Bernard Palissy

Bernard Palissy
Bernard Palissy

Bernard Palissy, né au lieu-dit Saint-Avit près de Lacapelle-Biron (Lot-et-Garonne) vers 1510 et mort à Paris en 1589 ou 1590, est un potier, émailleur, peintre, artisan verrier, écrivain et savant français. Il appartient à l'École française de la Renaissance. La majeure partie de son œuvre est exposée au château d'Écouen.

Sommaire

Bernard Palissy, l'homme

Plat rustique aux reptiles et écrevisses, Bernard Palissy, 1550
Cruche, 1580-1600, suiveur de Bernard Palissy, Victoria and Albert Museum, no. 7178-1860.
Cette pièce spectaculaire fut acquise par le musée en 1860, au moment où l'engouement pour l'artiste atteignait des sommets.

Issu d'une famille modeste, autodidacte, il se vantait de ne parler « ni grec, ni latin ». En 1539, il s'établit à Saintes, se marie, fait ses célèbres recherches sur l'émail blanc, qu'il arrive à mettre au point progressivement à partir de 1545.

En 1546, il se convertit au protestantisme[1]. Protégé successivement par la famille de Pons, par Michelle de Saubonne, puis Antoinette d'Aubeterre, dames de Soubise, il se lie avec le prêcheur Philibert Hamelin. En 1548, le connétable Anne de Montmorency passe à Saintes[2] et découvre les talents de Palissy, qui travaille désormais pour le maréchal disgracié. Anne de Montmorency, grand esthète, fait travailler Bernard Palissy à la décoration du château d'Ecouen en cours d'érection, et le protège, comme de nombreux autres artistes tels que Jean Goujon et Masseot Abaquesne.

Vers 1555, il séjourne à Fontenay le Comte et se lie avec le sénéchal Michel Tiraqueau, fils du poète[3].

En 1557, il réside de nouveau à Saintes, où il a pour pasteur Charles de Clermont, dit La Fontaine. Ce dernier, qui succédait à Philibert Hamelin, pasteur formé à Genève, allait devenir le premier pasteur de Marennes[4].

En 1559, l'édit contre les protestants, signé à Écouen par Henri II, auquel Palissy avait offert de nombreuses œuvres, le mène en prison à Saintes. Son incarcération soulève une vague de protestations, alliant Louis de Bourbon, le seigneur Guy de Chabot, baron de Jarnac, Antoine de Pons, le comte de la Rochefoucaud, François III. En 1563, il est transféré à Bordeaux et son atelier est profané. Il est sauvé de la prison par l'action du connétable de Montmorency, son protecteur, qui présente promptement un placet à la reine-mère, et obtient du roi l'ordre de lui rendre la liberté[5]. Sans lui, Palissy ne serait sorti de prison que pour marcher au supplice. La même année, il fait imprimer sa Recepte véritable à la Rochelle.

À partir de fin 1566, il travaille à la réalisation d'une grotte rustique à Paris, d'abord pour le connétable, puis pour Catherine de Médicis, aux Tuileries. Deux de ses fils l'aident dans cette œuvre. En 1572, protégé de Catherine de Médicis, il ne survit à la Saint-Barthélemy qu'en se réfugiant à Sedan. De retour à Paris en 1574, il y donne l'année suivante des cours scientifiques et fait placarder des affiches à tous les carrefours pour annoncer leur commencement au carême[6]. Ses conférences portent sur les eaux et les fontaines, les métaux, contre l'alchimie, contre l'or potable recommandé par Roch le Baillif, pour l'antimoine, à propos de l'arc-en-ciel. Il a alors pour disciple Guy Patin.

En décembre 1586, il est arrêté comme huguenot, sur ordre de la Ligue ; il est condamné au bannissement en juin 1587. Mais il reste à Paris. Arrêté à nouveau en mai 1588, il est condamné à mort, va en appel et voit sa peine commuée en prison à vie. Emprisonné d'abord à la Conciergerie, il meurt à la Bastille en 1589 (ou 1590 ?), « de faim, de froid et de mauvais traitements ».

