Opérateur monotone

Opérateur monotone

En mathématiques, un opérateur monotone est une multifonction définie entre espaces préhilbertiens, qui possède une propriété de monotonie que nous précisons dans la définition ci-dessous. Lorsque cet opérateur est une «simple» fonction réelle d'une variable réelle, cette propriété de monotonie revient à supposer la croissance (non nécessairement stricte) de cette fonction. Lorsque cet opérateur est une application linéaire (non nécessairement auto-adjointe), cette propriété de monotonie revient à supposer la semi-définie positivité de l'application. Pour un opérateur monotone T, l'inclusion


x+Tx\ni z

a au plus une solution x (z est une donnée et Tx est un ensemble).

Parmi les opérateurs monotones, il faut distinguer ceux que l'on qualifie de monotones maximaux. Ils possèdent une propriété de maximalité qui s'exprime en termes d'inclusion de graphe. Pour ces opérateurs, l'inclusion ci-dessus a une et une seule solution.

Exemples d'opérateur monotone.

  • Soient \mathbb{E} un espace de Banach, \mathcal{P}(\mathbb{E}) l'ensemble des parties de \mathbb{E} et f:x\in\mathbb{E}\mapsto f(x)\in\bar{\R} une fonction convexe propre. Alors l'application sous-différentiel x\in\mathbb{E}\mapsto\partial f(x)\in \mathcal{P}(\mathbb{E}) de f est un opérateur monotone (on dit qu'il « dérive du potentiel f ») ; il est monotone maximal si f est fermée[1].
  • L'application cône normal à un ensemble convexe C : x\mapsto N_C(x) est un opérateur monotone — c'est un cas particulier du précédent, puisque le cône normal est le sous-différentiel de la fonction indicatrice de C (une fonction convexe lorsque C est convexe) — il est monotone maximal si C est fermé.
  • Le projecteur sur un convexe fermé non vide d'un espace de Hilbert est monotone.

Sommaire

Multifonction

Soient \mathbb{E} et \mathbb{F} deux ensembles. Une multifonction


T:\mathbb{E}\multimap\mathbb{F}

est une fonction définie sur \mathbb{E} à valeurs dans les parties de \mathbb{F} : si x\in\mathbb{E}, Tx\equiv T(x) est un sous-ensemble de \mathbb{F}.

Le graphe, le domaine et l'image de T se notent et se définissent respectivement par


\mathcal{G}(T):=\{(x,y)\in\mathbb{E}\times\mathbb{F}: y\in Tx\},


\mathcal{D}(T):=\{x\in\mathbb{E}: Tx\ne\varnothing\}~=~\pi_\mathbb{E}(\mathcal{G}(T)),


\mathcal{R}(T):=\{y\in\mathbb{F}: \exists\,x\in \mathbb{E} ~\mbox{tel que}~y\in Tx\}=\pi_\mathbb{F}(\mathcal{G}(T)),

\pi_\mathbb{E}:\mathbb{E}\times \mathbb{F}\to \mathbb{E}:(x,y)\mapsto x et \pi_\mathbb{F}:\mathbb{E}\times\mathbb{F}\to \mathbb{F}:(x,y)\mapsto y sont les projections canoniques sur \mathbb{E} et \mathbb{F}.

On rappelle que la multifonction réciproque de T est la multifonction notée T^{-1}:\mathbb{F}\multimap\mathbb{E} et définie par


T^{-1}(y)=\{x\in\mathbb{E}:y\in T(x)\}.

Supposons à présent que \mathbb{F} soit un espace vectoriel.

Si T:\mathbb{E}\multimap\mathbb{F} est une multifonction et \alpha\in\R, on définit la multifonction \alpha\,T en x\in\mathbb{E} par


(\alpha\,T)(x)=\{\alpha\,y:y\in T(x)\}.

Si T1 et T_2:\mathbb{E}\multimap\mathbb{F} sont deux multifonctions, on définit leur somme T_1+T_2:\mathbb{E}\multimap\mathbb{F} en x\in\mathbb{E} par


(T_1+T_2)(x)=\{y_1+y_2:y_1\in T_1(x),~y_2\in T_2(x)\}.

Opérateur monotone

Soit \mathbb{H} un espace préhilbertien dont le produit scalaire est noté \langle\cdot,\cdot\rangle et la norme associée \|\cdot\|.

Opérateurs monotones — Soit T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} une multifonction.

  • On dit que T est monotone si


\forall\,(x,y)\in\mathcal{G}(T),\quad
\forall\,(x',y')\in\mathcal{G}(T):\qquad
\langle y-y',x-x'\rangle\geqslant0.

