Opération du visa

Opération du visa

L'opération visa est lancée en 1721 sous la direction des frères Paris et de Félix Le Peletier de La Houssaye, nommé contrôleur général des finances. Elle a pour objectif de rétablir les finances de la France après le krach financier, consécutif au système de Law inventé pour refinancer les dettes de Louis XIV.

La première tentative en vue de réduire cette dette, par décisions arbitraires d'une commission, fut effectuée en imposant des amendes à une partie des créanciers par le biais de la chambre de justice. Le Régent, successeur de Louis XIV, proposa ensuite aux créanciers de convertir leurs créances à l'occasion de la mise en place du système de Law, qui nécessita lui-même la mise en place en 1721 d'une seconde opération du visa.

Sommaire

Une dette écrasante

Le 1er septembre 1715, Louis XIV meurt laissant son royaume avec une dette de 3 milliards de livres qui dépassait les espèces en circulation à un moment où les impôts de guerres étaient difficiles à maintenir, après la Guerre de Succession d'Espagne.

De 1700 à 1715, les dépenses avaient excédé les recettes d'environ 2 milliards, qu'il avait fallu emprunter à des taux exorbitants, sous peine de voir la France envahie, démembrée. La dette flottante et immédiatement exigible était, au mois de septembre 1715, de 709 millions de livres[1]. A ces soucis financiers s'ajoute l'humiliation du Traité d'Utrecht, qui voit la France perdre de nombreuses possessions au profit d'une Angleterre deux fois et demie moins peuplée, au terme de la longue Guerre de Succession d'Espagne, pendant laquelle la Grande famine de 1709 a aggravé la situation économique de la France. L'alourdissement de la fiscalité était jugé peu opportun car en Angleterre, il avait contribué en 1710 et 1715 à la colère manifestée lors des Emeutes de Sacheverell.

La première opération du visa et la chambre de justice

Les financiers du royaume prévoyaient qu'ils s'exposaient à de dures représailles, lorsque le danger serait passé. Cela ne manqua pas d'arriver. Une commission chargée de réviser les titres divers de cette dette la soumit à une réduction arbitraire, et en paya la presque totalité avec 250 millions de billets d'État, remboursables à des échéances échelonnées, et qui perdirent eux-mêmes, dès le premier jour, 40%. Le possesseur de 100 francs de papier, à la mort de Louis XIV, n'en aurait pas pu tirer plus d'une vingtaine de francs en espèces, après cette première opération du visa dant de 1716, qui fut suivi par une seconde, en 1721, plus vaste car il fallait aussi résorber l'excès de billet venant du système de Law.

Cette première opération du visa fut suivie par la création de la chambre de justice que le duc Adrien Maurice de Noailles fit établir après avoir préalablement envoyé un certain nombre de financiers à la Bastille, et défendu, sous peine de la vie, aux fermiers et sous-fermiers, de s'éloigner de leur résidence. Dans une lettre qu'il adressa, le 21 septembre 1715, à Madame Maintenon, le duc de Noailles a peint avec force les embarras financiers que Louis XIV avait légués à son successeur, le Régent s'en servant ensuite pour tracer lui aussi un bilan accablant.

Parmi les victimes de la chambre de justice, le célèbre financier Paul Poisson de Bourvallais, qui avait inspiré le personnage de la comédie Turcaret. Il s'était fait bâtir sur la place Vendôme, l'Hôtel de Bourvallais, où est aujourd'hui la chancellerie, vit sa fortune, qui dépassait 4 millions, entièrement confisquée. Mais sur 219 millions de confiscations prononcées, il n'était pas rentré la moitié de cette somme au trésor[1].

Le krach du système de Law

Paris-Duverney, le plus doué des quatre frères Paris, dirigea la commission du visa créée en 1721, composée de huit conseillers d'État et de 25 maîtres des requêtes, chargée, avec le concours de 1500 à 2000 commis, du visa des papiers provenant du système de Law, qui venait de faire des milliers de victimes en raison de l'effondrement de la valeur des actions de la Compagnie d'Occident et le l'impossibilité de convertir en or ses billets de banques, qui avait servi à écluser les dettes de l'Etat[2].

Les billets de banques furent classés en cinq catégories, en fonction du caractère plus ou moins spéculatif de l'investissement qu'ils avaient réalisé, et donc plus ou moins taxées. Au total, 511.000 foyers fiscaux sont contrôlés, chiffre considérable pour l'époque. Sur 3 à 4 milliards de titres en circulation, il n'en viendra au visa que 2,2 milliards sur lesquels l'État ne reconnaîtra que 1,7 milliard[3], ce qui revient à diviser par deux l'énorme dette laissée à sa mort par Louis XIV au terme de la coûteuse guerre de Succession d'Espagne.

Le bilan de la seconde opération du visa, selon ses organisateurs

L'opération du visa fut une grande réussite : les petits porteurs de bonne foi furent dédommagés et les "agioteurs", détenteurs de papiers d'origine douteuse, fortement pénalisés. Paris-Duverney et son coauteur Deschamps "consacrèrent plus de la moitié de leur livre des années 1730, intitulé Réflexions politiques à la réfutation serrée des allégations de leur critique et au procès du système, et firent même l'apologie de leurs propres opérations de 1721 à 1726.

La qualité de la documentation ainsi mise à jour explique l'utilisation qui en a été faite pendant plus d'un siècle par beaucoup d'historiens du système de Law.

Accusé de mansuétude envers leurs amis, ils firent valoir que sous l'opération du visa de 1721, le montant des amendes équivaut au double de celui de la Chambre de justice, mise sur pied en 1716, et qui avait de son côté plutôt sanctionné des amis des frères Paris[4]. Certaines de ces condamnations avaient d'ailleurs été jugées insuffisantes: le 28 novembre 1716, la Chambre de Justice condamna par exemple Crozat à une taxe de 6 600 000 livres, mais sa déclaration de fortune ne se trouve pas dans les listes de déclarations, car il bénéficiait de la protection du régent[5].

Lors de l'opération du visa de 1721, les spéculateurs les plus importants, les plus riches et les plus actifs dans la banqueroute du système de Law, le duc de Bourbon et le prince de Conti, ne furent cependant pas inquiétés. La commission servit autant à détruire les pièces à conviction qu'à immoler la plance à billets, selon le journaliste financier Georges Valance, dans son Histoire du Franc, 1360-2002.

Chronologie des tentatives de refinancement de la dette royale

Notes et références

  1. a et b Portrait historique sur le site de Internet Archives, consulté le 4 avril 2010.
  2. (JOHN LAW) - PARIS-DUVERNEY (Joseph) et DESCHAMPS (François-Michel-Chrétien). sur le site de Maxi Books, consulté le 4 avril 2010.
  3. Georges Valance, Histoire du Franc, 1360-2002, Paris, Champs Flammarion, 1998, 446 p. (ISBN 2080814141) (OCLC 40250289), p. 93 
  4. L'organisation gouvernementale sous Louis XIV. sur le site de Histoire moderne, consulté le 4 avril 2010.
  5. Mémoires, par Robert Challes, Frédéric Deloffre, Jacques Popin, page 342
  6. Portraits historiques, par Pierre Clément page 340

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Histoire du Franc, 1360-2002, par Georges Valance (Champs Flammarion)

Wikimedia Foundation. 2010.

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