Troisième guerre des diadoques

Troisième guerre des diadoques

Guerres des diadoques

Les guerres des diadoques sont les conflits qui interviennent entre les successeurs d'Alexandre le Grand pour le partage de l'empire entre 323 av. J.-C. (mort d'Alexandre) et 281 av. J.-C. (bataille de Couroupédion).

Sommaire

L'impossible succession

Le partage de Babylone

D'immédiates difficultés

Article détaillé : Succession d'Alexandre le Grand.
Le monde hellénistique à la mort d'Alexandre

Lorsque Alexandre le Grand meurt le 13 juin 323 av. J.-C. à Babylone, aucun des compagnons d'armes du souverain ne songe à diviser l'empire. Tout d'abord parce que le roi défunt a des héritiers et que le loyalisme à l'égard de la famille royale des Argéades est fort, sinon chez les généraux, du moins chez les soldats. L'idée d'un empire unique subsiste une bonne vingtaine d'années et résiste ainsi aux forces centrifuges jusqu'à la défaite finale d'Antigone le Borgne. D'ailleurs, bien après le démembrement de l'empire d'Alexandre, le souvenir de celui-ci reste vivace et inspire sans doute les ambitions de certains souverains, tel Antiochos III.

Alexandre avait pris la précaution au début de son règne de faire le vide parmi la nombreuse parentèle masculine, souvent illégitime, de son père. De celle-ci ne demeure qu'un bâtard mentalement arriéré, Arrhidée, qu'Alexandre garde à ses côtés. De ses femmes légitimes, Alexandre n'a pas d'enfants, mais Roxane est sur le point d'accoucher. Il semble que dans un premier temps, deux conceptions s'affrontent au sein du conseil des Amis (philoi) et des Gardes du corps (sômatophylaques) qui suit la mort du roi[1]. Certains, dont Perdiccas, privilégient l'option visant à renforcer le pouvoir central et à l'organiser fortement. Ptolémée et d'autres diadoques souhaitent au contraire la constitution d'une assemblée de satrapes se réunissant épisodiquement, structure assez lâche qui revient à donner une forte autonomie aux provinces et à ceux qui les dirigent. Dans les deux cas, il est pris la décision d'attendre la naissance de l'enfant de Roxane : si c'est un fils, il sera roi[2]. Perdiccas et Léonnat, auxquels le conseil prêtent serment, sont désignés tuteurs provisoires de l'enfant à naître.

C'est compter sans les fantassins de la phalange qui perçoivent mal la politique de fusion des cultures prônée par Alexandre et le lui avaient signifié dans le passé (sédition d'Opis). L'idée que le futur roi puisse être à demi-iranien par sa mère provoque l'opposition de la phalange[3]. De plus, Méléagre, officier envoyé par le conseil pour négocier auprès des soldats, joue sa carte personnelle et se range à l'avis de ces derniers[4]. Il semble que l'on soit très près de l'affrontement (les diadoques et la cavalerie doivent même quitter un temps Babylone), mais un compromis est finalement trouvé grâce au chancelier d'Alexandre, Eumène de Cardia, qui profite de son statut de non-Macédonien pour œuvrer à une conciliation[5]. Le demi-frère d'Alexandre est proclamé roi sous le nom de « Philippe III Arrhidée », mais les droits de l'enfant à naître sont préservés ; c'est un fils qui à sa naissance est proclamé roi sous le nom d'Alexandre IV.

La répartition des postes

Aucun des deux rois n'étant apte à assumer les obligations du trône, une répartition des postes s'organise au sein du Conseil de Babylone[6]. Perdiccas est désigné chiliarque de l'empire (équivalent du vizir achéménide) et épimélète (gouverneur) du royaume. Cratère, l'officier en qui sans doute Alexandre avait le plus confiance après Héphaestion, devient prostatès (tuteur) de Philippe III, épileptique et déficient mental ; il n'est cependant pas à Babylone, mais en Cilicie avec 50 000 vétérans sur la route du retour en Europe. Antipater conserve la régence de la Macédoine et de la Grèce (alors qu'avant la mort d'Alexandre, Cratère était censé le remplacer), tandis que son fils Cassandre, arrivé à Babylone peu avant la mort du roi, est placé à la tête du bataillon des hypaspistes. Séleucos reçoit quant à lui le titre d'hipparque qui lui offre le commandement de la cavalerie des Compagnons (commandement prestigieux qu'ont exercé avant lui Héphaistion et Perdiccas). Le choix de Perdiccas comme chiliarque n'est guère surprenant ; il exerce déjà cette charge auprès d'Alexandre, mais sans le titre, et c'est à lui que le roi à l'agonie aurait confié l'anneau royal dont le sceau authentifie les actes de souveraineté[7]. Perdiccas devient cette fois officiellement chiliarque mais la tutelle des rois, qui lui échappe, est donc confiée à Cratère. Afin de marquer sa nouvelle autorité, Perdiccas fait rapidement exécuter Méléagre parmi une trentaine d’insurgés de la phalange[8].