Il était marié et père de six enfants, dont trois garçons et trois filles.

Bernard Palissy, artiste

À partir de 1530, cet autodidacte étudie la technique de cuisson des glaçures. De 1536 à 1556, il consacre vingt ans de sa vie à découvrir le secret des émaux. Qui ne connaît l'histoire de Palissy ruiné, brûlant son plancher pour y parvenir ? C'est en voyant une coupe de terre émaillée, d'un superbe blanc, qu'il décide de se lancer dans les émaux. Il va alors s'acharner pour percer le secret de la composition de l'émail blanc qui, dit-on, est la source des couleurs. C'est en 1555, après une vingtaine d'années d'épreuves physiques et morales, qu'il peut couvrir les poteries d'un émail jaspé : le seul qui fasse le vrai mérite de ses ouvrages de terre. Ses pièces les plus connues sont cependant les vases, statuettes, bassins, plats, ustensiles divers auxquels il attribue le terme de rustiques figulines. Ces céramiques à décors naturalistes en relief incluent des fruits, des feuilles ou des reptiles. Elles sont la réponse de Palissy au goût des grottes importé d'Italie vers le milieu du XVIe siècle.

Œuvres

Bassin « rustique », musée du Louvre, Paris. Une pièce semblable est conservée au château d'Ecouen.
  • Grande production de faïences émaillées avec des décors de « plantes, fruits, petits animaux ».
  • Déjà « peintre sur verre et faïence » de métier, il compose également des vitraux.

Œuvres au musée du Louvre

Vaisselles
  • Bassin « rustique » orné d'un médaillon représentant Diane et Callisto et Proserpine et Pluton. Atelier de Bernard Palissy (1560 env.)
  • Récipient : L'enfance de Bacchus (1580 env.)
  • Le Christ lavant les pieds de Simon Pierre (1580 env.)
Sculptures (de 1580 env.)
  • Porte-lumière représentant un jeune homme en buste.
  • Porte-lumière en forme de chimère

Bernard Palissy, homme de science

Tout au long de ces persécutions, il subsiste grâce à son activité d'arpenteur-géomètre. Il effectue notamment le relevé des marais salants de Saintonge en 1543.

Œuvres

  • Architecture et ordonnance de la grotte rustique de Monseigneur le duc de Montmorency, 1562. Il est probable que cette grotte, ébauchée, ne fut jamais terminée.
  • Discours admirable de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu'artificielles, Paris, 1580. Ce mémoire sera reconnu comme pertinent quant au cycle de l'eau et de l'alimentation des sources par les pluies.
  • Dans L’Art de terre, il consigne sa longue lutte pour la fabrication d'un émail français (les Italiens maîtrisant déjà parfaitement ce savoir-faire) sans pourtant ne dévoiler rien de sa technique…
  • Il travaille également au rôle des sels minéraux dans la vie végétale et à l'étude des coquilles fossiles (plusieurs ouvrages sur les fossiles).

Bernard Palissy et la postérité

Sa vie géniale et tumultueuse est à l'origine d'un véritable « mythe palisséen ». Les Lumières et les révolutionnaires verront en lui le type même « du génie persécuté par l'Église ».

Si Palissy est mentionné dans de nombreux documents du XVIe siècle, aucun de ses confrères, scientifiques et artisans, n'a formulé un quelconque avis sur son travail. Pourtant, sa légende naît presque dès sa disparition. Celle-ci est dramatisée par des chroniqueurs contemporains aussi éminents qu'Agrippa d'Aubigné.

Au XVIIe siècle, Palissy est connu comme le « paysan du Saintonge » et ses connaissances en hydrologie ou en agriculture semblent surpasser celles des savants de l'époque. Ses écrits sont cependant censurés. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour les voir réédités. Loin de faiblir, cet engouement va en augmentant. Ainsi, en 1777, Barthélemy Faujas de Saint-Fond, géologue et vulcanologue, publia les Œuvres de Bernard Palissy, revues sur les exemplaires de la Bibliothèque du Roi.

