Nu (thème artistique)

Nu (thème artistique)

Le nu est un thème artistique qui consiste en la représentation du corps humain dans son état de nudité.

Plutôt que le sujet représenté lui-même, c'est une forme d’art qui essaie de recréer une image du corps humain, tout en respectant les exigences esthétiques et morales de l'époque, à travers la peinture, la sculpture, la photographie ou la performance vivante. Depuis la préhistoire, la représentation de corps nus est un des thèmes majeurs de l'art.

Sommaire

Histoire dans l'art occidental

Le nu de la préhistoire

Articles détaillés : Vénus paléolithique et Art préhistorique.
La Vénus de Willendorf
(23 000 ans av. J.-C.)

La première apparition de la nudité dans les arts est concomitante à celle des représentations humaines en général. Les œuvres picturales et sculptées nous ont renseignés sur le rapport que les hommes de cette époque avaient avec leur corps. Un des meilleurs exemples en est la représentation de la femme et de la femme enceinte. La plupart du temps, elles sont potelées et fortes[1], symboles de fécondité et d'opulence : ce genre de représentation peut être interprété comme une démarche mystique afin de s'attirer ces dites fécondité et opulence (art et croyance étant alors très liés). De plus, beauté et survie étaient fortement associées : comme chez les animaux, le partenaire le mieux portant, celui en meilleure santé était celui qui avait le plus de chances de survivre et d'être le meilleur géniteur.

Dans les représentations de femmes, le visage et les détails sont minimisés alors que les seins, le ventre (fécond) et le sexe sont accentués, exagérés. Des représentations exagérées de certaines parties du corps font aussi leur apparition (principalement des phallus). L'exagération peut être comprise comme le moyen premier et volontaire d'indiquer l'importance d'un élément.

L'Antiquité

Ganymède, vase grec Ve siècle av. J.-C.

L'art de l'Égypte antique est en grande partie composé de bas-reliefs. Ceux-ci ayant un rôle religieux et politique, ils représentent les corps suivant un schéma de proportions précis et codifié généralisé par l'écriture hiéroglyphique[2]. Les individus sont aussi représentés de taille différente selon leur importance hiérarchique et la nudité est souvent l'apanage des serviteurs, comme on peut par exemple le voir sur la Palette de Narmer.

L'art grec puis romain s'attacheront à plus de réalisme. Les Grecs portent une grande attention au corps, surtout masculin, à son entretien et à la beauté, perçue comme sacrée. Entre les kouroi archaïques, qui rappellent les poses égyptiennes hiératiques[3], et la sculpture hellénistique, de nombreux artistes ont fixé les canons du nu masculin. Leurs dieux sont anthropomorphes et, au fil du temps, leurs représentations charnelles sont de plus en plus précises. Ces représentations imposeront des canons artistiques qui perdureront et qui seront redécouverts par les artistes de la Renaissance.

Les artistes grecs étudient de façon minutieuse l'anatomie et les proportions, et les représentations figées font place à des images de plus en plus réalistes. Générations après générations, les parties du corps sont fidèlement reproduites. On s'attache alors au mouvement et aux poses plus naturelles. Pour cela, on évite la symétrie des mouvements (par le contrapposto).

Bien que les efforts anatomiques et la progression des techniques de sculpture amènent à une amélioration du réalisme, on note toutefois par la suite un retour à l'instinct naturel d'exagération du corps. Les artistes mettent en valeur certaines parties et certains muscles, et en minimisent d'autres (le canon du petit pénis en est un exemple flagrant). Concernant les femmes, lorsque les fesses sont particulièrement mises en valeur, une statue est dite callipyge (qui a de belles fesses). Les décors de poterie peuvent aussi comporter des représentation de phallus en érection de taille surdimensionnée (ces représentations sont dites ithyphalliques). Dans l'art romain, des représentations érotiques peuvent se retrouver sur des céramiques (comme la coupe Warren) comme dans le décor des maisons, comme en attestent les découvertes à Pompéi.

Le Moyen Âge

L'Homme anatomique, Les Très Riches Heures du duc de Berry, musée Condé, Ms.65, folio 14v

Le Moyen Âge n'aime pas représenter le nu, sans doute en raison de l'utilisation quasi-exclusive de l'art à des fins religieuses. En effet, le nu est pour le Moyen Âge un rappel de la condition mortelle et imparfaite de l'homme, en rapport avec le péché originel, et est donc utilisé dans des thèmes religieux.

