État d'Alger

État d'Alger

Régence d'Alger

Régence d'Alger


1515 — 1830

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Drapeau



Informations générales
 Statut monarchie élective
 Capitale Alger
 Langue(s) arabe,langues berbères, ottoman, lingua franca
 Religion(s) islam malékite et hanafite, judaïsme
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Population
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Superficie
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Histoire et événements
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Pouvoir législatif
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Zianides Zianides
Hafsides Hafsides
Royaume d'Espagne Royaume d'Espagne
Algérie française Algérie française

À partir de la fin du XVIe siècle, Alger, sous domination turque, joue le rôle de capitale d'un territoire qui s'étend entre la Moulouya à l'Ouest et La Calle à l'Est. Après l'échec de sa conquête par Charles Quint en 1541, Alger devient le port le plus puissant de la rive Sud de la Méditerranée. La Régence d'Alger dure trois siècles : de 1515 à 1830.

Sommaire

Les frères Barberousse à Alger

Après avoir achevé la Reconquista en 1492 avec la chute du dernier bastion en possession musulmane : l'Émirat de Grenade, le cardinal Ximenès, primat d’Espagne veut porter la Croisade au cœur des petits États barbaresques. Les espagnols annexent plusieurs villes côtières au prix de massacres: Mers El Kébir en 1505, Oran en 1509 et Bougie (Béjaïa) en 1510.[réf. nécessaire]

Alger à l'époque de la Régence (1680)

Alger, qui n’a ni l'armée, ni l'artillerie suffisante pour affronter l'armée espagnole, commence à prendre crainte. D’autant que les Espagnols construisent en 1510 sur un des îlots qui fait face à la cité, une forteresse, le Peñon, qui les tient en respect. Sélim et Tûmi, roi d’Alger, font appel aux frères Barberousse, mercenaires originaires de l’île de Mytilène, qui écument alors la Méditerranée et les côtes espagnoles au secours des populations musulmanes victimes de la Reconquista espagnole.

Arudj Barberousse rentre dans Alger en 1516 à la tête de 1 300 Turcs et d’une flotte de 16 galiotes. Il devient maître de la ville après avoir fait étrangler Sélim et Tûmi dans son bain mais il ne peut déloger les Espagnols du Peñon. Il conquiert tout l’arrière-pays et l’Ouest algérien : la Mitidja, le Chélif, le Titteri, le Dahra, l’Ouarsenis et Tlemcen. En 1518, au retour d’une expédition contre le souverain zianide Abou Hammou, il est tué à Rio Salado (El Malah), défait par les Espagnols.

Khayr ad-Din Barberousse succède à son frère. Pour asseoir son autorité, il fait allégeance au sultan de Constantinople Sélim Ier qui envoie à Alger 6 000 hommes dont 2 000 janissaires, troupe d’élite turque, et le nomme émir des émirs (beylerbey). Il repousse une attaque espagnole menée par Hugo de Moncade en 1519 et s’empare de Constantine, Annaba, Ténès, Cherchell et Mostaganem. En 1529, il rase le Peñon et fait construire avec les matériaux de démolition un môle qui relie les quatre îlots à la cité. Alger avait son port. C’est l’acte de naissance de la Régence d’Alger, « république » militaire sous suzeraineté ottomane.

Les espagnols une fois repoussés, Alger, dotée d’un port et entraînée par un chef de guerre se livre avec un succès sans cesse croissant à l'attaque de navires en mer (corso) et au pillage des régions côtières européennes.

La ville d'Alger devient un grand port de guerre qui gagne au fil des expéditions étrangères la réputation de « bien gardée » ( المحروسة en arabe) et d'« imprenable ». La Régence est solidement structurée et armée face aux visées espagnoles. En 1541, Charles Quint, le souverain le plus puissant d'Europe, roi d'Espagne, empereur, réunit une flotte de 65 vaisseaux de guerre, 451 navires et 23 000 combattants dont 2 000 cavaliers et vient faire le siège de la ville. L'attaque d'Alger par Charles Quint est un échec pour les Espagnols, face au commandement d'Hassan Agha : la contre-attaque de ses troupes défait les assaillants, désorganisés par une forte tempête qui a détruit la plus grande partie de sa flotte.

