Yakusa

Yakusa

Yakuza

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Yakuza
« Yakuza » écrit en katakana
« Yakuza » écrit en katakana
Origine présumée les Kabuki-mono
Date d'apparition XVIIe siècle
Nombre actuel 84 700 membres[1]
Principaux clans
  1. Yamabishi (山菱), le Mon du Yamaguchi-gumi Yamaguchi-gumi
  2. Le Mon du Sumiyoshi-rengo Sumiyoshi-rengo
  3. Le Mon du Inagawa-kaï Inagawa-kaï
Activités Chantage, paris, casinos, prostitution, divers trafics, etc.

Un yakuza (任侠 / やくざ, yakuza?) est membre d'un groupe du crime organisé au Japon ou, par extension, désigne n'importe quel voyou japonais. Les yakuzas sont représentés par quatre principaux syndicats, présents sur tout l'archipel, et possèdent également des ramifications dans la zone Pacifique, et même en Allemagne et aux États-Unis. Ils seraient plus de 84 700[1].

Dans la terminologie légale japonaise, les organisations de yakuza sont appelées Bōryokudan (暴力団?) , littéralement « groupe violent »[2]. Les yakuzas considèrent ce terme comme une insulte, car il s'applique à n'importe quel criminel violent. Dans la presse occidentale, on les identifie parfois à la « mafia japonaise », par analogie avec d'autres groupes du crime organisé, comme la mafia sicilienne.

Sommaire

Étymologie

Le mot yakuza en hiragana.

L’origine du mot « yakuza » apparait sous le shogunat des Tokugawa[2] (1803 - 1867). Il est tiré d'une combinaison perdante du jeu de cartes japonais appelé Oicho-Kabu, proche du Baccara, qui est traditionnellement joué avec des cartes de kabufuda et de hanafuda[3],[4]. À la fin d'une partie, les valeurs des cartes sont additionnées et l'unité de la somme représente le score du joueur. Le but du jeu est de s'approcher le plus de 19.

« ya » vient de yattsu, qui signifie huit (peut également se dire hachi),
« ku » veut dire neuf (le mot kyu est aussi utilisé),
« za » est sans doute une déformation de « san » qui veut dire trois.

Ya-Ku-Sa est une somme de 8-9-3[5], soit 20 (donc le score est de 0) qui est une main perdante. Ce nom signifie donc « perdants ». Les yakuzas sont à l'origine issus des plus pauvres, des exclus de la société.

  • Une autre origine est parfois évoquée : Les policiers devaient entrer parfois dans des temples pour y débusquer des joueurs, mais non sans hésitation, car les sanctuaires shinto sont sacrés. Sur une chaise, à l’entrée, un guetteur guettait. Le « rôle » (yaku) de la chaise (za) était donc d'être un rempart entre police et joueurs[6].

Histoire

Les débuts : l’ère Edo

En dépit de leur notoriété dans le Japon moderne, l'origine précise des yakuzas est encore aujourd’hui sujette à controverse.

Mythique bakuto, Shimizu No Jirocho est le premier bandit riche et célèbre de l'époque moderne

Les yakuzas, descendants des Bakuto et des Tekiya...

La première hypothèse serait que les yakuzas seraient les héritiers de deux corporations distinctes :

  1. les Bakuto (joueurs professionnels) qui travaillaient dans les villes, sur les marchés et les foires, et contrôlaient le monde des jeux de hasard, très en vogue à l’époque[7] (c’est encore aujourd’hui une des activités les plus lucratives des yakuzas)
  2. les Tekiya (colporteurs et camelots) qui travaillaient sur les routes[7].

À l'origine, le recrutement des membres de ces deux groupes se faisait dans les mêmes milieux (paysans sans terres, voyous). Chaque groupe, une fois constitué, s'attachait un territoire fixe et restreint[7]. Ils pouvaient compter jusqu'à 500 hommes armés, comme celle du mythique bakuto Shimizu No Jirocho, le premier bandit riche et célèbre de l'époque moderne[8]. Les yakuzas ont hérités de certaines traditions des Bakuto, notamment la tradition du yubitsume (doigt coupé) et de l'irezumi (tatouage japonais).

... ou des Machi-Yokko?

Les yakuzas eux-mêmes privilégient une autre hypothèse : ils affirment descendre des Machi-Yokko (« les serviteurs des villes »)[9]. Lors la démilitarisation, ayant eu lieu dès 1603, et survenant lors du « Pax Tokugawa » [10], période de paix qui durera 250 ans, les samouraïs représentaient 10% de la population, soit 2 à 3 millions de personnes. 500 000 sont démobilisés, dont certains deviennent des rônins, des samouraïs sans maitre, en rupture de ban[11]. Ils deviennent des bandits de grands chemins, terrorisant les populations, de semer le trouble, voire de tuer des citoyens pour le plaisir, d’où leur nom de « Kabuki-mono » (les « fous »)[12].

Un acteur déguisé en kabuki-mono, avec son habillement particulier

Il n’y a pas de lien immédiat avec le théâtre, mais le mot « Kabuki » signifie être extravagant, excentrique. D’où l’idée d’un personnage qui ne se plie pas à la règle et qui se manifeste. On pouvait distinguer les Kabuki-mono par leur mode d'habillement particulier, leurs coupes de cheveux, la longue épée qu’ils portaient et leur mauvais comportement général[13]. Ils avaient également l'habitude de pratiquer le Tsujigiri, qui consistait à tester l'efficacité d'une nouvelle lame sur les passants[14]. Certains groupes sont très organisés, et se prénommaient eux-mêmes les Hatamoto-yakko, c'est-à-dire les domestiques du Shogun[14].

Dans le courant du XVe siècle, les ancêtres des yakuzas se seraient ainsi rassemblés pour créer des associations de défense pour se protéger des "Kabuki-mono" et de leurs divers méfaits. Ils vont ainsi devenir des Machi-yako, que l’on pourrait présenter comme étant des défenseurs des opprimés. Néanmoins, bien que se proclamant défenseurs de la veuve et de l’orphelin, ils ne défendent la plupart du temps que leurs propres intérêts, et vivent de brigandages.

