Elkasaï

Elkasaï
Page d'aide sur l'homonymie Cet article traite du personnage appelé Elkasaï. Pour le mouvement religieux à qui on a donné son nom, voir Elkasaïtes.

Elkasaï est, au début du IIe siècle, le fondateur du mouvement judéo-chrétien, baptiste et gnostique appelé Elkasaïte. Ce mouvement tire son nom de son fondateur[1], dont le nom connait de multiples graphies, notamment chez les hérésiologues chrétiens écrivant en grec.

Après avoir proclamé un nouveau baptême de rémission des péchés vers l'an 100 (la troisième année du règne de Trajan), il aurait eu une révélation vers 115 d'où serait né un livre connu sous le titre de Livre d'Elkasaï ou Apocalypse d'Elkasaï (Révélation d'Elkasaï). Celui-ci a complètement disparu aujourd'hui et n'est connu qu'indirectement par les écrits de ces hérésiologues chrétiens, qui racontent que pour ses disciples, ce livre était descendu du ciel[2]. Certains auteurs détectent aussi des passages de ce livre dans la Vita Mani, livre de référence du manichéisme.

ElKasaï signifie « force cachée » ou « pouvoir caché » et est donc probablement un surnom que lui aurait donné ses partisans. Certains auteurs contestent donc l'existence réelle de ce personnage. Toutefois, rien ne s'oppose à considérer que ce nom a été donné par ses disciples à un personnage réel, comme semble l'indiquer toutes les sources en notre possession[3]

L'hypothèse souvent avancée est que le mouvement elkasaite a été fondé par Elkasaï, à partir d'un groupe juif déjà existant, qui se caractérisait essentiellemnet par des pratiques baptistes, qui pourrait être celui des Osséens et aurait été établi vers la fin du Ier siècle en Syrie sous domination parthe. Il est fort possible qu'Elkasaï, avant de fonder son propre groupe, ait été un judéo-chrétien ébionite[4], ou voisin de l'ébionisme, mais se rattachant à la Syrie de l'Est[5], c'est-à-dire à l'Osroène et l'Adiabène, régions de langue araméenne situées à l'Est de l'Euphrate. Il aurait ainsi créé un nouveau groupe religieux se désignant sous le nom de sampséen[4].

Le mouvement Elkasaïte est documenté de manière indirecte à partir du IIe siècle jusqu'au IVe siècle chez les auteurs chrétiens. Au Xe siècle, il réapparait chez des auteurs arabes. Il disparait à un moment inconnu après cette date.

Sommaire

L'appelation Elkasaï

Elkasaï a été écrit de différentes façons : 'Hλξαί (Elxaï), 'Hλχασΐ (Elkhasi), 'Ελκεσαΐ (Elkesaï - Elcésaïe)[6], Elchasai, Eldzai[7] dans les textes en grec, ou al-Khasayh (al-Hasayh dans certains manuscrits)[8] dans la littérature musulmane. « Dans la Vita Mani, le nom du fondateur du mouvement est fourni sous la forme Alchasaiois : elle correspond à la forme Elchasai d'Hippolyte de Rome, mieux attestée et plus ancienne que celle d'Epiphane[8]. » Dans les notices du Kitab-al-Fihrist d'Ibn al-Nadim datant de la fin du Xe siècle, « le fondateur de la communauté est appelé al-Khasayh (ou al-Hasayh dans certains manuscrits)[8]. »

Derrière ces différentes transcriptions, l'expression araméenne Chail Kasai (« force cachée » ou « pouvoir caché ») se fait toujours entendre. Epiphane de Salamine indique d'ailleurs dans son Panarion que c'est le sens que veut rendre en grec le nom « Elxaï »[9]. C'est en effet, ce qu'essaye de rendre la translitération grecque El, « force/pouvoir » et Chai ou Dzai, « caché »[8],[10].

Ce nom symbolique, ouvre la voie à la contestation de l'existence de ce personnage par quelques auteurs savants. Toutefois, rien ne s'oppose à considérer que ce nom a été donné par ses disciples à un personnage réel, comme semble l'indiquer toutes les sources en notre possession[3]. La Vita Mani étant la source la plus claire à ce sujet. Mani, cité par ses disciples les plus proches, y parle d'Elkasaï comme d'une personne réelle et d'un fondateur de mouvement religieux[3]. On ignore si son nom était tout autre à l'origine ou si ce nom positif a été créé par ses partisans grâce à la proximité phonétique avec son nom véritable, comme les juifs de l'époque le faisait très souvent (technique midrashique).

Elkasaï, considéré comme le fondateur des Elkasaïtes a donné son nom au mouvement, bien qu'il semble que celui-ci se soit plutôt donné le nom de sampséens[11],[12].

Éléments de biographie

Elkasaï aurait prêché un nouveau baptême de repentance dans la troisième année du règne de Trajan (100). Son origine précise est inconnue, mais clairement située dans l'espace perse. Hippolyte de Rome est toutefois un peu plus précis et parle d'Elkasaï le « Parthe », mais il s'agit peut-être d'une référence à l'endroit où il aurait bénéficié de sa révélation[13].

