Évangile selon Matthieu

Évangile selon Matthieu

L'évangile selon Matthieu (κατὰ Μαθθαίον) est le premier des quatre évangiles canoniques que contient le Nouveau Testament.

Ce livre est traditionnellement attribué à Matthieu, collecteur d'impôt devenu apôtre de Jésus-Christ.

Sommaire

Origine de cet évangile

Longtemps considéré comme le plus ancien des évangiles, dont Marc se serait inspiré, Matthieu vient aujourd'hui en second d'après la Théorie des deux sources[1], qu'adopte une majorité d'exégètes. D'après cette théorie et ses dérivés, l'évangile de Marc lui serait antérieur et aurait été l'une de ses sources, en compagnie de ce qu'on appelle la source Q[2]. Cependant, un certain nombre d'auteurs maintiennent encore des solutions au problème synoptique qui préservent la primauté de Matthieu[3].

La question de la date de composition du premier évangile est controversée, les propositions allant des années 60-65 à 80-85 en passant par la toute proximité de la période de destruction de Jérusalem (70). Plusieurs critères sont pris en compte, en particulier la manière dont Matthieu rend compte de la prophétie de Jésus concernant la destruction du Temple (Mt 25) et le rapport de Matthieu au judaïsme.

Les nombreuses références aux prophéties de l'Ancien Testament, la généalogie de Jésus, la façon dont est traité le problème de la Loi, suggèrent en tout cas la proximité de l'auteur et de son monde avec le judaïsme du premier siècle.

Ce qu'en disait l'ancienne tradition

Dans son Histoire Ecclésiastique, Eusèbe de Césarée, au début du IVe siècle, résumait ainsi ce que la tradition se remémorait de l'apôtre Matthieu : « Matthieu, en effet prêcha d'abord aux Hébreux. Comme il devait aussi aller vers d'autres, il livra à l'écriture, dans sa langue maternelle, son évangile, suppléant du reste à sa présence par le moyen de l'écriture, pour ceux dont il s'éloignait ». (H.E. III, 24, 6). Toujours selon Eusèbe de Césarée, Papias aurait écrit vers 125 : « Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (s.e. de Jésus) et chacun les traduisit (ήρμήνευσεν) comme il en était capable. » (H.E. III, 39, 16). De même saint Irénée avait écrit, vers 180 : « Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'évangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Église. » (Adv. Hae. III, Prologue).

L'apôtre Matthieu, donc, aurait publié très tôt, en Palestine et en langue hébraïque (hébreu ou araméen), une forme écrite d'évangile, insérant surtout des discours, ou des sentences, de Jésus (comme on peut en trouver par exemple dans l'Évangile selon Thomas). Il serait ensuite parti à l'étranger, comme la plupart des autres apôtres[4].

La question qui se pose est donc celle-ci : Quel est l'anonyme qui, après son départ, aurait traduit en grec les « logia » du Seigneur, tout en y insérant comme le ferait Luc, et très probablement après concertation avec lui comme le montrent différents indices, l'essentiel de l'évangile de Marc (523 versets sur 661)[5] ?

C'est à cette question que prétend répondre « l'hypothèse du diacre Philippe ».

L'hypothèse du diacre Philippe

« L'hypothèse du diacre Philippe » est un aménagement de la Théorie des deux sources. (Voir Problème synoptique).

Le diacre Philippe, l'un des Sept, serait l'auteur réel de notre premier évangile, après concertation avec Luc, compagnon de Paul lors du séjour en Palestine de ce dernier, vers 57-59 (cf. Ac 21,8 --- 27,2) ; plus précisément à Césarée maritime, lieu de résidence de Philippe, où Paul lui-même fut retenu prisonnier pendant près de deux ans.

Philippe et Luc auraient hérité de deux sources : les logia du Seigneur rédigés en araméen par l'apôtre Matthieu, selon la tradition, et l'évangile de Marc, issu du témoignage et des prédications de l'apôtre Pierre.

Philippe comme Luc auraient eu tout le temps de mener leur enquête personnelle.

L'helléniste Philippe et Luc auraient ensuite composé indépendamment l'un de l'autre, en grec, leur évangile respectif, l'un à Césarée maritime (Philippe), et l'autre à Rome (Luc).

Le diacre Philippe (ou l'Église après lui) aurait laissé le premier évangile sous le patronage de l'apôtre Matthieu, car il reproduisait largement les logia et parce que le nom d'un apôtre était plus prestigieux.

Cette hypothèse a l'avantage de concilier remarquablement les données de la tradition (critique externe) et les données textuelles de la question synoptique (critique interne). En particulier, elle lève certaines apories de la Théorie des deux sources.

Pourquoi Matthieu grec (selon cette hypothèse Philippe) et Luc, quoique ayant travaillé indépendamment l'un de l'autre, connaissent-ils malgré tout des accords remarquables : même place des évangiles de l'enfance avec des développements parallèles quoique différents, insertion au même endroit dans la trame de Marc (3,19) des Béatitudes et du Sermon sur la Montagne (quoique sous des formes très dissemblables, et quoique Marc en cet endroit ne parle ni de béatitudes ni de sermon), utilisation de deux sources identiques : les logia et Marc (quoique avec des modalités très diverses), sans parler de maints accords de détail (contre Marc) qui sont depuis longtemps des « croix » pour les exégètes.