Le conseil de Babylone se traduit par un vaste renouveau à la tête des satrapies que l'on peut résumer ainsi[9] :

L'examen d'une liste exhaustive fait apparaître la nette prépondérance des Macédoniens. On remarque en effet peu de Grecs (le cas d'Eumène de Cardia, qui doit s'emparer des territoires qui lui sont attribués, est particulièrement éloquent) et quelques Orientaux parmi les souverains qu'Alexandre avaient maintenus en poste, tels Pûru et Taxilès en Inde ou Oxyartès dans le « pays des Paropanisades » (sa qualité de beau-père d'Alexandre le rend intouchable). Le partage des satrapies est à considérer sous un double point de vue. Pourquoi tout d'abord dépêcher tant d'officiers de premier plan aux quatre coins de l'empire ? De plus, le choix des bénéficiaires a-t-il une signification particulière ? Il est souvent estimé, au vu de la destinée de Ptolémée ou de Séleucos, que ce sont les diadoques qui ont exigé cette répartition des satrapies. Cela dit, et sans écarter les ambitions à long terme de certains, ils se gardent bien d'en faire état. Officiellement, c'est la sauvegarde de l'empire qui prime et la désignation d'officiers prestigieux dans les provinces d'un empire encore fragile s'impose. Perdiccas n'est sans doute pas non plus mécontent de voir s'éloigner des rivaux en puissance, rendus encore plus méfiants depuis l'exécution de Méléagre. Les écarter présente des risques sur le long terme, mais lui donne dans l'immédiat le temps de consolider son pouvoir.

Le soulèvement de Bactriane

La crise qui oppose les diadoques à la phalange n'est pas la seule qui survient au lendemain de la mort d'Alexandre. En Bactriane éclate une révolte des colons grecs, installés par Alexandre dans des colonies militaires — plus ou moins disciplinaires — afin de protéger cette marge particulièrement vulnérable, et qui se considérant comme exilés, réclament leur rapatriement depuis 325 av. J.-C.. Les colonies militaires fondées par Alexandre en Bactriane et en Sogdiane ont en effet surtout été peuplées par des colons grecs. Après la mort du souverain, ce mouvement prend de l'ampleur et se combine apparemment avec un soulèvement des Bactriens[11]. Les rebelles forment une armée estimée à 20 000 fantassins et 3 000 cavaliers. Perdiccas met alors sur pied une armée formée de Macédoniens tirés au sort (car ceux-ci rechignent à retourner dans les terres de Haute Asie) et de troupes orientales levées dans les satrapies. Il charge Peithon, satrape de Médie de réduire l'insurrection ; celui-ci utilise la trahison pour vaincre les colons grecs mais, contrairement aux ordre de Perdiccas qui a ordonné l'extermination des insurgés, il accepte leur capitulation. Cependant les soldats ne respectent pas ce traité qui est censé renforcer les ambitions de Peithon ; voulant amasser le butin promis par Perdiccas, ils massacrent impitoyablement tous les colons. La Bactriane est alors confiée au satrape d'Arie-Drangiane, le Chypriote Stasanor de Soloi, qui forme ainsi un vaste gouvernement.

La guerre lamiaque

Article détaillé : guerre lamiaque.

Le principal danger vient de la Grèce où une révolte d'Athènes, sous la conduite d'Hypéride, et malgré l'hostilité de Phocion, se déclenche contre Antipater. Une vaste coalition, dirigée par Léosthène, un magistrat d'Athènes et chef de guerre, rassemble outre la cité attique, l'Étolie, la Locride et la Phocide. À la fin de l'année 323 av. J.-C., Léosthène est vainqueur en Béotie, puis s'empare des Thermopyles et contraint Antipater à s'enfermer dans la cité de Lamia (d'où le nom de guerre lamiaque)[12]. La mort de Léosthène dans une escarmouche sous les murs de cette cité, remplacé par Antiphile, n'entame pas la combativité des Grecs qui, grâce à la cavalerie thessalienne, défont le satrape nouvellement nommé de Phrygie, Léonnat, lequel est tué. Néanmoins l'arrivée des renforts de Léonnat permet à Antipater d'évacuer Lamia.

C'est la venue de Cratère avec des troupes nombreuses, ainsi que les deux défaites navales d'Athènes en 322 av. J.-C., qui retourne la situation en faveur d'Antipater. Les Grecs sont battus en août à Crannon, en Thessalie[13] et la coalition se délite. La répression est particulièrement sévère (Hypéride est exécuté et Démosthène se suicide dans le temple de Poséidon situé dans l'île de Calaurie (aujourd'hui Poros), au large de l'Argolide) tandis que la démocratie est une fois de plus renversée. Cratère se prépare, avec Antipater, à poursuivre les Étoliens retirés dans leurs montagnes[14] quand son attention est détournée par les événements d'Asie.