Par exemple dans les représentations des enfers sur les tympans des églises, on trouve fréquemment des personnages nus, dont les parties génitales sont dévorées par des griffons, des serpents, des scorpions. De même, les représentations d'Adam et Ève prennent parfois la forme de nus : ainsi, l'Adam de Notre-Dame de Paris (conservé au musée de Cluny) est représenté nu, et très proche du canon antique.

À noter qu'Adam et Eve sont toujours dépeints avec un nombril à cette époque (dogme de l'omphalisme). Un anachronisme religieux se trouve dans la représentation de l'enfant Jésus généralement avec un sexe intact alors que selon la bible il a été circoncis au huitième jour[4].

Dans l'imagerie sacrée, la nudité reste associée au thème du péché, et il faut attendre le XVe siècle pour qu'un certain relâchement ait lieu. Ainsi, dans le Bréviaire de Marie de Savoie, réalisé à Chambéry, entre 1400 et 1450, on note la présence de nombreux petits enfants nus dans les marges. On observe l'apparition de vierges allaitant, plutôt dans la sculpture que dans la peinture, comme le prouvent les réactions indignées de certains ecclésiastiques devant la Vierge à l'enfant de Jean Fouquet alors que des Vierges de pierre montraient leur sein au XIVe siècle déjà. Cela n'empêche pas les miniaturistes des Très Riches Heures du duc de Berry et d'autres manuscrits de la même époque de représenter des nus lorsqu'ils en éprouvent le besoin.

Une évolution intéressante est celle des représentations de Jésus enfant  : son corps commence à être dévoilé à partir du XIIIe siècle, mais il n'est représenté nu qu'à partir de 1400 environ.

La Renaissance

Article détaillé : Renaissance artistique.
Étude anatomique de Léonard de Vinci (1504)
La Naissance de Vénus de Botticelli (détail), (1485)
L'expulsion d'Adam et Ève du Paradis, fresque de Masaccio (1428)

C'est bien évidemment sur l'Art de l'Antiquité que les maîtres italiens ont fondé leurs canons esthétiques, mais l'art de la Renaissance a toutefois suivi son propre cheminement, avec des supports différents (peinture sur toile, fresque, sculpture) et un grand nombre d'innovations techniques (la peinture à l'huile, la perspective linéaire, le sfumato, le trompe-l'œil)[5], qui lui confèrent des caractéristiques propres. Le corps nu est représenté essentiellement dans des œuvres sur des thèmes mythologiques ou religieux[6].

À la Renaissance, le nu devient un sujet à part entière, dégagé des considérations religieuses, et exprime une esthétique nouvelle, dans laquelle les artistes traduisent l'évolution de la société. Au début, les corps sont particulièrement corpulents (gras) car on souhaitait montrer que l'on entrait dans une nouvelle ère d'opulence et surtout parce que le désir premier des humanistes était de placer l'homme au centre de l'univers. Plus tard, les corps adipeux laissèrent la place à des corps musclés. Les corps, également figés au début, ont évolué à l'instar de ceux de l'Antiquité. Ces deux caractéristiques (musculature et mouvement) furent améliorées par l'étude des maîtres anciens mais surtout par la recherche anatomique sur modèles vivants ou cadavres. Albrecht Dürer est le premier artiste à se représenter nu en 1503. Une des études anatomiques les plus célèbres est l'homme de Vitruve de Léonard de Vinci). Les représentations d'enfants deviennent aussi plus réalistes, en rupture avec les représentations du Moyen Âge où ils étaient généralement représentés comme des adultes en miniature, avec des visages d'adultes.

Le nu féminin, tout en exprimant un idéal de beauté, commence à traduire un érotisme, qui posera quelques problèmes dans la réception des œuvres en raison des mentalités qui n'étaient pas prêtes à accepter ce type de représentation. En effet, le courant des sujets religieux, promu par le mécénat officiel de l'Église, s'affrontait avec un mécénat privé néo-classique qui appréciait les sujets mythologiques, comme les Médicis, avec des compromis fréquents dans les collections privées de certains ecclésiastiques.

Certains artistes durent trouver toutes sortes de stratagèmes pour que la nudité ne soit pas choquante et n'entraîne pas le rejet de l'œuvre. Soit la pose elle-même masquait ce qu'on ne voulait pas montrer, soit un cache-sexe plus ou moins opportun fut largement employé, autant sur les sculptures que dans la peinture : c'était soit un morceau d'étoffe, soit une feuille de vigne (comme sur Adam) ou de figuier, et parfois des éléments plus ingénieux comme les cheveux (pour la Naissance de Vénus de Botticelli).

