Accident nucléaire de Three Mile Island

Accident nucléaire de Three Mile Island

40°8′50″N 76°43′30″O / 40.14722, -76.725

Centrale nucléaire de Three Mile Island avec ses 4 tours de réfrigération. Les réacteurs nucléaires sont contenus dans les deux dômes en béton
Le réacteur TMI-2, qui a subi l'accident de fusion du cœur, est à l'arrière plan

L'accident nucléaire de Three Mile Island s'est produit le 28 mars 1979 dans la centrale nucléaire de Three Mile Island (3,3 km2). L'île est située sur la rivière Susquehanna, près de Harrisburg, dans l'État de Pennsylvanie aux États-Unis. À la suite d'une chaîne d'évènements accidentels, le cœur du réacteur de type réacteur à eau pressurisée, appelé TMI-2, a en partie fondu. Cet accident a été classé au niveau 5 de l'échelle internationale des événements nucléaires (INES).

Sommaire

Déroulement

L'accident a commencé par la perte d’étanchéité de l’enceinte du circuit d’eau primaire (deuxième barrière de protection), une vanne de décharge du pressuriseur étant restée bloquée en position ouverte. À la suite d’actions inadaptées, le refroidissement du cœur n’a plus été assuré, entraînant la fusion d’une partie du combustible, c’est-à-dire la perte de la première barrière de protection. L’enceinte de confinement, troisième barrière, a joué son rôle à l’exception d’un léger rejet radioactif.

Quand six ans plus tard, il a été possible de pénétrer dans l’enceinte, une caméra introduite dans la cuve a montré qu’une partie significative du combustible avait fondu mais qu’il n’avait pas traversé la cuve, le corium s’est stratifié en fond de cuve sans provoquer d’explosion.

Premières minutes de l'accident

Les pompes principales d'alimentation en eau du système de refroidissement secondaire (ou circuit secondaire) tombèrent en panne vers 4 heures du matin (t = 0) le 28 mars 1979[1]. Cette panne modifia instantanément les conditions thermodynamiques dans le générateur de vapeur, diminuant sa capacité à refroidir le système de refroidissement primaire (circuit primaire). La pression dans le circuit primaire (qui traverse le cœur) augmenta alors immédiatement à cause de la hausse de température. Afin d'éviter que la pression n'augmente trop, la soupape de décharge du pressuriseur du circuit primaire s'ouvrit automatiquement (t = 3 s) puis la turbine et le réacteur (insertion des barres de commande dans le cœur) se coupèrent automatiquement[1] (t = 8 s). Cette soupape aurait dû ensuite se fermer dès la pression redescendue, mais malgré l’ordre automatique de fermeture ce ne fut pas le cas. Facteur aggravant, les voyants des opérateurs montrèrent la soupape en position fermée (le voyant indiquait en fait que l'ordre de fermeture avait été donné, mais pas que la manœuvre avait été réalisée)[1]. Par conséquent, la pression continua de diminuer dans le circuit primaire, qui se vidait par cette soupape restée ouverte (perte de la seconde barrière de confinement).

La baisse de pression dans le circuit primaire entraîna le démarrage automatique du circuit d'injection de sécurité (t = 2 min 1 s), chargé d'amener de l'eau dans le circuit primaire[1]. Cependant, en même temps que la pression baissait, des « vides » (de la vapeur d’eau en fait) se formaient dans la cuve et dans le circuit primaire. Ces vides générèrent des mouvements d’eau complexes qui, paradoxalement, remplirent le pressuriseur en eau, le pressuriseur se trouvant à ce moment plus froid que la cuve du fait :

  • de la décharge en vapeur des soupapes primaires qui avait refroidi le pressuriseur par évaporation de l'eau contenue ;
  • de la chaleur résiduelle du cœur qui faisait monter la température de l'eau présente dans la cuve.

Du fait de cet écart de température, le positionnement en point haut du pressuriseur n'a pas empêché son remplissage en eau (par passage sous vide genre « abreuvoir à oiseaux »).

L’opérateur, ayant l'information que le pressuriseur était plein, en conclut par erreur que tout le circuit primaire l’était également et arrêta manuellement le circuit d’injection de sécurité (t = 4 min 38 s). Peu de temps après, l’eau commença à bouillir à la sortie du cœur (t = 5 min 30 s).

