mandoline (une octave au-dessous). Le bouzouki est généralement utilisé à la place de la guitare, en accompagnement le plus souvent à la différence du style grec.

Mentionnons encore que depuis quelques années, divers instruments hybrides ont vu le jour, comme le bouzouki au corps de guitare qu’utilise Andy Irvine. Un des principaux luthiers irlandais (bouzoukis, mandolines, mandoles, cistres, etc.) se nomme Joe Foley. En France, le luthier Marc Boluda réalise des mandoles et des bouzoukis irlandais réputés.

Notes et références

  1. (en) Elizabeth Jeffreys, John Haldon, Robin Cormack, The Oxford Handbook of Byzantine Studies, Oxford University Press, 2008, p 928. Cf. Nikos Maliaras, Byzantina mousika organa, EPN 1023 (ISBN 978-9-6075-5444-4)
  2. La musique irlandaise Erick Falc'Her-Poyroux, Alain Monnier (2001), éditeur Coop Breizh (ISBN 2-9099-2441-6)
  3. Exploring the Bouzouki (avec CD) Jim Cowsery, Front Hall Records, FHR BP-1001 (livret de 15 pages)

Articles connexes

Liens externes


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