Adolphe Lequime

Adolphe Lequime

Adolphe Lequime, né à Bruxelles le 14 novembre 1804, décédé à Nevers le 13 août 1883, médecin et industriel belge(1), fondateur de la sucrerie de Plagny (Nièvre) avec MM. Bernard et Harpignies.


Sixième enfant de François-Joseph Lequime, officier, et d’Adrienne de Glimes, il est le petit-fils de Joseph LeQuime (1744-1793), financier et homme d’affaires belge, représentant du Peuple à Bruxelles en 1792.


Sommaire

Le médecin

. Diplômé de l’Université de médecine de Louvain le 10 avril 1829, Adolphe Lequime publie en 1832, avec son frère Joseph-Emile Lequime, lui aussi médecin, une « Notice sur l’épidémie de choléra observée dans l’arrondissement de Valenciennes », brochure dans laquelle ils combattent l’opinion des médecins physiologistes qui voient, disent-ils, "des traces d’inflammation dans la rougeur que l’on rencontre si souvent sur la muqueuse intestinale, rougeur qui n’est pour eux que le résultat de l’infection générale de tous les viscères". En 1833, il est nommé médecin délégué du Gouvernement dans les communes (2); l'année suivante, en 1834, il fonde la première revue de médecine en Belgique, « L’Abeille, revue médicale et scientifique, choix d’articles puisés dans les journaux de médecine, français et étrangers ». Au bout d’un an, « L’Abeille » fusionnera avec « L’Observateur médical belge », fondé lui aussi en 1834 par Van Esschen pour devenir en 1835 « L’Abeille et l’Observateur médical réunis, ou annales de la médecine belge et étrangères, par les docteurs Adolphe et Emile Lequime, Van Esschen et Ed. De Losen » qui publia 63 volumes jusqu’en 1854.


L’industrie sucrière : le contexte familial : les Harpignies et les Douay-Lesens (Famars - Nord)

La sœur aînée d’Adolphe, Gertrude-Adèle Lequime (1796-1886) avait épousé Henri Harpignies (3) (1790 - 1870), industriel sucrier (administrateur et actionnaire des forges de Denain) qui fonda à Famars (Nord) en 1826, avec Blanquet, une sucrerie considérée comme « l’une des plus grosses du département du Nord avec 278 tonnes produites en 1834  » (4), d’après un procédé nouveau d’utilisation de chaux sans aucun acide. Par ailleurs, Alfred Lequime (neveu d’Adolphe) épousa Marie-Louise Delobel, originaire de Famars, petite-fille de Douay-Lesens, fabricant de sucre à Famars depuis 1836. (5)

