Épiphrase

Épiphrase

Une épiphrase (de ἐπί, (epi : « en plus » et φράσις , phrasis, « phrase », soit : ἐπίφρασις, epiphrazein signifiant par extension : « dire en outre » [1]) est une figure de style qui consiste à joindre, à la fin d'une phrase ou d'un groupe syntaxiquement achevé, un ou plusieurs segments de phrase, en guise de conclusion ou pour insister sur un fait. L'épiphrase peut également permettre d'amplifier une idée ou un propos. Voltaire termine son portrait du duc de Guise, dans La Henriade (1723) par une épiphrase accusatrice[2] :


Il forma dans Paris cette Ligue funeste
Qui bientôt de la France infecta tout le reste;
Monstre affreux qu'ont nourri les peuples et les grands,
Engraissé de carnage et fertile aux tyrans

Sommaire

Nature et définition

Selon Bernard Dupriez, l'épiphrase est une partie de phrase qui paraît ajoutée spécialement en vue d'indiquer les sentiments de l'auteur ou du personnage[3] :

EX : « Demain lundi, je confesserai les vieux et les vieilles. Ce n'est rien. Mardi, les enfants. J'aurai bientôt fait. » (Alphonse Daudet, Le Curé de Cucugnan[4])

Pour Fontanier, l'épiphrase est synonyme d'« addition » et ne serait qu'une sorte d'hyperbate accessoire[3]. Elle est plus précisément une demi-parabase qui prend la forme d'une parenthèse ou d'une proposition incidente, voire même d'une incidente dans une parenthèse[3] :

EX : « L'expression que prit le visage de M. Octave en voyant de la fumée (de cigarette) dans sa chambre (sa chambre!...), et de la cendre sur son tapis (son tapis!...), fut digne du théâtre. » (Henry de Montherlant, Les Célibataires, 1934[5])

Pour Henri Suhamy, l'épiphrase est quasi synonyme d'épiphonème et de parembole, notamment lorsqu'elle désigne « les exclamations indignées, les réflexions moralisatrices, les conclusions et idées générales dont les orateurs ou personnages fictifs commentent leur propres discours[6]. »

EX : « Je vous le pardonne. Mais que le pardon est vain ! » (Henry de Montherlant, La Reine morte, paroles du personnage de Ferrante[7])

Parole ajoutée

Étymologiquement, la figure désigne une « parole ajoutée », voisine de l’épiphonème[3] mais qui en diffère par le fait qu’elle ajoute un bref commentaire du discours comme entre parenthèses : si on retire l’épiphrase, le discours ne perd pas en information brute :

EX : « Mme Verdurin me le disait encore le dernier jour (vous savez, les veilles de départ on cause mieux) (...) » (Marcel Proust).

L’épiphrase a alors valeur de digression. Néanmoins l’épiphrase peut aussi avoir comme sens un développement surajouté et terminatif d’une idée précédemment développée sur laquelle on revient pour insister ; elle est alors proche de la palinodie.

Comme toutes les incises de l’auteur (ou du narrateur) dans le déroulement de l’intrigue, l’épiphrase est souvent une marque spécifique de l'énonciation.

Souvent il y a une épiphrase lorsque l'auteur intervient dans son œuvre par le moyen de commentaires insérés dans le discours (Gérard Genette). Elle est proche de la parenthèse dont elle est considérée comme une variante[8]. Le nota bene rejettée en paratexte s'apparente à une épiphrase[3].

Commentaire de l'auteur

Gérard Genette dans Figures II voit dans l'épiphrase le mode privilégié d'apparition de l'auteur au sein de son œuvre, celui par lequel il peut s'adresser à son lecteur. Bernard Dupriez remarque que l'épode de la poésie grecque, parfois satirique, est proche de l'épiphrase[3]. Ce commentaire qui tient lieu de parenthèse se positionne souvent à la fin d'un discours ou d'un récit, et a pour fonction d'exprimer un sentiment ou une opinion, de manière exclamative, pour ce qui concerne l'épiphrase. Selon Jean-Jacques Robrieux, l'épiphonème s'en distingue car il est destiné à évoquer une pensée de manière plus générale et plus ou moins sentencieusement[9]. L'épiphrase ajoute un commentaire de l'auteur, qui tient à préciser un point particulier ou délivrer un sentiment ou une idée :

« J’aurois dû compter d’avance sur cette métamorphose ; mais il s’y joignit tant de circonstances bizarres ; tant de propos obscurs et de réticences l’accompagnèrent ; on m’en parloit d’un air si risiblement discret que tous ces mystères m’inquiéterent. J’ai toujours haï les ténèbres, elles m’inspirent naturellement une horreur que celles dont on m’environne depuis tant d’années n’ont pas dû diminuer. » (Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire, 1776-1778[10])

Usage stylistique

En créant une épiphrase, l'auteur permet une rupture de ton, un effet de distance ou au contraire un rapprochement vers le lecteur, avec une intention souvent comique ou humoristique[6].

Notes et références

  1. Dictionnaire des termes littéraires, 2005, Entrée « Épiphrase », p. 177.
  2. Voltaire, La Henriade, chant III, vv. 91-94.
  3. a, b, c, d, e et f Dupriez, 2003, Entrée « Épiphrase », p. 194-195.
  4. Alphonse Daudet, Le Curé de Cucugnan, in Lettres de mon Moulin, 1869, p. 133.
  5. Henry de Montherlant, Les Célibataires, Gallimard, Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, tome=I, 1959, (ISBN 978-2070103768), p. 861.
  6. a et b Suhamy, 2004, p. 99.
  7. Henry de Montherlant, La Reine morte, I, III.
  8. Article parenthèse dans la Banque de Dépannage Linguistique.
  9. Robrieux, 2004, p. 93-94.
  10. Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire, seconde promenade.

Annexes

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Articles connexes

Figure mère Figure fille
Antonyme Paronyme Synonyme
Palinodie Digression, Épiphonème, Parabase, Parenthèse

Bibliographie

Bibliographie générale

Bibliographie spécialisée


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