Organisation politique

La Régence d'Alger est gouvernée par des beylerbeys (1529-1587), par des pachas (1588-1659) puis des aghas (1659-1671). Elle passe en 1671 sous le pouvoir des deys.

Les beylerbeys et les Pachas étaient désignés par le sultan de Constantinople. Ils exerçaient leur suzeraineté sur les Pachas de Tunis et de Tripoli.

Au cours du XVIIème siècle, Alger se dégage de l'autorité de la Sublime Porte. Des pouvoirs nouveaux émergent des conflits pachas-taïfa-odjaq: celui des aghas puis des deys. De 1671 à 1689 les deys sont choisis par la taïfa des raïs (armateurs) et de 1689 à 1830 par l'odjaq, la turbulente milice des janissaires. Sur les 30 deys qui se succédèrent de 1671 à 1818, 14 furent imposés par l'émeute après l'assassinat de leur prédécesseur. En 1711, le dixième dey, Ali Chaouch refusa d'accueillir l'envoyé de Constantinople et obtint du sultan l'autonomie. Les deys gouvernaient en souverains absolus conseillés par le diwan, composé de hauts fonctionnaires turcs. Ils étaient assistés par un agha, le khaznadji chargé de la trésorerie et de trois beys installés à Oran (après Mazouna et Mascara), Médéa et Constantine.

Organisation militaire

Bombardement d'Alger en 1816 par Lord Exmouth

L'organisation militaire repose d'une part sur les janissaires, et d'autre part sur les capitaines ("raïs") des navires "corsaires". Malgré leurs rivalités permanentes, ces deux corps puissants corps militaires sont indissociables : c'est avec le produit des prises des raïs que les janissaires sont payés.

L'Odjaq des Janissaires

On appelle Odjaq la milice des janissaires. Pleins de morgue et de mépris pour les autres habitants de la ville, les janissaires forment une caste à part qui n'obéit qu'à ses chefs. Honnis par la population en raison de leurs exactions, leur rôle est grandissant à Alger dont ils finissent par devenir les maîtres. Turbulents et indisciplinés, faisant et défaisant les gouvernements, ils tiennent de moins en moins compte de l'autorité de la Porte.Pour contrecarrer le péril janissaire, les souverains créèrent avec des contingents kabyles une armée aussi vaillante mais plus sûre.[réf. nécessaire]

La Taïfa des Raïs

Ce sont les raïs qui arment les navires pour la "course". Les plus grands raîs d'Alger se recrutent parmi les "renégats" (chrétiens convertis) qui ont souvent une grande connaissance des choses de la mer. Cette nouvelle caste de "Turcs de profession" se développe jusqu'à devenir puissante rivale des janissaires: c'est la Taïfa des Raïs. En 1558, la marine de la Régence est forte de 35 galères et 25 brigantins. Lorsque la flotte dispose de navires de haut bord, les écumeurs algériens portent la terreur jusqu'en Islande (1616). Les pays européens tels la France, l'Angleterre, la Hollande, l'Espagne et même les États-Unis organisèrent aux XVIIème et XVIIIème siècles des expéditions punitives contre les Algériens, mais sans résultats notables.

Organisation territoriale

Les Turcs ne se limitent pas à l'occupation du littoral. Ils placent des garnisons à demeure dans les villes qui ont une position stratégique. Ils sont les artisans de la délimitation du futur territoire algérien par des frontières précises avec la Tunisie et le Maroc. Salah Raïs (1552-1556) oblige les caïds de Touggourt et Ouargla à payer tribut. Il conquiert le Sud grâce à l'aide des Béni-Abbès (kabyles).

La province d'Alger est le domaine propre du dey (Dar Es Sultan). Les provinces ou beyliks d'Oran, Médéa et Constantine ont à leur tête un bey. Chaque beylik était subdivisé en cantons (outân) comprenant plusieurs tribus et administrés par des commissaires ou caïds qui ont sous leurs ordres les chefs de tribus ou cheikhs.