Quand il n'y avait pas de cache-sexe, souvent le sexe était prépubère, à la manière antique. Il est d'ailleurs quelquefois difficile de différencier les enfants, adolescents et adultes dans la mesure où la musculature ne correspond ni au visage ni au sexe (comme dans les œuvres du Caravage ou de Michel-Ange). Mais certains ne s'embarrassaient pas de ces convenances, comme le David de Michel-Ange ou le Persée de Cellini, exposés aux regards sur la place publique dès leur création.

Certains nus de la Renaissance furent toutefois seulement censurés plus tard, par les descendants des propriétaires des œuvres. C'est notamment le cas d'une fresque de Masaccio (ci-contre) sur laquelle les sexes des deux personnages furent recouverts de feuilles de figuier deux siècles plus tard (et enlevées lors de la dernière restauration)[7].

Art baroque et maniérisme

Articles détaillés : Art baroque et Maniérisme.
Le Greco, Laocoon (1604-1614)

En droite ligne de la renaissance, l'art baroque et le maniérisme introduisent une exagération systématique dans les poses, le style et les sentiments donnés aux sujets représentés. La motivation des peintres n'est plus obligatoirement la recherche du réalisme presque anatomique (celui-ci a déjà été atteint). Grâce au clair-obscur introduit par le Caravage, puis Rembrandt, les corps et la chair se détachent désormais des seconds plans et sont éclairés comme jamais auparavant. On n'hésite pas à montrer des corps meurtris, contrefaits ou torturés, comme Laocoon du Greco ou les innombrables représentations du Christ.

Rococo

Article détaillé : Rococo.
Odalisque de Boucher (1740)

En totale contradiction avec les courants précédents viendra plus tard le rococo. Celui-ci se caractérise par la mise en avant de scènes privées. Dans cette optique, les nus sont eux aussi des scènes privées, principalement féminins et assez souvent érotiques. Watteau peint une dame faisant sa toilette, François Boucher lui n'hésite pas à peindre nue une des courtisanes de Louis XV, ou encore à se servir de sa propre femme comme modèle de son Odalisque (dans une pose très suggestive).

Pour autant les thèmes mythologiques et surtout les allégories (principalement l'amour) ne sont pas délaissés ; ils suivent les caractéristiques du courant : couleurs (et formes) douces et diffuses.

Néoclassicisme

Article détaillé : Néoclassicisme.

Les découvertes archéologiques qui résultèrent des fouilles d'Herculanum (1738) puis de Pompéi (1748) eurent un grand retentissement dans le domaine artistique[8]. Elles contribuèrent à la mise au goût du jour du classicisme et, à travers lui, du néoclassicisme. Le mouvement néoclassique prônait un nouveau retour aux racines antiques (en opposition au rococo). L'art grec et romain deviennent le modèle qu'il faut suivre. C'est le départ d'un vaste mouvement qui englobe la peinture, la sculpture, mais aussi la littérature, et l'architecture.

Proche du Romantisme, il donna lieu a de nombreuses déclinaisons de thèmes mythologiques classiques, mais également de thèmes liés à la naissance du concept de nationalisme et aux idéaux révolutionnaires (notamment chez Jacques-Louis David) où les nus apparaissaient le plus souvent dans des scènes de guerre, avant d'être intégrés aux représentations de la bourgeoisie de la Restauration et de la Troisième République.

En peinture, les nus néoclassiques de cette seconde phase se caractérisent par un rendu velouté et uni, proches de l'idéal de pureté et de virginité de la première période romantique. Les nus les plus connus de cette période sont ceux de Dominique Ingres, notamment sa Grande Odalisque[9], dont les vertèbres supplémentaires ajoutent une note maniériste.

En sculpture, on fait un grand usage de sujets et de poses antiques, dont la célèbre Vénus de Canova pour laquelle Pauline Bonaparte avait posé. Si le nu intégral ne choque plus guère pour les œuvres publiques monumentales, on note une pratique particulière concernant les sculptures en bronze destinées aux particuliers. Souvent on y ajoute un cache-sexe opportun, bout de pagne ou feuille de vigne, y compris pour les reproductions d'antiques.

Romantisme

Article détaillé : Romantisme.

