Bicamérisme

Bicamérisme
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Le bicamérisme (ou bicaméralisme) est un système d'organisation politique qui divise le Parlement en deux chambres distinctes, une chambre haute et une chambre basse. Le mot, introduit au XIXe siècle, est constitué de « bi » (deux) et de « camera » (chambre en latin). Différent du bicaméralisme qui est la doctrine du bicamérisme.

Ce système a pour but de modérer l'action de la Chambre basse, élue au suffrage direct et représentant donc directement le peuple, en soumettant toutes ses décisions à l'examen de la Chambre haute, élue généralement au suffrage indirect et représentant souvent des départements, des régions ou des états, et qui est souvent plus conservatrice.

Les fédérations adoptent presque toujours un système de représentation bicaméral. Une chambre représente alors la population ; l'autre, les États.

Les adjectifs consacrés, en français, pour désigner les deux types de système politique, sont : monocaméraliste, ou monocamériste ou unicaméral, et bicaméral. Monocamériste et bicamériste, quant à eux, sont des substantifs utilisés pour désigner les partisans des systèmes monocaméral et bicaméral.

Sommaire

Aux origines du bicamérisme

Le bicamérisme est le fruit de l'histoire constitutionnelle anglaise. Pour bien comprendre les conséquences des évolutions du droit britannique, il faut remonter au milieu du Moyen-Âge.

Lorsque Guillaume Le Conquérant envahit l'Angleterre au XIe siècle, il s'entoure afin de gouverner d'un Magnum Concilium, ou Grand Conseil, qui se charge de l'orienter pour ses décisions en matières fiscales et politiques. Ce même Conseil se révolte en 1215 en imposant au Roi Jean-Sans-Terre l'obligation de rendre compte de ses décisions financières et de demander l'autorisation du Concilium.

A la fin du XIIIe siècle, le Roi d'Angleterre Edouard Premier entreprend une réforme sur la composition du Conseil : il appelle les représentants des bourgs et des comtés pour siéger aux cotés des nobles. Il espère ainsi pouvoir financer ses guerres.

Mais ce n'est qu'au XIVe siècle, avec le roi Edouard III, que le Grand Conseil est divisé en deux Chambre : celles des Communes et celles des Lords. Cependant, l'exécutif et le législatif sont encore largement confondus, et les révolutions de 1640 et 1688 excluront les rois de la puissance législative conformément au Bill of Rights. La formation de la loi passera désormais selon un Parlement bicaméral, composé de deux chambres, aux intérêts divers.

Cette forme de bicamérisme aristocratique est aujourd'hui tombée en désuétude. Plusieurs réformes (notamment les deux Parliament Acts de 1911 et 1949, le Life Peerages Act de 1958 et le House of Lords Act de 1999) de la Chambre des Lords ont progressivement contribué à démocratiser sa composition et à lui donner un rôle de plus en plus symbolique, car certaines dispositions permettent de se passer de leur consentement, mais cette procédure est peu utilisée. À cet égard, certains constitutionnalistes vont même jusqu'à présenter le Royaume-Uni comme un régime monocaméral.

De manière générale, on peut observer le déclin du bicamérisme tant quantitatif (institution d'un parlement monocaméral en Suède) que qualitatif (phénomène du bicamérisme fonctionnel, avec une chambre haute purement réflexive en Norvège et en Finlande).

Mais le bicamérisme résiste dans les pays où la chambre haute a un rôle de représentation des collectivités, ainsi le Bundesrat autrichien et le Sénat français.

Dans plusieurs États fédéraux, la chambre haute représente, au moins théoriquement, les États constituants que ce soit sur une base égalitaire, comme aux États-Unis ou régionale, comme au Canada (ce n'est pas le cas en France qui est un État unitaire décentralisé).

S'il n'existe qu'en Italie et en Suisse des cas de bicamérisme parfait ou égalitaire, la Pologne, la Croatie et la République tchèque ont réhabilité le bicamérisme. Son déclin n'apparaît donc pas inéluctable.

La théorie et l'intérêt du bicamérisme

C'est Montesquieu qui théorise la division du pouvoir législatif. Dans L'Esprit des Lois de 1748, il y décrit la Constitution anglaise : le peuple élit les membres de la Chambre des communes (NB : seul 10% de la population peut voter), qui vient concurrencer la Chambre des Lords, dont les membres sont héréditaires. Le fait que chaque Chambre défend des intérêts différents, et que chacune a la « faculté d'empêcher » l'initiative de l'autre, fait que le pouvoir législatif est dans l'incapacité d'abuser de son autorité. De plus, du fait de l'élection des Communes, la corruption a peu de chance de s'installer. Enfin, Montesquieu souligne l'importance du bicamérisme, dans le sens où l'exécutif peut occuper une place plus importante en échappant à la tyrannie d'un législatif trop fort.

Pour Montesquieu, le bicamérisme est une condition essentielle à la théorie de l'équilibre des pouvoirs, c'est-à-dire lorsque "le pouvoir arrête le pouvoir".

L'apparition du premier bicamérisme démocratique

L'histoire constitutionnelle anglaise peut-être vu comme "accidentelle", dans le sens où ce sont de purs hasards historiques qui ont déterminé la séparation du pouvoir législatif en deux chambres. S'inspirant de Montesquieu et habitués au système anglais, les Américains appliquent un bicamérisme dès les premiers jours de leur indépendance. Le système législatif des États-Unis est représenté par le Sénat.