Pourvu qu'ils se soumettent à l'impôt et au passage des troupes, les beys ne s'inquiètent pas de troubler les coutumes de leurs sujets. Néanmoins l'influence turque en Algérie était très faible et uniquement formelle.

Alger des Raïs

Les navires appartenaient aux raïs, membres de la puissante Taïfa. Les voiliers des corsaires sont tous de petite jauge et sacrifiaient à la vitesse la puissance de leur armement. C'étaient des chébecs, galiotes ou brigantins. Ils utilisaient plus souvent la rame que la voile afin d'éviter d'être vus de loin.

La chiourme était bien entraînée, disciplinée et maigrement nourrie : "la ration journalière se composait de trois biscuits et d'une mesure d'eau vinaigrée". Les rameurs étaient enchaînés à leur place et n'en bougeaient pas pendant la manœuvre. Cette légèreté de manœuvre va faire la fortune de la "course" algérienne. Cervantès, captif à Alger de 1574 à 1580, nous la décrit par la bouche d'un marin algérien: "Nous autres, nous allons à la légère et aussi vite que le feu". L'attaque se faisait à l'abordage et les combats à l'arme blanche.

Haëdo: "À leur retour, tout Alger est content. On partage le butin, vend les captifs au Batestan (marché aux esclave s). On ne fait que manger, boire et se réjouir".

Au plus fort de la course, on recensait 60 000 habitants à Alger, non compris les 25 000 captifs chrétiens.

Place forte, hérissée de défenses contre les attaques maritimes, la ville était entourée d'une enceinte protégée par un fossé large et profond. Sur le parapet étaient pratiqués des créneaux et des embrasures pour les fusils et les canons. On accédait à la ville par 5 portes : Bab Jedid, Bab Azzoun, Bab El Oued, Bab Dzira et la Porte de la Pêcherie. Les deux dernières s'ouvraient sur le môle.

Les maisons sont blanches, à terrasses, étagées. À la fin du XVIème siècle, les raïs édifièrent de somptueux palais dans la basse ville. Haëdo en 1580 recense 100 mosquées, chapelles ou zaouias. En 1660, l'odjaq éleva le plus important monument religieux de l'Alger turc : la mosquée de la Pêcherie.

Les Turcs constituaient une aristocratie militaire. Les métis de Turcs et de femmes indigènes : les Kouloughlis: participaient aux affaires publiques. Les Maures tenaient l'industrie locale et l'artisanat. Ils étaient parfois cultivateurs. Les Juifs, immigrés d'Espagne aux XIVe et XVe siècles représentaient une aristocratie intellectuelle et commerçante[non neutre]. Les Européens étaient parfois marchands mais surtout captifs.

Les souverains français et de Grande-Bretagne étaient représentés auprès de la Régence par un consul.

Alger exportait des céréales, des chevaux barbes, des cuirs, de la laine, de la cire et même de l'or et des esclaves. La vie était assez facile [évasif] car les vivres étaient abondantes et à bon marché.[évasif]

Alger des esclaves au temps d'Emanuel d'Aranda (1640-1641)

Emanuel d'Aranda, Espagnol des Flandes, est capturé par les Barbaresques et reste environ un an esclave en Alger pendant que son échange se négocie. Son récit est l'un des plus faciles à lire pour le lecteur moderne en raison de son style simple, enlevé, coloré. D'Aranda expose ses aventures personnelles d'une part, et d'autre part, il trace un portrait de l'Alger de son temps : histoire, géographie, politique, mœurs, anecdotes. L'on choisira de le suivre pour décrire l'Alger qu'il a vu (à quarante ans près, c'est l'époque de la gravure qui ouvre cet article), plutôt que de mélanger les auteurs et les périodes.