Nouvelles conquêtes en Orient

En Orient, la vitalité militaire du jeune empire n'est pas entamée par la mort d'Alexandre. Ainsi l'année 322 av. J.-C. qui voit finir la guerre lamiaque est marquée par la soumission de la Cappadoce et l'annexion de la Cyrénaïque.

La Cappadoce, restée indépendante sous la domination d'Ariarathe, est attribuée au partage de Babylone à Eumène de Cardia ainsi que la Paphlagonie et les pays du Pont-Euxin jusqu'à Trapézonte[15]. Mais Léonnat qui doit mener la conquête est tué lors de la guerre lamiaque et Antigone refuse de s'en charger. C'est donc Perdiccas en personne qui dirige l'expédition. Accompagné de Philippe III, il marche sur la Cappadoce à la tête de l’armée royale[16]. Ariarathe a mis sur pied une troupe de 30 000 fantassins et de 5 000 cavaliers[17]. Cet effectif imposant ne doit pas surprendre car la Cappadoce et la Paphlagonie sont traditionnellement des terres de recrutements, notamment de cavaliers. Il semble par ailleurs qu'Ariarathe ne paie pas de tribut, ni à Darius III ni à Alexandre[18]. Perdiccas défait Ariarathe, en une ou deux batailles, les pertes du dynaste cappadocien s’élevant à 4 000 tués et à 5 000 prisonniers[19]. Ariarathe est capturé et mis en croix, châtiment que les Achéménides appliquaient aux rebelles, puis la ville de Laranda est prise ainsi que l'Isaurie, mais sans que le Pont-Euxin soit atteint[20]. Perdiccas accorde une amnistie aux Cappadociens insoumis et établit Eumène à la tête de sa satrapie[20].

Ptolémée arrive quant à lui en Égypte à la fin de 323 av. J.-C. (octobre ou novembre) où il est confronté à Cléomène, chargé par Alexandre de l'administration financière du pays et dont il était devenu satrape. Il semble que Cléomène ait été maintenu par Perdiccas pour seconder, et sans doute espionner, Ptolémée. Celui-ci et les autres diadoques voyaient dans ce moyen, et les conflits inévitables qu'il allait entraîner, une façon d'affaiblir la position de l'ambitieux général. Mais Ptolémée va rapidement éliminer le problème en accueillant avec attention les accusations d'exactions portées contre Cléomène par les Égyptiens, accusations semble-t-il fondées. Cléomène est exécuté rapidement. Débarrassé de son rival, Ptolémée se tourne vers la Cyrénaïque. Cyrène en effet est agitée par des troubles politiques entre diverses factions et un condottiere spartiate, Thibron, celui-là même qui avait tué Harpale en Crète, s'est emparé du pouvoir. Chassé de la ville par l'un de ses lieutenants, il assiège celle-ci laquelle, pour compliquer les choses, connaît une révolution démocratique. Certains oligarques se réfugient auprès de Ptolémée et parviennent à le convaincre de profiter de la situation. Le compagnon d'armes de Ptolémée, Ophellas, est envoyé avec une armée et écrase les Cyrénéens, entre-temps réconciliés avec Thibron. Thibron est tué et Ophellas devient le gouverneur de la Cyrénaïque pour le compte de l'Égypte (322 av. J.-C.).

La première guerre entre diadoques (322-319 av. J.-C.) et la régence d'Antipater

Le détournement par Ptolémée du convoi funéraire d'Alexandre (322 av. J.-C.), dont il faut bien voir toute la portée symbolique, ainsi que l'annexion immédiate de Cyrène, ont un très fort retentissement. Ces événements venus d'Égypte inquiètent Perdiccas, à qui une ambition démesurée procure beaucoup d'ennemis[21]. Cet affrontement d'ambitions, clairement affichées, donne le branle à la première crise majeure de l'après règne d'Alexandre.

Alexandre tenait le pouvoir de sa naissance bien sûr, mais aussi de son génie et de l'énergie qu'il mettait pour atteindre ses objectifs. Lui mort, la royauté représentée par un faible d'esprit et un enfant, personne n'est en mesure de s'imposer à ces nobles Macédoniens dont quelques-uns ne se croient pas indignes de succéder au conquérant. Plus de trente années de guerres sous Philippe II et Alexandre ont développé dans la noblesse de fortes personnalités.

Mais le démembrement de l'empire ne résulte pas que du choc d'ambitions rivales et individuelles. Cet empire est trop vaste et composé de parties disparates. À partir du moment ou l'autorité centrale est divisée, les forces centrifuges (langues, cultures, intérêts, etc.) entament le morcellement. D'ailleurs les monarchies hellénistiques (Séleucides, Attalides, rois de Bithynie, du Pont, etc.) reposeront moins sur un territoire que sur la personne des souverains à l'exception notable de l'Égypte et de la Macédoine. Et encore l'Égypte des Lagides ainsi que la Macédoine des Antigonides n'hésiteront pas à annexer des territoires en dehors de leurs frontières tout au long de l'époque hellénistique et qui ne seront unis que par la puissance et la personnalité des souverains.