Dès 1787, le Congrès se composent d'un Sénat et d'une Chambre des Représentants. En effet, il regroupe les députés des 13 territoires américains dans la première chambre, et la seconde accueille les représentants élus au suffrage universel par Etats (notion de fédéralisme). Pour former la loi, l'une des deux chambres propose un projet à l'autre. Si il n'y a pas d'accord, on crée une commission de conciliation, qui se charge de trouver un consensus. Si malgré tout, les deux Chambres ne sont pas d'accord, le projet est abandonné. Le bicamérisme américain constitue un véritable succès dans la première démocratie moderne.

En France

« « La puissance législative sera confiée, et au corps des nobles, et au corps qui sera choisi pour représenter le peuple, qui auront chacun leur assemblée et leurs délibérations à part, et des vues et des intérêts séparés. »

— Montesquieu, Extrait de L’esprit des lois, livre VI, chapitre VI


L'objectif du bicamérisme en France est de modérer l'action de la Chambre basse (aujourd'hui l'Assemblée nationale qui est élue au suffrage universel direct), en soumettant toutes ses décisions à l'examen d'une seconde chambre, la Chambre haute (aujourd'hui le Sénat qui est élu au suffrage universel indirect), plus conservatrice.

Le bicamérisme fut introduit en France dans la Constitution du 5 fructidor an III (le Directoire), en 1795, avec deux assemblées élues : le Conseil des Anciens et le Conseil des Cinq-Cents. Le rapporteur du projet de cette constitution Boissy d'Anglas déclare devant la Constitution : « Je m’arrêterai peu de temps à retracer les dangers inséparables de l’existence d’une seule assemblée, j’ai pour moi votre propre histoire et le sentiment de vos consciences. [..] Il faut opposer une digue puissante à l’impétuosité du corps législatif, cette digue, c’est la division des deux Assemblées[1]. »

Le Conseil des Anciens partageait le pouvoir avec l'exécutif représenté par cinq Directeurs, et concourait, avec le Conseil des Cinq-Cents, à l'élaboration des lois. Le Conseil des Anciens comptait 250 membres renouvelés par tiers tous les ans. Ces membres devaient avoir 40 ans au moins, être mariés ou veufs, et domiciliés depuis 15 ans sur le territoire de la République. Siégeant au palais des Tuileries, ils approuvaient ou rejetaient les résolutions prises par le Conseil des Cinq-Cents, et élisaient les directeurs du pouvoir exécutif.

Les constitutions du Consulat (1799) puis du Premier Empire (1804) en conserveront le principe, avec le Corps législatif et le Tribunat.

En 1814, la Restauration de la dynastie des Bourbons s'inspira des institutions britanniques en créant une Chambre des pairs sur le modèle britannique, dont une partie des membres était nommée à vie et l'autre à titre héréditaire. La Révolution de Juillet 1830 supprima l'hérédité des pairs.

La Constitution du 4 novembre 1848 (la Deuxième République) supprima brièvement le principe du bicaméralisme, en ne prévoyant qu'une Assemblée nationale, seule détentrice du pouvoir législatif.

Toutefois, le coup d'État du « prince président », le 2 décembre 1851, permettait la promulgation de la Constitution du 14 janvier 1852, qui prévoyait deux chambres dont le Sénat, ce qui ne fut pas modifié par la restauration de la dignité impériale le 2 décembre 1852 (le Second Empire).

Les lois constitutionnelles de 1875 (la Troisième République), qui restauraient formellement la République, conservèrent le principe d'un parlement (appelé Assemblée Nationale) composé de deux chambres, sous le nom de Sénat et de Chambre des députés. Ce bicaméralisme était égalitaire : les deux chambres avaient les mêmes pouvoirs. Le Sénat était alors « prix à payer » comme le disait le duc de Broglie. « Les républicains lui sont hostiles mais l’acceptent pour avoir la République et les royalistes pour consentir à la République, exigent des garanties quant à son caractère conservateur » . Les monarchistes ayant obtenu satisfaction, ils disposaient ainsi d’une assemblée qui pouvait contrer la chambre des députés élue au suffrage universel, et ce d’autant plus que les deux chambres disposaient de pouvoirs identiques.

Sous l'empire de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 le Régime de Vichy proroge et ajourne les chambres via l'acte constitutionnel n° 3 du 11 juillet 1940.

Le projet de constitution du 19 avril 1946 qui prévoyait l'existence d'une seule chambre repoussée par référendum, la Constitution du 27 octobre 1946 (la Quatrième République) restaura le principe de deux chambres, en leur donnant les noms d'Assemblée nationale et de Conseil de la République. La première avait un pouvoir prépondérant sur la seconde. Le Conseil de la République n'avait alors qu'un rôle consultatif.

La Constitution du 4 octobre 1958 (la Cinquième République) a maintenu ce système, tout en réintroduisant l'usage du nom Sénat, disparu depuis juillet 1940.

En Suisse

La Confédération suisse connaît également un Parlement fédéral bicaméral : la chambre basse, le Conseil national, répartit les députés par canton en fonction de leur population, la chambre haute, le Conseil des États, donne deux députés à chaque canton, et un à chaque demi-canton, quelle que soit sa taille géographique et sa population. Ce système permet d'éviter une domination des grands cantons sur les petits cantons et vice versa.

Notes et références

Annexes

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