Banque de France

Banque de France
Banque de France Eurosystème
Image illustrative de l'article Banque de France
Entrée de l'hôtel de Toulouse, siège de la Banque de France, dans la rue Croix-des-Petits-Champs

Siège Paris (Drapeau de France France)
Coordonnées
géographiques
du siège
48° 51′ 52″ N 2° 20′ 21″ E / 48.86447, 2.3392848° 51′ 52″ Nord
       2° 20′ 21″ Est
/ 48.86447, 2.33928
  
Création 18 janvier 1800
Zone monétaire Drapeau : Europe Zone euro
Devise Euro
Code ISO 4217 EUR
Réserves 135 Mds€
Site officiel (fr) www.banque-france.fr

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Banque de France Eurosystème

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Banque de France Eurosystème
== L'interprétation du privilège privé ==

Logo de Banque de France
Création 1800 (18 janvier)
Dates clés 1800 : création de la Banque de France
1808-1936 : extension du privilège d'émission, développement du réseau et des activités
1936-1945 : nationalisation
1973 : refonte des statuts
1993 : réforme capitale : indépendance
1998 : la Banque de France est intégrée au Système Européen de Banques Centrales
Personnages clés Christian Noyer (gouverneur), Jean-Paul Redouin et Anne Le Lorier (sous-gouverneurs)
Forme juridique Institution créée par la loi[1]
Siège social Paris (siège social) 1, Rue de la Vrillière 75001 Paris
Actionnaires État Français
Activité Banque centrale
Effectif 12 746 employés (décembre 2009)
Site web www.banque-france.fr
Fonds propres 140 milliards d'euros (12/2010), réparti en 58,2 milliards d'euros en devises, 2 435 tonnes d’or, soit 82,6 milliards, plus 157,4 milliards en billets (euros)

La Banque de France est la banque centrale de la France. C'est une institution bicentenaire dont le capital appartient à l’État[2]. Pour l'exercice 2009, le dividende versé à l’État s’élève à 1 702 millions d’euros et l'impôt sur les sociétés à 1 676 millions d'euros[3].

Sommaire

Les missions de la Banque de France

Les activités sont organisées autour de 3 missions confiées, soit à la BCE et donc par subsidiarité descendante à la Banque de France, soit directement par la loi :

  • la stabilité monétaire ;
  • la stabilité financière ;
  • la prestation de services spécifiques à destination des collectivités publiques, des entreprises et des particuliers.

La stabilité monétaire

Concernant la stabilité monétaire, la Banque de France réalise différentes activités qui se complètent :

  • elle établit la balance des paiements de la France et la position extérieure de la France ;
  • elle met en œuvre les décisions de politique monétaire de la BCE en réalisant des appels d'offre permettant aux banques de se refinancer ;
  • elle gère une partie des réserves de change de la BCE ;
  • enfin, elle fabrique et gère la monnaie fiduciaire (cette activité est détaillée ci-dessous).

La stabilité financière

Dans le domaine de la stabilité financière, la Banque de France intervient :

  • dans le contrôle bancaire et des assurances en fournissant son personnel au secrétariat général de l'Autorité de Contrôle Prudentiel, dont le gouverneur assure par ailleurs la présidence ;
  • en surveillant le système financier ;
  • en surveillant les systèmes et moyens de paiement (et en assurant la co-gestion du système Target 2).

La prestation de services

Pour l'État français, elle tient le compte et gère les moyens de paiements du Trésor et de quelques entreprises publiques.

Vis-à-vis des entreprises, elle collecte et met à disposition des informations financières (fichier FIBEN) sur les entreprises et à ce titre a obtenu en 2007 le statut d'Organisme Externe d'Évaluation de Crédit (OEEC).

Enfin, à destination des particuliers, la Banque de France maintient des fichiers d'incidents de paiement comme :

  • FNCI : le Fichier National des Chèques Irréguliers (recensement des chèques perdus ou volés) — service au nom commercial de Verifiance[4] ;
  • FCC : le Fichier Central des Chèques (recensement des incidents de paiement) ;
  • FICP : le Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (recensement des incidents de paiement).

La Banque de France traite aussi les demandes de droit au compte et assure le secrétariat des commissions de surendettement.

Articulation avec la BCE

Le 1er juin 1998, une nouvelle institution a été créée, la Banque centrale européenne (BCE), chargée de conduire la politique monétaire unique de la zone euro. L'ensemble formé par la BCE et les banques centrales nationales (BCN) de tous les États membres de l'Union européenne constitue le Système européen de banques centrales (SEBC).

La Banque de France a depuis perdu son rôle de définition de la politique monétaire de la France au profit de la BCE.

Histoire de la Banque de France

La création de la Banque de France succède à une courte période de système de banque libre sous le Directoire et le consulat[5].

Créée le 18 janvier 1800 par un groupe de représentants de banques privées, la banque de France est alors une banque d'émission parmi d'autres[5]. Elle acquiert une clientèle en fusionnant avec la Caisse des comptes courants[5]. Napoléon Bonaparte en est le premier actionnaire[5]. En 1803, il lui confère le monopole d'émission des billets, c'est-à-dire le privilège exclusif d'émettre les billets de banque[5].

L'abolition du système de banque libre et l'instauration du monopole de la banque de France découle de plusieurs raisons[5] :

  • la politique centralisatrice de Bonaparte,
  • la recherche de financement pour les armées,
  • la qualité de Bonaparte et de plusieurs de ses proches d'actionnaires de la banque de France,
  • surtout, il s'agit d'éliminer la concurrence, qui empêche l'émission inflationniste de billet de banque et limite la rentabilité des actions,
  • enfin, pouvoir procéder à des opérations de sauvetage des caisses de l'État.

En 1811, la Banque de France installe son siège dans l'Hôtel de Toulouse, ancien hôtel particulier du Comte de Toulouse Louis Alexandre de Bourbon (1678-1737), rue de la Vrillière, dans le 1er arrondissement de Paris, l'accueil du public se faisant aujourd'hui au 31 rue Croix des Petits Champs. La Banque de France, établissement privé alors, réalisait en 1808 6 millions et demie de bénéfices net. En 1814, alors que la France est vaincue, que les coalisés étrangers entrent dans Paris, la Banque de France réalise pour les trois premiers mois de cette année un bénéfice de plus de 5 millions[Qui ?][réf. nécessaire].

La banque de France en 1870 versera en dividendes 80 francs. En 1871, après le massacre de la commune de Paris, le dividende par action passera à 300 francs, alors que l'Alsace-Lorraine venait d'être offertes à la Prusse.[Qui ?][réf. nécessaire]

Institution bicentenaire, nationalisée en 1945, indépendante du pouvoir politique depuis 1994, la Banque de France a perdu une part de son autonomie lorsque la politique monétaire de la zone euro a été confiée à la Banque centrale européenne (BCE). La BdF est membre du Système européen de banques centrales et son gouverneur siège au conseil des gouverneurs de la BCE. En raison de la réduction du champ de compétence de la Banque de France, le nombre d’employés, qui bénéficient d’un régime spécial de retraites, est voué à décroître.

Qualification juridique actuelle

La Banque de France, avant l'entrée de la France dans l'Union économique et monétaire, était considérée comme un établissement public à caractère administratif. Elle était alors placée directement sous la tutelle du Premier ministre, qui par ordonnance du président de la République au visa de l'article 13, ainsi que de l'article 21, de la Constitution française du 4 octobre 1958, le Premier Ministre étant Chef administratif, lui conférait de droit la tutelle. De plus, son activité essentielle de régulation est une activité de service public à caractère administratif.

Néanmoins, depuis 1997, la Banque de France ne peut plus être ainsi juridiquement qualifiée. En effet, elle est sous la tutelle non plus d'une autorité administrative française, mais de la Banque centrale européenne. La Banque de France a toujours la personnalité juridique. La doctrine juridique administrative et communautaire la qualifie donc de personne « sui generis ».

Du privilège d'émission au statut de banque centrale indépendante

La Banque de France de 1800 à 1936 : le développement de l'institut d'émission

Création de la Banque de France
La Banque de France de Paris à l'origine : gravure de Miss Byrne, 1829

Créée le 18 janvier 1800 par le Premier Consul sous le régime du consulat Napoléon Bonaparte, sur le modèle de la banque d'Angleterre, dans le but de créer une nouvelle monnaie stable, le Franc Germinal, après le désastre des assignats, la Banque de France était à l’origine chargée d'émettre des billets payables à vue et au porteur, en contrepartie de l'escompte d'effets de commerce. Assez modeste, n’exerçant son activité qu’à Paris, elle partageait, avec cinq autres établissements, le rôle d’émettre des billets de banque mais, dès le 21 avril 1800, le membre fondateur et régent Le Couteulx peut déjà annoncer : « La Banque de France est encore un enfant au berceau, mais son enfance est celle d’Hercule, et elle a fait un bon et utile usage de ses premières forces ».