L'émiettement de l'empire n'est donc pas un phénomène voulu explicitement au départ par les diadoques. Ceux-ci, depuis le partage de Babylone, cherchent surtout à s'assurer une certaine autonomie et à ne souffrir personne de plus puissant qu'eux. Dès que l'un des diadoques semble en mesure de restaurer à son profit la puissance impériale, une coalition des autres généraux met fin à ses ambitions. Perdiccas n'est que le premier à faire les frais de cette situation.

L'échec de Perdiccas en Égypte

Perdiccas, une fois le partage de Babylone effectué, voit non sans un certain plaisir partir les plus fortes personnalités (Ptolémée, Antigone, Cratère, etc.) vers leurs satrapies respectives. Il fait rapidement exécuter Méléagre, le commandant de l'infanterie macédonienne, que son comportement lors du partage avait rendu suspect. Surtout, il aide Eumène de Cardia à entrer en possession de la Cappadoce (322 av. J.-C.) après le refus d'Antigone. Eumène est un Grec qui, après une carrière à la tête de la chancellerie d'Alexandre malgré l'inimitié d'Héphaestion, avait succédé à Perdiccas à la tête d'une hipparchie. Il se révèle d'une fidélité tenace à la cause de l'unité impériale. Est-ce par fidélité au souvenir d'Alexandre ou par opportunisme ? Difficile à dire. Il est vrai que dans le cadre d'un partage entre diadoques il n'eût pas trouvé, de part ses origines non-macédoniennes, l'appui des troupes.

Perdiccas reçoit le soutien de la reine-mère Olympias. La querelle de celle-ci avec Antipater avait empoisonné les dernières années du règne du souverain et il n'est pas impossible qu'Antipater, appelé en Asie peu avant la mort du roi, ait été déjà disgracié. Il est l'un de ceux pour qui la mort d'Alexandre tombe à pic, ce qui explique les rumeurs, probablement erronées, concernant un éventuel empoisonnement d'Alexandre fomenté par Cassandre et Iollas (échanson du roi), les fils d'Antipater arrivés à Babylone peu avant juin 323 av. J.-C. Olympias, qui cherche à se débarrasser de Philippe III et d'Eurydice (elle-même petite-fille de Philippe II par sa mère Cynané et fille d'Amyntas IV, qu'Alexandre avait fait tuer lors de sa prise du pouvoir), invite Perdiccas à épouser sa propre fille Cléopâtre, la sœur du conquérant. Le projet d'Olympias est de faire venir Perdiccas en Macédoine afin d'y épouser Cléopâtre, alors qu'il est censé épouser Nikaia, fille d'Antipater. Elle est persuadé que le prestige des deux princesses associé au fait que Perdiccas peut faire figure d'héritier légitime ayant été désigné sur son lit de mort par Alexandre lèvera tous les obstacles surtout si Perdiccas amène avec lui la dépouille du héros pour la déposer à Ægées. Mais Perdiccas hésite. Il est confronté au passage en Asie de Cynané et de sa fille Eurydice avec une armée. Il envoie son frère Alcétas la combattre mais les soldats macédoniens refusent de porter les armes contre une fille de Philippe tant le prestige de la dynastie royale est encore important. Perdiccas parvient néanmoins à s'emparer de Cynané et la fait exécuter, mais ses soldats obtiennent de lui qu'il autorise le mariage d'Eurydice avec Philippe III. Perdiccas ainsi se fait de nombreux ennemis. Méfiant envers Antigone, lequel avait refusé d'apporter son concours à Eumène de Cardia dans la conquête de la Cappadoce, il lui demande des comptes dans la gestion de sa satrapie. Antigone se réfugie alors auprès d'Antipater et de Cratère (322 av. J.-C.).

Ces derniers, qui viennent d'en finir avec la guerre lamiaque, signent une paix hâtive avec les Étoliens et prennent contact avec Ptolémée tant l'attitude de celui-ci sera décisive pour faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Cela dit, Antipater ne doute pas de son appui car son hostilité à Perdiccas est connue. Ainsi en quelque temps Perdiccas voit ses plans s'écrouler. Lassée par ses atermoiements, Cléopâtre refuse désormais de se marier avec lui, sans doute sur les conseils de sa mère Olympias furieuse du mariage d'Eurydice avec Philippe III, qui lui apparaît comme une menace. Mais surtout Ptolémée s'empare en Syrie de la dépouille mortelle d'Alexandre en achetant Arrhabée, l'officier chargé du convoyage vers la Macédoine, et la rapatrie sur Memphis en attendant le tombeau qu'il lui prépare sur Alexandrie dont il souhaite faire sa capitale[22].