Captivité de d'Aranda

  • Les galères : elles existent encore au temps d'Aranda, bien que lui n'ait pas l'occasion d'y ramer
  • Au marché aux esclaves ("Batestan") : "Un vieillard inventeur fort caduc, un bâton à la main, me prit par le bras et me mena différents tours par ledit marché" ; les acquéreurs éventuels s'intéressent à la force physique des esclaves en examinant leurs mains et leurs dents, ainsi qu'à leur pays et à leur état de fortune pour évaluer le montant de la rançon à demander ; le mot qui revient : "Arrache, arrache" ("Qui offre plus ?")
  • Évaluation de la rançon possible ; c'est le grand sujet qui mobilise toute la ruse et tout le réseau de relations tant du côté des maîtres (pour tenter de détecter les plus riches) que des esclaves (pour se faire passer pour pauvre s'ils ne le sont pas); les questions directes ne suffisent pas ; des réseaux de renseignements structurés viennent les compléter, mobilisant maîtres musulmans, esclaves anciens et commerçants juifs ; tout dépend de la réponse à cette question, et d'abord quel maître achètera l'esclave ; dans le cas d'Aranda, il est d'abord acheté par Saban Gallan, considéré par tous comme un brave homme ; ensuite, le Régent, le croyant riche, fait jouer son droit de préemption avant de le laisser à Ali Pegelin, un richissime raïs, après s'être laissé convaincre (à tort) qu'Aranda n'a pas d'argent ;
  • Circuits : aussi complexes qu'efficaces quand il s'agit de l'essentiel ; bien qu'Aranda ait menti sur son nom et sa nationalité, il est recherché au bout de peu de jours sous son identité exacte ; il réussit aussi à faire un paiement par lettre de change (argent reçu à Alger, contrepartie payable en Flandre) ; quant aux circuits de vente du vin, ils méritent eux aussi l'attention des sociologues, qui se réfèreront au texte intégral d'Aranda (lien clicklable en bibliographie) ; la complexité des circuits atteint des sommets quand il s'agit d'échange de captifs (un tel échange sera réussi dans le cas d'Aranda, lui évitant de payer une rançon), car aucun intérêt ne coïncide exactement avec les autres : par exemple les captifs musulmans échangeables n'appartiennent pas à la famille du patron d'Aranda, lequel n'entend pas se priver du produit d'une rançon en argent pour permettre la libération de coreligionnaires qui ne lui sont rien
  • Le "Bain" ; c'est ainsi que l'on nomme (ce nom a donné bagne) les sortes de casernes où de nombreux esclaves sont regroupés ; Aranda décrit celui d'Ali Pegelin, le maître dont il dépend la plupart du temps ; le cri du matin : "Sursa cani, abaso canalla" (Levez vous, chiens, debout, canaille) ;
  • Ali Pegelin, le maître principal de d'Aranda, est aussi connu par d'autres sources comme Piccinino ou Bitchin ; ce richissime armateur de galères, qui possédait 3 000 esclaves, est un renégat italien ; il fonda en 1622 une mosquée qui resta longtemps connue comme "mosquée d'Ali Bitchnin", avant de devenir d'église Notre-Dame des Victoires, toujours debout en 1930 ; d'après Aranda cependant (voir plus loin Dialogue interreligieux), il la fréquentait guère ;