Le 26 juin 1846, tandis qu’il dirige une des sucreries Harpignies à Crespin (Nord), Adolphe Lequime obtient un brevet d’invention pour « un appareil hydropneumatique destiné à l’extraction du sucre contenu dans la betterave, soit verte, soit desséchée, à son maximum de rendement et de densité  ». (6) Courant novembre 1848, il est reçu, avec son confrère sucrier Leroy, de Marquette, par Louis Napoléon Bonaparte dont ils espèrent obtenir, au nom des sucriers du Nord, le soutien avant l’élection présidentielle du 10 décembre. L’entretien ne dure qu’une demi-heure mais "les paroles claires et précises" du candidat rassérènent les deux industriels qui, de retour dans le Nord, appellent à voter pour le neveu de l’Empereur  ». (7) S’il semble qu’il ait eu quelque activité à la sucrerie de Bauffe (entre Ath et Lens, dans la province du Hainaut) (8) , sa présence à la sucrerie de Boucheneuil (commune de Bouchain (9), (Nord) est attestée en qualité de propriétaire, associé à MM. Cail et Schacher quand en août 1849, Emile Rousseau expérimenta pour la 1ère fois le procédé qu’il venait de faire breveter [un nouveau mode de fabrication du sucre, reposant sur des principes nouveaux de purification des jus sucrés]. (10) C'est là que M. Payen, secrétaire perpétuel de l'Académie d'Agriculture de France, dans le compte-rendu de 1849 indique, « avoir été chargé d’examiner à Valenciennes et à Boucheneuil, les nouveaux procédés d’extraction du sucre indigène de M. Dubrunfaut et M. Rousseau, et la fabrique de M. Lequime ». (11) L’origine de ce procédé remonte à plus de dix ans ; on savait déjà alors que, dans sa combinaison avec la chaux, le sucre n’est pas altéré, qu’on peut l’en extraire avec ses propriétés primitives.[…] M. Rousseau reprit, en 1848, des expériences en petit [issues du procédé Kulhmann] et détermina les conditions favorables ; "il unit ses efforts à ceux de l’un de nos plus habiles constructeurs d’appareils, M. Cail, et d’un fabricant expérimenté, M. Lequime. Bientôt cette association d’hommes spéciaux parvint à diriger l’application en grand, suivant des dispositions nouvelles, de façon à en assurer le succès. Les résultats remarquables obtenus durant la dernière campagne 1849-1850, à la sucrerie de Boucheneuil (Nord), semblent fixer l’utilité manufacturière de cette application nouvelle. » Ce procédé, « après avoir été essayé en grand, pour la première fois, à Boucheneuil, près de Valenciennes, dans la fabrique de M. Lequime, a été installé dans trois fabriques les plus considérables du département du Nord  ». (12) Jugé « fabricant de sucre très expérimenté  » (13), il publie, à Valenciennes, en 1851, respectivement « La Question des sucres au point de vue des privilèges des raffineurs libres », « Questions de sucre. De l’exercice des raffineries libres » ainsi que « La Question des sucres. Pétition à l’Assemblée nationale ». La même année, il publie dans la revue d’Armengaud aîné, « Publication industrielle des machines et appareils les plus perfectionnés », un « relevé de main-d'œuvre d'une fabrique, ainsi que l'état d'une journée de travail dans une raffinerie ».


La sucrerie de Plagny (commune de Challuy, près de Nevers)

En 1851, désireuse d’ouvrir un champ nouveau à l’activité agricole de la région, la Société départementale d’Agriculture de la Nièvre engagea des pourparlers avec des industriels du Nord, fabricants de sucre de betterave qui avaient fait la preuve du bénéfice tant pour les terres labourables que pour le bétail engraissé de l’usage d’engrais et des pulpes. D’où la création d’une société en commandite par actions entre MM. Bernard, Harpignies (14) et Lequime constituée à Lille en mars 1853. Bien qu’actionnaire minoritaire, Adolphe Lequime (15) en est le dirigeant jusqu’à son départ en 1868, à l’arrivée de Kolb-Bernard, auquel il semble céder ses parts. Considérée comme « l’une des sucreries les plus considérables de France », selon les experts du Comité départemental de la Nièvre sur les exposants admis à l’Exposition universelle de 1855, la sucrerie de Plagny a ouvert ses portes en 1853. Et, bien que « ne travaillant que depuis deux ans et pour le système alcoolique seulement, l’industrie a marché à la fois par le système des presses et par celui de la méthode de macération et fermentation simultanées de M. Dubrunfaut, dont il a été obtenu d’excellents produits ». (16) L’ensemble, idéalement situé à quatre kilomètres de Nevers, le long du canal latéral à la Loire, au bord de la grande route de Paris à Lyon (future Nationale 7) se déploie sur plus de six hectares. Y sont construits par l’architecte nivernais Dominique (1829-1888) (17) : outre une « très belle maison de maître, quatre ateliers (l’usine emploie jusqu’à 380 personnes), une distillerie, des logements et habitations pour contremaîtres et ouvriers entourés de jardins potagers, conciergerie, hangars, garages, chapelle, écuries pour 56 bœufs et 9 chevaux, jardins anglais…le tout entouré d’un mur d’enceinte. Une école primaire fut aussi fondée, tenue, de 1864 à 1876, par les Sœurs de la Sainte-Famille. De plus, hors les murs, sont créés un port sur le canal et une station d’épuration. Tout va bien pendant deux engagements triennaux mais, dès août 1859, A. Frébault, le président de la Chambre de commerce de Nevers reconnaît que, « malgré les progrès…d’une culture qui, depuis trente ans, a plus que quintuplé la valeur territoriale des départements du Nord, l’usine est loin d’atteindre le chiffre de production betteravière qu’elle avait le droit d’espérer ». Dégageant la responsabilité des dirigeants de l’entreprise, il reconnaît « les faiblesses proviennent d’un monde rural qui ne suit pas, souligne B. Stainmesse, dans la notice qu’il consacre à Lequime dans Les Patrons du Second Empire (18) : A. Frébault met en cause, outre l’immobilisme des exploitants, l’insuffisante ardeur des propriétaires à encourager leurs fermiers à suivre une voie qui devait pourtant valoriser les propriétés ; il y ajoute les vexations administratives liées à la réglementation fiscale et la législation douanière ».