D'après le chroniqueur du magazine français Historia et enseignant au Japon Christian Kessler, c'est véritablement au début du XVIIIe siècle que voient le jour, dans les grands centres urbains d'Osaka et d'Edo (ancien nom de la ville de Tokyo), les organisations yakuza sous la houlette de chefs de bande. Les groupes yakuza sont également constitués de hinin (non-humains) et de eta (pleins de souillure) qui, dans la hiérarchie sociale, sont derrière les samouraïs, les artisans et les marchands. Les hinin regroupent les gens du spectacle, les gardiens de prison, les bourreaux, etc. ; quant aux eta, ils sont essentiellement constitués par ceux dont le métier est lié à l'abattage d'animaux. D'ailleurs, l'origine de leur discrimination se trouve sans doute dans la religion shintô et dans le bouddhisme qui considèrent comme une souillure toute occupation liée à la mort et au sang. Bien que « libérés » en 1871 lors de la restauration de Meiji, ces burakumin (littéralement « gens du hameau ») ont toujours souffert de multiples discriminations de caste, principalement à l'emploi et au mariage. Cet état de fait perdure encore de nos jours et contribue encore à fournir les rangs des yakuzas[15],[16]. Les burakumin représentent en effet 70 % des membres du Yamaguchi-gumi, le plus grand clan yakuza[17].

De l'époque Meiji à 1945

Le statut et les activités des yakuzas vont progressivement évoluer, en parallèle des bouleversements politiques et de la structure japonaise. L’entrée dans l’ère moderne avec l’ère Meiji (1868) va symboliser le renouveau des yakuzas[18], qui vont étendre leur pouvoir sur toute la société. Les idées nouvelles introduites par Karl Marx font peur à une partie de la population, ce qui sert les nationalistes. Appuyés par la pègre conservatrice, ils gardent le pouvoir, malgré les premières grèves violentes qui éclatent dans les mines de charbons[19].

Les activités des Tekiya vont s'intensifier, grâce à des couvertures légales (autorisées par les liens tissés avec le gouvernement en grande partie) qui leur assurent une totale légalité de la partie émergée de leurs activités. De plus, la pratique de recrutement va s’intensifier grandement, fournissant aux organisations de plus en plus de main d’œuvre permettant d’étendre leurs pouvoirs. Du fait de l’importance grandissante des Tekiya, les trafics s’intensifient, on assiste au développement du marché noir et du commerce du sexe.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les liens entre yakuzas et politique vont encore s’accentuer, poussés par l’ouverture du pays vers l’Occident. Les yakuzas, demeurant très attachés aux traditions, vont refuser tous contacts et actions bienveillantes à l’égard des Européens et des Américains. Ils organisent des actes terroristes visant des personnages politiques favorables à une ouverture du pays ; deux premiers ministres et deux ministres des finances, entre autres, seront ainsi assassinés.

Ils sont néanmoins favorables à l’expansion coloniale du Japon ; c’est dans ce but qu’ils manigancent, avec la complicité du ministère de la guerre, l’assassinat de la reine Min (en) de Corée, pro-russe, le 8 octobre 1895[1], ce qui préparera l’intervention japonaise dans ce pays, et l’annexion qui suivra en 1910 et durera 35 ans, jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale.

Dans les années 1930, les yakuzas bénéficient d’une grande liberté, grâce à leur rapprochement idéologique avec la droite ultra-nationaliste[20],[21], très proche du pouvoir à l’époque. Lors de l’invasion de la Mandchourie, en Chine, ces liens leurs seront très utiles. Les yakuzas seront présents pour l’occupation, et organiseront le trafic de matériaux précieux et stratégiques, ce qui leur permettra d’amasser une fortune colossale[20]. Le lien entre les voyous et les politiques est assuré par certains parrains, les Kuromaku. Grâce à la fortune accumulée, certains de ces parrains joueront un rôle très important dans l’après-guerre[22], les plus connus et le plus influents étant Yoshio Kodama et Ryoichi Sasakawa[23].

Ils s'occupaient également de trouver, et d'exploiter les femmes de réconfort pour l'armée japonaise d'occupation[20].

De la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours

Suite à la défaite lors de la Seconde Guerre mondiale, le Japon est occupé par les Américains. Des trafics s'organisent alors avec les dizaines de milliers de soldats de la force d'occupation, notamment en drogues. Les yakuzas s'occupent de la prostitution, devenue illégale. Ils profitent également du chaos généralisé pour s'approprier des terrains en toute illégalité, dans les villes où les plans cadastraux ont brûlé[1],[24]. En parallèle, les Coréens et les Taïwanais, utilisés comme main d'œuvre durant la guerre sur le territoire du Japon, retrouvent la liberté. Les mafias de leurs pays d'origine tentent donc de s'installer au Japon, et de prendre le contrôle du fructueux marché noir[1]. On appela ces nouveaux arrivants les Daisangokujin. Ils agrandirent rapidement leur territoire, car les forces de police avaient été affaiblies suite à une purge effectuée par les forces d’occupation.

Cette situation fut un tremplin décisif pour l’organisation yakuza[25]. Avec l’assentiment du pouvoir, elle fut utilisée afin de lutter contre ces mafias, et également comme briseuse de grève. Elle a aussi profité du fleurissement du marché noir[25] dans un Japon ravagé par la guerre et privé de tout. Le pouvoir des yakuzas va donc se faire double : d’un côté ils bénéficient dans l’ombre de l’appui des hommes politiques et de la police, et sont en plus nécessaires à la société d’après-guerre, le marché noir restant le seul moyen de survie pour la majorité des Japonais. L'organisation criminelle japonaise devient donc un des piliers du Japon, avec l'assentiment des forces d’occupations, qui voyaient en elle une « force régulatrice »[25].

L'après-guerre voit également l'apparition d'une nouvelle criminalité, en parallèle de la pègre traditionnelle datant d’avant-guerre, et ayant encore une partie de ses traditions. Naissant en pleine crise sociale, le groupe des Gurentai (愚連隊?) est constitué de membres plus jeunes, plus violents ; c'est une criminalité moins organisée. Ils avaient pour spécialités le trafic d’amphétamines et la prostitution, ou la pornographie. Ce groupe est progressivement absorbé par des gangs plus importants, pour finalement former les grands familles qui sont encore aujourd'hui en place, comme les Yamaguchi-gumi, ou les Inagawa-kai.