La peinture romantique, réaction du sentiment contre la raison, se caractérise par un goût très marqué pour la dramatisation. Les peintres n'hésitent plus à montrer la réalité, aussi violente qu'elle puisse être. La peinture romantique se caractérise aussi par l'arrivée de l'exotisme dans les mœurs occidentales, par le fantasme du harem (par exemple Au harem - Femme au bain de Théodore Chassériau, (1854) ), des femmes mises à disposition ; les œuvres deviennent plus libérées et les nus expriment la sensualité et parfois même la sexualité. La peinture romantique est une totale rupture avec le classicisme et s'écarte également du néoclassicisme par un relâchement des conventions formelles : ce ne sont plus les formes et les sujets que l'on met en valeur, mais davantage l'intensité des couleurs, des contrastes et de la lumière.

Le romantisme en sculpture n'apparut qu'assez tard, vers 1830, et dura peu. Jusque-là les artistes, n'osant pas rompre avec le canon traditionnel, tentaient seulement d'accentuer le mouvement des lignes ou de leur donner plus de souplesse (par exemple le Spartacus de Foyatier ou le Coureur de Marathon de Cortot).

Impressionnisme et Réalisme

Articles détaillés : Impressionnisme et Réalisme (peinture).
Olympia de Manet (1863)

Ces deux mouvements de la seconde partie du XIXe siècle firent scandale à leur époque en utilisant le nu dans des situations réalistes et non plus pour des scènes mythologiques.

Proches des préoccupations sociales de leur époque, les peintres réalistes privilégièrent les études de nus féminins sur le vif, dans des situations quotidiennes. Loin de l'idéalisation du néoclassicisme, ces œuvres crues furent considérées comme de la pornographie.

Les nus impressionnistes empruntèrent à l'école réaliste un goût pour le quotidien, en opérant toutefois un retour marqué à certaines scènes bucoliques, idéalisées. Un des initiateurs du mouvement fut Édouard Manet dont l'œuvre Olympia provoqua un tollé car il représentait une femme ordinaire, probablement une prostituée, nue mais ayant gardé son collier, un bracelet et ses mules aux pieds et accompagnée d'une domestique noire (lui présentant peut-être le bouquet d'un admirateur) et d'un chaton noir. Le même peintre provoqua un scandale au Salon des Refusés en 1863 en présentant le Déjeuner sur l'herbe, où une femme entièrement nue participe à un simple pique-nique dans la nature en compagnie d'hommes habillés.

Enfin, Gustave Courbet alla plus loin encore en montrant avec son tableau L'Origine du monde qu'une représentation très crue du corps humain, à la limite de la pornographie, peut être considérée comme de l'art (ce tableau ne fut montré qu'au cercle restreint de ses propriétaires successifs jusqu'à son exposition récente).

Expressionnisme

Article détaillé : Expressionnisme.
Egon Schiele, Autoportrait
(1911) (53 × 29 cm)

L'art fasciste

Arno Breker, Prometheus

Le néoclassicisme a connu un renouveau au XXe siècle, du fait de régimes dictatoriaux qui en attendaient une image de permanence et de continuité de la civilisation. L'Italie fasciste et l'Allemagne nazie ont puisé dans les représentations idéalisées de la Grèce et de la Rome antique, pour constituer leurs outils de propagande. La propagande nazie notamment montra un réel désir de retourner à un mode de vie proche de celui de l'Antiquité en ce qui concerne la pratique des sports (de façon collective) ainsi que dans le rapport à la nudité ; en effet, le régime soutint le mouvement naturiste allemand (bien qu'il ait été au départ interdit)[10].

Le nu artistique a été utilisé pour montrer la perfection du corps « aryen » et sportif (ce qui a été notable lors des Jeux olympiques de Berlin en 1936 avec, en particulier, sa présentation cinématographique par Leni Riefenstahl). On ne peut que convenir des similitudes entre le décor des jeux de Berlin, avec les statues d'Arno Breker, et le Foro Italico (Stade des marbres) de Mussolini à Rome, dont le stade est couronné de nus masculins monumentaux.

Les canons de l'art stalinien, utilisés dans les pays communistes, puisent dans le même répertoire. Les statues du Palais du Trocadéro, qui a accueilli l'Exposition universelle en 1937, avec les pavillons géants de l'Allemagne nazie et de l'URSS communiste, sont également proches de ce style. En France on peut citer Pierre Le Faguay comme sculpteur de ce courant.

Les représentations masculines (comme celles d'Arno Breker) étaient bien souvent des pastiches des représentations classiques, avec une carrure exagérée, des poses rigides (comme le bras tendu vers la victoire) et un regard devant inspirer le courage. Le tout était parfois accentué par les dimensions monumentales des œuvres, ce qui ne les rend pas très proches du modèle humain, mais plutôt d'un hypothétique surhomme.