  • On dit que T est strictement monotone si l'inégalité ci-dessus est stricte lorsque x\ne x'.
  • On dit que T est fortement monotone de module α > 0 si


\forall\,(x,y)\in\mathcal{G}(T),\quad
\forall\,(x',y')\in\mathcal{G}(T):\qquad
\langle y-y',x-x'\rangle\geqslant\alpha\|x-x'\|^2.

Propriétés immédiates :

  • Si T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone et α est un réel positif, alors \alpha\,T est monotone.
  • Si T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone, alors T − 1 est monotone.
  • Si T_1:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} et T_2:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} sont monotones, alors T1 + T2 est monotone.
  • L'ensemble des opérateurs monotones forme un cône convexe de l'espace vectoriel des opérateurs sur un espace de Hilbert donné.

On peut exprimer la propriété de monotonie en utilisant uniquement la norme associée au produit scalaire de \mathbb{H}[2]. Les opérateurs vérifiant cette prorpiété sur un espace normé sont dits accrétifs.

Monotonie et accrétivité — Pour une multifonction T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H}, les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1. T est monotone,
  2. T est accrétif, c'est-à-dire : pour tout λ > 0, pour tout (x,y)\in\mathcal{G}(T) et pour tout (x',y')\in\mathcal{G}(T), on a


\|x-x'\|\leq\|(x-x')+\lambda(y-y')\|.

Par la propriété d'accrétivité, on voit que si T est monotone, quel que soit λ > 0 et z\in\mathbb{H}, l'inclusion


x+\lambda Tx\ni z

a au plus une solution x. Pour les opérateurs monotones maximaux, cette inclusion aura une et une seule solution.

Opérateur monotone maximal

Définition

Opérateur monotone maximal — On dit qu'un opérateur T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone maximal s'il est monotone et s'il n'existe pas d'opérateur monotone T' tel que \mathcal{G}(T) est strictement inclus dans \mathcal{G}(T'). Une autre manière d'exprimer la maximalité d'un opérateur monotone T est la suivante


\Bigl[\langle y-y',x-x'\rangle\geqslant 0,\quad\forall\,(x,y)\in\mathcal{G}(T)\Bigr]
\quad\Longrightarrow\quad
(x',y')\in\mathcal{G}(T).

Le résultat de cette implication est donc que y'\in Tx', ce qui pourra parfois être interprété comme un résultat d'existence de solution d'inclusion (y' est donné et il faut trouver x'). Pour prolonger la remarque faite ci-dessus, si la monotonie de T implique l'unicité de la solution de l'inclusion


x+Tx\ni z,

la maximalité d'un opérateur monotone permet de montrer l'existence de solution de cette inclusion.

Propriétés immédiates :

  • Si T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone maximal et α est un réel strictement positif, alors \alpha\,T est monotone maximal.
  • Si T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone maximal, alors T^{-1}:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone maximal.
  • Si T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone maximal, alors \mathcal{G}(T) est fermé dans \mathbb{H}\times\mathbb{H}.
  • Si T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} est monotone maximal, alors
    • pour tout x\in\mathbb{H}, T(x) est un convexe fermé de \mathbb{H},
    • pour tout y\in\mathbb{H}, T − 1(y) est un convexe fermé de \mathbb{H}.

Pour la somme de deux opérateurs monotones maximaux, voir la section qui est consacrée à ce thème difficile.

Exemples

  • Soient \mathbb{H} un espace de Hilbert dont le produit scalaire est noté \langle\cdot,\cdot\rangle, K un convexe fermé non vide de \mathbb{H}, NK(x) est le cône normal à K en x et F:K\to\mathbb{H} un opérateur univoque monotone (non nécessairement maximal) hémi-continu contenant K dans son domaine. Alors T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H}:x\mapsto T(x)=F(x)+N_K(x) est monotone maximal[4]. Le problème de trouver un x\in\mathbb{H} tel que 0\in T(x) est équivalent à celui de trouver une solution x\in\mathbb{H} du problème d'inéquations variationnelles suivant :

    x\in K\qquad\mbox{et}\qquad\forall\,x'\in K:\quad\langle F(x),x'-x\rangle\geqslant0.

Caractérisations

Voici des caractérisations bien utiles de la monotonie maximale d'un opérateur. On note I l'opérateur identité.

Caractérisation — Soient \mathbb{H} un espace de Hilbert et T:\mathbb{H}\multimap\mathbb{H} un opérateur. Les propriétés suivantes sont équivalentes :

  1. T est monotone maximal,
  2. T est monotone et \mathcal{R}(I+T)=\mathbb{H},
  3. pour tout λ > 0, (I + λT) − 1 est non expansif et \mathcal{D}((I+\lambda T)^{-1})=\mathbb{H}.