Perdiccas laisse alors en Asie mineure son frère et Eumène de Cardia pour contenir Cratère et Antipater et décide d'abattre Ptolémée. Il sous-estime cependant son adversaire. Ptolémée a été l'un des meilleurs officiers d'Alexandre, de plus son accessibilité, son humilité, contrairement à la morgue de Perdiccas, le rendent populaire auprès des Macédoniens. Enfin la frontière orientale du delta du Nil est relativement facile à défendre par un souverain énergique. Perdiccas échoue devant Péluse, puis tente en vain de faire passer le Nil à son armée. Il perd 2000 hommes dans cet échec qui sonne le glas de sa tentative. Il est assassiné en 321 av. J.-C. sous sa tente par Antigénès, Peithon et Séleucos[23]. Ptolémée est suffisamment avisé pour ne pas prendre le titre de chiliarque en lieu et place de Perdiccas. Il confie à Peithon et Arrhabée la charge de veiller sur les deux rois et attend l'arrivée d'Antigone, Cratère et Antipater.

La guerre en Asie Mineure

Au printemps -321, Antigone débarque ses troupes à Éphèse tandis que Antipater et Cratère traversent l'Hellespont. Eumène doit quitter la Phrygie ; il se réfugie dans sa satrapie de Cappadoce et alerte Perdiccas du débarquement d’Antipater. Le chiliarque, alors stationné en Cilicie avec les rois, décide de marcher sur l’Égypte[24], tandis qu'Eumène est chargé de défendre l’Asie Mineure contre le régent d’Europe et ses alliés[25]. Le titre de stratège autokrator donne à Eumène le commandement des armées d’Asie Mineure qui sont à cette époque sous le contrôle d’Alkétas, frère de Perdiccas, et de Néoptolème, satrape d’Arménie[26]. Ce qui pose à Eumène de graves difficultés : Alkétas refuse d’abord de prendre part à l’expédition et se replie en Pisidie car ses soldats « auraient honte de combattre contre Antipater [ et ] n’avaient que bons sentiments pour Cratère »[27]. Par ailleurs Néoptolème, chef des hypaspistes d’Alexandre, n’a jamais témoigné de considération envers Eumène le « scribe grec »[28]. Néoptolème accepte donc les propositions de ralliement faites par Antipater et détourne une grande partie de la phalange macédonienne. Eumène reçoit également des ambassadeurs du régent de Macédoine mais il refuse toute négociation. Eumène parvient à intercepter la troupe de Néoptolème en Phrygie Hellespontique (avril -331) et remporte la victoire en renforçant son infanterie déficiente par un fort contingent de cavaliers cappadociens[29]. Eumène s’empare en outre des bagages de la phalange macédonienne qui finit par se rallier à lui. Néoptolème parvient malgré tout à s’échapper avec une petite troupe de cavaliers et se réfugie auprès de Cratère. Antipater tente sans succès de conclure une nouvelle fois une alliance avec Eumène. Il est donc décidé que Cratère et Néoptolème marchent contre Eumène, tandis qu’Antipater doit gagner la Cilicie pour combattre Perdiccas.

La mort de Cratère

La bataille décisive entre adversaires et partisans de Perdiccas se serait déroulée dix jours après celle ayant opposé Eumène de Cardia et Néoptolème[30]. Prévenu de l’arrivée imminente de Cratère, Eumène regroupe son armée et utilise habilement le mythe d’Alexandre auprès de la troupe : « Deux Alexandre » lui seraient apparus en songe, l’un protégé par Athéna, l’autre par Déméter, et se sont livrés un combat à l’issue duquel est vaincu le protégé d’Athéna. Eumène donne donc pour mot d’ordre « Déméter et Alexandre » et demande à ses soldats de se couronner d’épis de blé, symbole de la déesse[31]. Il semble même qu’Eumène cache à ses troupes qu’elles vont combattre Cratère en personne[32], bien qu’il soit plus probable qu’Eumène se contente de ne ranger sur son aile gauche aucun Macédonien car ceux-ci n’auraient effectivement pas osé combattre Cratère[33].

Cratère dispose de 20 000 fantassins, majoritairement Macédoniens, et de 2 000 cavaliers. Eumène lui oppose 20 000 fantassins de « toutes origines » (pantodapoi), dont les phalangites de Néoptolème, et 5 000 cavaliers grâce auxquels il compte remporter la victoire[34]. Eumène ordonne donc à ses cavaliers orientaux de charger immédiatement l’aile droite commandée par Cratère qui trouve la mort dès le début des combat[35]. Néoptolème est tué par Eumène lors d'un duel âprement disputé[36]. La phalange macédonienne négocie alors une trêve laissant la victoire à Eumène. Ce dernier fait élever un trophée sur le champ de bataille, peut-être en sa qualité de Grec car cet usage ne semble pas être en vigueur chez les Macédoniens[37]. Étant donné leur amitié passée et le prestige du sômatophylaque d’Alexandre, Eumène organise également une cérémonie funéraire en l’honneur de Cratère et fait rapatrier son corps en Macédoine[38]. La trêve n'est pas respectée par les phalangites qui, ayant reçu l’autorisation de se ravitailler, profitent pour s’échapper auprès d’Antipater[39]. Dès que l’armée d’Égypte apprend la mort de Cratère et de Néoptolème, Eumène est condamné à la peine capitale et déclaré ennemi des Macédoniens par une assemblée de l’armée[40].