Parallèlement, un autre problème était apparu ailleurs :

  • le système de secours de refroidissement en eau des générateurs de vapeur avait été testé 42 heures avant l'accident. Lors de ce test, une vanne avait été fermée, et devait être rouverte à la fin du test. Mais cette fois, suite à une négligence humaine ou administrative, la vanne ne fut pas rouverte, empêchant le système de refroidissement de secours de fonctionner[1]. La vanne fermée fut finalement découverte et ouverte manuellement (t = 8 min 18 s)[1], permettant au système de secours de fonctionner correctement, de refroidir les générateurs de vapeur, et par conséquent le circuit primaire ;
  • le mélange de vapeur et d’eau qui s’échappait de la soupape du pressuriseur était dirigé vers un réservoir de décharge. Or, au bout d’un certain temps (t = 14 min 48 s), ce réservoir fut complètement plein, amenant à la rupture des disques de décharge prévus pour cette situation. À partir de cet instant, le circuit primaire se vidait directement dans l’enceinte de confinement (troisième et dernière barrière de confinement de la radioactivité)[1].

Pendant les heures qui suivent

Après plus d’une heure de lente augmentation de la température et de vidange du circuit primaire, les pompes du circuit primaire commencèrent à trembler parce qu'elles pompaient plus de vapeur que d’eau. Elles furent alors coupées (t = 1 h 13 pour la première, t = 1 h 40 pour la seconde), car la théorie prévoyait que la convection naturelle permettrait à l'eau de continuer à circuler. En réalité la circulation fut quasiment stoppée par l’hydrogène déjà piégé dans les générateurs de vapeur, et l’évaporation de l’eau du circuit primaire s’accéléra encore. Au même moment, le haut du cœur commença à émerger de l'eau[1]. La température favorisa la réaction entre la vapeur et le revêtement en zirconium du combustible, formant de l'hydrogène, dégradant fortement la gaine du combustible et amenant au relâchement d’éléments radioactifs dans le circuit primaire (perte de la première barrière de confinement).

Mais en salle de commande les opérateurs commencèrent à réagir. Pour comprendre l’enchaînement de cet accident, il faut bien comprendre que les opérateurs étaient pratiquement aveugles (noyés sous le flux d'alarmes) et n'étaient pas en mesure de comprendre ce qui se passait (situation très complexe, stress, pression, trop de monde en salle des commandes, etc.).

Une vanne d’isolement située en aval de la soupape du pressuriseur fut fermée, ce qui arrêta enfin la vidange du circuit primaire (t = 2 h 22). Ensuite, les opérateurs décidèrent également de démarrer une pompe du circuit primaire (t = 2 h 54) alors qu’il ne devait rester environ qu’un mètre d’eau dans le cœur (au lieu de 30 habituels) : le mouvement de brassage dégrada fortement les éléments combustibles, en grande partie émergés et extrêmement chauds (voire déjà partiellement fondus).

La pompe fut finalement arrêtée (t = 3 h 12), et les opérateurs décidèrent de rouvrir 5 minutes la vanne d’isolement qui fermait la soupape du pressuriseur. Le circuit primaire recommença à se vider dans l’enceinte, mais cette fois-ci avec de l’eau très fortement contaminée, ce qui déclencha les alarmes d’irradiation[1]. Comprenant alors que le cœur avait été fortement dégradé et que le circuit manquait donc sûrement d’eau (et commençant à comprendre la situation), les opérateurs remirent en service l’injection de sécurité (t = 3 h 20), remettant le cœur, en partie fondu, sous eau[1]. En faisant cela, ils prenaient le risque de générer une explosion de vapeur ou de provoquer la rupture de la cuve à cause du choc thermique, mais rien de tout cela n’arriva : la cuve tint bon et le cœur fut de nouveau sous eau (t = 3 h 45), stabilisant la situation.

Le circuit d’injection de sécurité envoyant de l’eau à très haute pression dans le circuit primaire, il fallut, dans les heures qui suivirent (entre t = 5 h et t = 9 h), ouvrir et fermer successivement la vanne d’isolement afin de maintenir une pression acceptable (ce qui était le rôle de la soupape défaillante normalement). Ceci amena encore à relâcher des centaines de mètres cubes d’eau contaminée dans l’enceinte de confinement.

Dernier événement majeur (t = 9 h 50) : l’hydrogène, généré par la réaction entre la vapeur d’eau et le zirconium du combustible puis relâché dans l’enceinte de confinement, explosa, mais sans faire de dégât particulier (le seul indice de cet événement fut la détection d’un pic de pression dans l’enceinte de confinement)[1].

Pendant les heures qui suivirent, les opérateurs tâchèrent de remplir le circuit primaire en eau, ce qui fut difficile puisque de grandes quantités d’hydrogène étaient piégées dans les points hauts des générateurs de vapeur. Enfin, la situation se stabilisa, et les pompes du circuit primaire furent remises en service (t = 15 h 49). L’état du réacteur était très dégradé, mais permettait néanmoins de refroidir le combustible.