Dans l'art oriental

Onna yu (Femmes dans les bains publics) de Kiyonaga, (1780).
Articles détaillés : Art japonais et Shunga (gravure).

L'art japonais représente le nu assez fréquemment. Un type de gravure spécialisé, les shungas, représente des scènes de nudité quotidienne ainsi que des scènes érotiques. On trouve ce genre de représentations chez des peintres comme Kiyonaga et Hokusai.

Le nu contemporain

Modèle posant pour un artiste.

Abstraction puis retour à la figuration

Au début du XXe siècle, l'art figuratif a été réinterprété grâce à l'éclairage nouveau qu'ont pu offrir les nouvelles techniques et les nouvelles approches (la psychanalyse par exemple).

Les Demoiselles d'Avignon (de Picasso, 1906) sont un exemple célèbre de distorsion de nus à travers le prisme multifocal du cubisme. L'expressionnisme abstrait ne quitte pas la thématique traditionnelle du nu qui reste perceptible. Le pop art s'est également réapproprié des images commerciales de nus, voire d'images pornographiques (Tom Wesselmann).

Les automutilations de Gina Pane, ou les Fuck Faces, sculptures de Jake et Dinos Chapman, ont souvent suscité des réactions négatives de la part du public. Le corps, ayant abandonné sa dimension de représentation canonique des catégories esthétiques classiques, est devenu un vecteur de réflexion et de subversion. En été 2005, le musée Léopold de Vienne a proposé l'entrée gratuite à l'exposition « La Vérité nue » à ses visiteurs nus.

Nouveaux domaines d'exercice

Art corporel

Article détaillé : Art corporel.

Si les représentations de nus sont entrées dans les standards de l'imagerie collective, de nouvelles voies n'ont cessé d'être explorées, notamment, l'art corporel (ou body art) a donné, à travers des performances, des représentations parfois crues du corps, devenu un thème majeur de réflexion.

Suite aux premières performances ou happenings du Black Mountain College aux États-Unis, la mise en scène du corps — le plus souvent, celui de l'artiste lui-même — est devenu un nouveau médium de représentation du corps. En France, c'est notamment avec Michel Journiac, dans les années 1970, que l'art corporel, où apparaissent très souvent des corps nus, a émergé. Plus récemment, Ana Mendieta, explorant les rites yoruba de sa culture cubaine d'origine, entrait nue dans un cratère, dans un mouvement d'appel à son corps embryonnaire. Les performances d'Yves Klein, où le corps de jeunes filles mêlé à de la peinture bleue laisse son empreinte sur des toiles, est également une scène de body-art célèbre.

Photographie

Photographie de nu

À son origine, la photographie de nu a été utilisée par des artistes comme nouveau moyen d'esquisser un modèle. Le musée d'Orsay, par exemple, possède des nus sur lesquels ont été tracés des carrés destinés à aider dans la reproduction et l'agrandissement du modèle sur une toile (mise aux carreaux)[11].

Bien que liée depuis ses débuts à l'érotisme et mettant majoritairement en scène des femmes, la photographie de nu ne se limite pas à cette image. Vers le milieu du XXe siècle, certains magazines ont commencé à mélanger les genres artistiques et érotiques pour détourner les problèmes de censure encore très présents à l'époque, n'hésitant pas à présenter au grand public comme artistiques des photos en réalité bien plus proches de l'érotique. David Hamilton est notamment connu pour ses mises en scènes éthérées de corps nus féminins, couleur et noir et blanc. Le développement de l'industrie pornographique a aussi inspiré des artistes. C'est le cas de Jeff Koons qui réalisera plusieurs œuvres de sa série Made in Heaven le représentant avec sa compagne la Cicciolina dans des scènes sexuelles[12].

L'américain Spencer Tunick a pris quant à lui le parti de photographier des masses de corps nus, mettant en scène de façon spectaculaire des groupes de plusieurs milliers de personnes nues, volontaires, dans des endroits publics[13].

Les mises en scène de Joel-Peter Witkin, où interviennent des personnages bizarres, handicapés ou surpondérés, sont une réinterprétation gothique contemporaine du nu. Un photographe comme le Finlandais Arno Rafael Minkkinen photographie son corps nu qu'il met en scène dans des paysages de son pays natal, réinventant l'autoportrait.

En France, le photographe Pierre-Jean Amar recherche dans ses nus à la fois l'expression de l'esthétisme des formes du corps féminin et l'évocation de la sensualité, en jouant beaucoup avec la lumière.