Membre de la Chambre consultative des Arts et métiers, administrateur de la Banque de France, maire de Challuy de 1859 à 1868, son nom est associé à la fondation du Herd-book charolais, en 1864, avec ceux de MM. Bellard, Benoît d’Azy, Bouillé, Bourry, Doury, Lacour-Lebaillif, Pinet de Maupas, Penicaut, Signoret, Tiersonnier, Bourdeau et Vogüe. Adolphe Lequime sera en outre l’un des fondateurs en 1873 de la Société des Amis des Arts de la Nièvre dont son gendre, le peintre Edouard Cléry (1822-1895), en sera le vice-président et Hector Hanoteau le président. A son départ de Plagny en 1868, Adolphe Lequime prendra la direction de la Caisse commerciale, une banque de Nevers fondée en 1864 constituée sous forme de SA, dotée en 1880 d’un capital de 750.000 francs. Adolphe Lequime décède à Nevers le 13 août 1883. La Caisse commerciale cessera toute activité après 1887, date de sa liquidation.

De son mariage avec Emilie-Charlotte Pelcot (1811-1888), fille de Charles Pelcot, négociant en textile à Lille, sont issus trois enfants dont Paul Lequime (1834-1870) qui épousera Noémie Girerd, nièce de Frédéric Girerd (1801-1859), avocat à Nevers, Commissaire du Gouvernement, député de la Nièvre en 1848, ami de George Sand.

Publications

« Notice sur l’épidémie de choléra observée dans l’arrondissement de Valenciennes » (en coll. avec Joseph-Emile Lequime), Gazette médicale de santé, clinique des hôpitaux de Paris et journal spécial du cholera-morbus; Bruxelles, Grignon (avril 1832), pp. 273-282. « L’Abeille, revue médicale et scientifique, choix d’articles puisés dans les journaux de médecine français et étrangers »; Bruxelles, Pelcot et Boisseaux (1834), 4 tomes. Annales de la Médecine belge et étrangère ; publiées par Ad. Lequime, J.-E. Lequime, P.-J. van Esschen et Ed. De Losen, Bruxelles, A. Mertens, 1835-42, 32 vol. La Question des sucres au point de vue des privilèges des raffineurs libres; Valenciennes, impr. de A. Prignet, (1851); Question des sucres. De l'exercice des raffineries libres; Valenciennes, impr. de A. Prignet, (1851); Questions des sucres. Pétition à l'Assemblée nationale; Valenciennes, impr. de A. Prignet, (1851). "Relevé de main-d'œuvre d'une fabrique, ainsi que l'état d'une journée de travail dans une raffinerie », Publication industrielle des machines et appareils les plus perfectionnés, Armengaud aîné (1851).