Il n'y eut donc pas copie entre eux, mais bien concertation préalable, et même lecture commune des mêmes sources.

D'autre part il est très vraisemblable que le premier évangile (Matthieu grec) ait été composé en Palestine car il dénote une connaissance précise de ce pays.

On peut relever de surcroît que le témoignage intensif du diacre Philippe pour la rédaction des Actes des Apôtres paraît plus que probable.

Signification et intention de l'évangile de Matthieu

Le premier évangile paraît donc s'adresser avant tout aux juifs et aux rabbins de la synagogue, pour leur démontrer à l'aide des Écritures, l'Ancien Testament, que Jésus-Christ est réellement le Fils de Dieu et l'Emmanuel, Dieu avec nous depuis le début, le fils de David, l'héritier de tous les rois d'Israël et le Messie qu'ils espéraient.

Le titre de Fils de Dieu intervient aux tournants importants du récit, dès l'enfance, au baptême, à la confession de Pierre, à la transfiguration, au procès de Jésus et à la crucifixion. Le nom de fils de David, qui lui est associé, et qui revient en dix occurrences[6], démontre que Jésus est le nouveau Salomon : en effet Jésus s'exprime comme la Sagesse incarnée. En vertu du titre de Fils de l'homme, qui parcourt l'évangile, et qui provient tout droit de Daniel et du Livre d'Hénoch, Jésus se voit doté de toute autorité divine sur le Royaume de Dieu, aux cieux comme sur la terre.

Matthieu grec, écrivant pour une communauté de chrétiens venue du judaïsme, et discutant sans doute avec les rabbins, s'attache avant tout à montrer dans la personne et dans l'œuvre de Jésus l'accomplissement des Écritures. Il confirme par des textes scripturaires : sa race davidique (1,1-17), sa naissance d'une vierge (1,23), sa naissance à Bethléem (2,6), son séjour en Égypte (2,15), son établissement à Capharnaüm (4,14-16), son entrée messianique à Jérusalem (21,5.16). Il le fait pour son œuvre de guérisons miraculeuses (11,4-5) et pour son enseignement (5,17).

Tout aussi bien il souligne que l'échec apparent de la mission de Jésus était annoncé par les Écritures, et que les abaissements du Fils de l'homme accomplissent la prophétie du Serviteur souffrant d'Isaïe (12,17-21).

Le premier évangile se présente donc beaucoup moins comme une simple biographie de Jésus, ce qu'ont fait de leur côté excellemment Marc et Luc, que comme une thèse parfaitement construite et documentée adressée aux juifs hellénistes, les croyants pour les conforter dans leur foi, les incrédules ou les opposants pour les réfuter.

Elle s'inscrit bien dans ce climat de tension qui prévalait dans la Palestine d'avant la destruction du Temple, tel qu'il nous est décrit dans les Actes des Apôtres, où la persécution menaçait sans cesse : martyre d'Étienne à l'instigation de la synagogue, dispersion des apôtres, qui seraient suivis par le martyre de Jacques le mineur.

La problématique du premier évangile fait songer à celle du discours d'Étienne, qui nous est rapporté par les Actes (cf. Ac 7). Cela n'a rien d'étonnant s'ils ont quasiment le même auteur : le diacre Philippe dictant pour Luc le discours d'Étienne, et lui-même rédacteur final du premier évangile.

Les invectives terribles du diacre Étienne, sur le point de mourir, ressemblent à s'y méprendre aux malédictions du Christ (au nombre de sept), contre les scribes et les pharisiens, que l'on trouve au chapitre 23 de notre premier évangile.

Plan de l'évangile de Matthieu

L'évangile de saint Matthieu s'organise autour de cinq discours :

  • Le discours sur la montagne : 5 à 7,27.
  • La mission des disciples : 10.
  • Les paraboles du Royaume : 13,1-52.
  • Les conseils communautaires : 18.
  • Le discours sur la manifestation finale du Fils de l'homme : 24 et 25.

Chacun de ces discours se termine par une phrase stéréotypée : " Et il arriva quand Jésus eut achevé tous ces discours..." ou approchante : (7,28; 11,1; 13,53; 19,1; 26,1).

Chacun des discours est précédé par une section narrative, racontant une partie du ministère public de Jésus-Christ.

L'ensemble des discours et des sections narratives est précédé des récits de l'enfance du Messie, puis suivi par l'évocation de la Passion et de la Résurrection.

On peut voir aussi dans l'évangile une gradation en deux parties : la naissance et le ministère en Galilée : 1 à 18 ; le ministère en Judée qui se termine par la mort et la Résurrection : 19 à 28.

De multiples autres plans ont été proposés par la critique.

Utilisation de Marc par l'évangile de Matthieu

Matthieu in Minuscule 447

Matthieu grec, a-t-on dit, a réutilisé la quasi-totalité de l'évangile de Marc. Il en a même fait la charpente de son propre ouvrage, comme Luc. À la différence de ce dernier, il a toutefois bien moins respecté la séquence de Marc, notamment au début, montrant par là qu'il n'avait pas, au premier chef, de préoccupations chronologiques ou biographiques.