La Banque de France se présentait juridiquement sous la forme d'une société anonyme au capital de 30 millions de francs divisé en 30 000 actions nominatives de 1 000 francs. Les actionnaires étaient représentés par 15 régents et 3 censeurs. La réunion des régents formait le Conseil Général de la Banque qui élisait dans son sein un comité central composé de trois membres dont le président était de droit Président du Conseil Général. Le comité central était chargé de la direction de l'ensemble des opérations de la Banque.

Protégée par le gouvernement Bonaparte, La Banque de France obtint le 14 avril 1803 (24 germinal an XI), le privilège d’émission exclusif pour Paris, pour une durée de 15 ans, et le capital fut augmenté de 15 millions de francs, ce montant permettant à la Banque d’absorber les autres établissement émetteurs. Les émissions de billets avaient pour contrepartie les dépôts d'or de la clientèle et les escomptes d'effets de commerce. Le billet de banque n'était cependant pas un instrument de règlement très répandu puisque la moindre coupure était de 500 francs, ce qui correspond à peu près à une valeur de 900 € actuels. Dans les premières années du XIXe siècle, il n'était donc utilisé que pour les règlements importants, l'or ou l'argent monnayé assurant les paiements courants. Il est à noter que le billet était convertible en une quantité d'or spécifiée de métal et l'est resté pendant toutes les guerres napoléoniennes (la banque d'Angleterre, avait, elle, suspendu la convertibilité). Cette pratique a assuré le crédit du billet de la banque de France pour longtemps.

Le 1, rue La Vrillière à Paris

Les premières années de fonctionnement de la Banque de France n'allèrent toutefois pas sans difficulté : crise des finances publiques, diminution de l'encaisse de la Banque entraînant des restrictions au remboursement des billets. Elles amenèrent Napoléon à provoquer une réforme destinée à redonner au gouvernement une plus grande autorité sur la direction de l'établissement.

C'est dans cet esprit que fut réalisée, par la loi du 22 avril 1806, la réforme de Banque de France. La direction des affaires de la Banque, confiée jusque-là au comité central, fut désormais assurée par un gouverneur et deux sous-gouverneurs nommés par l'État. Le privilège fut prolongé de vingt-cinq ans au-delà des quinze premières années et le capital porté de 45 à 90 millions de francs, mais l'administration de la Banque était libre de réaliser cette augmentation par étapes successives. La Banque, disait l'exposé des motifs de la réforme, est un établissement public. Elle doit user de son privilège dans l’intérêt commun du Gouvernement, des citoyens et des actionnaires : « La propriété de la Banque est à l'État et au Gouvernement autant qu'aux actionnaires ».

Deux ans plus tard, le 16 janvier 1808, un décret impérial promulguait les « statuts fondamentaux » qui devaient régir jusqu'en 1936 les opérations de la Banque. Ce texte décidait aussi l'établissement de succursales appelées « comptoirs d'escompte » dans certaines villes de province où le développement du commerce en faisait sentir la nécessité.

Le développement du réseau
Le baron Martin Garat (1748-1830), directeur général de l'institution depuis sa création, jusqu'à la mort de l'administrateur.

Dès 1808 des comptoirs d'escompte furent créés à Lyon et à Rouen. Napoléon ne trouvait pas cela suffisant. « La Banque », écrivait-il en 1810, il voulait que la Banque de France soit présente dans toute l'étendue de l'Empire. Toutefois, le ministre du Trésor Mollien s'employait à modérer l'empereur et dans sa « note du Havre », insistait sur le fait que la confiance accordée par le public est le plus souvent locale.

Ce conseil fut suivi et, par la suite, un seul comptoir fut créé, celui de Lille en 1810. Dès la connaissance du décret du 8 septembre 1810 qui autorisait la Banque « à exercer son privilège dans les villes où elle a des comptoirs de la même manière qu'à Paris », une véritable panique fut déclenchée à Lyon, donnant raison à Mollien. Les déposants, craignant l'inflation et la faillite monétaire, retiraient leurs fonds en compte et les transactions n'étaient plus conclues qu'avec une grande défiance. Cette panique s'apaisa progressivement mais, d'une façon générale, on craignait que l'escompte par émission de billets, en faisant baisser le taux de l’intérêt, ne provoquât la fuite des capitaux.

Cette défiance ne dura pas. Après la chute de l'Empire, le Conseil de régence s'employa à poursuivre une politique de fort rendement immédiat, en supprimant les charges improductives, dont les comptoirs déficitaires. Entre 1814 et 1817, les comptoirs d'escompte furent supprimés et ces fermetures entraînèrent de véhémentes protestations du commerce et de l'industrie, brutalement privés des concours bancaires.

Les événements allaient d'ailleurs démontrer rapidement à la Banque l'erreur qu'elle avait commise car, à la suite de la suppression des comptoirs, des banques départementales furent créées ; elles apparurent notamment dès 1817 à Rouen, Nantes et Bordeaux. Les résultats de leur exploitation furent bons et il fut rapidement évident que la Banque de France devait s'intéresser à cette évolution si elle ne voulait pas être amenée à renoncer à son titre - et même, peut-être, à son privilège - au profit d'autres organismes.

En 1840, le privilège d'émission fut prorogé jusqu'en 1867. Le capital fut, à cette date, réduit de 90 à 67,9 millions. Lors du débat parlementaire, la Banque fut vivement critiquée, accusée de n'être qu'une banque de réescompte au service des maisons de banque de la place de Paris et de mener une politique de crédit et d'émission exagérément restrictive. Le président du Conseil, Adolphe Thiers, soutint avec éloquence, devant la Chambre des députés, la demande de renouvellement présentée par le gouverneur, le comte d'Argout, qui avait été son ministre des Finances en 1836. Il obtint aisément le vote du renouvellement du privilège à des conditions si avantageuses pour la Banque que celle-ci fit aussitôt frapper une médaille d'or commémorative qui fut remise au chef du gouvernement.

Le 27 avril et le 2 mai 1848, les 15 banques départementales d'émission existantes furent incorporées à la Banque de France et continuèrent à fonctionner comme comptoirs. Pour permettre la fusion, le capital fut porté à 91,25 millions de francs. En 1857, ce capital fut doublé et passa donc à 182,5 millions de francs.

En 1865, la Banque de France absorba la Banque de Savoie, s'assurant ainsi définitivement le privilège d'émission sur l'ensemble du territoire. S'accaparant ainsi la totalité de l'or détenu par celle-ci.

La façade principale de la BdF

Enfin, en 1873, une loi fit obligation à la Banque de France d'établir une succursale avant le 1er janvier 1877 dans tout département où il n'en existerait pas encore. Le nombre des comptoirs s'est alors accru. Il s'élevait à 160 en 1900 et 259 en 1928.

Le développement du billet de banque

Ce n'est qu'en 1847 que le montant des coupures fut diminué et que les billets de 200 francs or (1.805180448 onces d'or pure soit environ 1 860 € au cours du 9/3/2011) furent mis en circulation. On n'osa pas aller au-dessous de ce chiffre. Le Gouvernement précisa, lors du débat à ce sujet à la Chambre des Députés, qu'il entendait réserver « le papier » au commerce en lui interdisant de servir aux paiements journaliers et de pénétrer ainsi dans l'usage courant.

Mais les événements allaient se précipiter et provoquer le développement du rôle dévolu au billet. La Révolution de 1848 entraîna des demandes importantes de remboursement de billets, et, par suite, de sérieuses difficultés pour la Banque de France. Le décret du 15 mars 1848 y mit un terme en décidant que :

  1. Les billets de la Banque seront reçus comme monnaie légale par les caisses publiques et les particuliers (la plupart des receveurs généraux se refusaient en effet à les accepter) ;
  2. Jusqu'à nouvel ordre, la Banque est dispensée de l'obligation de rembourser les billets en espèces ;
  3. Les émissions de la Banque, libres jusqu'alors, sont plafonnées pour la première fois et la Banque est autorisée à émettre des coupures de 100 francs. Par cette disposition le billet de banque commençait à pénétrer dans la vie courante et le mouvement de substitution du billet aux pièces pouvait se produire ;
  4. La Banque est tenue de publier, tous les huit jours, sa situation au Moniteur universel.

Ces dispositions, à l'exception de celle concernant le montant des coupures, allaient toutefois être assez rapidement abrogées. Le 6 août 1850, le rétablissement de la convertibilité des billets — arrêt du cours forcé — s'accompagna de la suppression du cours légal. Le décret du 3 mars 1852 permit à la Banque de revenir aux publications trimestrielles et semestrielles de bilan.