  • La nourriture : généralement, chez Ali Pegelin, un morceau de pain ou de biscuit, et encore de façon aléatoire ; après le travail pour leur patron, les esclaves ou 3 ou 4 heures à eux pour "chercher leur vie" ; ceux qui ont trouvé quelque chose à voler le vendent au autres après encore des "Arrache, arrache" ; la nourriture est meilleure et la conversation plus digeste chez un pauvre soldat nommé Casaborne Mostafa, chez qui d'Aranda sert un temps ; en tant que janissaire, Mostafa n'a ni femme ni enfant, son héritage est destiné au Régent, en conséquence il préfère le manger et le boire ; il s'assied en tailleur, fait manger d'Aranda au même plat et lui conseille de se remonter le moral en imaginant qu'il est le maître et Mostafa l'esclave ;
  • L'alcool : pour quelques piécettes, on s'en procure aisément ; quand Ali Pegelin a pris une cargaison d'alcool, il ne la laisse pas perdre ; d'après la théologie en vigueur à Alger au temps d'Aranda, un musulman peut boire de l'alcool mais non en vendre ; en conséquence, sa vente suit des circuits complexes qui passent par le "bain" ; celui-ci a sa taverne, très fréquentée des soldats turcs en plus des esclaves chrétiens ; elle est située "entre des galeries de deux étages", juste à côté de l'église qui peut contenir 300 personnes ; la présence de la taverne amène, pour les esclaves du bain, quelques coups de leurs gardiens quand une bagarre d'ivrogne a réveillé Ali Pegelin, dont le palais est limitrophe, mais aussi une petite circulation d'argent dont certains réussissent à attraper leur part ;
  • "Pêché abominable" : très répandu et non réprimé ; Ali Pegelin n'en est pas adepte, mais il a quand même une poignée de beaux et jeunes esclaves en son palais, par ostentation, pour montrer qu'il pourrait s'il voulait ;
  • Dialogue interreligieux : le père Angeli, un prêtre gênois détenu aux bains d'Ali Pegelin, est apprécié de tous : catholiques, luthériens, russes orthodoxes et même musulmans ; Ali Pegelin le fait venir pour lui demander quel sera son sort à sa mort ; après maintes hésitations, le prêtre ose répondre qu'il ira droit en enfer ; Ali Pegelin lui ayant demandé s'il y avait un moyen de l'éviter, le prêtre ose lui suggérer d'être meilleur musulman : s'abstenir de voler, montrer quelque miséricorde, s'abstenir de se moquer du Coran ; mettre quelquefois les pieds à la mosquée ; s'abstenir, quand il est chez le Régent et que le cri du muezzin retentit, de se couvrir le visage d'un mouchoir pour montrer qu'il fait ce qu'il peut pour cacher son rire ; tout cela paraissant un peu compliqué, Pegelin décide que le diable fera de lui ce qu'il voudra le moment venu ; on précisera tout de même qu'en parallèle des efforts du père Angeli pour rendre Pegelin meilleur musulman, ce dernier fait son possible pour que ses esclaves restent bons chrétiens ; celui qui parait vouloir se convertir à l'Islam est roué de coups, Pegelin craignant que cette conversion ne l'oblige à terme à affranchir l'esclave ;
  • Mondialisation : dans le bagne d'Ali Pegelin, il y a des marins de toutes nationalités : Espagnols, Portugais, Anglais, Bretons, Italiens, Hollandais et même Russes ; ils échangent des informations sur toutes les nouvelles terres : Amérique, Brésil en particulier

