Wissenschaft des Judentums

Wissenschaft des Judentums

La Wissenschaft des Judentums (science du judaïsme) ou Hokhmat Israel en hébreu, a été fondée à Berlin en 1819. Elle intègre une approche historique et scientifique dans l’étude du judaïsme. Cette approche doit permettre la connaissance et la compréhension des valeurs juives aux non-Juifs. Elle vise à adapter les Juifs à la société allemande, en inscrivant leur histoire dans le cadre plus vaste de l’histoire allemande et européenne. Le regard porté sur le judaïsme est parfois agnostique, voire athée.

Sommaire

La Wissenschaft des Judentums allemande

La Wissenschaft des Judentums suit une démarche intellectuelle et scientifique, d'inspiration hégélienne. Elle vise à effectuer une synthèse des recherches dans des domaines aussi divers que la littérature talmudique, l'histoire de la littérature, la linguistique, la liturgie, l'islam, la philosophie, la statistique, et l'économie qui permettent d'éclairer tous les aspects du judaïsme. L’histoire juive commence à être étudiée selon des critères scientifiques: vérification des sources, exploitation des archives. Pour les fondateurs de la Wissenschaft des Judentums: Salomon Judah Rapoport (1790-1867), Samuel David Luzzatto (1800-1865) et Nachman Krochmal (1785-1840), il faut puiser aux sources littéraires et historiques du judaïsme pour élaborer cette science. Léopold Zunz (1794-1886), le père fondateur l'affirme dans son livre Etwas über die rabinische Literatur (1818). la Wissenschaft des Judentums est à ses débuts, une sorte d'université libre, ouverte à un public allemand et dispensant ses cours en allemand. elle exerce une influence sur toute l'Europe[1].

Les principaux résultats des chercheurs ont paru dans la revue Monatsschrift für Geschichte un Wissenschaft des Judentums, créée en 1851 et publiée jusqu'en 1939. La deuxième génération travaille principalement sur l’étude biblique : Zacharias Frankel (1801-1875) rédige une histoire de la Halakhah. Le rabbin Abraham Geiger (1810-1874) devient un artisan majeur du judaïsme réformé. C'est lui qui ouvre l'institut supérieur des études juives à Berlin, appelé à l'époque le collège Abraham Geiger. La Wissenschaft des Judentums exclut de son champ d'étude des pans entiers de la mystique juive: la kabbale, le sabbatianisme et le hassidisme, les jugeant irrationnels, inexpliqués et de ce fait secondaires.

La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle sont marqués par des publications d'envergure comme la Jewish Encyclopedia (1901-1906) ou Histoire du peuple juif, sa religion, sa littérature et ses coutumes depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. La Wissenschaft des Judentums connaît ensuite un déclin. Les intellectuels juifs préfèrent l'intégration nationale à l'étude des choses juives. Les mouvements socialistes et révolutionnaires les entrainent vers d’autres thèmes de recherche et d’analyse (économie). Cependant, en 1933, un monument de la pensée juive est publié. Il s'agit de Die Philosophie des Judentums de Julius Guttmann.

De plus, la Wissenschaft des Judentums est interdite en Europe de l’Est où vit une partie importante des Juifs européens. L'opposition de certains Juifs orthodoxes est plus sensible. En 1942, les nazis ferment l'institut supérieur des études juives mettant ainsi fin au mouvement.

La Wissenschaft des Judentums en France

La Wissenschaft des Judentums est fondée en France sur le modèle allemand vers 1850. La principale caractéristique réside dans le regard plus politique et positiviste que philosophique qu'elle porte sur sa propre tradition. Les savants israélites formés à l’école de la « Science du judaïsme » achèvent leur carrière au sein des plus prestigieuses institutions académiques de la République française. Un philologue, Salomon Munk, remplace Ernest Renan au Collège de France, un historien et orientaliste, Joseph Derenbourg, est accueilli à l’École pratique et un spécialiste de la Kabbale, Adolphe Franck, devient membre de l’Institut. Salomon Munk publie les Réflexions sur le culte des anciens Hébreux pour commenter la traduction de La Bible de Samuel Cahen. Il adopte une approche historique en expliquant que la Bible n'est pas tombée des nues et que les Hébreux sont souvent semblables à leurs voisins[2].

La science du judaïsme français a un aspect beaucoup plus politique que son homologue allemande. Les érudits cherchent davantage à justifier l'existence du judaïsme face à ses détracteurs en montrant l'universalisme de ses valeurs[3] s'opposant ainsi à la perpétuation de leur tradition et à son insertion dans le monde moderne.. Il y a identification entre la mission d'Israël et la mission des Droits de l'homme qui incombe à la France. Le judaïsme devient porteur de valeurs révolutionnaires[4]. James Darmesteter affirme que: "l'histoire juive longe celle de l'humanité"[5]. En effet, le peuple juif présent dans à toutes les époques de l'histoire de l'Occident en a connu toutes les souffrances. L'histoire juive est donc par essence une histoire universelle. Pourtant, à la fin du XIXe siècle, le judaïsme français, conscient de sa fragilité est en plein doute. À partir des années 1870, le débat historiographique tourne autour du Moyen Âge. Les antisémites utilisent les stéréotypes de juif médiéval, usurier et auteur de crimes rituels. La Revue des études juives qui vient d'être fondée, s'emploie dans les années 1887 et 1888 à rétablir la vérité historique face aux divagations de Drumont dans La France juive. Le rôle de l'Eglise dans les persécutions dont sont victimes les Juifs est aussi mis en avant[6].