Le tournant décisif devait être pris quelque vingt ans plus tard. À la suite des revers éprouvés dans la guerre avec l'Allemagne, le cours légal et le cours forcé furent à nouveau proclamés le 12 août 1870. De plus, pour répondre aux demandes de petites coupures, l'émission de billets de 25 francs fut autorisée à cette même date (des billets de 50 francs pouvaient être émis depuis 1857). Enfin, la loi du 29 décembre 1871 donna à la Banque l'autorisation d'émettre des billets de 10 francs et de 5 francs. Le plafond de l’émission fut relevé en conséquence.

D'autre part, la loi du 3 août 1875 disposa que le cours forcé serait aboli à partir du moment où les avances à l'État auraient été réduites à 300 millions, ce qui se produisit le 1er janvier 1878. Mais le même texte précisa que le cours légal des billets continuerait à subsister après la suppression du cours forcé. Ainsi le billet de banque devenait une véritable monnaie ; le rôle de la Banque de France en tant que distributrice directe du crédit au commerce et à l'industrie était à son apogée.

Le privilège d'émission

Tout d'abord limité à Paris, le privilège de l'Institut d'émission a été étendu en 1810 à toutes les places où étaient créés des comptoirs, puis, en 1848, à l'ensemble de Métropole. Il s'est appliqué à la Savoie en 1865 après le rattachement de ce territoire à la France. De 1817 à 1848, il y avait un partage du monopole avec les Banques départementales d'émission, mais le rôle principal est toujours tenu par la Banque de France qui refinance les autres en cas de nécessité : elle offre de l'or ou de l'argent contre des effets de commerce.

La loi du 2 décembre 1945 avait prorogé, sans limitation de durée, le privilège qui lui avait été concédé initialement en 1803, pour un terme de 15 ans, et que le législateur avait renouvelé successivement en 1806, 1840, 1857, 1897, et 1918 jusqu'au 31 décembre 1945. La loi du 3 janvier 1973 puis du 4 août 1993 (article 5) a repris purement et simplement cette disposition.

Le 1er janvier 1975, ce privilège s'est étendu aux départements d'outre-mer : les billets de la Banque de France ont été introduits dans ces territoires avec le cours légal et le pouvoir libératoire et ont remplacé progressivement les billets émis auparavant par l'Institut d'Émission des Départements d'Outre-mer.

La loi du 4 août 1993 a réaffirmé le privilège d'émission en disposant que la Banque de France est seule habilitée à émettre des billets qui sont reçus comme monnaie légale sur le territoire de la France métropolitaine.

Avec l'émission des billets en euro, le privilège d'émission des Banques centrales nationales (BCN) a été transmis à la Banque centrale européenne, qui peut cependant déléguer une partie de la gestion de la circulation fiduciaire des billets euro aux BCN. Cet évènement a marqué une page importante de l’histoire des institutions françaises.


Le régime d'émission

Jusqu'en 1848 et de 1850 à 1870, l'émission est demeurée entièrement libre. La Banque était seulement tenue d'assurer, au porteur et à vue, la convertibilité de ses billets en espèces d'or ou d'argent.

L'institution du cours forcé en 1848 fut accompagnée du plafonnement légal de l'émission. Ce système disparut en 1850 avec le retour à la convertibilité. Lorsque la guerre de 1870 entraîna une nouvelle fois le rétablissement du cours forcé, l'émission fut replacée sous le régime du plafond. Mais, contrairement à ce qui se passa en 1850, la Banque ne recouvra pas sa liberté lorsque le franc redevint convertible en 1878. Une loi de 1875 avait définitivement accordé le cours légal au billet et en conséquence justifiait le maintien d'un contrôle quantitatif. Le système du plafond resta en vigueur jusqu'en 1928, étant entendu que, pour tenir compte des besoins du public, le volume maximum de l'émission fut porté, par étapes, de 1,8 milliard en 1870 à 58,5 milliards d'anciens francs en 1925.

La loi monétaire du 25 juin 1928, en rétablissant sur des bases nouvelles la convertibilité du franc suspendue en 1914, soumit la circulation fiduciaire à un nouveau régime : le pourcentage minimum de couverture. C'est ainsi que, jusqu'au 1er septembre 1939, la Banque de France a été tenue de conserver une encaisse or au moins égale à 35 % du montant cumulé des billets au porteur en circulation et des comptes courants créditeurs ouverts sur ses livres. L'obligation imposée à la Banque de rembourser, en lingots, au porteur et à vue, les billets présentés à son siège central, a été suspendue le 1er octobre 1936.

Depuis 1939, la circulation fiduciaire n'est plus soumise à aucune limitation légale. La surveillance s'exerce désormais sur les opérations génératrices de l'émission de billets : achats d'or et de devises, avances à l'État et crédits à l'économie. Ce régime souple s'inscrit dans le sens de l'évolution de la pensée économique et des habitudes monétaires du public. Il convient d'ailleurs de considérer qu'étant donné l'importance acquise par la monnaie scripturale, le volume de la circulation fiduciaire, en tant que tel, n'a plus qu'une signification relative, même si on ne peut en dénier l'influence psychologique sur l'opinion. Seules importent en fait les variations de la masse monétaire globale. Les autorités monétaires s'efforcent, par leur action propre, d'adapter la liquidité générale aux besoins de l'économie, mais leur responsabilité ne peut être séparée de celle des Pouvoirs publics dont la politique générale (budget, salaires, prix, etc.) exerce également une influence directe ou indirecte sur la création de moyens de paiement.

L'interprétation du privilège privé


Dès le départ, la Banque de France est soumise aux interrogations et aux polémiques sur son privilège. Des critiques récurrentes dénoncent la collusion entre l’État et la Haute banque parisienne pour créer un émetteur à l’avantage des deux parties. Ces critiques se divisent en deux versions où le pôle prépondérant est vu soit du coté bancaire soit du coté gouvernemental. L’émetteur manquerait d’autonomie, prolongeant en quelque sorte ou les grandes banques ou l’État. Ces points de vue à options sont contestés dans l’ouvrage La banque supérieure[6] qui voit l’émetteur comme une véritable institution, disposant de sa propre logique : la Banque de France est autonome, ni dépendante ni indépendante des pouvoirs publics. Sa création résout deux problèmes : celui de l’État jugé incapable d’assurer la stabilité monétaire et celui des grands banquiers qui refusent de se lancer isolément dans les risques de l’émission. Ils préfèrent la sécurité d’une société collective appuyée par le gouvernement. L’institution permet de dépasser les limites de chaque partie, avec avantage réciproque. C’est pourquoi elle ne fonctionne ni comme une pure banque privée ni comme l’annexe du Trésor public. Elle ambitionne de réguler les paiements généraux dans la stabilité.

Le monopole est dénoncé par deux ensembles distincts : les libéraux partisans de l’entière liberté commerciale et les agents exclus de son système (de pouvoir, voire de son refinancement). C’est particulièrement le cas des représentants des émetteurs installés en 1796-1803, puis des Banques départementales (1817-1848). Ces émetteurs ne s’inscrivent pas dans un cadre concurrentiel, mais dans un certain cloisonnement où chacun occupe un espace professionnel ou local ; leurs fondateurs déclarent être les mieux adaptés pour servir, voire représenter les intérêts correspondants.

Inversement, la Banque de France veut leur disparition : la liberté doit connaître une exception. La liberté ne peut pas s’appliquer au billet à vue parce qu’il fait office de monnaie. Le billet ressort du domaine régalien tout en étant un instrument spécial de crédit[7]. Pour la Banque, le second point est le plus important : émettre des billets constitue l’opération la plus complexe. Ils sont exigibles en or ou en argent, mais sans qu’aucune date ne soit précisée, donc instantanément s’il le faut. Cette contrainte fragilise particulièrement l’émission en temps de crise. Toute panique aurait alors les effets les plus graves sur les banques et les paiements. La sécurité du crédit exige l’exclusivité, plus encore que l’aspect régalien du billet. C’est pourquoi l’émetteur doit être géré par les meilleurs experts privés : les grands banquiers de Paris. Leur rôle est effectivement prépondérant face au gouverneur nommé par l'État. Au XIX° siècle, le gouverneur n’est pas un préfet, mais un agent bien intégré à l’établissement. Il a un rôle de diplomate, intermédiaire entre les régents privés et le ministre des Finances, dont l’avis n’est guère prépondérant.

Le transfert des réserves d'or outre-mer en 1940

Afin de mettre les réserves d'or à l'abri, celles-ci ont été transférées outre-mer en 1940

Au Canada

Le transfert vers le Canada a été effectué à bord du paquebot SS Pasteur de la Compagnie de Navigation Sud Atlantique construit en 1939 à Saint-Nazaire et immobilisé pour faits de guerre.
Du 1er au 9 juin 1940, le navire transporte, jusqu'à Halifax au Canada, 213 tonnes des réserves de la Banque de France qui seront mises à l'abri à la Banque royale du Canada à Ottawa[8].

Dans les colonies françaises

Le 18 juin 1940, 736 tonnes des réserves d'or de la Banque de France partent de Brest en direction de Dakar en AOF. 275 tonnes d'or de la Banque nationale de Belgique et de la Banque de Pologne se joindront au voyage à bord du croiseur Victor Schoelcher[9].