On note qu'un opérateur non expansif est nécessairement univoque[5]. La propriété \mathcal{D}((I+T)^{-1})=\mathbb{H} équivaut à dire que pour tout z\in\mathbb{H}, (I+T)^{-1}(z)\ne\varnothing (c'est un singleton) ou encore que l'inclusion


x+Tx\ni z

a une (et une seule) solution x.

La résolvante d'un opérateur monotone maximal est l'application non expansive (donc univoque) suivante


R_T:=(I+T)^{-1}:\mathbb{H}\to\mathbb{H}.

La résolvante est définie sur \mathbb{H} tout entier. De plus, si l'on introduit l'opérateur univoque ST: = IRT, on a

\forall\,(x,x')\in\mathbb{H}^2:\quad\|R_Tx-R_Tx'\|^2+\|S_Tx-S_Tx'\|^2\leqslant\|x-x'\|^2,

propriété équivalente à la suivante

\forall\,(x,x')\in\mathbb{H}^2:\quad\langle R_Tx-R_Tx',x-x'\rangle\geqslant\|R_Tx-R_Tx'\|^2.

Cette propriété exprime la ferme non-expansivité de la résolvante RT.

Somme de deux opérateurs monotones maximaux

Si la somme de deux opérateurs monotones est un opérateur monotone, la somme de deux opérateurs monotones maximaux n'est pas nécessairement un opérateur monotone maximal, ne fût ce que parce que l'intersection de leur domaine peut être vide (auquel cas le domaine de leur somme est vide). On a le résultat suivant[6], dans lequel P^\circ désigne l'intérieur d'une partie P\subset\mathbb{E}, \overline{P} désigne son adhérence forte et T est dit localement borné en x\in\mathcal{D}(T) s'il existe un voisinage V de x tel que T(V):=\cup\{T(x'):x'\in V\} est borné.

Somme de deux opérateurs monotones maximaux — Soient \mathbb{E} un espace de Banach réflexif et T1, T_2:\mathbb{E}\multimap\mathbb{E} deux opérateurs monotones maximaux vérifiant l'une des deux conditions équivalentes suivantes :

  1. \mathcal{D}(T_1)\cap\mathcal{D}(T_2)^\circ\ne\varnothing,
  2. il existe un x\in\overline{\mathcal{D}(T_1)}\cap\overline{\mathcal{D}(T_2)} tel que T2 soit localement borné en x.

Alors T1 + T2 est monotone maximal.

Annexes

Notes

  1. Résultat dû à R. T. Rockafellar. Voir par exemple le théorème 3.24 chez Phelps (1993).
  2. Proposition 2.1 chez Brézis (1973).
  3. La monotonie maximale du sous-différentiel d'une fonction convexe fermée propre est due à Minty (1964) et Moreau (1965).
  4. La monotonie maximale de l'opérateur servant à définir un problème d'inéquations variationnelles a été démontrée par Rockafellar (1970).
  5. Le fait que la résolvante soit définie partout et soit univoque remonte au moins à Minty (1962).
  6. Voir le théorème 1 chez Rockafellar (1970).

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) J. M. Borwein et Q. J. Zhu (2010). Techniques of Variational Analysis. Société mathématique du Canada. Springer Science+Business Media Inc., Berlin.
  • H. Brézis (1966). Les opérateurs monotones. Séminaire Choquet — Initiation à l'Analyse, tome 5, n° 2 (1965-1966), exp. n° 10, p. 1-33.
  • (en) G. J. Minty (1962). Monotone (nonlinear) operators in Hilbert space. Duke Mathematical Journal, 29, 341-346.
  • (en) G. J. Minty (1964). On the monotonicity of the gradient of a convex function. Pacific Journal of Mathematics, 14, 243–247.
  • J. J. Moreau (1965). Proximité et dualité dans un espace hilbertien. Bulletin de la Société Mathématique de France, 93, 273–299.
  • (en) R. R. Phelps (1993). Convex Functions, Monotone Operators and Differentiability. Lecture Notes in Mathematics 1364. Springer-Verlag, Berlin.
  • (en) R. T. Rockafellar (1970). On the maximality of sums of nonlinear monotone operators. Translations of the American Mathematical Society, 149, 75-88.
  • (en) R. T. Rockafellar, R. J.-B. Wets (1998). Variational Analysis. Grundlehren der mathematischen Wissenschaften 317. Springer-Verlag, Berlin.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Opérateur monotone de Wikipédia en français (auteurs)

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