On peut dénombrer au moins 22 péricopes de Marc que Matthieu grec a déplacées, dont 10 importantes que l'on peut citer :

  • Mt 8,14-17 = Mc 1,29-34
  • Mt 8,2-4 = Mc 1,40-45
  • Mt 9,2-17 = Mc 2,1-22
  • Mt 12,1-21 = Mc 2,23 — 3,12
  • Mt 12,22-37 = Mc 3,22-30
  • Mt 12,46 — 13,15 = Mc 3,31 — 4,12
  • Mt 13,18-23 = Mc 4,13-20
  • Mt 13,31-32 = Mc 4,30-32
  • Mt 13,34-35 = Mc 4,33-34
  • Mt 10,1.9-14 = Mc 6,6 b-13

Il leur fait subir des sauts considérables, plaçant par exemple la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre après l'enseignement sur la montagne ou le choix des Douze, alors que Marc et Luc la placent avant. Plaçant la guérison d'un paralytique et l'appel de Matthieu-Lévi après la tempête apaisée, alors que Marc et Luc l'ont avant. Etc.

Mais on observe un phénomène remarquable, c'est qu'à l'intérieur de ces péricopes déplacées, Matthieu grec conserve (malgré certains ajouts ou certaines suppressions, comme constamment) l'ordre originel de Marc que l'on retrouve en principe dans Luc (Luc, quant à lui, n'ayant pas déplacé le plus souvent ces péricopes).

On a là une preuve tangible, à la fois du respect de Matthieu grec pour la teneur du récit de Marc et de la véracité de la Théorie des deux sources. C'est bien Marc qui est le document-maître que les deux autres synoptiques, et parfois même Jean, ont démarqué.

Mais on doit constater aussi, autre phénomène remarquable, qu'à partir de :

  • Mt 14,1 = Mc 6,14

Matthieu grec (sans doute Philippe) suit dorénavant très fidèlement la séquence de Marc (avec toujours des compléments ou des suppressions, et quelques interversions mineures) jusqu'à la fin (authentique) de cet évangile, bien plus fidèlement même que Luc, qui, lui, ampute de façon importante le texte de Marc, ou l'interrompt pour de longues plages d'insertions.

Les compléments ou les omissions de Marc, par Matthieu grec ou Luc, sont faits de façon indépendante par ces deux derniers évangélistes. Ce qui conforte encore la Théorie des deux sources.

Pour expliquer certains accords mineurs de Matthieu grec et Luc, contre Marc, certains exégètes allemands ont imaginé l'existence d'un état antérieur de Marc, l'Urmarkus, légèrement différent de celui que nous connaissons, que Matthieu grec et Luc auraient utilisé en commun.

Sans être prouvée, on peut faire remarquer que cette proposition s'accorderait fort bien avec « l'hypothèse du diacre Philippe ». L'Urmarkus ne serait autre qu'une version privée de Marc, non encore publiée, celle que Luc aurait communiquée au diacre Philippe lors de son séjour en Palestine. Son auteur, Marc, l'aurait ensuite remaniée quelque peu, avant publication.

Utilisation des logia, la source Q, par Matthieu grec

On définit la source Q comme étant ce que les évangiles de Matthieu et de Luc ont en commun, en dehors de Marc. En ce sens la source Q n'est pas du tout un document hypothétique, comme on le lit parfois ; mais elle peut fort bien être reconstituée.

Il y eut nécessairement une source commune pour Matthieu grec et Luc, en dehors de Marc.

Mais le problème est qu'on ne peut pas délimiter ce document, ni même lui assigner un ordre précis. On n'est pas sûr du tout, on a même la forte présomption du contraire, que Matthieu grec et Luc ne l'ont pas rapporté chacun in extenso. D'autre part les sentences qu'on y trouve, en plus de quelques rares récits, ne sont pas données dans le même ordre par Matthieu grec et Luc. Lequel des deux a le mieux respecté l'ordre originel du document ?

De plus les citations de ce document insérées par nos deux synoptiques ne sont pas, le plus souvent, faites mot à mot, mais sous forme périphrastique; plutôt sens pour sens.

Pour la reconstitution de ce document on ne peut pas échapper à des hypothèses. Il semble que le plus vraisemblable soit d'admettre que Luc a mieux respecté que Matthieu grec l'ordre et la teneur de la source Q, et qu'il l'a introduite telle quelle dans son évangile, dans deux plages principales :

  • Lc 6,20 --- 8,3
  • Lc 9,51 --- 18,14.

On peut y ajouter : Lc 22,30.

De plus il semble bien que :

  • Mt 3,7-10.12; 4,2-11a = Lc 3,7-9.17; 4,2b-13

fut aussi un document à part, qu'on peut, faute de preuve du contraire, assimiler à la source Q.

Les sentences, ou les discours, que Matthieu grec a en propre et qui ne figurent pas dans la source Q, telle que reconstituée ci-dessus, peuvent être, sans inconvénient, attribués à une source matthéenne orale, car le diacre Philippe aurait été le confident de l'apôtre Matthieu avant son départ pour la mission.

Il ne semble pas qu'on puisse guère aller plus avant.

Ici donc, on identifie purement et simplement les logia du Seigneur dont l'existence est connue par la tradition et la source Q, définie par les exégètes allemands.