Au XIXe siècle, il inspire à Balzac la figure de Balthazar Claës dans La Recherche de l'absolu. Le XIXe siècle donne à Palissy une dimension imposante et amorce même la naissance d’un véritable culte. Son art connaît un prodigieux regain d’intérêt à travers ses imitateurs (Charles Avisseau et Auguste Chauvign à Tours, Georges Pull à Paris, Alfred Renoleau à Angoulême) et par l’intérêt des grands collectionneurs. En 2009, la figure de Palissy est évoquée avec précision et fascination par les personnages du roman de la romancière britannique A. S. Byatt, The Children's Book.

Le moindre fragment de poterie vernissée retrouvé quelque part en France lui est aussitôt attribué. Ces attributions abusives sont remises en cause par la critique contemporaine. Aussi tous les objets appartenant à l’atelier parisien de Palissy ont-ils été déposés en 1987 au Musée national de la Renaissance, au château d'Écouen, afin qu’un inventaire complet en soit établi avant leur présentation au public dans une des salles du château.

plat de poissons par Auguste Chauvigné (1829-1904), Tours. Faïence émaillée, exposée au Musée des arts décoratifs de Paris
Postérité du style Palissy : plat de poissons par Auguste Chauvigné (1829-1904), Tours. Faïence émaillée, Musée des arts décoratifs de Paris.

Au XXe siècle, le « style Palissy » s’adapte même, à partir de 1920, aux tendances contemporaines : Art nouveau et Art déco.

Musées

Notes

  1. Louis Audiat, [1]
  2. La révolte des Pitauds contre la gabelle amène le connétable Anne de Montmorency (1492-1567) à intervenir en Saintonge en 1548. Source : Paul Lienhardt, Nouvelles de la Cause, n° 462, avril-mai-juin 2010.
  3. Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux
  4. F. de Vaux-de-Foletier, Histoire d'Aunis et de Saintonge, Princi Néguer, 2000, p.66.
  5. Bernard Palissy :Les œuvres de Bernard Palissy publiées d'après les textes originaux., p. XV.
  6. Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux p. 350.

Bibliographie

Ouvrages modernes
  • M.-J. Ballot, La Céramique française au musée du Louvre : Bernard Palissy et les fabriques du XVIe siècle », Paris, 1924
  • M. Latier, Faïences et faïenciers d’Angoulême de 1748 à 1914, Bordeaux, 1971
  • A. Gibbon, Céramiques de Bernard Palissy, 1986
  • M. Thauré, « Bernard Palissy. Le savant derrière le mythe » in Aventures scientifiques. Savants en Poitou-Charentes du XVIe au XXe siècle, Poitiers, Les éditions de l’Actualité Poitou-Charentes, 1995, p. 160-171 (ISBN 2-911320-00-X)
  • L. Amico, À la recherche du paradis terrestre ; Bernard Palissy et ses continuateurs, Paris, 1996
  • M. Lecoq, « Le Jardin de la Sagesse de Bernard Palissy » in Histoire des jardins, de la Renaissance à nos jours, Paris (Milan), Flammarion (Electra), 2002 (1990), p. 65–73
  • Christine Viennet et Paul Starosta, Bernard Palissy et ses suiveurs du XVIe siècle à nos jours,Hymne à la nature, Éditions Faton, 2010
  • Jean-Pierre Poirier, Bernard Palissy : Le Secret des émaux, Pygmalion, 2008 (ISBN 2756400874)
Ouvrages anciens
  • Agrippa d'Aubigné, Histoire universelle, 1616
  • Samuel Smiles, Self-Help, London, 1859
  • B. Fillon,L’Art de terre chez les Poitevins, Niort, 1864
  • Bernard Palissy, Discours admirables, rééd. 1961
  • Louis Audia, Bernard Palissy, 1868
Catalogues d’exposition
  • Bernard Palissy, « Mythe et réalité », catalogue d’exposition, 1990
  • « Une orfèvrerie de la terre, Bernard Palissy et la céramique de Saint-Porchaire », Musée National de la Renaissance, Château d’Écouen, 24 septembre 1997 - 12 janvier 1998

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