Selon Simon Claude Mimouni, la documentation en notre possession permet d'avancer l'hypothèse que le mouvement elkasaite a été fondé par Elkasaï, « à partir d'un groupe juif déjà exitant. [Celui-ci] se caractérisant essentiellemnet par des pratiques baptistes, pourrait être celui des Osséens (c'est-à-dire des Esséniens) et aurait été établi vers la fin du Ier siècle en Syrie sous domination parthe. [...] Il est fort possible qu'Elkasaï, avant de fonder son propre groupe, ait été un judéo-chrétien ébionite[4]. » Il aurait ainsi créé un nouveau groupe religieux se désignant sous le nom de sampséen. Cette hypothèse est à rapprocher de celle de Jean Daniélou pour qui « l'elkasaïsme est un mouvement judéo-chrétien hétérodoxe, voisin de l'ébionisme, mais se rattachant à la Syrie de l'Est[5] », c'est-à-dire à l'Osroène et l'Adiabène, régions de langue araméenne située à l'Est de l'Euphrate.

D'après Epiphane de Salamine, Elkasaï était un juif de naissance et de croyance, devenu fondateur d'un nouveau groupe après avoir rejeté le fondement culturel et social du judaïsme, à savoir le sacrifice sanglant instauré par les patriarches et perpétué dans la pratique pascale, au cours de laquelle la victime animale est égorgée puis consumée par le feu sur l'autel. Ainsi, au sang et au feu des sacrifices, Elkasaï oppose l'eau, qui devient ainsi l'instrument thaumaturgique du mouvement[14].

Elkasaï aurait reçu sa révélation vers 114 - 117, c'est-à-dire en pleine révolte judéo-parthe contre l'invasion de la région par l'empire romain dirigé alors par Trajan. C'est dans ce contexte qu'aurait été rédigé l'Apocalypse d'Elkasaï (Révélation d'Elkasaï).

Bibliographie

Texte

  • Livre de la révélation d'Elkasaï, trad. Luigi Cirillo, in Écrits apocryphes chrétiens, Gallimard, coll. "La Pléiade", 1997, p. 843-872.
  • George Robert Stow Mead, The Book of Elxai, Kessinger Publishing, 2005, (ISBN 978-1-4179-8873-0)

Études

  • Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'antiquité, Ed. Albin Michel, Paris, 2004, 261 p., (ISBN 2-226-15441-8)
  • Simon Claude Mimouni, Le Judéo-christianisme ancien : Essais historiques, Éditions du Cerf, coll. « Patrimoines », 1998, 547 p. (ISBN 2-204-05937-4)
  • Jean Danielou, L'Église des premiers temps: des origines à la fin du IIIe siècle, Ed. du Seuil, Paris, 1985, (ISBN 2020087464)
  • Marcel Simon, Le judéo-christianisme dans Le judaïsme et le christianisme antique de M. Simon et A. Benoit, Paris, 1968, pp. 258-254.
  • Wilhelm Brandt, Elchasai, ein Religionsstifter und sein Werk : Beiträge zur jüdischen, christlichen und allgemeinen Religionsgeschichte in späthellenistischer Zeit mit Berücksichtigung der Sekten der syrischen Sampsäer und der arabischen Mughtasila mit Wort-, Personen- und Sachregistern, Philo Press, Amsterdam, 1971 (ISBN 90-6022-269-5)
  • Gerard P. Luttikhuizen, The Revelation of Elchasai: Investigations into the Evidence for a Mesopotamian Jewish Apocalypse of the Second Century, Mohr Siebeck, 1985 (ISBN 3-16-144935-5) Aperçu Google Books
  • Luigi Cirillo, "L'Apocalypse d'Elchasaï : son rôle et son importance pour l'histoire du judaïsme", in Apocrypha. Le champ des apocryphes, t. I, 1990, p. 167-179.

Documents anciens

Notes et références

  1. Les auteurs chrétiens Hippolyte de Rome, Épiphane de Salamine, Eusèbe de Césarée et Théodoret de Cyr rapportent tous que « la secte » tirait son nom de son fondateur.
  2. François André Adrien Pluquet, Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes, 1847.
  3. a, b et c Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'antiquité, Ed. Albin Michel, Paris, 2004, pp. 208-209.
  4. a, b et c Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'antiquité, Ed. Albin Michel, Paris, 2004, p. 212
  5. a et b Jean Danielou, L'Église des premiers temps: des origines à la fin du IIIe siècle, Ed. du Seuil, Paris, 1985, p. 68, extrait en ligne.
  6. Kaufmann Kohler & Louis Ginzberg, Jewish Encyclopedia, 1901-1906.
  7. Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'antiquité, Ed. Albin Michel, Paris, 2004, pp. 207-208.
  8. a, b, c et d Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'antiquité, Ed. Albin Michel, Paris, 2004, p. 208.
  9. Epiphane de Salamine, Panarion 19, 2 et 53, 1, 2.
  10. « Les différentes orthographes grecques peuvent aisément s'expliquer par la translitération grecque qui ne rend pas de façon uniforme le ch araméen pour des raisons de phonétique - la forme greque Alchasaios, transmise par la tradition manichéenne, est probablement la plus proche de la forme araméenne originale. » cf. Mimouni p. 208.
  11. Epiphane de Salamine, Panarion, 19, 1, 2 et 2, 2.
  12. Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'antiquité, Ed. Albin Michel, Paris, 2004, p. 215
  13. Dans une des version de celle-ci, un ange lui aurait remis le livre qui porte son nom, alors qu'il se trouvait à Serae dans l'empire parthe.
  14. Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'antiquité, Ed. Albin Michel, Paris, 2004, pp. 209-210

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes



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