Matthieu grec, sans doute le diacre Philippe, aura utilisé très librement les deux traditions matthéennes, celle écrite en principe commune avec Luc, et celle orale qui lui est propre, en plus des résultats de son enquête personnelle et de ses souvenirs.

C'est lui-même qui aura traduit oralement, à l'intention de Luc, les documents hébreux, ou araméens, qu'il avait en sa possession.

La généalogie matthéenne du Christ

Matthieu grec a mis en exergue la généalogie du Christ (cf. Mt 1,1-17), lui attribuant une importance apologétique considérable, que d'ordinaire les exégètes ne soulignent pas assez.

Cette généalogie résume à elle seule tout l'Ancien Testament, et le rattache au Nouveau. De fait pour nous, dans nos bibles, elle ouvre la lecture du Nouveau Testament.

La généalogie de Matthieu grec est celle de Joseph et des "frères du Seigneur", voulant prouver aux juifs que Jésus était bien le descendant légal de David, de Salomon et de tous les rois de Juda, l'héritier du trône et, par voie de conséquence, le Messie promis. C'est d'ailleurs sous ce titre officiel de "roi des juifs" (Mt 27,37) que Jésus sera crucifié.

C'est tellement vrai que plus tard les descendants de Jude, "frère du seigneur", furent inquiétés à plusieurs reprises par le pouvoir romain comme prétendants implicites à la royauté. (Cf. Eusèbe de Césarée, H.E. III, 12 et 19-20).

En ce temps-là les archives du peuple juif n'avaient pas encore été détruites (elles le seront plus tard, au moment des révoltes juives et de la prise de Jérusalem par les romains). La généalogie (surtout une généalogie royale !) devait être exacte, et vérifiable, sinon elle aurait tourné au détriment de la cause qu'elle prétendait servir.

Cependant saint Irénée, père de l'Église, a souligné très fortement que la généalogie donnée par Matthieu ne pouvait être la généalogie réelle de Jésus, car Jéchonias et tous ses descendants ont été formellement exclus de l'ascendance messianique par le prophète Jérémie. (Cf. Adv. Hae. III, 21, 9 et Jé 22, 24-30). De fait, Joseph n'est que le père virginal, ou légal (selon la Torah), de Jésus. (Cf. Mt 1,16.18-25).

C'est Luc qui exposera la véritable généalogie de Jésus, par sa mère Marie, elle-même descendante de David, mais par Nathan et non par Salomon (cf. Lc 3,23-38). Cette thèse n'est pas nouvelle, ou en l'air, mais elle est défendue de façon très argumentée par saint Irénée (cf. Adv. Hae. III, 9, 2 ; 16,3 ; 21-22).

Luc l'a sans doute fait après concertation avec le diacre Philippe.

Quant à Philippe lui-même (Matthieu grec), il devait tenir sa généalogie du Christ, soit de l'apôtre Matthieu, soit directement des "frères du Seigneur" qui vivaient à Jérusalem et qui y gouvernaient l'Église : Jacques le mineur, Simon et Jude "frère de Jacques", cette Église dont il était le diacre fidèle, et même le premier des diacres, depuis la mort d'Étienne (cf. Ac 6,5).

Article détaillé : Généalogie de Jésus.

Les évangiles de l'enfance, selon Matthieu grec

De même pour les évangiles de l'enfance (cf. Mt 1,18 — 2,23), Matthieu grec rapporte le point de vue de Joseph et des « frères du Seigneur », tandis que Luc (cf. Lc 1 — 2) donnera le point de vue de Marie, sans doute à travers le témoignage de l'apôtre Jean, préalablement contacté par lui.

Les faits racontés sont très différents, mais ils restent néanmoins conciliables et superposables. Il y eut très probablement concertation préalable, à ce sujet, entre Matthieu grec (Philippe) et Luc, car les propos de l'un et de l'autre sont exactement parallèles, ou symétriques, dans leur évangile respectif. Les exégètes ont souvent relevé la convergence des affirmations biographiques, ou théologiques, implicites, qui sont contenues dans ces deux récits. Ainsi selon Joseph A. Fitzmyer [7]:

  • 1) La naissance de Jésus est rapportée au règne d'Hérode.
  • 2) Marie, qui devient sa mère, est une vierge engagée envers Joseph, mais ils n'ont pas encore cohabité.
  • 3) Joseph est de la maison de David.
  • 4) Un ange venu du ciel annonce l'événement de la naissance de Jésus.
  • 5) Jésus est lui-même reconnu comme fils de David.
  • 6) Sa conception intervient grâce à l'action du Saint-Esprit.
  • 7) Joseph est exclu de la conception.
  • 8) Le nom de « Jésus » est prescrit par le ciel, avant la naissance.
  • 9) L'ange identifie Jésus comme « Sauveur ».
  • 10) Jésus est né après que Marie et Joseph ont commencé de vivre ensemble.
  • 11) Jésus est né à Bethléem.
  • 12) Jésus s'installe, avec Marie et Joseph, à Nazareth, en Galilée.

Les références sont faciles à retrouver dans Matthieu et dans Luc.