Yoshio Kodama (à gauche) rencontrant Ichirō Hatoyama, (à droite) et Takeo Miki (en arrière plan)

Entre 1958 et 1963, les yakuzas accroissent leurs effectifs de 150 % pour atteindre à leur apogée, un total d’environ 184 000 yakuzas, répartis dans 126 gangs[26]. L’organisation compte alors plus de membres que l’armée japonaise elle-même. Des clans se forment et des guerres éclatent pour le partage de territoires.

Parallèlement, les Américains voient d'un mauvais œil l'avancée de l'armée populaire menée par Mao Zedong en Chine. Pour préserver définitivement le Japon du communisme, ils libèrent certains détenus politiques, comme Yoshio Kodama, qui, grâce à leurs relations avec les yakuza et les partis d’extrême-droite, vont leur permettre de s’en protéger. Kodama réussit à amener la paix entre les gangs. C'est le « Al Capone » japonais ; il souhaitait créer une alliance entre les différents gangs, tout en faisant le lien avec le milieu politique japonais, faisant de ce fait grandir l'influence de la pègre[27].

Cette situation perdurera jusqu'à la fin des années 1990. Le 1er mars 1992, le gouvernement japonais fait voter une loi Antigang, complétée par une loi Antiblanchiment en 1993, ayant pour but de faire disparaître les syndicats du crime. Le nombre des yakuzas a fortement diminué[28], mais sans pour autant disparaître. Les effectifs sont aujourd'hui estimés à 84 700 membres.

Fonctionnement des clans

L'organisation interne

Organisation typique d'un clan yakuza

Les yakuzas ont une structure semblable à celle de la mafia sicilienne, organisée en familles (ikka)[14]. Ils ont adopté la structure hiérarchique traditionnelle de la société japonaise, pyramidale, mais aussi familiale, bien que les membres ne soient pas liés par le sang[25]. Chaque « famille » possède un patriarche, l’Oyabun (親分? littéralement « le parent, le chef », l'équivalent du parrain), aussi appelé Kumichō (組長? littéralement « le chef de clan »). Ce titre se transmet de père en fils, comme une sorte de droit féodal, ou à une personne en qui l'Oyabun a une complète confiance.

Chaque homme accepté chez les yakuzas doit accepter ce rapport Oyabun/Kobun[29], en promettant la fidélité inconditionnelle et l'obéissance à son patron. Toute la structure se fonde sur cette relation oyabun-kobun.

L’Oyabun, en tant que bon père, est obligé de fournir la protection et les bons conseils à ses enfants. Chacun des deux protagonistes respecte le code du jingi (仁義? justice et devoir). Chaque kobun peut à son tour devenir « parrain » quand il le souhaite, tout en gardant son affiliation avec son propre oyabun, et ainsi agrandir l'organisation mère. Le plus proche conseiller de l’Oyabun est le Saikō-komon (最高顧問?), c'est un poste administratif qui s'occupe de l'état-major (avocats, comptables, etc.). Le Saikō-komon dirige ses propres secteurs. Il commande ses propres subordonnés, y compris des conseillers, comptables ou avocats.

Juste en dessous se trouve le Waka-gashira, c'est le numéro deux de la « famille », il est sous les ordres directs de l’Oyabun. Son « petit frère », le Shatei-gashira[30], est de même rang, mais inférieur en autorité. Il est un relais entre les rangs inférieurs et le numéro deux du clan. Les rangs intermédiaires sont composés des Kyodai[30] (les « grands frères »), et le bas de la hiérarchie par les Shatei (petits frères)[31],[30].
En dehors de la famille, le kumi-in (l'homme engagé) est un exécutant qui pourra peut-être intégrer le clan s'il s'en montre digne.

Les yakuzas d'aujourd'hui viennent de milieux très variés. Les récits les plus romanesques racontent que les yakuzas recueillent les fils abandonnés ou chassés par leurs parents. Ils sont souvent recrutés par un clan dès le lycée, une majorité dans les communautés burakumin et coréenne, peut être à cause de la véritable ségrégation raciale dont elles sont victimes au Japon. Les burakumin représentent 70 % des membres du Yamaguchi-gumi. La pègre ne se cantonne donc pas aux seuls Japonais pour recruter des hommes, elle accepte toutes des origines, ne se fiant qu'aux compétences des individus. En effet, les yakuzas se composent habituellement d'hommes très pointus, adroits, intelligents, car le processus pour obtenir un poste dans l'organisation est très concurrentiel et darwinien. Le milieu japonais est entièrement constitué d'hommes, et il n'y a habituellement aucune femme impliquée, excepté l'épouse de l’Oyabun qui s'appelle le «Kami-san» ou «Nee-san» (grande sœur)[32]. Quand le chef du Yamaguchi-gumi a été abattu vers la fin des années 1990, son épouse lui a succédé pendant une courte période.

Article détaillé : Les Coréens au Japon.

Les rituels et usages

Pour être admis dans un clan, il faut faire ses preuves, la nationalité n'ayant aucune importance, il faut prouver son attachement aux traditions et à la famille.

La « voie chevaleresque »

Les yakuzas suivent le gokudō (極道?)[33], la voie extrême. Mais ils ont également un certain « code d'honneur ». En effet, l’intégration de rōnin au XVe siècle leur a apporté un certain nombres de règles, à l’image du Bushido chez les Samouraïs. Cette ligne de conduite, le Ninkyōdō (la voie chevaleresque), contient 9 règles :

  1. Tu n'offenseras pas les bons citoyens.
  2. Tu ne prendras pas la femme du voisin.
  3. Tu ne voleras pas l'organisation.
  4. Tu ne te drogueras pas.
  5. Tu devras obéissance et respect à ton supérieur.
  6. Tu accepteras de mourir pour le père ou de faire de la prison pour lui.
  7. Tu ne devras parler du groupe à quiconque.
  8. En prison tu ne diras rien.
  9. Il n'est pas permis de tuer un katagari (personne ne faisant pas partie de la pègre).

La règle 9 n'est pas souvent appliquée, et peu de clans suivent encore cette éthique, et les traditions en général.