Malgré les victoires d’Eumène en Asie Mineure, la cause de Perdiccas — et de ses partisans — est néanmoins perdue. Antigone a vaincu la flotte du chiliarque vers Chypre et Antipater, contournant Eumène, est déjà en Cilicie. Quand le résultat de la guerre en Égypte est connu, une rencontre entre les vainqueurs est décidée. Elle a lieu à Triparadisos, au nord de la Syrie en -321. Antigone est nommé stratège d’Asie par Antipater, à charge pour lui de vaincre Alcètas et Eumène en Asie Mineure[41].

Le partage de Triparadisos (321 av. J.-C.)

La situation lors de cette rencontre est assez confuse. Il semble qu'une nouvelle mutinerie éclate, sans doute fomentée par Eurydice, qui contrairement à son mari est saine d'esprit et fort ambitieuse de surcroît. Le tuteur des rois était en effet, depuis le partage de Babylone, Cratère, bien que ce soit Perdiccas qui en avait la garde effective. La mort de Cratère lui laisse, du moins le croit-elle, le champ libre. Elle tente dans un premier temps de s'imposer auprès de Peithon et Arrhabée, que Ptolémée a chargé de gouverner l'armée de Perdiccas en attendant la rencontre avec les autres diadoques. Son échec ne la décourage pas et elle est très probablement à l'origine de la mutinerie qui éclate à Triparadisos contre Antipater. Eurydice utilise le mécontentement de l'armée, qui réclame les gratifications qu'Alexandre lui avait promises, et accuse Antipater en public[42]. Antigone le Borgne et Séleucos sont malmenés lorsqu'ils prennent la défense d'Antipater. Antigone finit par rameuter ses troupes et reprendre le contrôle de la situation mais cet épisode montre la fragilité de la situation pour chaque diadoque. C'est l'armée, selon la coutume macédonienne, qui est la dépositaire de la volonté nationale, et qui peut donc intervenir dans le choix du souverain.

La principale décision prise à Triparadisos est de confier la régence à Antipater. Il est à la fois chef de l'armée, puisqu'à son arrivée Peithon et Arrhabée lui ont transmis leur pouvoir provisoire sur les troupes, mais aussi chef du gouvernement et tuteur des rois. Un nouveau partage des satrapies est alors décidé pour tenir compte de la nouvelle situation politique. Ptolémée est bien sûr maintenu en Égypte, avec toute latitude pour intervenir à l'ouest. Cela revient pour le gouvernement central à se dessaisir en sa faveur de ses prérogatives politiques et militaires sur la frontière méridionale de l'empire. Séleucos devient satrape de Babylone. Ce changement est à noter car en 323 av. J.-C., il avait préféré le poste prestigieux d'hipparque, à savoir un poste auprès du pouvoir central considéré comme plus important que celui de satrape ; cette fois, il estime nécessaire d'avoir un gouvernement provincial. Les forces centrifuges sont entrées en action et certains diadoques le comprennent parfaitement. D'autres sont récompensés pour avoir participé au complot contre Perdiccas ; ainsi Antigénès se voit confier la satrapie de Susiane, Peithon se voit confirmer en Médie.

Antigone voit son domaine s'agrandir puisque déjà satrape de Grande Phrygie, de Lycie et de Pamphylie, il y ajoute la Lycaonie. Surtout il est chargé de mettre fin à la guerre avec Eumène de Cardia dont le domaine jouxte le sien. Enfin Antipater lui laisse le commandement effectif de l'armée avec le titre de « stratège d'Asie » et lui laisse la garde des rois. C'est faire d'Antigone un véritable vice-roi, aucun diadoque n'ayant une puissance équivalente si l'on excepte peut-être Ptolémée. Antipater lui adjoint cependant comme second le nouveau maître de la cavalerie, son propre fils Cassandre. La mésentente entre Antigone et Cassandre est fatale, aucun n'étant disposé à jouer les seconds rôles. Elle éclate peu après, Antipater n'étant pas encore rentré en Macédoine, et Cassandre est désavoué par son père. Il parvient cependant à convaincre celui-ci de ne pas se séparer des rois et à les emmener en Macédoine. Toutefois Antipater ne peut se permettre une dispute avec Antigone, aussi entoure-t-il son geste de défiance par des bons procédés. Il donne ainsi sa fille Phila en mariage au fils d'Antigone, Démétrios Ier. Cette union, qui engendre le futur Antigone II Gonatas et Stratonice, ne sera guère heureuse mais renforcera provisoirement les liens entre les deux diadoques.