Bien que les faits racontés par Matthieu grec ne puissent être prouvés historiquement, on remarque néanmoins combien ils sont conformes à la psychologie des personnages qu'on connaît par ailleurs, par exemple Hérode, et aux mœurs du temps. Le cadre historique est incontestable, avec les derniers temps d'Hérode, puis sa succession.

Dès l'entrée, Jésus est présenté comme Sauveur (cf. Mt 1,21), Emmanuel (1,23), roi (2,2), Messie ou Christ (2,4), Fils de Dieu (2,15), en accomplissement de toutes les prophéties.

Les cinq discours de Matthieu grec

Nous avons montré (voir le plan ci-dessus), que le premier évangile s'organise autour de cinq grands discours, placés dans la bouche de Jésus, au milieu de sections narratives, dont les épisodes sont empruntés le plus souvent à Marc, en plus des récits de l'enfance qui viennent d'une source particulière comme nous l'avons exposé.

Mis à part le premier : le discours évangélique, ou Sermon sur la montagne, quatre de ces discours existent déjà dans Marc, mais Matthieu grec les a considérablement amplifiés, en puisant dans la source Q, ou dans son fonds personnel.

On peut discerner dans ces discours eux-mêmes un plan en sept parties.


I. Discours évangélique : 5, 1 - 7,27

  • 1. Loi nouvelle : 5,1-16
  • 2. Loi ancienne : 5,17-19
  • 3. Justice nouvelle : 5,20-48
  • 4. Pratiques renouvelées du judaïsme : 6,1-18
  • 5. Détachement des richesses : 6,19-34
  • 6. Relations avec le prochain : 7,1-12
  • 7. Nécessité de la mise en pratique : 7,13-27

II. Discours apostolique : 10

  • 1. Choix des Douze : 10,1-4
  • 2. Consignes aux Douze : 10,5-16
  • 3. Persécution des missionnaires : 10,17-25
  • 4. Parler ouvertement : 10,26-33
  • 5. Jésus cause de dissensions : 10,34-36
  • 6. Se renoncer pour suivre Jésus : 10,37-39
  • 7. L'accueil des envoyés : 10,40-42

III. Discours parabolique : 13,1-52

  • 1. Parabole du semeur.
  • 2. Parabole de l'ivraie.
  • 3. Parabole du grain de sénevé.
  • 4. Parabole du levain.
  • 5. Parabole du trésor.
  • 6. Parabole de la perle.
  • 7. Parabole du filet.

IV. Discours ecclésiastique : 18

  • 1. Qui est le plus grand ? : 18,1-4
  • 2. Le scandale : 18,5-11
  • 3. La brebis égarée : 18,12-14
  • 4. La correction fraternelle : 18,15-18
  • 5. La prière en commun : 18,19-20
  • 6. Le pardon des offenses : 18,21-22
  • 7. Parabole du débiteur impitoyable : 18,23-25

V. Discours eschatologique : 24 - 25

  • 1. Commencement des douleurs : 24,4-14
  • 2. Tribulations de Jérusalem : 24,15-25
  • 3. Avènement du Fils de l'homme : 24,26-44
  • 4. Parabole du majordome : 24,45-51
  • 5. Parabole des dix vierges : 25,1-13
  • 6. Parabole des talents : 25,14-30
  • 7. Le jugement dernier : 25,31-46

On remarquera (notations empruntées à la Bible de Jérusalem) le rapport entre le premier discours (proclamation du Royaume) et le cinquième (venue du Royaume), entre le deuxième (discours missionnaire) et le quatrième (vie communautaire dans l'Église). Le troisième discours forme donc le centre de la composition.

L'organisation des cinq discours, et tout l'évangile avec lui, obéiraient donc à une construction chiasmatique : A, B, C, B’, A’.

La modeste parabole de la femme qui pétrit du pain (cf. Mt 13,33), qui se trouve au centre du discours parabolique, serait donc au cœur de tout l'évangile : "Le Royaume des Cieux est semblable à du levain qu'une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que le tout ait levé."

Si Marie, sa mère, est la femme que Jésus a observée en train de pétrir la pâte - et pourquoi ne serait-ce pas elle ? - ; si la farine est toute l'humanité (antérieure à Jésus, contemporaine de Jésus et postérieure à Jésus) et si le levain est la Parole de Dieu (c'est-à-dire Jésus lui-même), on a là, sous des dehors humbles, une belle illustration de l'aventure humaine, et même un bon résumé de tout l'évangile.

Le thème principal de ces discours, c'est l'avènement du Royaume de Cieux (ou de Dieu), dont l'Église, sur cette terre, est déjà la préfiguration.

I. La charte du Royaume des Cieux est promulguée sur la montagne.

II. Le Royaume des Cieux est prêché par l'envoi en mission des Douze.

III. Son mystère caché est dévoilé par les paraboles, et par l'enseignement évangélique.

IV. L'Église constitue les prémices, dès ici-bas, du Royaume des Cieux si elle observe sa charte.

V. Enfin le Royaume des Cieux adviendra, après bien des péripéties, par l'avènement définitif du Fils de l'homme.

"L'annonce de la venue du Royaume entraîne une conduite humaine qui dans Matthieu s'exprime surtout par la poursuite de la justice et l'obéissance à la Loi. La justice, thème préféré de Matthieu (3,15 ; 5,6 ; 6,1.33 ; 21,32), est ici la réponse humaine d'obéissance à la volonté du Père, plutôt que le don divin du pardon qu'elle est pour saint Paul. La validité de la Loi (Torah) est affirmée, 5,17-20, mais son développement par les pharisiens est rejeté en faveur de son interprétation par Jésus, qui insiste surtout sur les préceptes éthiques, sur le Décalogue et sur les grands commandements de l'amour de Dieu et du prochain." (Citation de la Bible de Jérusalem, 1998, page 1670).