La cérémonie d'intronisation

Comme dans la plupart des organisations de la pègre, les yakuzas ont mis au point une cérémonie d'admission des nouvelles recrues, le Sakazuki[14]. Ce rituel d'entrée a lieu après une sorte d'apprentissage qui dure environ 6 mois, et si l'apprenti s'est montré digne, il est intronisé dans la famille.
Le rituel d'entrée est très cérémonieux : il s’agit d’une réception dont la date est fixée en accord avec le calendrier lunaire. Tous les participants sont vêtus de kimono, et placés suivant un ordre établi, dans le silence le plus complet. La cérémonie se passe dans une salle traditionnelle, où sont entreposés un autel shintoïste et une table basse avec des cadeaux. L'Oyabun et le futur membre sont agenouillés l'un à côté de l'autre en face de témoins (Azukarinin), et préparent du saké mélangé à du sel et des arêtes de poisson[34], puis ils versent le liquide dans des coupes. Celle de l'Oyabun est remplie entièrement, afin de respecter son statut. Le saké symbolise ici les liens du sang. Ils boivent ensuite une gorgée, s'échangent leurs coupes, et boivent à nouveau. Le nouveau Kobun scelle de cette manière son appartenance à la famille et à son Oyabun, il garde sa coupe (nommée Oyako Sakazuki), elle est le symbole de sa fidélité. Si un yakuza rend son Oyako Sakazuki à son chef, il rompt ses liens avec sa famille. Par la suite, l’Oyabun fait un discours rappelant les principes des yakuzas[35], la fidélité et l'obéissance aveugle. Le rituel se clôt par la rupture du silence, où tous les participants crient en cœur « Omedetō gozaimasu ».

Les premiers pas dans l'Organisation

Suite à cette cérémonie, le nouvel arrivant est un yakuza à part entière, et doit aider la famille en trouvant du travail.
Il s'appuie alors sur le territoire de la famille, de l'influence de son clan et de son expérience personnelle, ou il se fait aider par ses aînés qui l'emploieront. Son travail déprendra aussi de la spécialisation de sa famille. Une partie de ses bénéfices sera reversée à son supérieur, en fonction de son rang, lequel reversera à son supérieur, et ainsi de suite[36]. Il est courant que dans les premiers temps, les nouveaux membres soient exemptés de cette pratique, afin de ne pas pénaliser la croissance de leur affaire. Si par la suite, ils ont des difficultés à payer, la solidarité dans la famille jouera, et un autre membre pourra payer pour eux. Néanmoins, si cette situation est récurrente, le membre est rétrogradé, et si au contraire il cotise beaucoup, il monte en grade. S'il gravit suffisamment les échelons, il sera autorisé à fonder son propre clan.[37]

En cas de faute

Certains Sentô interdisent ouvertement l'entrée aux yakuzas, reconnaissables facilement par leur tatouage

Il existe une autre cérémonie, plus simple : la cérémonie de départ, ou de licenciement (指詰め, Yubitsume?). Si un yakuza enfreint le code d'honneur, il doit, pour se faire pardonner, se mutiler lui-même le petit doigt et l'offrir à l’Oyabun, et lui rendre la coupe de saké qu’il avait reçue lors du rituel d’entrée. S'il renouvelle sa faute, il doit recommencer la cérémonie avec les autres doigts. Cette punition, issue de la tradition des Bakuto, n’est pas rare, et peu de yakuzas atteignent un âge avancé avec tous leurs doigts. Ils gardent le plus souvent leurs doigts mutilés dans le formol, pour se rappeler leur disgrâce. Si on s'ampute d'une phalange suite à une faute, on parle de shini-yubi (doigt mort). Mais on peut également utiliser ce rituel afin de mettre fin à un conflit, en donnant son doigt à l'autre clan. On parle alors de iki-yubi (doigt vivant). Néanmoins, cette pratique se raréfie, par souci de discrétion face aux autorités.

Si le yakuza commet une faute très grave, il peut aussi être exclu du clan, en recevant une lettre d'exclusion, nommée Hamonjyo. Elle l'empêche d'intégrer une autre famille en l'informant de sa disgrâce. Écrite en noir, elle symbolise une exclusion temporaire, en rouge, c'est une exclusion définitive.

Si la disgrâce est trop grande, le yakuza peut faire usage d'une autre forme de pénitence, plus radicale, le Seppuku (plus connu sous le nom de hara-kiri), suicide rituel par éventration. Populaire chez les samouraïs et soldats japonais qui le pratiquaient comme pénitence pour leurs fautes, les yakuzas sont connus pour le pratiquer également, en cas de faute extrême.

La tradition du tatouage

Le rituel le plus pratiqué au sein de la communauté reste le rituel du tatouage, plus connu sous le nom d’irezumi (en) au Japon.
Sa mise en place est très douloureuse, car elle se fait encore de manière traditionnelle ; l'encre est insérée sous la peau à l'aide d'outils non électriques, des faisceaux d'aiguilles fixés sur un manche en bambou ou plus récemment en acier inoxydable (donc stérilisables), fabriqués à la main. Le procédé est onéreux et douloureux, et peut prendre des années pour être accompli dans son intégralité.

Les yakuzas en sont presque tous recouverts, et chaque clan possède son tatouage particulier. Cette pratique est originaire des Bakuto, dont les membres se tatouaient un cercle noir autour de leurs bras à chaque crime commis. C’est aujourd’hui plus la résultante d’une volonté des clans de se différencier, et une preuve de courage et de fidélité envers leur « famille », car le procédé est irréversible. Certains tatouages sur l’intégralité du corps peuvent demander des mois, voire des années de travail[38].