Suite au drame de Mers-el-Kébir, il fut décidé d'évacuer l'or stationné dans le port de Dakar sous surveillance militaire vers l'intérieur du pays par la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako. D'abord transféré vers le camp militaire de Thiès, à 70 km de Dakar, l'or fut enfin conservé de façon durable à Kayes, ville située à 500 km sur le même tronçon, actuelle frontière entre le Mali et le Sénégal.

L'évolution des fonctions de la Banque jusqu'au statut d'indépendance en 1993

Institut d'émission distribuant directement des crédits à l'économie au début du XXe siècle, la Banque a progressivement vu ses responsabilités s'élargir et évoluer notablement pour aboutir dans les missions modernes d'une banque centrale que lui a confiées le Législateur en 1993 en même temps que son indépendance.

Une fonction historique importante (aujourd'hui révolue) : les concours à l'État

En contrepartie du privilège d'émission, l'État a imposé à la Banque un certain nombre de charges dont le public et le Trésor sont les bénéficiaires. Ce rôle de banquier de l'État qui a été le sien, est l'aboutissement d'une longue évolution au cours de laquelle, en contrepartie de son privilège d'émission, la Banque a été conduite à accorder au Trésor un concours de plus en plus large, avant l'instauration de son indépendance. Cependant, le Trésor et la Banque ont toujours maintenu une stricte distinction entre leurs fonctions respectives. Contrairement à certains instituts d'émission étrangers, la Banque de France n'assume pas la gestion directe de la Dette publique, elle n'est ni le comptable, ni le caissier de l'État. Le Trésor possède ses propres services financiers et centralise lui-même les disponibilités de ses « correspondants », notamment celles de la Caisse des dépôts et consignations, et de La Poste (avoirs des centres de chèques postaux).

Son concours a pris historiquement la forme d'avances permanentes prélevées en une seule fois et d'avances provisoires fonctionnant comme des ouvertures de crédit.

Le rythme des recettes publiques ne correspondant pas à celui des dépenses de l'État, ce dernier ne manqua pas de faire appel à la Banque, dès sa création, en vue de faciliter l'exécution du budget. Pendant plus de cinquante ans, l'aide courante de la Banque prit essentiellement la forme d'escompte d'effets tirés par le Trésor sur certains redevables.

Ces facilités de trésorerie, consenties jusqu'alors dans les conditions statutaires, furent élargies en 1857 lors du renouvellement du privilège d'émission. Aux termes d'une convention, la Banque s'engagea alors à consentir au Trésor des avances remboursables à l'expiration du privilège, fixée en 1897, pour un montant pouvant aller jusqu'à 80 millions de francs. Consenties en 1857 au taux fixé pour l'escompte commercial, elles cessèrent de porter intérêt à partir de 1897.

Pour tenir compte du développement des opérations budgétaires, ces avances, auxquelles les prorogations successives du privilège d'émission donnèrent un caractère permanent, furent augmentées à plusieurs reprises pour s'établir finalement à 50 milliards d'anciens francs en 1947.

Le concours de la Banque ne s'est pas limité à compléter le fonds de roulement du Trésor public. Il s'est manifesté avec ampleur lors d'événements exceptionnels où l'État devait faire appel à tous les moyens possibles de financement. Ce fut le cas pendant les guerres de l'Empire, celles de 1870 et 1914 et, plus récemment encore, de 1939 à 1945. La Banque a également été mise à contribution, en 1926, puis à de multiples reprises de 1936 à 1958, pour permettre à l'État de faire face à des difficultés de trésorerie nées du déséquilibre du budget.

De toutes ces avances provisoires, celles consenties avant 1936 ne présentent plus qu'un intérêt historique. Elles ont été intégralement remboursées à l'aide, suivant le cas, d'excédents budgétaires (avant 1914, de 1926 à 1928), d'emprunts publics (1926-1928), du produit de la réévaluation de l'encaisse (en 1928).

Au contraire, les concours « provisoires » accordés, moyennant une commission, par la Banque à l'État depuis 1936 n'ont pas été totalement apurés malgré l'affectation à leur remboursement de recettes exceptionnelles (emprunt national en 1945, contrepartie des billets non présentés au remboursement lors de l'échange de 1945…). Seules les « avances spéciales » consenties en 1953 ont été intégralement remboursées de 1954 à 1956 à l'aide de ressources courantes.

En 1973, les statuts de la Banque de France, laissés en suspens à la Libération, sont modifiés par la loi 73-7, signée par Pompidou, Mesmer, Giscard d'Estaing et parue au Journal officiel le 4 janvier 1973. Dans l'article 25, il est disposé que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la Banque de France[10] ». En pratique, cela signifie que la République s'oblige à emprunter sur les marchés à obligation contre taux d'intérêt.

Le 1er janvier 1994, la loi du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France interdit à celle-ci dans son article 3 d'autoriser des découverts ou d'accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics, de même que l'acquisition de titres de leur dette. Les services bancaires (opérations de caisse, tenue de compte, placement des bons du Trésor, etc.) encore assurés par la Banque pour le compte du Trésor sont désormais rémunérés par l'État.

La Banque de France et la politique de change

Le billet de banque s'est détaché progressivement de sa base or au cours du XXe siècle : le cours forcé, instauré en 1914, n'a été qu'en partie supprimé en 1928, puis rétabli en 1936. Depuis cette date, la valeur du billet repose essentiellement sur la confiance que le public lui accorde, confiance elle-même fondée sur une saine gestion monétaire. L'or a ainsi cessé d'être un moyen de règlement interne pour devenir uniquement une réserve de change que la Banque de France a été naturellement appelée à administrer. Elle fut donc conduite à surveiller les fluctuations des cours des devises étrangères. De 1926 à 1928, elle fut chargée de la stabilisation du franc. En 1936, l'État lui confia la gestion du Fonds de Stabilisation des Changes.

Le Fonds de Stabilisation des Changes a été créé par la loi du 1er octobre 1936 qui en a confié la gestion à la Banque de France. Le Fonds de Stabilisation n'a pas d'existence physique. Il n'a même pas la personnalité juridique. C'est une simple institution comptable, que la Banque gère pour le compte de l'État et dans le cadre des instructions générales du ministre de l'Économie et des Finances. Cela signifie d'une part que la Banque est un mandataire — aux pouvoirs, en réalité, très souples — et, d'autre part que les profits et pertes résultant des opérations du Fonds échoient au Trésor. Le produit de la liquidation éventuelle du Fonds doit être consacré par l'État au remboursement des prêts que la Banque lui a consentis.

Conçu à l'origine pour faire respecter les limites légales imposées aux fluctuations du franc, le Fonds poursuivit son rôle régulateur sous le régime des changes flottants adopté en 1936. De 1939 à 1948, la fermeture du marché des changes et la fixation de cours rigides réduisirent le rôle du Fonds à celui d'un simple caissier, fournissant et achetant les devises correspondant aux opérations autorisées. Depuis 1948, le rétablissement progressif de la liberté des changes a restitué au Fonds ses attributions initiales. De décembre 1958, date à laquelle la France, de concert avec d'autres pays européens, a placé sa monnaie sous le régime de la convertibilité externe, jusqu'en 1971, le Fonds a été tenu d'intervenir sur le marché des changes, de telle manière que les cours des devises ne s'écartent pas de la parité officielle au-delà de certaines limites. Évidemment, le Fonds gardait la faculté d'intervenir à l'intérieur même des marges de fluctuation autorisées.

L'obligation imposée au Fonds d'intervenir à des cours fixes a, par la suite, perdu son caractère permanent et automatique. Dans le cadre du double marché des changes institué en août 1971, il a cessé ses interventions systématiques sur le compartiment « financier », où étaient négociées les devises nécessaires aux transactions non commerciales ; sur le marché « officiel », où se réglaient les opérations « commerciales », il a dû continuer d'appliquer des cours limites seulement pour les monnaies des pays ayant adhéré à l'accord européen sur le rétrécissement des marges de fluctuation réciproque (« le serpent »). Cette dernière obligation a été levée en janvier 1974 et le régime de double marché des changes a été abandonné en mars 1974. À partir du 9 mai 1975, le Fonds a été de nouveau tenu de défendre une parité fixe du franc dans le cadre des obligations du « serpent » communautaire ; en mars 1976, la devise française flottait de nouveau librement, de manière à éviter que la défense d'un cours déterminé et contesté par la spéculation, alors particulièrement vive, n'aboutisse à un épuisement des réserves de change.

Indépendamment des engagements résultant du SME, le Fonds de Stabilisation des Changes a également pour mission de surveiller le marché libre de l'or. Enfin, il est chargé de financer l'ensemble des opérations de la France avec l'IME et le Fonds Monétaire International, y compris les opérations sur « droits de tirage spéciaux » (DTS) créés dans le cadre de cette dernière institution depuis janvier 1970. Il assure ces fonctions à l'aide des avances en francs que lui fournit la Banque de France.