Aujourd'hui, le nu est fréquemment utilisé lors des campagnes publicitaires, pour des produits en lien avec la nudité (Campagne des Leçons de séduction de la marque de Lingerie Aubade), mais également pour des produits parfois plus éloignés (Campagne « le fruit nu » de Joker).

Le Festival Européen de la Photo de Nu, qui tient tous les ans, à Arles en France, est la plus importante manifestation consacrée à ce genre photographique en Europe. De nombreuses expositions de photographes de nu émérites, sont accessibles au public.

Techniques numériques
Image obtenue par le logiciel Poser

Le développement des techniques d'imagerie numérique (logiciels de retouche tels Photoshop ou The Gimp, de synthèse d'images comme Poser) ont été suivis par de nouveaux thèmes de réflexion sur une plasticité et une interchangeabilité croissante des représentations du corps. Les artistes Aziz + Cucher créent par exemple des images d'individus à la peau sans orifices, imperméable et insensibilisée. Simon Costin, quant à lui, se met en scène dans des poses d'automutilation plantées dans un univers aseptisé.

Au cinéma

Le nu au cinéma diffère selon les pays et les législations. Il semble plus développé dans le cinéma européen et asiatique que dans le cinéma américain. Les scènes nues se sont libéralisées au cinéma dans les années 1970 et 1980. Avant cette période, la nudité était interdite, puis elle a été tolérée mais non frontalement et était quasi exclusivement féminine (la nudité des James Bond girls en est un bon exemple). Avec la « libération des mœurs » des années 1970, on a vu apparaître une nudité frontale, d'abord féminine puis masculine. À la même époque, sont apparus les films pornographiques et leur légalisation. Dans les années 1990, la nudité dans les films grand public s'est plutôt raréfiée.

Aux États-Unis, la législation est bien plus stricte quant à la classification des films contenant des scènes de nu. Au Japon, le critère d'acceptabilité est la présentation ou non de poils pubiens.

Nu et société

Nu et féminisme

Article détaillé : Image de la femme.

Des mouvement féministes se sont opposés à ce qu'ils estiment être une prépondérance des représentations de nus féminins dans les espaces muséaux, et à l'idéologie phallocrate qui selon eux y est associée.

Nu et pédophilie

En 2000, une artiste néerlandaise, Kiki Lamers, s'est vue interdire d'exposer en France car ses photos incluaient notamment des enfants nus (sans aucun caractère sexuel, cependant) ; d'autres artistes comme les photographes David Hamilton[14], Sally Mann, Jock Sturges[15], Jan Saudek, Will McBride[16] ou même Robert Mapplethorpe avaient aussi connu ce genre d'attaques. La législation étant de plus en plus stricte en ce domaine, on peut se demander par exemple si des œuvres telles que L'Amour victorieux du Caravage ou les peintures de Henry Scott Tuke seraient acceptées ou censurées de nos jours.

Références

  1. André Leroi-Gourhan, Préhistoire de l'art occidental
  2. (en) Gay Robins, The Art of Ancient Egypt, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 2000 (ISBN 0-674-00376-4) 
  3. Iversen MittKairo 15, 1957, 134-147, et Canon et proportion dans l'Art Egyptien, 1955. Levin AJA 68, 1964, 13-28. Levin AJA 68, 1964, 13-28.
  4. Évangile de Luc, II, 21 et Colossiens II, 11
  5. Frederick Hartt, A History of Italian Renaissance Art, (1970)
  6. Nudité sacrée : le nu dans l’art religieux de la Renaissance, entre érotisme, dévotion et censure, Institut National d’Histoire de l’Art, juin 2008
  7. Gender and Shame in Masaccio’s Expulsion from the Garden of Eden, James Clifton, décembre 2003
  8. Robert Étienne, La Vie quotidienne à Pompéi, 1989
  9. Dominique Massonnaud, Le Nu moderne au salon (1799-1853), Grenoble, 2005
  10. Naked Germany: health, race and the nation, Chad Ross
  11. Voir photo du XIXe siècle au musée d'Orsay
  12. Site officiel de Jeff Koons
  13. Exemples du travail de Spencer Tunick : Barcelone, New York, Londres
  14. (en) « Hamilton's naked girl shots ruled “indecent” », The Guardian, 23 juin 2005.
  15. (en) Biographie de Jock Sturges
  16. (en) « Is America Ready? », Los Angeles Times, 9 mars 1975.

Bibliographie

Annexes

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Articles connexes


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