Les principales familles

On dénombre actuellement plus de 84 700 yakuzas. Il y a deux sortes de yakuzas : 41 500 travaillent à plein temps, tandis que 43 200 ont des activités annexes[1]. Leur nombre a beaucoup baissé suite à une loi antigang votée en 1992 par le gouvernement japonais, afin de faire disparaître les syndicats du crime. Ils restent pourtant la plus grande organisation de crimes organisés du monde, selon le Livre Guinness des records. Leur effectifs sont concentrés dans 4 familles principales :

Familles Description Leur « Mon »
Yamaguchi-gumi
(六代目山口組, Rokudaime Yamaguchi-gumi ?)
Créée en 1915, c'est la plus grande famille yakuza, avec plus de 21 000 membres[1], répartis dans 750 clans, soit 45 % de l'effectif total. En dépit de plus d'une décennie de répression policière, le poids de cette famille n'a cessé de croître. Le Yamaguchi-gumi a son quartier général à Kobe, mais il est actif à travers tout le Japon, et mène également des opérations en Asie et aux États-Unis. Son oyabun actuel, Shinobu Tsukasa (de son vrai nom, Kenichi Shinoda), mène une politique expansionniste, il a fait de nombreuses incursions à Tokyo, qui ne fait pourtant pas partie traditionnellement des territoires du Yamaguchi-gumi.
Article détaillé : Yamaguchi-gumi.
Yamabishi.svg
Yamabishi (山菱), le Mon du Yamaguchi-gumi
Sumiyoshi-rengo
(住吉連合), parfois appelé Sumiyoshi-kai (住吉会)
C'est la seconde organisation la plus importante, avec 8 000 membres[1] répartis dans 177 clans. Le Sumiyoshi-kai, comme on l'appelle parfois, est une confédération de plus petits groupes. Son chef est Hareaki Fukuda (福田 晴瞭). Structurellement, le Sumiyoshi-kai diffère de son rival principal, le Yamaguchi-gumi. Il fonctionne comme une fédération, avec une chaîne de la commande plus lâche et bien que Nishiguchi soit toujours le parrain suprême, il partage ses pouvoirs avec plusieurs autres personnes.
Sumiyoshi-kai.svg
Inagawa-kaï
(稲川会)
C'est le troisième plus grand groupe yakuza au Japon, avec approximativement 5 000 membres[1] et 313 clans. Il est basé dans la région de Tokyo-Yokohama, et c'est l'un des premiers organismes de yakuzas à s'être lancé dans le marché hors du Japon. Depuis 2005, le petit fils de Kakuji Inagawa, Hideki Inagawa est pressenti pour devenir le chef.
Inagawa-kai.svg
Tao Yuai Jigyo Kummiai (東亜友愛事業組合), parfois appelé Tōa-kai (東亜会)
Fondé par Hisayuki Machii (町井 久之 Machii Hisayuki, né 鄭 建永 Chong Gwon Yong ; 1923 - 2002) en 1948, ce rengo est rapidement devenu un des plus influents de Tokyo. Il compterait 6 clans et plus de 1 000 membres, sa particularité étant d'être composé d'une majorité de yakuzas d'origine coréenne. Son chef actuel est Satoru Nomura (野村 悟).
Toua Yuai Jigyo Kumiai.svg


Les suffixes derrière chaque nom de famille ont tous une signification particulière. Le suffixe Gumi pourrait se traduire par « bande, compagnie, ou gang », Kai par « association ou société », et Rengo par « coalition ou fédération ». Ils donnent une indication sur la forme d'association utilisée par la famille.

Les activités lucratives des yakuzas

Des yakuzas arborant leurs tatouages lors de la grande fête de Sanja Matsuri[39]
Un bureau Yakuza dans le quartier de Nishinari-ku, à Osaka

Une grande partie des activités actuelles des yakuzas peut être reliée à leur origine féodale. Contrairement à la mafia italienne et aux triades chinoises, ce n'est pas une organisation secrète, les yakuzas possèdent donc souvent un bureau bien visible, arborant le nom de leur clan ou leur emblème. Cela fait du Japon un des seuls pays au monde où les organisations mafieuses s'affichent en plein jour[40]. Les bureaux des yakuza sont, légalement, des associations (dantai) le plus souvent vouées à « la poursuite de la voie chevaleresque » (Ninkyôdô). Les membres ont un code vestimentaire bien spécifique (lunettes de soleil et costumes colorés), de façon à être facilement identifiables par les civils (katagi). Même la manière de marcher des yakuzas est différente de celle des citoyens ordinaires, plus ample et « arrogante ».

Au contraire, ils peuvent être plus conventionnellement habillés, mais quand le besoin se fait sentir, ils peuvent mettre en valeur leurs tatouages, afin d'indiquer leur affiliation. Occasionnellement ils déambulent également avec des insignes sur leurs revers. Une famille yakuza a même imprimé un bulletin mensuel avec des détails sur les prisons, les mariages, les enterrements, les meurtres, et quelques poésies de leurs chefs.

Le racket des sociétés

Jusqu’à récemment, la majorité des revenus des yakuzas proviennent de dîmes, prélevées sur les commerçants et les entreprises situées sur leur territoire. En échange de la protection et de la bienveillance des yakuzas, ils versent une sorte « d’impôt féodal ». Plus de 41 % des patrons de grandes entreprises japonaises affirment avoir été victimes de ce racket. Cette situation s'est maintenue, principalement à cause de l'hésitation des entreprises à aller demander l'aide de la police. Ce fonctionnement est à rapprocher du Pizzo exercé par les mafias italiennes (Que ce soit Cosa Nostra, la N'dranghetta ou la Camorra): les hommes de main proposent aux commerçants une protection de leur magasin contre rémunération, et en cas de refus pillent voire détruisent eux-mêmes le magasin.

Les yakuzas tirent également leur revenus grâce à une forme d'extorsion de fond typiquement japonaise, connue sous le nom de sōkaiya (総会屋?). C'est une forme de racket, et de protection. Au lieu de harceler de petites entreprises, l'organisation vend ses services : elle se loue pour étouffer toute contestation dans les assemblées générales d'actionnaires. Pour cela, elle achète un petit nombre d'actions, obtenant ainsi le droit de siéger au conseil des actionnaires de la société. Les yakuzas garantissent alors le wa, l’harmonie de l’assemblée, en effrayant l'actionnaire ordinaire par leur simple présence. Par exemple, en 1989, la banque Fuji, 3e banque japonaise, a été dénoncée pour avoir utilisé ce système, reversant plus de 200 millions de yens à des yakuza. Un prêt destiné officiellement à « financer des cimetières privés », mais qui n'a jamais été remboursé.