La Passion, la Résurrection, l'envoi en mission, dans Matthieu

Dans le récit de la passion et de la résurrection du Christ, comme de l'envoi en mission, Matthieu grec, comme les trois autres évangiles, suit très fidèlement le schéma de Marc, jusqu'à la fin authentique de cet évangile, qu'on situe en Mc 16,8.

Comme les autres, il le réécrit à sa manière, sans guère en changer la substance.

Matthieu grec confirme en particulier, comme Luc, la chronologie de Marc qui fait tenir l'onction à Béthanie deux jours avant la Pâque (Mt 26,2), célébrer la Sainte Cène le soir même de Pâque (26,17), et qui fait rester Jésus au moins six heures en croix, le vendredi, après avoir été crucifié à neuf heures du matin (cf. Mt 27,45).

Il rajoute seulement quelques épisodes, selon son enquête personnelle :

  • Le récit de la mort de Judas (Mt 27,3-10) dont on trouve une autre version, légèrement différente, dans les Actes des Apôtres (Ac 1,18-19) ; ce qui démontre encore une fois les liens étroits qui peuvent exister entre le premier évangile et les Actes.
  • L'anecdote de la femme de Pilate qui intervient en faveur de Jésus (Mt 27,19).
  • Le lavement ostentatoire des mains par le même Pilate, se désolidarisant des assassins de Jésus (Mt 27,24).
  • Les manifestions telluriques après la mort de Jésus, et la résurrection de nombreux trépassés (Mt 27,51b-53).
  • La garde du tombeau après la Passion, réclamée par les chefs juifs (Mt 27,62-66).
  • Le nouveau tremblement de terre et le spectacle grandiose de l'ange qui vient rouler la pierre du sépulcre, au moment de la Résurrection (Mt 28,2-4).
  • Enfin la supercherie des chefs juifs pour nier la résurrection de Jésus (Mt 28,11-15).

Après la Résurrection, Matthieu grec, à la différence de Luc et de la finale rajoutée à l'évangile de Marc (Mc 16,9-20) qui suit Luc et peut-être Jean, après une première apparition du Christ aux saintes femmes (Mt 28,9-10), reporte les apparitions du Christ aux apôtres, et l'envoi en mission, en Galilée (Mt 28,16-20) où l'ange (Mt 28,7) et Jésus lui-même (Mt 28,10) avaient donné rendez-vous aux disciples.

De même, l'évangéliste Jean placera une apparition du Christ à ses disciples, en Galilée, au bord du lac de Tibériade (cf. Jn 21).

Tout en suivant de très près la séquence de Marc, Matthieu grec l'a enrichie de nouveaux épisodes, abrégeant cependant la narration de Marc en certains endroits. Il semble avoir bénéficié d'une tradition propre, différente de celle de Luc, puisqu'il ne signale pas la comparution de Jésus devant Hérode (cf. Lc 23,8-12).

Une tradition matthéenne orale ?

En plus d'une tradition matthéenne écrite, en principe commune avec Luc, et que, à la suite des exégètes allemands du XIXe siècle, on a affublée du nom de « source Q », il semble bien que le premier évangile a bénéficié d'une source matthéenne orale, spéciale à cet évangile.

Philippe avait connu personnellement l'apôtre Matthieu. C'est de lui qu'il avait reçu, comme des onze autres, le charisme du diaconat, et le mandat de la prédication évangélique (cf. Ac 6,6 ; 8,1.14). C'est l'apôtre Matthieu qui, partant pour l'étranger (Rufin nous dit l'Éthiopie : cf. H.E. III, 1, 1, traduction latine de Rufin), lui aurait remis son évangile araméen, en fait les logia, ou discours du Seigneur, avec la charge de les traduire et publier.

En plus de ces logia, le premier évangile nous transmet des renseignements précieux et originaux sur le douanier Matthieu, devenu l'un des Douze. Alors que Marc, suivi par Luc, nous raconte l'appel d'un certain Lévi, fils d'Alphée, Matthieu grec nous apprend, dans le récit parallèle qu'il s'agit de Matthieu même ; « Son nom était Matthieu » (Mt 9,9), l'un des Douze (cf. Mc 3,18).

Donnant à son tour la liste des apôtres, Matthieu grec mentionnerait que ce Matthieu était publicain (cf. Mt 10,3).

C'est le premier évangile seul qui nous parlerait de la redevance du Temple acquittée par Jésus et Pierre (cf. Mt 17,24-27). On peut voir là une notation propre au collecteur d'impôt qu'était Matthieu. Il donnait à la monnaie de l'impôt son nom technique de « didrachme ». En véritable spécialiste des finances il nous apprenait qu'un statère valait deux didrachmes (soit encore un tétradrachme) pour payer l'impôt susdit et qu'il suffirait donc pour deux personnes (cf. Mt 17,27).