L'engagement aux côtés des républicains amènera la disparition de la science du judaïsme français et sa dilution dans les valeurs d'universalisme et de justice dont les dreyfusards se feront les hérauts, ce qui explique qu'ils se soient intégrés avec une aussi grande facilité au débat national.

Voir aussi

Références

  1. Enzo Traverso, « Cosmopolitisme et transferts culturels, le cas des Juifs allemands » sur [1]. Consulté le 17 avril 2008
  2. Michel Despland, L'émergence des sciences de la religion, L'Harmattan, 1999, p. 187
  3. Perrine Simon-Nahum, Philologie et politique, la science du judaïsme français et l'affaire Dreyfus, Revue des études juives, janvier-juin 1996, p 224
  4. Perrine Simon-Nahum, p 225
  5. dans Les prophètes d'Israël, Calmann-Lévy, 1892, 162
  6. Perrine Simon-Nahum, p 226

Bibliographie

  • Julius Guttmann, Histoire des philosophies juives de l’époque biblique à Franz Rosenzweig [Die Philosophie des Judentums, 1933], Paris, Gallimard, 1994.
  • Maurice-Ruben Hayoun, La science du judaïsme : die Wissenschaft des Judentums, Puf, 1995, ISBN : 2-13-047287-7
  • Perrine Simon-Nahum, Philologie et politique, la science du judaïsme français et l'affaire Dreyfus, Revue des études juives, janvier-juin 1996

Liens internes

Liens externes

  • Delphine Szwarcburt et Mirjam Zomersztajn, Identité juive et laïcité, Regards – Revue juive de Belgique, 2004, disponible sur [2]
  • La Wissenschaft des Judentums

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Wissenschaft des Judentums de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • WISSENSCHAFT DES JUDENTUMS — (Ger.; Science of Judaism ; in Hebrew Ḥokhmat Yisrael). Origin and Definition The term Wissenschaft des Judentums first made its appearance among young Jewish intellectuals during the 1810s and 1820s. Its principal objective, as it was then… …   Encyclopedia of Judaism

  • Wissenschaft des Judentums — ( the science of Judaism in German), refers to a nineteenth century movement premised on the critical investigation of Jewish literature and culture, including rabbinic literature, using scientific methods to analyze the origins of Jewish… …   Wikipedia

  • Wissenschaft des Judentums — Wissenschaft des Judentums,   englisch Jewish Studies [ dʒuːɪʃ stʌdɪz], um 1820 geprägte Bezeichnung für die wissenschaftliche Erforschung der jüdischen Kulturgeschichte. Sie trat an die Stelle der v. a. seit dem 17. Jahrhundert aus christlicher… …   Universal-Lexikon

  • Wissenschaft des Judentums — Erste Ausgabe der Vereinszeitschrift, 1822 Die Wissenschaft des Judentums war eine der einflussreichsten intellektuellen Strömungen des deutschsprachigen Judentums. Entstanden im Kontext der Emanzipation begründete sie das moderne… …   Deutsch Wikipedia

  • Hochschule für die Wissenschaft des Judentums — Das ehemalige Hochschulhaus in der Tucholskystraße 9 Die in Berlin ansässige Hochschule für die Wissenschaft des Judentums bestand als akademische Forschungs und Studieneinrichtung von 1872 bis 1942. Inhaltsverzeichnis 1 …   Deutsch Wikipedia

  • Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums — Die Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums, abgekürzt MGWJ, war eine wissenschaftliche Zeitschrift, die mit einigen Unterbrechungen in 83 Jahren zwischen 1851 und 1939 erschien. Bald nach ihrem ersten Erscheinen wurde sie zur …   Deutsch Wikipedia

  • GESELLSCHAFT ZUR FOERDERUNG DER WISSENSCHAFT DES JUDENTUMS — (Ger. Society for the Advancement of Jewish Scholarship ), Jewish scholarly society in Berlin, Germany, 1902–1938. The primary objective of the Gesellschaft was to raise the level of Jewish academic scholarship, thereby earning the respect of… …   Encyclopedia of Judaism

  • Hochschule für die Wissenschaft des Judentums — The Hochschule für die Wissenschaft des Judentums , or Higher Institute for Jewish Studies, was a rabbinical seminary, established in Berlin in 1872 destroyed by the Nazi government of Germany in 1942. Upon the order of the government, the name… …   Wikipedia

  • VEREIN FUER KULTUR UND WISSENSCHAFT DES JUDENTUMS — ( Kulturverein ), Society for the Culture and Science of Judaism, founded in Germany in 1819. It was initiated by eduard gans , leopold zunz , isaac marcus jost , moses moser , and others. At a later date, heinrich heine also joined the society.… …   Encyclopedia of Judaism

  • MONATSSCHRIFT FUER GESCHICHTE UND WISSENSCHAFT DES JUDENTUMS — MONATSSCHRIFT FUER GESCHICHTE UND WIS SENSCHAFT DES JUDENTUMS, learned monthly publication which appeared in Germany for 83 years between 1851 and 1939. The Monatsschrift was founded by Z. Frankel , while he was still rabbi at Dresden, to serve… …   Encyclopedia of Judaism

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”