L'article 3 de la loi du 4 août 1993 interdisant à la Banque de France de consentir toute forme de concours à l'État, le Fonds de Stabilisation des Changes ne peut plus bénéficier d'avances de la Banque centrale et ses opérations sont désormais, aux termes de la convention sur les réserves de change, financées par le budget de l'État. Cette convention organise également les modalités de l'apurement progressif — sur dix ans — des sommes avancées par la Banque à l'État. En fait, sous le régime de la loi de 1993, il n'y a plus d'intérêt à faire jouer au Fonds le rôle d'intermédiaire qui était le sien initialement. Par ailleurs, conformément aux dispositions relatives à la mise en place de l'euro le 1er janvier 1999, la politique de change est désormais décidée au niveau européen par le système européen de banques centrales et mis en œuvre par les Banques centrales nationales dans le cadre défini par la Banque centrale européenne.

Si le Fonds de Stabilisation des changes continue encore d'exister aujourd'hui, ses attributions ont été très largement diminuées avec la mise en place de la monnaie unique et du Système européen de banques centrales. Déjà la réforme des statuts de la Banque de France en 1993 avait transféré à la Banque la gestion des réserves de l'État, qui ont été sorties du FSC vers le bilan de la Banque au début de l'année 1994. En ce qui concerne la gestion des relations entre la France et le Fonds monétaire international, la convention du 31 mars 1999 transfère désormais la comptabilisation des relations avec le FMI dans le bilan de la Banque.

La Banque de France, banque des banques

D'Institut d'émission, distribuant directement le crédit au commerce et à l'industrie, la Banque s'est progressivement transformée en banque des banques, organe de compensation et ultime réserve de crédit pour le système bancaire. À cet égard, la Banque a décidé en 1970 de mettre fin à ses opérations avec la clientèle directe qui n'était plus représentative de l'évolution de son activité et de ses statuts. En effet, la proportion de l'escompte direct dans le portefeuille, qui était encore de moitié en 1935, était passée au quart en 1939, avait fléchi à moins de 10% en 1945, et, en définitive, était tombée à environ 0,5%. De même les avances sur titres, qui peuvent d'ailleurs être consenties à des banques, ne représentent qu'une fraction négligeable de l'ensemble des opérations de crédit. Les concours de l'Institut d'émission n'ont donc plus été accordés qu'à des établissements de crédit.

En tant qu'organe de compensation du système bancaire la Banque a été amenée au fil du temps à organiser et à surveiller le bon fonctionnement des systèmes de paiement, depuis les chambres de compensation historiquement construites sur les comptoirs de la Banque, jusqu'aux systèmes de paiements centralisés de gros montants (type système TARGET utilisé depuis 1999). À cet égard, la prévention d'un risque systémique provoqué par des défaillances bancaires importantes et propagé par l'interconnexion des systèmes de paiements, a conduit naturellement la Banque à exercer une surveillance des établissements de crédit eux-mêmes, et à remplir, en cas de besoin, la fonction de « prêteur en dernier ressort ». La stabilité financière est ainsi devenue un enjeu économique et politique d'importance, qui au même titre que la stabilité des prix, figure désormais dans les statuts du SEBC. Elle prend une importance d'autant plus grande pour la Banque que, en application du principe de subsidiarité établi par le traité de Maastricht, la stabilité financière est une responsabilité exercée au niveau national.

La Banque de France et la politique monétaire

Avec l'extension de ses attributions à la fourniture de liquidités au système bancaire et à l'organisation du crédit, la Banque de France a ainsi été amenée à participer de plus en plus activement à la politique monétaire.

S'il est vrai que les banques bénéficient d'un pouvoir de création monétaire (par les crédits qu'elles accordent), ce pouvoir n'en est pas moins limité par les contraintes de liquidité qui s'imposent à elles. De fait, pour faire face aux retraits de billets, aux transferts de fonds de leur clientèle vers le Trésor ou à des achats éventuels de devises, les banques doivent disposer de « monnaie centrale » qu'elles se procurent en cédant certains de actifs à la Banque centrale. C'est par cette dépendance des banques envers la « monnaie centrale » que la Banque centrale peut influer sur le comportement des banques, et orienter ainsi la politique monétaire, en faisant varier, soit la quantité de monnaie centrale disponible, soit son prix (le loyer de l'argent).

L'action des autorités monétaires sur la distribution du crédit s'est longtemps organisée autour d'interventions directes, sous forme d'orientation sélective du crédit (instructions aux banques, accords de classement), ou de limites quantitatives à la progression des concours bancaires (l'encadrement du crédit), et si ces instruments directs ont pour la plupart été abandonnés dans le contexte d'aujourd'hui, leur importance historique doit être rappelée :

L'orientation sélective du crédit

Les instructions aux banques : dans le cadre des procédures d'intervention en vigueur avant 1986, la Banque de France pouvait donner aux banques des instructions recommandant le libéralisme à l'égard de certaines branches d'activité ou invitant à la rigueur envers d'autres secteurs. Elle pouvait notamment exiger que les crédits bancaires s'attachent, en priorité, à financer les projets conformes aux objectifs nationaux d'expansion économique. Le contrôle éventuel de l'exécution de telles directives était facilité par le fait que les banques devaient remettre à la Banque de France, chaque fois que le total des facilités accordées atteignait ou dépassait 25 millions, le dernier bilan accompagné des comptes d'exploitation et de profits et pertes, la décomposition des facilités accordées, le montant des investissements de l'exercice en cours ; la communication de ces documents devait être renouvelée à cadence annuelle.

Les accords de classement : à l'occasion de l'octroi des accords de classement et notamment de ceux concernant les crédits à moyen terme, qui portent sur des montants relativement élevés, la Banque de France décidait dans quelles limites elle accepterait ou non la mobilisation ultérieure des crédits étudiés ; elle était donc en mesure de donner la priorité à certains concours et d'en écarter d'autres. Toutefois, l'efficacité de cette action se trouvait réduite par le fait que les banques, devenues moins soucieuses d'assortir leurs concours à moyen termes de facilités de mobilisation, accordaient la majorité des crédits de ce type en dehors de la procédure de mobilisation. Dans ces conditions, les accords de classement ont fait l'objet d'une profonde réforme en 1986 visant à simplifier la procédure, tout en conservant la possibilité pour les établissements de crédit de détenir un volume suffisant de créances susceptibles de servir de support aux interventions de la Banque de France. Depuis, les établissements de crédit ont pu classer parmi leurs actifs éligibles aux interventions de l'Institut d'émission une fraction déterminée des crédits qu'ils consentent aux entreprises faisant l'objet d'une cotation favorable attribuée par la Banque de France au vu des documents comptables.

L'encadrement du crédit

En France, des limitations à la progression des encours ont été décidées à diverses reprises et un décret du 5 février 1970 est intervenu pour préciser les modalités de mise en œuvre de la politique de limitation des concours bancaires. Ce texte conférait notamment à la Banque de France le pouvoir de fixer les taux de progression maximums imposés aux banques pour la distribution de crédits.

L'encadrement du crédit était un dispositif à la fois simple et efficace. De plus son action était rapide car, dans le cadre du taux annuel de progression qui était assigné à concours, les banques pouvaient être contraintes à respecter des limites trimestrielles ou mensuelles. Il permettait enfin d'éviter d'avoir recours à une politique d'argent cher, souvent mal tolérée par les économies industrielles et ayant aussi l'inconvénient de provoquer des mouvements inopportuns de capitaux flottants étrangers.

Il reste que l'encadrement du crédit offrait lui aussi des inconvénients sérieux se rattachant à deux idées principales :

  • la détermination, par anticipation, de taux de progression qui soient à la fois compatibles avec le maintien de l'équilibre monétaire et tolérables par l'économie nationale n'était pas chose aisée ;
  • appliquée sans distinction à toutes les banques, la limitation des encours pénalisait les établissement les plus dynamiques et tendait à figer la physionomie de la profession en faussant le jeu normal de la concurrence.

On s'était efforcé d'introduire plus de souplesse dans le système en substituant à un encadrement plus strict une pénalisation des dépassements par des réserves supplémentaires dont le taux atteignait d'ailleurs assez rapidement des niveaux prohibitifs. L'encadrement du crédit avait, en outre, au fil des inflexions conjoncturelles, gagné en sélectivité ; c'est ainsi qu'avaient été exonérés des réserves supplémentaires (ou soumis à des régimes beaucoup plus favorables que les crédits ordinaires) les prêts bénéficiant de bonifications du Trésor (à l'exception des prêts d'épargne-logement), les concours en devises, l'ensemble des crédits à l'exportation, enfin les crédits finançant des opérations favorisant des économies d'énergie. Enfin, un élément d'assouplissement non négligeable dans l'encadrement du crédit consistait dans la possibilité pour les établissements assujettis, de déduire de l'assiette des crédits soumis aux réserves supplémentaires, l'accroissement net de leurs emprunts obligataires et fonds propres (« net » signifie après déduction des acquisitions d'obligations, immobilisations et participations). Cette disposition montre que l'encadrement du crédit n'était pas une fin en soi, mais était destiné à freiner l'expansion monétaire ; les banques pouvaient donc développer leurs crédits, lorsque ceux-ci ne s'accompagnaient pas d'un développement de même montant de leur passif « monétaire » (dépôts à vue ou à court terme). L'essor du marché obligataire en 1980 et 1981 a permis aux établissements de crédit d'utiliser très largement ces facultés.