Saint Matthieu, apôtre et scribe du Christ (en langue araméenne) se trouverait parfaitement défini, à la fin du discours parabolique : « ...scribe devenu disciple du Royaume des Cieux...semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et du vieux. » (Mt 13,52). Certains exégètes (Bible de Jérusalem) ont cru trouver là une signature discrète de l'évangéliste primitif.

Le premier évangile nous rapporterait des paraboles remarquables, propres à lui, qui mettraient en œuvre l'argent: parabole du débiteur impitoyable, qui nous parlerait de 10.000 talents, somme colossale, et de cent deniers (cf. Mt 18,23-35) ; parabole des talents (cf. Mt 25,14-30), alors que Luc parlerait de mines (cf. Lc 19,11-27).

C'était le premier évangile qui dans la prière du Notre Père évoquerait la remise des dettes et les débiteurs (cf. Mt 6,12), tandis que Luc mentionnerait pour sa part la remise des péchés et le devoir de remettre à quiconque nous doit (cf. Lc 11,4).

C'était le premier évangile seul qui donnerait le prix de la trahison de Judas : « Trente pièces d'argent » (Mt 26,15), c'est-à-dire trente sicles (et non trente deniers comme on le dit souvent), la valeur d'un esclave (cf. Ex 21,32), tandis que Marc (14,11) et Luc (22,5) ne feraient état que d'une certaine somme d'argent. De même Matthieu seul nous préciserait que Judas aurait rapporté cette somme : « les trente pièces d'argent, aux grands prêtres et aux scribes » (Mt 27,3) puis les auraient jetées, saisi de désespoir, non dans le tronc mais dans le sanctuaire même (naos) du Temple (cf. Mt 27,5).

De même, dans le récit de la Résurrection, Matthieu grec serait seul à nous dire que les grands prêtres et les anciens « donnèrent aux soldats une forte somme d'argent, avec cette consigne : 'Vous direz ceci : ses disciples sont venus de nuit et l'ont dérobé pendant que nous dormions'. » (Mt 28,12-13).

Philippe, héritier direct de Matthieu et dépositaire de son témoignage, aura voulu laisser sous le patronage de Matthieu seul le premier évangile tout entier, dans son édition définitive.

L'aspect pétrinien du premier évangile

Les exégètes ont souvent noté le caractère pétrinien du Ier évangile. Plus que les deux autres synoptiques, il insistait sur la primauté de l'apôtre Pierre.

Cela n'a rien de surprenant si l'on admet que ledit premier évangile eut pour rédacteur principal, et final, le diacre Philippe. On connaît par les Actes des Apôtres les rapports étroits qu'avait entretenus Philippe avec le Prince des apôtres. Ordonné diacre à l'initiative de Pierre, et par ses mains à la tête des Douze, Philippe devait le recevoir maintes fois en Samarie ou ailleurs en Judée (cf. Ac 6 --- 12). Le témoignage de Philippe dans le premier évangile, comme aussi dans les Actes, pouvait être de première main.

Le premier évangile ajoutait au rapport de Marc, lui-même collaborateur de Pierre et son interprète, des détails sur Pierre, ou des paroles le concernant, qui ne pouvaient guère provenir que des confidences personnelles du chef des apôtres au diacre Philippe : la marche de Pierre sur les flots (cf. Mt 14,28-33), le Tu es Petrus (cf. Mt 16,17-19), peut-être la redevance du Temple acquittée par Jésus et Pierre à Capharnaüm (cf. Mt 17,24-27). Ces faits ne nous sont connus que par la relation du premier évangile, insérée dans la trame de Marc.

Le premier évangile était celui de la prédication du Royaume des Cieux. Mais ledit Royaume des Cieux ne se réalisait sur la terre que par le truchement d'une communauté de disciples, qui était l'Église ; et cette Église même était bâtie sur l'apôtre Pierre.

À la confession de foi de la messianité de Jésus, rapportée par Marc (8,29) et Luc (9,20), Matthieu grec (Philippe) avait rajoutée, dans la bouche de Pierre, la confession explicite de la divinité de Jésus (cf. Mt 16,16). C'était en réponse à cette dernière confession que Pierre s'était entendu institué, par le Christ, comme le majordome du Royaume des Cieux.

Conclusion : l'évangile ecclésiastique. L'évangile du Royaume

Ce premier évangile si complet et si bien organisé fut reçu et utilisé dans l'Église primitive avec une ferveur marquée.

Cela ne saurait surprendre s'il eut pour rédacteur final le diacre Philippe qui l'aurait composé, après consultation de Luc, et même concertation avec lui, au nom de l'apôtre Matthieu, bien sûr, dont il détenait l'héritage et sous le patronyme duquel il le laissa (lui ou l'Église postérieure), mais aussi au nom de toute l'Église de Jérusalem dont il était le diacre et qui l'avait peut-être délégué à cet office.

Encore une fois sa réception très ancienne dans l'Église et la faveur universelle dont il a bénéficié ne sauraient étonner.