Alger vu par d'Aranda

  • Situation et topographie : à flanc de montagne, en gradins autour de la mer, avec une belle vue de partout ; maisons blanches recouvertes de terrasses sur lesquelles on peut circuler d'un bout à l'autre de la ville ; rues très étroites, fermées la nuit par des chaînes ; murailles sans capacité défensive réelle ; mosquées, palais du Régent, casernes, bains ; une petite île jointe à la ville par un môle pour former le port ;
  • Population : 100 000 âmes, dont 12 000 Turcs, soldats de la garnison ; 30 000 à 40 000 esclaves "de toutes les nations du monde"  ; le reste de "bourgeois algériens, Maures, Morisques et juifs, et quelques marchans chrétiens" ; des "reniés de toutes nations chrétiennes", dont 3 000 Français ; cette population est très hiérarchisée ; les Turcs occupent le sommet de la pyramide ; les musulmans non turcs sont divisés en plusieurs groupes distincts dont les Morisques (descendants de fugitifs chassés d'Espagne par la reconquista) sont parmi les moins considérés ; les juifs sont situés au plus bas de l'échelle et ne peuvent même pas, s'ils le souhaitent, se convertir à l'Islam directement ; ils doivent passer par une conversion intermédiaire au christianisme, ce qui est d'ailleurs assez simple à pratiquer (les autorités d'Alger considèrent qu'il suffit de manger une fois du porc pour que la conversion soit opérée).
  • Politique : Le Régent, que d'Aranda appelle le Bassa, "ne se fâche pas d'être flatté du nom de Sultan" ; il reconnait l'Empereur ottoman (le "Grand Seigneur") "de bouche", mais "tient fort peu de compte de ses ordres, passeports et traités" ; en revanche, il redoute les Janissaires et ne se permet pas trois heures de retard dans le paiement de leur solde ; plus d'un Régent a été massacré pour un désaccord financier minime avec eux ; d'où un perpétuel besoin d'argent qui en fait un interlocuteur peu fiable pour les princes chrétiens : "Et, pour avouer la vérité, il est très difficile au Bassa de bien observer la paix avec quelque nation que ce soit, s'il veut être aimé des soldats, d'autant que le tantième qui lui revient des prises fait la plus grande somme de ses finances ; ce qui ne serait point s'il observait exactement la paix avec quelque nation" ; le Régent a un conseil qui se réunit dans un couloir de son Palais
  • Soldatesque : "reniés, gens perdus, sans religion et conscience, fugitifs de la chrétienté et de Turquie, pour l'énormité de leurs crimes, auxquels cette ville sert d'asile et de réceptacle, même contre le courroux du Grand Seigneur."
  • Force militaire : "son assiette, munition et forteresse ne sont aucunement considérables" ; la nuit, la surveillance du guet est minime ; la garnison est particulièrement faible l'été, quand une partie des janissaires est à la mer avec les raïs et une autre partie en villégiature à la campagne ; une attaque à l'automne (comme ce que tenta Charles Quint) est en revanche déconseillée, car alors "la mer Méditerranée n'est pas moins troublée que les autres par les tempêtes et les orages" ; un seul point de prise véritable d'eau douce, celle-ci étant ensuite répartie par les canalisations "à la romaine" ;
  • Poison ; Aranda le juge "fort commun en Afrique", un moyen courant de se débarrasser d'une femme ou d'un mari ; invité à un festin par Pegelin, le Régent arrive avec vingt de ses propres esclaves qui lui servent sa propre nourriture et sa propre boisson, ce dont Pegelin ne se formalise pas ;

Pirates ou corsaires ?

Corso, course, piraterie

Le Corso méditerranéen, dans le cadre duquel opèrent les raïs d'Alger, est une activité de prédation réciproque entre Chrétiens et Musulmans ; il obéit à un certain cadre administratif qui ne constitue pas pour autant une véritable régulation ; l'on se réfèrera à l'article dédié ; il se distingue de la course véritable, celle des Jean Bart et des Surcouf, qui obéit à des règles précises, et plus généralement aux lois de la guerre.

La course des lettres de marque et des Tribunaux de prise

Régulée par de grands États capables de se faire respecter, la course se distingue de la piraterie par des critères difficiles à contourner.

Le cadre légal de la course classique (celui qui sert à distinguer le corsaire du pirate) se trace, avec une certaine précision, comme suit :

  1. Un corsaire est titulaire d'une lettre de marque de l'autorité politique légitime
  2. Il rend compte de ses captures au cas par cas à un Tribunal des Prises ; Le jugement obéit à la règle du contradictoire ; Les prisonniers sont interrogés en premier, hors de la présence de leurs capteurs, et peuvent signaler au juge tout fait de traitrise ou de pillage ; Si le Tribunal juge que les règles ont été respectées, il déclare la capture "de bonne prise" ; Ce terme juridique précis n'est utilisé à bon escient qu'après un tel jugement
  3. Le corsaire ne s'attaque qu'aux navires ennemis
  4. Il agit dans le cadre d'une guerre formellement déclarée par l'autorité compétente
  5. Il respecte les "lois de la guerre", au sens de cette époque, ce qui implique le respect de la personne des prisonniers, qui sont protégés contre le pillage de leurs effets, sans même parler d'une réduction en esclavage totalement impensable.

