Écophénoménologie

Écophénoménologie

L'écophénoménologie ou phénoménologie écologique est un mouvement philosophique occidental, né de la rencontre de la réflexion phénoménologique et des préoccupations nouvelles la philosophie environnementale ou écosophie au début des années 1980.

Sommaire

Origines du mouvement

Si la philosophie environnementale est un champ encore jeune, la phénoménologie écologique l'est encore plus : ce n'est qu'au milieu des années 1980 que les travaux pionniers du philosophe tchèque Erazim Kohak (The Embers and the Stars, 1984) et de Neil Evernden (The Natural Alien, 1985) commencent à en appeler à travailler l'intersection des champs de la pensée environnementale et de la phénoménologie. Ainsi Kohak en appelle à recouvrer le "sens moral de la nature" par une "approche nouvelle de la nature, que rend possible une phénoménologie de la nature comme contrepartie nécessaire d'une morale nouvelle"[1]. De son côté, Evernden s'attaque directement aux vicissitudes du mouvement environnemental lui-même, et souligne que

« si nous sommes pris dans un type de rapport au monde que nous avons créé, seul une refondation totale de ce rapport nous permettra de changer, nous et nos actions. (…) Et si nous parvenons à dépasser les barrières protectrices du sens commun, alors s'ouvre la possibilité d'un champ d'une grande fertilité pour un renouveau de nos conceptions et une redéfinition de notre place dans le monde. »[2]

Le retour à la nature même

Ainsi, pour Kohak et Evernden, l'approche phénoménologique de la nature est plus qu'une simple alternative : c'est la réponse requise à l'obsession occidentale pour le monde de la technique, qui réduit à la nature à de la matière quantifiable et utilisable pour l'homme. Reprenant le concept proposé par Joseph Grange d'"écologie fondationnelle", Kohak suggère que

« L'ouverture radicale de notre vie et de notre pensée au monde, qu'il soit celui des hommes, des vivants en général[3], de l'inanimé, si elle reconnaît ce monde dans son alterité propre, c'est-à-dire dans toute la signification de son être (…) est la voie vers une "éthique écologique". »[4]

Reste qu'il faut toutefois se garder de réduire cette "éthique écologique", comme le souligne Evernden, à une "devise comportementale", qui serait encore dominée par la pensée technicienne[5]. Autant dire que l'écophénoménologie tente de se situer par-delà (ou avant) le partage du monde en culture et nature, en action et pensée, en technè et ethos.

L'écophénoménologie tente de réinvestir la question de notre rapport primordial au monde en cherchant à "dégager les éléments fondamentaux de l'expérience humaine avec le monde". Il s'agit "de creuser au plus profond du présent sensoriel" et de "retrouver le sens moral de notre humanité" par "la mise en lumière de son sens primitif dans la nature".

Les écophénoménologues pensent ainsi que la crise environnementale actuelle est autant une question géophysique que métaphysique, et qu'une reconceptualisation des relations humaines avec la terre qu'ils habitent est nécessaire pour défaire les préjugés métaphysiques qui nous poussent à ne considérer le monde naturel que sous l'angle de sa valeur utilitaire technique.

Bibliographie

  • Abram, David, 1996. The Spell of the Sensuous. New York: Vintage.
  • Brown, Charles S. and Ted Toadvine, eds., 2003. Eco-Phenomenology: Back to the Earth Itself. Albany: State University of New York Press.
  • Evernden, Neil, 1985. The Natural Alien: Humankind and Environment. Toronto: University of Toronto Press.
  • Evernden, Neil, 1992. The Social Creation of Nature. Baltimore and London: Johns Hopkins University Press.
  • Grange, Joseph, 1977. On the Way Towards Foundational Ecology. Soundings: An Interdisciplinary Journal, LX (2), 135-149.
  • Kohak, Erazim, 1984. The Embers and the Stars. Chicago and London: University of Chicago Press.
  • Stefanovic, Ingrid Leman, 1994. What is Phenomenology? Brock Review, 3(1), 58-77.
  • Stefanovic, Ingrid Leman, 2000. Safeguarding Our Common Future: Rethinking Sustanable Development. Albany: State University of New York Press.
  • Thomson, Iain 2004. Ontology and ethics at the intersection of phenomenology and environmental philosophy. Inquiry 47:380-412. [1]
  • Toadvine, Ted, 2001. Ecophenomenology in the New Millennium. In The Reach of Reflection: Issues for Phenomenology's Second Century, eds. Steven Crowell, Lester Embree, and Samuel J. Julian, 72-93. Centre for Advanced Research in Phenomenology, Inc. Electronically published at [www.electronpress.com|Electron Press]
  • Wood, David, 2001. What is Ecophenomenology? Research in Phenomenology Vol 31 [available on-line]. Also Ch. 9 of The Step Back: Ethics and Politics After Deconstruction. David.C.Wood, SUNY Press, 2005

Références

  1. E. Kohak, The Embers and the Stars, Chicago and London, University of Chicago Press, 1984, p. 13 et 22.
  2. N. Evernden, The Natural Alien: Humankind and Environment, Toronto, University of Toronto Press, 1985, p. 141.
  3. L'anglais dit animate, c'est-à-dire les "animés" qui renvoie au grec "zoon", vivant.
  4. E. Kohak, op. cit., p. 207 et 213.
  5. N. Evernden, op. cit., p. 69.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Écophénoménologie de Wikipédia en français (auteurs)

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