Ils s'engagent également dans le chantage simple, obtenant des informations incriminantes ou embarrassantes sur les pratiques d'une compagnie, ou d'un de ses dirigeants. Une fois que les yakuzas ont mis un pied dans l’entreprise et assurés leurs gains, ils travailleront pour eux, évitant à la compagnie que des scandales ne deviennent publics, et seront payés en retour avec des pots-de-vin. Dans certaines entreprises, ces pots-de-vin sont même inclus dans le budget annuel.

On dénombrait plus de 8 000 sōkaiya en 1982, jusqu'à ce qu’une loi soit votée contre eux. Aujourd’hui, leur nombre serait revenu à 1 500. Néanmoins, 80 % des entreprises qui ont un chiffre d'affaires supérieur à 1 000 milliards de yens admettent avoir encore des contacts avec eux, dont environ 40 % leur verseraient encore des fonds, bien que cela soit considéré comme un délit.

La police japonaise est également peu disposée à interférer dans les problèmes internes de certaines communautés, comme dans les zones commerçantes, les écoles/universités, les quartiers d'activités nocturnes. Des pactes tacites sont conclus entre police et yakuzas[41], en vertu desquels les membres des clans échappent à toute arrestation dans les délits mineurs, comme ébriété sur la voie publique, petite bagarre ou casse légère. Dans ce sens, les yakuzas sont encore considérés comme des organisations semi-légitimes. Par exemple, juste après le tremblement de terre de Kobe, le Yamaguchi-gumi, dont les sièges sociaux sont à Kobe, s'est mobilisé pour aider les victimes du désastre (en fournissant même un hélicoptère), et ceci a été largement rapporté par les médias, ce qui contraste avec l'intervention beaucoup plus lente du gouvernement japonais. Pour cette raison, beaucoup de yakuzas estiment que leur racket est une sorte d'impôt féodal légitime.

Le puroresu et le sumo

Les yakuzas ont une influence forte dans la lutte professionnelle japonaise, le puroresu. Ils sont considérés comme étant des grands défenseurs de ce sport, ainsi que du MMA, mais leur intérêt reste en grande partie financier. Les lieux où se déroulent les combats de luttes (des arènes, des stades) leur appartiennent souvent, ils touchent ainsi un pourcentage sur les entrées. Il est courant que les lutteurs reçoivent des instructions spécifiques concernant le déroulement de leurs matchs, comme faire juste appel aux yakuzas de la foule. Le pionnier de la lutte au Japon, Rikidozan, a été tué par un yakuzas.

Les yakuzas sont également très présents dans le sumo, sport traditionnellement très apprécié par les Japonais. Ils organisent des matchs truqués, et contrôlaient l'organisation des paris, en corrompant certains sportifs en échange de services. Cette pratique a été mise au grand jour, ce qui a jeté un certain discrédit sur ce sport.

Les paris et jeux

Salle de Pachinko

C'est un secteur très lucratif au Japon, et le domaine traditionnel d'influence des yakuzas[42]. Ils organisent des paris clandestins dans de nombreux domaines, comme lors de tournois de Sumo, de courses de hors-bords, de chevaux, d'automobiles, de vélos... Ils tiennent aussi certaines loteries, des casinos et contrôle des salles de Pachinko.

Ce dernier jeu a un succès très important, le chiffre d'affaires du pachinko est énorme puisqu'il se situe au troisième rang de l'économie des loisirs japonais derrière les restaurants et le tourisme. Le pays compterait environ 18 000 salles de jeu, tenues souvent par des gérants d'origine coréenne, et nombreux sont ceux qui entretiennent des relations étroites avec les yakuzas. Ceux-ci se servent de ces salles comme sources de revenus, mais aussi comme façades pour blanchir leur argent.

L'intimidation

Les yakuzas ont également des liens avec les marchés financiers et les opérations immobilières, par l’intermédiaire des jiageya (地上げ屋). En effet, le droit immobilier japonais rend très difficile l'expulsion des locataires et les expropriations. Les jiageya sont des bandes spécialisées dans l’intimidation, qui revendent aux compagnies voulant effectuer des projets de développement beaucoup plus grands.

Le trafic de drogues et la prostitution

L'activité criminelle la plus lucrative des groupes violents reste néanmoins le trafic de drogue (des amphétamines, notamment, dont environ 60 % du trafic serait dû aux Yakuzas), assurant 35 % de leurs revenus devant le racket (20 %), le (17 %) et la prostitution (13 %). Le trafic de drogue est une source de revenus assez récente, qui s'est développée suite à leur expansion au niveau mondial, pour finalement devenir une des activités les plus importantes au niveau financier. Avant la loi Antigang de 1992, il existait une certaine tolérance de la police sur le trafic d'amphétamines. Les clans ont du s'adapter à cette nouvelle activité, en revoyant leur système de fonctionnement pour pouvoir blanchir de l'argent à plus grande échelle.

La prostitution des femmes en général est une activité des yakuzas. Ce phénomène concernerait entre 100 et 150 000 femmes par an dans l’archipel. Les femmes forcées de se prostituer au Japon viennent principalement de l’Asie du Sud-Est et de l’ex-URSS[43], peu de Japonaises sont impliquées. Certaines jeunes filles japonaises se prostituent néanmoins occasionnellement à leur propre initiative, afin d'améliorer leur niveau de vie et se procurer des vêtements ou autres objets de luxe. Il est ainsi estimé que 8 % des jeunes filles japonaises se prostituent. Il est souvent reproché aux autorités de ne pas apporter une réponse suffisante à ce problème, alors que la prostitution est interdite au Japon depuis plus de 50 ans.

Les yakuzas gèrent également l'offre de travailleurs journaliers pour la construction et les docks et gèrent des circuits d'immigration clandestine, qui les fournissent aussi en prostituées asiatiques.