Le corso algérien, données administratives

L'archiviste Albert Devoulx (voir bibliographie) a trouvé de précieux documents. Il s'agit du registre des prises commencé en 1765, qu'il a magistralement exploité, ainsi que de nombreux documents consulaires. Ces documents lui permettent d'appréhender avec un bon degré de précision le cadre administratif dans lequel les raïs opéraient ; ce n'est pas le cadre légal de la course au sens généralement donné à ce mot à l'époque du registre (fin du XVIII ème siècle).

Les écumeurs d'Alger agissent dans un cadre administratif assez précis, matérialisé en particulier par le registre des prises. Cependant, les critères de la course classique ne sont pas présents :

  1. S'agissant de la lettre de marque :
    On n'a pas connaissance de lettres de marque algériennes, même si le Registre des Prises retrouvé par Devoulx permet à l'autorité politique locale d'avoir une connaissance bateau par bateau et sortie par sortie, de l'activité "corsaire" ; la reddition de compte se borne cependant exclusivement à apporter les preuves que le raïs partage le butin avec cette autorité ; l'autorité politique supérieure (la Sublime Porte) est tenue à l'écart de l'information opérationnelle (quel bateau, quels captifs de quelle nationalité), ce qui rend inopérants les "traités de paix" que les puissances occidentales pourraient passer avec l'autorité supposée supérieure.
  2. S'agissant de s'en remettre à un Tribunal de Prises :
    Un tel tribunal n'existe pas à Alger, et il n'existe pas non plus, même au sens très large, une autorité susceptible d'examiner les prises sans être elle-même partie prenante au partage du butin.
  3. S'agissant de ne s'attaquer qu'à des navires ennemis  :
    Il devrait s'agit des navires ennemis de l'Empire Ottoman, dont Alger fait partie à l'époque. Or, ce n'est clairement pas le cas. Les prises sont très éclectiques. Les ennemis attaqués peuvent être neutres, sujets de cet Empire (bateaux grecs ou tunisiens), voire même être musulmans.
    On peut citer de nombreuses attaques portant sur des navires neutres, sur des vassaux de la Turquie ou sur des navires musulmans : D’après le registre des prises, le 12 décembre 1768, Hamidou et d’autres capturent un navire grec (la Grèce étant alors partie intégrante de l'Empire Ottoman) ; le 10 octobre 1810, Hamidou capture des marchandises tunisiennes (les Régences d'Alger et de Tunis s'étaient déclarées la guerre à nombreuses reprises); ) ; de même le 22 mai 1811.
    Les cibles sont choisies par les raïs algériens eux-mêmes, en fonction de l'occasion et du rapport de forces. La Sublime Porte s'en plaint en permanence, dans des lettres que Devoulx a retrouvées et cite parfois in-extenso.
    À l’époque de Napoléon, la France est jugée trop forte pour être ciblée par les écumeurs d’Alger, bien que la Sublime Porte soit particulièrement irritée par l’expédition d’Égypte ; Devoulx cite une lettre du 24 février 1801 écrite au nom du souverain turc : « Il a appris cependant qu’après avoir incarcéré le consul français pendant un mois, vous l’aviez relaxé ; et que, lorsque vos corsaires rencontrent des navires français, ils ne les traitent pas comme les traiteraient des navires de la Sublime-Porte. Vous les épargnez et ils sont à l’abri de vos attaques. Il y a plus, vous réservez vos sévices et vos agressions pour les sujets de la Sublime-Porte, bien que vous soyez vous-mêmes ses vassaux ! »
    Aux « premiers jours de ramadan de l’année 1230 » (du 7 au 16 août 1815), le souverain turc adresse un « firman » (décret) au Régent d’Alger pour exiger encore une fois que cessent les attaques contre les navires turcs ou amis de la Turquie : « Les corsaires de la Régence d’Alger capturent les navires de commerce appartenant soit aux sujets de la Sublime-Porte, soit à des nations qui sont en paix avec elle ; ils réduisent en captivité leurs capitaines et leurs marins et s’emparent de leurs cargaisons. Cependant la Sublime-Porte est responsable de ces navires ; ils sont munis de sauf-conduits et elle est en paix avec eux. »
  4. S'agissant de n'agir que dans le cadre d'une guerre :
    Là encore, il devrait s'agir d'une guerre déclarée par (ou contre) l'Empire Ottoman préalablement aux attaques "corsaires".
    Or, les guerres dans le cadre desquelles les corsaires algériens sont supposées agir peuvent se situer à plusieurs niveaux : étatique (guerres déclarées par la Sublime Porte) ; infra-étatique (guerre entre vassaux, ici contre ce qui deviendra la Tunisie) ; supra-étatique (la "guerre sainte") ; sachant que, dans le cadre de la "guerre sainte", il n'existe pas d'autorité musulmane centralisée qui pourrait refuser efficacement de la déclarer : la notion de "guerre sainte" se confond donc ici avec la notion de "guerre permanente".
    Ce n'est donc pas la guerre qui vient provisoirement interrompre la paix, c'est le contraire. Le critère consistant à agir dans le cadre d'une guerre est entendu de façon si large qu'il a cessé d'être un critère, puisqu'il est supposé rempli en permanence.
    L'exemple, détaillé par Devoulx, de la guerre avec la jeune Amérique, est particulièrement illustratif.
    Lorsque les premiers navires arborant la bannière étoilée furent vus des raïs algériens, il n'y avait pas le moindre litige, et même, ces couleurs leur étaient totalement inconnues ; mais, justement pour cette raison, ces navires furent présumés non-musulmans et donc de bonne prise. Les algériens prirent donc l'habitude d'attaquer les navires américains. Un traité de paix, comme celui signé par les États-Unis en 1795, consistait à suspendre les risques d'attaque en payant un tribut.
    Ce n'est donc pas ici une guerre préexistante (sauf à faire appel à la notion de la "guerre sainte permanente") qui déclenche les attaques de "corsaires" ; les premiers actes de guerre sont les attaques "corsaires" ; il n'y a pas de but de guerre autre que le butin, surtout pas avec les jeunes États-Unis que les "corsaires" ne sauraient sans doute pas situer sur la carte ; il n'y a pas d'autre objet au "traité de paix" que de prévoir un butin sans combat.
    Dès qu'ils se sentirent plus forts, les États-Unis dénoncèrent le traité de 1795 ; une expédition américaine contre Alger fut lancée en 1815 (c'est elle qui coûta la vie au raïs Hamidou).