Mais si l'introduction de la sélectivité était susceptible de présenter nombre d'avantages, elle accroissait les difficultés de gestion du système. Il fallait en effet prévoir l'évolution des crédits exonérés dont on encourageait l'octroi. Par ailleurs, on introduisait des distorsions à l'intérieur du système bancaire, dont certains éléments se trouvaient favorisés par la situation qu'ils avaient acquise en matière de crédits exonérés. Le système devenait donc d'une complexité croissante tandis que l'évolution de la situation financière le rendait de plus en plus inefficace. C'est ainsi que la mise en place du marché des billets de trésorerie à la fin de 1985, permettant à des entreprises non bancaires de faire du crédit à d'autres entreprises non bancaires (« désintermédiation »), rendait difficile le maintien d'un régime de régulation monétaire basé sur le contrôle quantitatif du crédit bancaire. La perspective de la libération des mouvements de capitaux le rendait par ailleurs inopérant à terme. En effet, il est apparu, à l'expérience, que le cloisonnement du marché de l'argent entre le compartiment du long terme (marché des obligations), largement ouvert à tous les opérateurs, et celui du court terme (marché monétaire) réservé à un petit nombre d'intervenants, présentait un certain nombre d'inconvénients :

  • il n'existait pas d'alternative satisfaisante entre les obligations et les placements à court terme, tant pour les prêteurs que pour les emprunteurs ;
  • la gamme des instruments de placement à la disposition des investisseurs et emprunteurs apparaissait insuffisamment diversifiée ;
  • le cloisonnement du marché et l'absence d'un produit banalisé constituaient principaux obstacles à l'adoption d'une politique du crédit basée sur le maniement d'intérêt et à l'abandon de l'encadrement du crédit.

C'est du fait de ces facteurs principaux qu'il a été décidé à l'automne de 1985 de procéder à une série de réformes qui ont vu la création du marché interbancaire et de marchés de titres de créances négociables, composantes d'un vaste marché de capitaux désormais décloisonné. D'autres raisons ont également joué, notamment le souci de moderniser la gestion de la dette publique en permettant au Trésor de diversifier ses émissions de titres et de les ouvrir à tous ainsi que la volonté de faire de Paris une place financière internationale. De fait, une part croissante du financement de l'économie s'effectue par d'autres voies que le crédit bancaire. C'est pourquoi, en novembre 1986, les autorités monétaires ont abandonné toute forme de contrôle quantitatif du crédit en supprimant les réserves obligatoires sur les emplois.

Aux mesures directes rendues inefficaces par le développement des marchés de capitaux se sont alors substitués des instruments plus efficaces dans ce contexte et permettant aux autorités monétaires d'intervenir de manière plus indirecte en réglant le loyer de l'argent sur le marché interbancaire (maniement des taux d'intérêt) et la liquidité des banques (réserves obligatoires) :

Les interventions sur le marché interbancaire

On reconnaît généralement divers avantages aux interventions sur le marché monétaire par rapport à l'escompte. En escomptant, la Banque d'émission est passive ; au contraire, par ses opérations sur le marché monétaire, la Banque peut prendre l'initiative en proposant aux établissements de crédit des emplois pour leurs disponibilités.

Malgré cela, pendant longtemps les interventions sur le marché monétaire n'ont joué en France qu'un faible rôle : le taux d'escompte était alors le taux guide fixant le rendement du loyer de l'argent à vue. Il résultait de cette situation une rigidité qui devenait de plus en plus gênante au fur et à mesure que s'accroissait la convertibilité des monnaies et que les marchés monétaires des divers pays s'interpénétraient. Il était en effet de plus en plus nécessaire de maintenir en permanence le loyer de l'argent à un niveau propre à éviter les mouvements inopportuns de capitaux flottants.

Pour ce motif, les interventions de la Banque de France sur le marché monétaire ont pris de l'ampleur à partir de 1971 et le guichet de l'escompte a été progressivement fermé aux banques pour les refinancements ne bénéficiant pas d'un traitement préférentiel. Il a été jugé que la technique des interventions sur le marché monétaire était plus souple que le recours à l'escompte, moins formaliste et, en définitive, mieux adaptée aux besoins d'une économie moderne :

  • La procédure d'intervention : Le niveau de taux souhaité par la Banque de France sur le marché interbancaire est balisé, vers le bas, par le taux des appels d'offres et, vers le haut, par le taux des pensions de cinq à dix jours. Le taux du marché interbancaire au jour le jour fluctue normalement entre ces deux bornes.
  • Les appels d'offre : Les opérations sur appels d'offres consistaient en des concours accordés à l'initiative de la Banque de France selon une périodicité variable, sous forme de pensions à terme. Elles constituaient le mode principal d'alimentation des trésoreries des établissements de crédit. La Banque de France recensait, par l'intermédiaire d'un certain nombre d'établissements, les opérateurs principaux du marché, les demandes de monnaie centrale exprimées par les établissements de crédit pour les différents taux qu'ils proposaient. Après recensement des réponses à l'appel d'offres et en fonction des besoins estimés, la Banque de France servait à un taux unique la totalité ou un certain pourcentage

exprimées au taux retenu et à des taux supérieurs (méthode d'adjudication dite « à la française », alors qu'avec la méthode dite « à la hollandaise » les ordres sont servis aux taux offerts, en servant d'abord les plus élevés, à concurrence du montant apporté par l'Institut d'émission). Les prêts ainsi accordés à la Place sont matérialisés par la remise de billets globaux de mobilisation émis par les établissements bénéficiaires et représentatifs d'effets — publics ou privés — répondant aux caractéristiques fixées par la Banque de France. Une modification est intervenue en septembre 1990 : les billets globaux de mobilisation ne subsistaient que pour les effets privés ; s'agissant des bons du Trésor, les concours étaient consentis contre livraison, au compte de pension de la Banque de France, d'un montant de bons suffisant pour couvrir la pension.

  • Les pensions : Les établissements de crédit pouvaient demander à la Banque de France l'octroi d'un prêt sous forme de pension de 5 à 10 jours, par l'intermédiaire d'un opérateur principal du marché, et à condition de disposer des effets publics ou privés nécessaires à la garantie de l'opération (par émission d'un billet global de mobilisation). La Banque de France se réservait la possibilité de suspendre ses pensions de 5 à 10 jours si les circonstances l'exigeaient, en cas de fortes tensions sur les marchés de change par exemple. Dans ces circonstances, elle pouvait aussi octroyer des pensions à 24 ou 48 heures qui permettaient un réglage plus fin des taux.
  • Les autres opérations : Par ailleurs, la Banque de France pouvait effectuer toutes opérations — achats et ventes de titres de créances négociables, prises en pension (prêts à la Place), mises en pension (reprises de liquidités), prêts de titres assortis d'un gage, etc. — qu'elle jugeait utiles sur le marché interbancaire, au taux et dans les conditions habituelles de ce marché.
Le système des réserves obligatoires

Le système des réserves obligatoires pratiqué par la Banque de France obligeait l'ensemble des établissements de crédit (banques, banques mutualistes, caisses d'épargne et de prévoyance, caisses de crédit municipal, sociétés financières, Crédit foncier de France, Crédit National et Sociétés de Développement Régional) à constituer des avoirs en soldes créditeurs à la Banque centrale à concurrence :

  • d'un certain montant de leurs exigibilités, en francs ou en devises ;
  • d'une fraction variable de certains de leurs emplois (crédit, crédit-bail, location avec option d'achat, valeurs mobilières autres que les titres de participation, les bons du Trésor et les certificats de dépôt).

Aucune rémunération n'est versée sur ces comptes ; cette disposition est essentielle car elle vise, en tant que de besoin, à faire subir aux banques des charges supplémentaires d'endettement, par l'augmentation du pourcentage assigné, et à contrôler ainsi leur action par le biais de la rentabilité. Dans ces conditions il n'est pas nécessaire que les taux pratiqués soient très élevés ; l'observation a été faite bien souvent que ce sont plus les variations du taux des réserves que leur niveau qui présentent une certaine importance pour la régulation monétaire. Mais il est aussi évident que les modifications du taux des réserves minimums ne sauraient être fréquentes ; elles sont seulement utilisées pour contrôler les fluctuations importantes de la liquidité bancaire qui pourraient être difficilement maîtrisées par de simples interventions sur le marché interbancaire.