Récapitulatif des activités des yakuzas :

Activités Description[44] et exemples
Sōkaiya (総会屋) Pressions sur les actionnaires d’une société
Fournisseur de main d’œuvre Aide aux entreprises ayant auparavant subi un chantage, travailleurs journaliers (construction, docks)
Intérêts dans le Puroresu et le Sumo Pourcentage sur les entrées, paris clandestins
Industrie du sexe Prostitution, bars à hôtesses, night-clubs, boîtes de strip-tease.
Les jeux Casinos, Patchinko, loteries, paris clandestins (courses de chevaux, de lévriers)
Armes Revente d'armes achetées clandestinement à l’étranger (un 38 automatique acheté 100 dollars à Taïwan est revendu 10 000 dollars à Tokyo)
Prêt d'argent A des taux usurier, souvent en réclamant un garant plus sain financièrement que l'emprunteur.
Drogue Depuis 1990, vente de drogues dures et d’amphétamines, mais législation très sévère (exemple récent : pour 400 grammes de cannabis, 4 ans de prison)
Immigration clandestine Aide à l’immigration clandestine.

Grâce à ces procédés divers, les yakuzas ont un chiffre d’affaires annuel qui ferait pâlir n’importe quelle entreprise : il était estimé à 34 milliards d’euros en 2003[45].

Implantation géographique

L’ancrage historique au Japon

Chaque mafia possède son propre « point d’apparition et de propagation »[46], point encore actif aujourd’hui. Il correspond dans la plupart des cas à une ville et ses alentours. Ces « capitales mafieuses » sont encore aujourd’hui contrôlées par les mafias qui y sont nées.

Les yakusas ne font pas exception à cette règle. Ils sont ainsi historiquement présents sur l’île principale de Honshû, dans le Kansai (partie occidentale de Honshu), et dans le Kantô (centre-est). Le Kansai était occupé plutôt par des Tekiya, alors que le Kantô était en grande partie par des Bakuto. Cet héritage a entrainé certaines spécificités qui ont longtemps perdurées chez les yakusas, mais qui ont actuellement tendance à s’estomper[47].

Les clans, tout en restant très ancrés localement, on également réussit à développer un réseau hors du Japon, aidés par leur implantation dans des grands ports japonais de Tokyo, Kobé, et Yokohama. Leur implantation internationale reste néanmoins plus limitée que les autres grandes mafias[48].

Dans le monde

Aux États-Unis

La présence des yakuzas aux États-Unis est la plupart du temps circonscrite à Hawaï[49], mais elle s'étend dans les faits à d'autres régions du pays. On dit que les yakuzas emploient Hawaï (où de nombreuses personnes parlent japonais) comme pont entre le Japon et le continent Amérique, passant de la méthamphétamine aux États-Unis[49] et des armes à feu en contrebande au Japon.

Ils se sont facilement intégrés à la population locale, puisque beaucoup de touristes réguliers de ces iles viennent du Japon ou d'autres pays asiatiques. On a estimé que les yakuzas contrôlaient environ 90 % du trafic de méthamphétamine à Hawaï en 1988. Ils se font aussi rabatteurs, dirigeant les touristes japonais vers les bordels et dans les salles de jeu.

En Californie, les yakuzas ont fait des alliances avec les groupes vietnamiens et coréens locaux, et également avec les triades chinoises.

Los Angeles est un lieu particulièrement attrayant pour des jeunes femmes rêvant d'entrer dans le milieu cinématographique. Les membres des clans yakuza se servent de cette situation pour recruter, afin d'alimenter leurs filières de production pornographique et le milieu de la prostitution au Japon. En effet, les femmes occidentales sont très populaires parmi les hommes japonais, en particulier les blondes[49].

Des Yakuza ont également été repérés à Las Vegas et à New York[49], où ils guident les touristes japonais vers les établissements de jeu, légaux et illégaux.

Au Mexique

Les yakuzas sont présents un peu partout dans le monde, y compris au Mexique, notamment dans les filières d'immigration clandestine[50]. On a ainsi vu dans ce pays, au cours des années 1990, un couple de prétendus employeurs recruter à travers le pays des jeunes filles (principalement avec des diplômes de tourisme et avec de bonnes connaissances en anglais) en leur promettant un travail au Japon. Mais à leur arrivée sur le territoire, elles sont en fait entrées dans un réseau de prostitution. Quelques unes réussirent à s’échapper et à leur retour au Mexique, elles informèrent les autorités. Les coupables furent arrêtés et condamnés, non pas pour proxénétisme à cause du manque de dénonciateurs, mais seulement pour immigration illégale.

Un cas similaire s’est produit au Pérou. Selon les estimations de l’Association des femmes hispaniques (dont le siège se trouve à Miami), près de 3 000 femmes mexicaines se prostituent au Japon, après avoir été recrutées par les différents clans yakuza.

En Australie

La présence de Yakuza en Australie est actuellement minimale, étant limité principalement à la Gold Coast, où les membres des clans viennent blanchir de l'argent dans des casinos, ou extorquer de l'argent aux entreprises japonaises travaillant principalement dans le domaine du tourisme. Ils sont également liés au trafic de drogue[51]. Il semblerait que les yakuzas n'aient aucun enracinement connu en Australie, mais avec les nouvelles lois antigang votées au Japon, cette situation pourrait changer, ce qui entraînerait des conflits avec les organisations mafieuses déjà en place, comme la Mafia, le 'Ndrangheta et la mafia irlandaise.

Œuvres sur les Yakuza

Cinéma

Les films où les yakuzas sont présents sont très nombreux, parmi les plus marquants on peut citer :

Année Titre français Réalisateur
1971 Guerre des gangs à Okinawa Kinji Fukasaku
1973 Combat sans code d'honneur Kinji Fukasaku
1975 The Yakuza Sydney Pollack
1985 Tampopo Juzo Itami
1989 Punisher Mark Goldblatt
1989 Black Rain Ridley Scott
1991 Dans les griffes du dragon rouge Mark L. Lester
1993 Soleil levant Philip Kaufman
1995 Crying freeman Christophe Gans
1997 Postman Blues (Posutoman Burusu) Sabu
1998 Samurai Fiction Nakano Hiroyuki
2003 Kill Bill Quentin Tarantino
2007 WAR Phillip G. Atwell
2007 Young Yakuza Jean-Pierre Limosin
Article détaillé : Yakuza eiga.