Le tournant de 1816: la fin du corso

Après une phase de déclin dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, liée à la consolidation des relations diplomatiques avec les États européens et à la tentative de la Régence de mieux s'insérer dans le commerce méditerranéen, le corso connaît trois sursauts successifs avec la contraction des échanges lors des guerres européennes de la Révolution et de l'Empire : en 1793, puis entre 1802 et 1810 et finalement après 1812, lorsque les navires de commerce algérois, tunisois et tripolitains sont définitivement exclus des ports européens. L'équilibre entre les deux rives de la Méditerranée qui ménageait la permanence du corso se rompt au début du XIXe siècle : après l'engagement de mettre fin à la traite pris au Congrès de Vienne et dans un contexte économique où le développement commercial ne s'accommode plus de l'insécurité maritime, les États européens agissent pour la première fois de concert. Comme le montre l'historien Daniel Panzac, l'expédition anglo-hollandaise menée en 1816 sous le commandement de Lord Exmouth marque un tournant décisif, mettant pratiquement fin au corso[1].

La fin de la Régence

Notes et références

  1. « Bien-sûr, dans les semaines qui suivent, Tripolitains, Tunisiens et Alégriens tentent à nouveau d'envoyer des corsaires mais cette fois l'élan est brisé et passé 1818, la course barbaresque est pratiquement morte ». Daniel Panzac, « La course barbaresque : les hommes, les navires, les pratiques (fin XVIIIe-début XIXe) », dans Sophie Linon-Chipon et Sylvie Requemora (dir.), Les tyrans de la mer: pirates, corsaires et flibustiers, Presses Paris Sorbonne, 2002, pp. 99-107.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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