Le système des réserves obligatoires a été réformé en 1990 et s'inscrivait dans la ligne des modifications que ce dispositif a connues au cours des années récentes, tout en introduisant des nouveautés destinées à répondre partiellement aux critiques dont il a pu faire l'objet. Elle s'est traduite par :

  • une baisse du taux des réserves applicables aux dépôts à terme et aux comptes sur livrets, afin de remédier aux risques de délocalisation des placements vers les pays où le taux des réserves est particulièrement bas ;
  • la prise en compte d'une partie des encaisses en billets et monnaies en francs détenues par les établissements assujettis dans le calcul des réserves constituées par ceux-ci, afin de réduire l'inégalité de traitement entre les établissements qui ne reçoivent pas de dépôts du public, peu touchés par la contrainte des réserves, et les grandes banques de dépôt, largement pénalisées par le système.

Cette réforme répondait par ailleurs au souci de limiter au maximum le recours quotidien à des sociétés de transport de fonds, et devait permettre en conséquence un meilleur approvisionnement des distributeurs de billets ; elle présentait cependant l'inconvénient d'altérer la qualité de la circulation fiduciaire et nécessitait donc la mise en place de procédures spécifiques.

Aujourd'hui, l'ensemble de ces procédures et instruments est désormais défini au niveau européen par le Système européen de banques centrales, auquel la Banque de France appartient, et la Banque centrale européenne.

La Banque de France et la coopération financière internationale

Enfin, une fonction qui a pris de l'ampleur sur la période contemporaine concerne la participation de la Banque à la coopération financière internationale, notamment en représentant les intérêts de la France dans des institutions internationales comme le Fonds monétaire international, et deux composantes de la Banque mondiale : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et l'Association internationale de développement.

Il convient également de noter la présence de représentants de la Banque dans d'autres instances internationales : le Comité monétaire de l'Union européenne, la Banque européenne d'investissement, la Banque des règlements internationaux et le Comité monétaire de la zone euro.

Les modifications du régime statutaire de la Banque depuis 1936

L'extension des attributions de la Banque de France devait provoquer une réforme des statuts auxquels elle était soumise depuis 1806.

L'indépendance limitée, mais réelle, dont jouissait l'Institut d'émission à l'égard de l'État, prit fin en 1936. Le régime instauré par Napoléon avait eu le mérite, pendant 130 ans, de préserver le crédit de la Banque à travers les vicissitudes du pouvoir, sans que la dualité instituée entre le Gouverneur, nommé par décret, et le Conseil Général, élu par les actionnaires, ait jamais suscité de conflits sérieux. Mais l'évolution du contexte économique et politique ne permettait plus de maintenir la présence d'intérêts privés dans la gestion et la propriété de la Banque.

La réforme de 1936 : prise de contrôle par l'État et nationalisation

Après la victoire électorale de 1936, le gouvernement du Front Populaire ayant estimé contraire à l'intérêt général que le contrôle de la monnaie soit du ressort d'intérêts privés, décide de modifier les statuts de la Banque de France. La loi du 24 juillet 1936 vise à donner aux pouvoirs publics les moyens d'intervenir plus directement dans la gestion de la Banque pour pouvoir mener une politique économique d'intérêt général.

L'Assemblée générale des actionnaires dont le rôle est de défendre les intérêts de ses actionnaires y aurait vu son pouvoir affaibli: Les délibérations étant ouvertes à l'ensemble des actionnaires et non plus uniquement aux 200 plus riches (référence aux « Deux cents familles ») la stratégie de la Banque deviendrait de fait publique.

Une plus grande possibilité dans le choix des dirigeants de la Banque serait offerte par la suppression de l'obligation faite depuis 1806 au Gouverneur et aux sous-gouverneurs de la Banque de posséder un certain nombre d'actions de la Banque. Quant à l'organisation de la direction, les quinze régents seraient remplacés par vingt conseillers dont deux seulement élus par l'Assemblée générale, les autres déclarés représentant les intérêts économiques et sociaux, c'est-à-dire les intérêts collectifs de la nation, et pour la plupart désignés par le gouvernement. À cela s'ajouterait un conseiller élu par le personnel de la Banque.

La nationalisation de la Banque de France intervient après la Libération de la France, avec la loi du 2 décembre 1945.

Celle-ci prévoit que le capital de la Banque sera transféré à l'État le 1er janvier 1946 et que les actionnaires recevront des obligations, en remplacement de leurs actions, à raison de quatre obligations remboursables en vingt ans pour une action. Les dernières obligations à 3 % de la Banque de France qui restaient en circulation ont été remboursées à compter du 1er janvier 1965, date à laquelle elles ont cessé de porter intérêts.

La réforme de 1973 : refonte des statuts (loi no 73-7 du 3 janvier 1973)

En 1973, les statuts de la Banque de France, laissés en suspens à la libération, sont modifiés par la Loi n°73-7 du 3 janvier 1973, signée par Pompidou, Messmer, Giscard d'Estaing et parue au Journal officiel le 4 janvier 1973. Dans l'article 25, il est stipulé que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la Banque de France[10] ». En pratique, cela signifie qu'on oblige la République à emprunter sur les marchés à obligation contre taux d'intérêt.

Le 22 juillet 1981, 45 députés, dont Pierre Messmer qui avait signé la loi 73-7, ont déposé le projet de Loi n°157, pour permettre à la République d'emprunter sans intérêts dans le cadre de ses investissements économiques[11]. Ce projet n'a jamais été voté.

Les dispositions de la loi de 1973 sur l'interdiction faite au Trésor Public d'emprunter à la Banque de France ont été reconduites dans la Loi n°93-980 du 4 août 1993.

La réforme de 1993 : l'indépendance (loi no 93.980 du 4 août 1993)

La loi du 4 août 1993 marque un tournant décisif dans l'histoire de la Banque de France. Le souhait de doter l'Institut d'émission d'un statut d'indépendance s'explique par la volonté d'assurer la continuité et la permanence de l'action de la politique monétaire, dégagée des préoccupations de court terme, et de conforter ainsi sa crédibilité. Une condition nécessaire sinon suffisante de cette crédibilité est que la politique monétaire soit conduite sur la base d'un engagement clair et solennel en faveur de la stabilité des prix, quelles que soient les évolutions de la vie politique nationale. Cette conception selon laquelle l'indépendance de la banque centrale est le meilleur mode d'organisation institutionnel possible a d'ailleurs été retenue dans le processus d'union monétaire européenne, dont la mise en œuvre a renforcé la nécessité de la réforme du statut de la Banque de France.


À compter du 1er janvier 1994, la loi no 93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France interdit à celle-ci dans son article 3 d'autoriser des découverts ou d'accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics, de même que l'acquisition de titres de leur dette. Les services bancaires (opérations de caisse, tenue de compte, placement des bons du Trésor, etc.) encore assurés par la Banque pour le compte du Trésor sont désormais rémunérés par l'État


Entre autres, cette loi délimite les possibilités d'ouvrir un compte courant à la Banque de France. En sont désormais exclues les personnes physiques à l'exception des agents de la Banque de France (sous conditions) et les personnes déjà titulaires d'un compte à la date de publication de la loi.


Intégration au Système Européen de Banques Centrales (loi du 12 mai 1998)

L'indépendance des banques centrales joue un rôle primordial dans la réussite de l'Union économique et monétaire. Elle est une condition juridique inscrite dans le traité de Maastricht. La loi modifiant le statut de la Banque de France, adoptée par les Assemblées parlementaires le 12 mai 1998, renforce son indépendance déjà assurée par la loi du 4 août 1993. Le nouveau texte adapte le statut de la Banque pour tenir compte de son intégration dans le Système européen de banques centrales.

La Banque de France veille au bon fonctionnement et à la sécurité des systèmes de paiement, dans le cadre de la mission du Système européen de banques centrales relative à la promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiement prévue par le traité instituant la Communauté européenne.

Plusieurs dispositions essentielles de la loi du 12 mai 1998 définissent le rôle de la Banque et garantissent son indépendance :

  1. la Banque de France fait partie intégrante du Système européen de banques centrales (SEBC), institué par le traité de Maastricht et participe à l'accomplissement des missions et au respect des objectifs qui sont assignés à celui-ci par le Traité (loi du 12 mai 1998, article 1er, alinéa 1).

Le traité de Maastricht stipule : « l'objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté » (article 105 du Traité).

  1. les moyens d'assurer cette mission se traduisent par l'interdiction faite au gouverneur et aux membres du Conseil de solliciter ou d'accepter des instructions du gouvernement ou de toute autre personne (loi du 12 mai 1998 article 1er, alinéa 3).