La régence d'Antipater (321-319 av. J.-C.)

La prééminence d'Antipater dure environ deux ans. Elle est marquée par la reprise du conflit contre les Étoliens qui, profitant du départ d'Antipater et Cratère pour l'Asie, avaient envahi la Thessalie. Celle-ci est reconquise par Polyperchon, aidé il est vrai par une invasion d'Acarnaniens sans doute suscitée par Antipater.

En Asie, Antigone est quasiment venu à bout d'Eumène de Cardia et des derniers partisans de Perdiccas. Mal secondé par le frère de ce dernier, Alcétas, qui est tué en Pisidie, Eumène, avec 500 cavaliers et 200 fantassins, se réfugie dans la forteresse de Nora (Kodja ou Hassan-Dagh, dans l'actuelle Turquie), aux confins de la Cappadoce et de la Lycaonie[43].

La cité d'Athènes retrouve après les troubles de la guerre lamiaque une certaine prospérité matérielle sous le gouvernement de Phocion. Mais le ressentiment contre les Macédoniens, dont une garnison est présente à Munychie, reste fort. Aussi Démade, considéré comme un ami de la Macédoine, est envoyé auprès d'Antipater afin d'obtenir le départ des troupes. Mais les multiples palinodies de Démade dans le passé, dont des lettres invitant trois ans plus tôt Perdiccas à venir libérer la Grèce qui ne tenait plus qu'à « ce vieux fil pourri d'Antipater »[réf. nécessaire], suffisent à Dinarque de Corinthe, un ami de Phocion, à le faire accuser de trahison. Cassandre qui le juge fait égorger son fils devant lui avant de le faire exécuter.

Antipater, malade, laisse faire. Il meurt peu après à l'âge de 78 ans (été 319 av. J.-C.). Avec lui disparaît le dernier compagnon de Philippe II, contemporain de Parménion. Certes il n'a pas participé directement à l'expédition d'Alexandre, mais il l'a rendue possible en maintenant la Grèce sous la tutelle macédonienne. Sa succession va relancer les conflits entre les diadoques.

Antigone le Borgne, ou la dernière tentation impériale

La mort d'Antipater voit se lever en Asie l'ambition d'Antigone. Maître de la plus grande partie de l'Asie mineure, vaguement apparenté à la dynastie des Argéades, il se juge visiblement comme le seul capable d'incarner l'idée impériale. Aussi est-ce cette personnalité qui domine l'histoire complexe de l'Orient hellénistique les quinze années qui suivent la disparition du régent. Non que les personnalités des autres diadoques manquent de grandeur ou d'énergie mais comparées à celle d'Antigone, leurs ambitions semblent limitées à se constituer dans l'empire d'Alexandre un espace personnel, quitte à contribuer à son éclatement. Antigone lui a en tête la volonté de tout dominer[44]. Certes il n'est pas, quoique âgé déjà au moment de l'expédition d'Alexandre, l'un des officiers les plus prestigieux du monarque défunt. Il avait été fait satrape de Phrygie mais sans jamais avoir un commandement de premier plan. Cependant, à près de 65 ans, il révèle des talents militaires certains contre les partisans de Perdiccas, d'autant qu'il est rapidement secondé par son fils Démétrios Ier Poliorcète, un des plus brillants capitaines de ces temps.

Pièce à l'effigie d'Antigone. L'inscription rapporte ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΝΤΙΓΟΝΟΥ / BASILEÔS ANTIGONOU, « Roi Antigone »

La coalition contre Polyperchon

Antipater se méfit visiblement de son fils Cassandre. Il transmet en effet le pouvoir à l'un de ses collaborateurs, Polyperchon, tandis que Cassandre est nommé « chiliarque » et commandant de la cavalerie, titre qu'il avait déjà obtenu à Triparadisos. L'âge de Polyperchon, son manque de prestige et l'ambition de Cassandre entraîne dès le décès d'Antipater un nouveau conflit. De plus, la nomination de Polyperchon ne possède aucune base politique puisqu'elle n'émane pas d'un compromis entre les diadoques.

Cassandre va s'allier tout d'abord à Ptolémée, qui vient de s'emparer de la Syrie-Phénicie sur le satrape désigné à Triparadisos, Laomédon. De ce fait, le satrape d'Égypte est en délicatesse avec le pouvoir central représenté par Polyperchon. Quant à Antigone, qui déjà s'est emparé de la Lydie et de la Phrygie hellespontique, il cherche à se concilier Eumène de Cardia, qu'il n'arrive pas à déloger de la forteresse de Nora, et entre en négociation avec lui par l'intermédiaire d'un ami commun, l'historien Jérôme de Cardia.