Il parait très important d'admettre que le premier évangile canonique, Matthieu grec, ait été composé en Palestine, plus précisément à Césarée maritime, et non pas à Antioche ou ailleurs, comme on l'a souvent supposé sans aucune preuve, ni même aucune vraisemblance.

L'auteur du premier évangile nous apparaît à plus d'une reprise comme un fin connaisseur de la Palestine. Il lui arrivait même de corriger discrètement la géographie un peu approximative de Marc, ou même de Luc. Ainsi en Mt 8,28 il précisait que Jésus, débarqué sur l'autre rive, était parvenu au pays des Gadaréniens et non pas au territoire des Géraséniens (cf. Mc 5,1 ; Lc 8,26). Il appert que la ville de Gadara, en Décapole, était bien plus proche du lac de Tibériade que la ville de Gérasa.

En Mt 15,39 Matthieu grec (Philippe) changeait le nom de Dalmanoutha, donné par Marc (8,10) et inconnu des géographes, en celui de Magadan. Certes Magadan était tout aussi impossible à situer sur les cartes : mais précisément plus d'un exégète y voyait une corruption, due à un copiste, du nom de "Magdala", bourgade fort bien identifiée des bords du lac[8].

En Mt 27,7 Matthieu grec (Philippe) nous informait que les grands prêtres achetèrent avec les trente sicles de Judas le "champ du potier", bien connu des habitants de Jérusalem (cf. Ac 1,19), comme lieu de sépulture pour les étrangers. "Voilà pourquoi ce champ-là s'est appelé jusqu'à ce jour le 'Champ du Sang'" (Mt 27,8). Le renseignement était d'une grande acribie géographique. Et il correspondait parfaitement à l'indication livrée par Luc dans les Actes.

Les trois évangiles synoptiques (et même Jean qui est bien plus synoptique qu'on ne le dit) ont été rédigés d'une manière volontairement concordante, même s'il subsiste entre eux quelques menues différences de détails.

Philippe et Luc ont repris, et suivi, avec grand respect et une considération évidente le témoignage de Marc, parce qu'il émanait directement de l'autorité de l'apôtre Pierre.

Mais chacun l'a remanié ou complété, ou parfois abrégé, selon son charisme.

Il faut bien comprendre que Philippe comme Luc avaient comme préoccupation primordiale de ne pas laisser perdre les logia de l'apôtre Matthieu, ainsi que ses confidences parlées. C'est pourquoi ils les ont amalgamés d'une manière différente dans la matériau brut livré par Marc.

Ils ont complété le tout par les résultats de leur enquête personnelle, ou même par leurs souvenirs propres.

Cependant Matthieu grec (sans doute Philippe), avec ces éléments, et ces contraintes, a fait œuvre tout à fait originale et bien différente de Luc et bien sûr de Marc.

Plus qu'une vie de Jésus, son évangile est un discours, ou une homélie, ou une hymne, pour prouver, comme on l'a dit plus haut, la divinité du Christ et pour annoncer l'avènement imminent et même déjà là, du Royaume des Cieux, dont l'Église de Jésus-Christ constitue l'esquisse sur cette terre.

Jésus-Christ est le Fils de l'homme qui doit revenir régner triomphalement à la fin de l'histoire humaine, même s'il est en même temps, ô combien paradoxalement, le "Serviteur souffrant" d'Isaïe qui devait connaître, et qui a effectivement connu parmi nous, les plus grands abaissements.

Le premier évangile qu'on peut considérer comme typiquement sémite ou même, comme on l'a montré, typiquement palestinien, se termine pourtant par une phrase tout à fait universaliste. Il s'ouvre sur l'espace infini, et sur le temps infini. Il le fait au nom du baptême qui devient la porte d'entrée officielle à la fois dans l'Église et dans le Royaume de Dieu. Il le fait au nom de la Sainte Trinité, qu'il est bien le seul, dans tout le Nouveau Testament, à proclamer nommément et clairement, même si tous les autres livres la sous-entendent : "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit." (Mt 28,19).

Il ajoute pourtant ces deux notes essentielles :

"Observer tout ce que je vous ai prescrit." (Mt 28,20), c'est-à-dire le Sermon sur la Montagne, c'est-à-dire la charité.

Et la promesse, qui vaut pour aujourd'hui : "Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin de l'âge." (id.).

Notes et références

  1. Ou Modèle des deux sources. Voir Problème synoptique
  2. De l'allemand Quelle, qui signifie 'source'.
  3. Voir notamment Philippe Rolland, Les premiers évangiles. Un nouveau regard sur le problème synoptique, LD, Paris, cerf, 1984
  4. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, III, 1, 1.
  5. Daniel Marguerat. Introduction au Nouveau Testament. 2008. Chapitre 2. Le problème synoptique. Page 32.
  6. Bible de Jérusalem, 1998, page 1671
  7. Joseph A. Fitzmyer, The gospel according to Luke I-IX, 1979, The Anchor Bible, page 307
  8. Mgr Clemens Kopp, Itinéraires évangéliques, 1964, page 347

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

Film

En 1964, sortait sur les écrans un film écrit et réalisé par l'italien Pier Paolo Pasolini, L'Évangile selon saint Matthieu (titre original : Il vangelo secondo Matteo).

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