En outre, le Conseil de la politique monétaire délibère dans le respect de l'indépendance de son président, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne et des règles de confidentialité de celle-ci (loi du 12 mai 1998 article 9, alinéa 4).

Le nouveau statut prévoit ainsi que dans le cadre du SEBC, et sans préjudice de l'objectif principal de stabilité des prix, la Banque de France apporte son soutien à la politique économique générale du Gouvernement.

L'émission et l'entretien de la monnaie fiduciaire

La loi du 4 août 1993, reprenant les textes antérieurs, précise que la Banque de France est seule habilitée à émettre les billets reçus comme monnaie légale sur le territoire métropolitain. Elle précise également que la Banque veille à la bonne qualité de la circulation fiduciaire.

La fabrication des billets

Depuis son origine, la Banque de France a porté la plus grande attention à ses billets. Très tôt, elle s'est dotée d'un outil industriel capable d'en assurer la conception et la production, pour couvrir les besoins nationaux mais également pour satisfaire, le cas échéant, ceux d'autres instituts d'émission étrangers, notamment africains. Elle a participé à la fabrication des billets européens.

Aujourd'hui encore, la Banque figure parmi les rares banques centrales qui assurent toutes les étapes du processus de production, de la fabrication du papier à l'impression des billets. Entreprise industrielle qui poursuit des objectifs de production et met en œuvre des compétences professionnelles spécialisées, ainsi que des matériels de haute précision, la direction générale de la fabrication des billets consacre ses efforts à la création de billets de belle facture, en nombre suffisant pour maintenir la qualité de la circulation fiduciaire.

Les deux sites industriels les fabriquant sont situés à Vic-le-Comte (papeterie) et Chamalières (imprimerie), dans le Puy-de-Dôme (Auvergne).

La gestion de la monnaie fiduciaire

Outre les billets fabriqués par l'imprimerie de la Banque, la monnaie fiduciaire comprend les monnaies métalliques, appelées couramment monnaies divisionnaires, frappées par la Monnaie de Paris (ancienne direction des Monnaies et Médailles) (ministère de l'Économie) à Pessac et que la Banque de France met en circulation pour le compte de l'État.

Distribution et entretien de la circulation fiduciaire

La répartition des billets et des pièces sur l'ensemble du territoire est assurée par le siège à Paris et les succursales en province. L'Institut d'émission des départements d'outre-mer et l'Institut d'émission d'outre-mer, alimentés en coupures par la Banque de France, assurent cette distribution dans les départements et territoires d'outre-mer ainsi que dans les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.

Après avoir circulé, les billets rentrent dans les caisses de la Banque. Ils sont rapidement reconnus à l'unité, afin de vérifier leur nombre et leur authenticité, et soumis à un triage destiné à éliminer ceux qui ne peuvent pas être remis en circulation en raison de leur mauvais état (billets tachés, déchirés, revêtus d'inscriptions, usés…). Ces deux opérations, reconnaissance et triage, sont le plus souvent simultanées, grâce à l'emploi de matériels de tri automatisés.

En 1996, un peu plus de 4,3 milliards de coupures ont été reversées aux guichets de la Banque et triées. Cette activité permet de faire face aux besoins du public qui ne pourraient être satisfaits au seul moyen des billets neufs.

La Banque entretient également la circulation des monnaies divisionnaires qui rentrent dans ses caisses. Les pièces sont vérifiées pour en extraire celles qui ne peuvent être remises en circulation (pièces fausses, détériorées, étrangères…).

Variations de la circulation fiduciaire

La circulation fiduciaire connaît des fluctuations qui suivent un rythme mensuel et un rythme saisonnier. Le paiement des salaires provoque, dans la dernière décade de chaque mois et les premiers jours du mois suivant, une sortie importante de coupures. Au contraire, entre le 10 et le 20 du mois, a lieu un reflux. Les banques et les comptables publics versent quotidiennement à la Banque de France les billets qu'ils ont reçus à leur caisse, mais ces versements sont plus importants au cours de cette décade.

L'amplitude des variations mensuelles est accrue par des facteurs saisonniers. La circulation augmente au moment des départs en vacances et à l'occasion des achats de fin d'année. Elle se contracte au mois de janvier et lors des principales échéances fiscales.

Ces fluctuations ne sont pas tout à fait identiques d'une année à l'autre. Elles peuvent cependant être prévues avec suffisamment d'exactitude sur une brève période de temps. Il est en revanche difficile d'évaluer de façon précise l'évolution probable, sur moyenne ou longue période, de la circulation fiduciaire. En effet, l'évolution économique générale, de même que les changements d'habitudes en matière de moyens de paiement, peuvent avoir sur celle-ci un impact non négligeable. Par ailleurs, les flux de monnaie fiduciaire varient géographiquement. Dans certaines régions, les entrées de billets à la Banque excèdent les sorties alors que dans d'autres le processus est complètement inversé. La Banque de France doit donc tenir compte de ces disparités pour ses prévisions et l'approvisionnement de ses succursales.

Histoire des billets français

Grâce à de nouveaux équipements plus performants, la fabrication des billets, dont les capacités de production peuvent atteindre 1 500 millions de vignettes par an, a entrepris, dans les années 1990, le renouvellement de la gamme des billets français.

Le lancement de la coupure de 50 francs à l'effigie d'Antoine de Saint-Exupéry, le 20 octobre 1993, a marqué le départ de cette opération qui a été poursuivie, le 22 mars 1995, par l'émission du 500 francs Pierre et Marie Curie. Le billet de 200 francs à l'effigie de Gustave Eiffel a été mis en circulation le 29 octobre 1996 et, enfin, le billet de 100 francs Paul Cézanne à partir du 15 décembre 1997.

Depuis le 1er janvier 2002, la circulation des billets en euro a remplacé les billets de la Banque de France. Les billets en euro imprimés en France comportent la lettre « U » devant leur numéro de série.

Dirigeants

Gouvernance actuelle

Le gouverneur de la Banque de France est Christian Noyer depuis le 22 octobre 2003.

Le premier sous-gouverneur est Jean-Paul Redouin depuis le 22 décembre 2005.

Le second sous-gouverneur est Anne Le Lorier depuis le 7 novembre 2011.

Voir la liste des gouverneurs.

Gouverneurs précédents

Notes et références

  1. Code Monétaire et Financier, Legifrance, Code Monétaire et Financier partie Législative
  2. Code Monétaire et Financier art. L142-1, Legifrance, Code monétaire et Financier Partie Législative
  3. Rapport annuel 2009, Banque de France Eurosystème [PDF]
  4. Site web de Vérifiance
  5. a, b, c, d, e et f Le secret de la liberté des banques et de la monnaie, Philippe Nataf, Aux sources du modèle libéral français, 1997
  6. Yves Leclercq, 2010. Sur les débats, voir également: Yves Breton, Michel Lutfalla, L'économie politique en France au XIX° siècle, 1991.
  7. L’émission correspond à une opération de crédit : de refinancement et en acceptant le billet on suppose qu’il sera remboursé en or ou en argent instantanément à toute demande.
  8. Les Cahiers anecdotiques de la Banque de France, 2002, La bataille de l'or 1932-1940, Troisième partie : « L'évacuation : 10 mai 1940 au 23 juin 1940 ».
  9. Les Cahiers anecdotiques de la Banque de France, 2002, La bataille de l'or 1932-1940, Troisième partie : « L'évacuation : 10 mai 1940 au 23 juin 1940 ».
  10. a et b Journal officiel du 4 janvier 1973 www.legifrance.gouv.fr
  11. Projet de loi 157 du 22 juillet 1981 [1] [2]

Annexes

Bibliographie

La Banque de France et la monnaie, Service de l'information de la Banque de France, 1972.
• Bertrand Gille, La banque en France au XIX° siècle, 1970.
• Henri Koch, Histoire de la Banque de France et de la monnaie sous la IV° République, 1983
• Alain Prate, La France et sa monnaie : essai sur les relations entre la Banque de France et les gouvernements, 1987
• Romuald Szramkiewicz, Les régents et censeurs de la Banque de France nommés sous le Consulat et l'Empire, 1974.
• Alain Plessis, Histoires de la Banque de France, 1998.
• Alain Plessis, La Banque de France et ses deux cents actionnaires, 1982.
• Alain Plessis, La politique de la Banque de France sous le Second Empire, 1985.
• Alain Plessis, Régents et gouverneurs de la Banque de France sous le Second Empire, 1982.
• Marc Flandreau, L’or du monde: la France et la stabilité du système monétaire international, 1848-1873,1995.
• Gilles Jacoud, Le billet de banque en France (1796-1803), 1996.
• Kenneth Mouré , La politique du franc Poincaré (1926-1936), 1998.
• Bertrand Blancheton, Le Pape et l’Empereur. La Banque de France, la direction du Trésor, la politique monétaire de la France entre 1914 et 1928, 2001.
• Yves Leclercq, La banque supérieure – La Banque de France de 1800 à 1914, 2010.

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