Manga,anime et Drama

Notes et références

  1. a , b , c , d , e , f , g , h  et i Statistiques de la National Police Agency [(en) lien (page consultée le 23 janvier 2008)]
  2. a  et b Jean-François Gayraud, Le Monde des mafias, édition 2008, page 100
  3. A. Bruno (2007), p1 -- « En argot, ya signifie 8, ku désigne le 9, et sa le 3, nombre qui additionnés donnent 20, ce qui est une main perdante au jeu de cartes Hanafuda (cartes à fleurs). Les yakuzas sont donc les « mauvaises mains de la société » »
  4. les deux types de jeux de cartes peuvent être utilisés sans différence : (en)http://hanafubuki.org/
  5. (en) Douglas Harper, « Yakuza », novembre 2001, Online Etymology Dictionary. Consulté le 19 janvier 2008
  6. LE VIF/L’EXPRESS - 2 mars 1990 Dossier : « Yakuza : l’archipel du crime »
  7. a , b  et c Alec Dubro, David Kaplan, Yakuza, la mafia japonaise, p. 40
  8. Yakusa - Enquête au cœur de la mafia japonaise, p. 17 para. 2
  9. Alec Dubro, David Kaplan, Yakuza, la mafia japonaise, page 36
  10. (en) Crimelibrary.com
  11. Jean-François Gayraud, Le Monde des mafias, édition 2008, page 101
  12. A. Bruno (2007), p1 -- « Certains estiment que ses membres sont des descendants des kabuki-mono (des fous) du 17e siècle, des samouraïs exotiques qui portaient de tenues et de coupes de cheveux très particulières, avaient un langage très argotique, et des épées exceptionnellement longues portées à leurs ceintures »
  13. Les Yakuzas : histoire de la mafia Japonaise
  14. a , b , c  et d Alec Dubro, David Kaplan, Yakuza, la mafia japonaise, page 35
  15. Alec Dubro, David Kaplan, Yakuza, la mafia japonaise, page 47
  16. [(en) KRISTOF Nicholas, Japan's Invisible Minority: Better Off Than in Past, but StillOutcasts, publié dans le The New York Times (page consultée le 7 juillet 2008)]
  17. David E. Kaplan and Alec Dubro in Yakuza: The Explosive Account of Japan's Criminal Underworld, Reading, Massachusetts: Addison-Wesley Publishing Co., 1986
  18. Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 16
  19. Yakusa - Enquête au cœur de la mafia japonaise, page 18
  20. a , b  et c Yakusa - Enquête au cœur de la mafia japonaise, page 19
  21. Jean-François Gayraud, Le Monde des mafias, édition 2008, page 1002
  22. [pdf] Le marché des services criminels au Japon, les yakuzas et l'État, page 157 paragraphe 3
  23. Sasakawa, un criminel de guerre respecté [Voltaire]
  24. [pdf] Le marché des services criminels au Japon, les yakuzas et l'État, page 158 paragraphe 1.
  25. a , b , c  et d Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 20
  26. Stéphane Quere, Xavier Raufer, Le crime organisé, France, Que sais-je ?, 2003, p. 66
  27. Émission Rendez-vous avec X du 19 février 2005 lien
  28. Interview de Jean-Pierre Limosin sur Lemonde.fr
  29. Article « yakuza » sur Microsoft® Études 2007
  30. a , b  et c (en) Crimelibrary.com
  31. Exemple de la structure du Yamaguchi-Gumi en 1991
  32. Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 37
  33. Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 14
  34. Alec Dubro, David Kaplan, Yakuza, la mafia japonaise, page 43
  35. Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 36
  36. Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 37-38
  37. Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 38 "Il (le jeune yakuza) va ainsi gravir les échelons. Jusqu'au moment où je l'autorise à fonder sa propre famille avec ses cadets. Je n'y suis pas obligé. Certains refusent de peur d'être dépassé. Au départ, c'est un petit groupe d'une dizaine de personnes."
  38. Japanorama, BBC Three, Saison 2, Épisode 3, diffusé le 21 Septembre 2006
  39. Ayant lieu le 3e week-end de mai, c'est la fête regroupant le plus de spectateurs et de participants au Japon, on y voit des chars défiler à travers les rues
  40. avec Taïwan, voir Jérôme Pierrat, Alexandre Sargos, Yakusa - Enquête au cœur de la mafia, page 14
  41. [pdf] Le marché des services criminels au Japon, les yakuzas et l'État
  42. Junichi SAGA (2007), Mémoires d’un yakuza, page 111
  43. Chiffres et provenances issus de aujourdhuilejapon.com
  44. Chiffres et descriptifs issus de Jean-Claude Courdy, Les JAPONAIS, la vie de tous les jours dans l'empire du Soleil Levant, 1979
  45. 225 milliards de francs, chiffres issus du Quid 2003, page 1177b
  46. Jean-François Gayraud,Le Monde des mafias, édition 2008, page 123
  47. Jean-François Gayraud, Le Monde des mafias, édition 2008, page 126
  48. Jean-François Gayraud, Le Monde des mafias, édition 2008, page 104
  49. a , b , c  et d (en) Crimelibrary.com
  50. Les yakuzas et l'immigration clandestine au Mexique [(es) lien (page consultée le 24 janvier 2008)]
  51. Le multiculturalisme en Australie au-delà de Babel, De Xavier Pons, page 161 et 284 [(fr) lien (page consultée le 23 janvier 2008)]

Bibliographie

Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article : source utilisée pour la rédaction de cet article

  • (fr) Jérôme PIERRAT, Alexandre SARGOS (2005), YAKUSA - Enquête au cœur de la mafia japonaise, Flammarion (ISBN 208068700X)  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (fr) Alec DUBRO, David KAPLAN (2001), Yakuza, la mafia japonaise, Philippe Picquier (ISBN 2877305724)  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (fr) Jean-François GAYRAUD, (2008), Le Monde des mafias, Géopolitique du crime organisé, Odile Jacob (ISBN 2738121322)  Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (fr) Jean-Claude PONS (1998), Misère et crime au Japon du XVIIe siècle à nos jours, Gallimard (ISBN 2070749460) 
  • (fr) Junichi SAGA (2007), Mémoires d’un yakuza, Philippe Picquier (ISBN 9782877309530) 
  • (fr) Xavier RAUFER (2003), Mafias les nouveaux dangers, Lattes (ISBN 2709624028) 
  • (en) Peter B.E. HILL (2003), The Japanese Mafia: Yakuza, Law, and the State, Oxford University Press (ISBN 0199257523)  Extraits disponibles sur Googlebooks

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