Notes: (1) Par arrêté ministériel du 9 mai 1849, il obtiendra la nationalité française. (2) Pasinomie : collection des lois, décrets, arrêtés et règlements généraux de Belgium – 1860, p. 227. (3) De cette union naîtra le peintre Henri Harpignies (1819-1916). Sur le séjour de ce dernier à Plagny, voir Jean-Louis Balleret, "De Corot à Balthus, un siècle de grands peintres dans la Nièvre et le Morvan, ed. Cercle d'art, (1997), pp. 68-86. (4) Revue agricole, industrielle, historique & artistique par Société d’agriculture de l’arrondissement de Valenciennes (1862). (5) Brevet de 15 ans, pris le 5 octobre 1846, par Douay-Lesens, distillateur à Marly près Valenciennes (Nord) pour un procédé de fermentation vineuse ou alcoolique applicable à la betterave » Journal d’agriculture pratique, vol. 18, p. 40. (6) Annuaire statistique du département du Nord (1847), p. 412 ; Catalogue des brevets d’invention, Ministère de l’agriculture (1847). (7) Francis Rémy, La 1ère présidentielle dans le Valenciennois, La Voix du Nord, 21 février 202. (8) « Lequime, fabricant de sucre à Bauffe (…) » Hubert Watelet : Une industrialisation sans développement le bassin de Mons et le charbonnage du Grand-Hornu du milieu du XVIIIe au milieu du XIX e siècle ; Faculté de philosophie et lettres, 1980, p. 354. « Dans le canton de Lens, une sucrerie est fondée à Bauffe vers 1836, sous la dénomination de Gossart et Cie ; elle est, en 1842, après celle de Boussu, la deuxième sucrerie en importance de l’arrondissement de Mons, employant 120 journaliers pour les travaux agricoles et 85 ouvriers dans l’usine. » La Belgique rural du Moyen-âge à nos jours, Université de Bruxelles, 1985, p. 330. (9) Sans doute celle qu’avaient fondée en 1825, MM. Dronsart et Fauville. (10) « Dès 1838, M. Kuhlmann fit des tentatives dans le but de perfectionner cette opération, mais c’est seulement dix ans plus tard que M. Rousseau fit de nouveaux efforts dans ce sens et, aidé de MM. Cail et Lequime, il proposa un nouveau procédé dont les résultats sont des plus satisfaisants ». P. Doré, Leçons de chimie élémentaire appliquées aux arts industriels, 1857, p. 296. Toutefois, le 4 avril 1850, les frères Rousseau cédèrent leurs droits au brevet d’invention de quinze ans pris le 17 août 1849, pour un procédé destiné à la fabrication du sucre à MM. Charles Schacher, négociant, Jean-François Cail, constructeur de machines, Adolphe Lequime, fabricant de sucre, Joseph Clerc raffineur, André-Jean-Joseph Périer, banquier. (Bulletin du Ministère de l’Agriculture et du Commerce, 1852, vol. 12, p. 5.) (11) Mémoires de l’Académie d’agriculture de France, 1950. (12) L’Institut, journal universel des sciences n°863, 17 juillet 1850, p. 228; et Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, Paris, Bouchard-Huzard, (1851) vol. 50, p. 251. (13) M. Bouchardat, Répertoire de pharmacie, recueil pratique, 1851, p. 140-142. (14) Il s’agit de Maurice Harpignies (1820-1888), cousin germain du peintre paysagiste Henri Harpignies, tous deux neveux d’Adolphe Lequime. (15) Les Patrons du Second Empire, sous la direction de Ph. Jobert (Bourgogne), Paris, Picard, CNRS, 1991, p. 108-111. (16) Exposition universelle de 1855 : rapports du jury mixte international, p. 626. (17) J.M. Leniaud, Répertoires des architectes diocésains du XIXème siècle, éd. Ecole des Chartes, 2005, p. 669. (18) C.N.R.S. sous la direction de Philippe Jobert (Bourgogne), 1991, pp. 108-111.


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Adolphe Lequime de Wikipédia en français (auteurs)

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