Bilan

État final du cœur

Des années d’études[1] sur cet accident ont permis de découvrir que finalement :

  • 45 % du cœur avait fondu[1] ;
  • 20 % avait coulé au fond de la cuve.

Bien qu'endommagée, la cuve n'a pas été percée et la partie fondue du cœur est restée contenue dans la cuve ; de même, malgré des déformations importantes et fusions partielles, les cuves internes n'ont pas été détruites.

Malgré la gravité extrême de l’accident, en dépit de cet enchaînement de défaillances mécaniques, d’erreurs humaines et de défauts de conception, l’enceinte de confinement est restée intègre ; le relâchement de produits radioactifs dans l’environnement est ainsi resté faible. Il est cependant difficile de trouver des chiffres fiables pour le quantifier (car ils n'ont pu être mesurés sur le moment).

Par ailleurs, cet accident amena les exploitants de centrales de conception similaires à de profondes réflexions (notamment EDF en France, même si ses centrales présentent quelques différences). L'accident de Three Mile Island (TMI) a été très instructif et a permis de faire avancer la sûreté, en particulier de souligner l'importance de la « conduite par état »[1]:

En effet, les opérateurs de TMI disposaient de procédures à appliquer en fonction de tel ou tel incident (on parle de « procédures événementielles »). On a vu qu’en situation réelle, ils n’ont pas pu faire un diagnostic et que cela a en fait aggravé la situation (arrêt de l’injection de sécurité, redémarrage des pompes primaires avec un cœur émergé, etc.). Toutes les procédures de conduite accidentelle ont donc été revues avec une approche totalement nouvelle : ne plus demander aux opérateurs de comprendre ce qui se passe (car il y a de très grandes probabilités pour qu’ils se trompent, aussi compétents soient-ils), mais leur donner des actions à faire en fonction des paramètres dont ils disposent : pression, température, niveaux d’eau, taux de radioactivité ou autres. C’est ce qui s’appelle « l’approche par état », qui est aujourd’hui utilisée dans de très nombreuses centrales nucléaires de par le monde[1].

Dans la situation présente (août 2009)[2] :

  • le cœur endommagé a été entièrement retiré de la cuve, y compris les parties fondues dans le cours de l'accident ;
  • l'enceinte de confinement a également été nettoyée ;
  • la centrale est dans l'attente d'une décision sur son devenir ultérieur qui pourrait éventuellement être un démantèlement complet, rendant l'emprise actuelle utilisable.

Conséquences

Jusqu'en 1989, les procédures qui avaient été utiliséŽes pour la conduite en situation incidentelle et accidentelle étaient fondées sur une approche de type « évènementiel ». Cette approche consiste, pour des évènements initiateurs conventionnellement sélectionnés, à définir par avance les actions de conduite nécessaires au maintien des fonctions de sûretéŽ (sous-criticité, évacuation de la puissance, confinement des matières radioactives). À partir d'un diagnostic initial unique, les opérateurs sont donc amenés à engager une stratégie de conduite prédéterminée. L'accident qui a affecté le 29 mars 1979 la centrale de Three Mile Island (TMI) a mis en évidence les limites de la conduite évènementielle. Celle-ci ne permet en effet pas de gérer les situations où se trouvent cumulées, en plus de l'évènement initiateur, des défaillances humaines ou matérielles. EDF a de ce fait décidé d’abandonner progressivement l’approche « évènementielle » pour passer à une approche nouvelle, dite « par états » (APE). Cette dernière consiste à adapter la conduite de l’installation à l’état réel de la chaudière. L’état de la chaudière est défini à partir de six « fonctions d’état » qui recouvrent les trois fonctions de sûreté susmentionnées. La conduite APE a ensuite pour objectif de restaurer la ou les fonctions d’état dégradées, selon une grille de conduite qui définit les priorités[3].

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n et o « Three Mile Island (États-Unis) 1979 », Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
  2. (en) Backgrounder on the Three Mile Island Accident, rapport de la United States Nuclear Regulatory Commission (NRC) sur l'accident de Three Mile Island, 11 août 2009, sur le site nrc.gov ; également au format [PDF] (en)Three Mile Island Accident.
  3. Autorité de sûreté nucléaire, les réacteurs à eau sous pression.

Voir aussi

Bibliographie

Filmographie

  • Le Syndrome chinois, film sorti deux semaines avant l'accident de Three Mile Island, qui traitait de l'éventualité d'une fusion de réacteur nucléaire.

Article connexe

Liens externes



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