Polyperchon cherche donc à se concilier des alliés. Pour cela, il proclame la liberté des Grecs[45] et se rapproche des démocrates. Son édit proclame sa volonté de rétablir les constitutions du temps de Philippe et Alexandre, reconnaît les maux dont les Grecs ont souffert (tout en les blâmant d'avoir résisté aux Macédoniens) et en détourne la responsabilité sur les partisans de l'oligarchie, soutenus par Antipater (pourtant son ancien mentor) et Cassandre (son principal ennemi). En Asie, Polyperchon songe à obtenir l'aide d'Eumène et lui écrit une lettre en ce sens que rapporte Diodore de Sicile[46]. Eumène est sorti de Nora après un accord avec Antigone mais continue de proclamer sa fidélité aux rois (et donc à l'idée impériale), seul moyen pour lui de justifier sa lutte contre les autres diadoques. Il reçoit l'aide d'un corps de 3000 « Argyraspides », vétérans des guerres d'Alexandre parfois âgés selon Plutarque de plus de 60 ans mais expérimentés, dirigés par deux officiers nommés Antigénès, satrape de Susiane, et Teutamos. Eumène est aussi nommé par Polyperchon « stratège d'Asie[47] », titre qu'Antigone avait reçu à Triparadisos. Ainsi s'affrontent à l'interieur de l'empire deux forces antagonistes.

Cassandre s'impose en Grèce et Macédoine

Lutte pour le contrôle d'Athènes

L'édit de Polyperchon met en difficulté Phocion, le chef de la faction oligarchique d'Athènes, ainsi que Nicanor, un ami de Cassandre qui dirige la garnison macédonienne. Le retour prévisible de nombreux bannis, la réorganisation du parti démocratique qui retrouve un chef en la personne d'Hagnonidès de Pergase ne conviennent pas à Nicanor qui s'empare du Pirée. La situation se complique avec l'arrivée en Attique d'Alexandros, le fils de Polyperchon, qui prend le contrôle du Pirée alors que Nicanor se réfugie auprès d'Antigone. Phocion, mis en accusation par Hagnonidès, se rend auprès d'Alexandros mais celui-ci l'abandonne au jugement d'Athènes, proclamée indépendante, et quitte Le Pirée. Phocion, accusé devant l'assemblée qui refuse d'écouter sa défense, meurt en buvant la ciguë.

Cette victoire de la démocratie est de courte durée. Cassandre, avec une troupe peu importante, s'empare de nouveau du Pirée et Polyperchon, arrivé en renfort, ne peut s'emparer de la ville. Il laisse alors Alexandros devant la ville et tente de prendre Megalopolis (vers 318317 av. J.-C.) qui refuse d'appliquer son édit. Il compte sur ses éléphants, encore inconnus en Grèce, et parvient à percer une brèche dans la muraille. Les Mégapolitains parviennent cependant à repousser l'assaut en cachant sous terre des portes hérissées de clous[48]. Son prestige, déjà faible en est amoindri. De plus Cassandre voit l'élection comme « archonte décennal » en 317 av. J.-C. de Démétrios de Phalère, qui impose une oligarchie modérée (il crée un système censitaire qui porte à 1000 drachmes le revenu exigé pour être citoyen actif, et fait exécuter le chef du parti démocratique Hagnonidès) et maintient Athènes dans l'alliance avec Cassandre. Ce dernier accepte l'indépendance d'Athènes mais une garnison macédonienne reste à Munychie.

Cassandre régent

Cassandre repart alors en Macédoine et s'entend avec la reine Eurydice. Il peut ainsi se proclamer régent cependant que Polyperchon, qui ne contrôle guère que le Péloponèse, est déchu de ce titre. Eurydice ordonne au nom de Philippe III à Polyperchon et Antigone le Borgne de remettre leurs armées à Cassandre, auquel est confié l'administration du royaume. La Grèce du nord se rallie à Cassandre (317 av. J.-C.) tandis qu'il marche sur Polyperchon, laissant la garde des rois à son frère. Cassandre commence alors le siège de Tégée. Polyperchon sollicite le soutien d'Olympias, la mère d'Alexandre le Grand, qui d'Épire observe avec attention la situation. Elle entre en Macédoine, profitant de l'absence de Cassandre, et s'empare, sans combattre véritablement (les soldats ne voulant lever les armes contre la mère d'Alexandre), du roi Philippe III à Euia, sur la frontière entre la Macédoine et la Thessalie. Eurydice est bientôt elle aussi arrêtée alors qu'elle fuyait vers Amphipolis.

L'assassinat de Philippe III et la fin d'Olympias

En septembre 317 av. J.-C., Olympias fait assassiner Philippe III par ses soldats thraces et contraint Eurydice au suicide. Elle fait également exécuter 100 de leurs partisans, dont Nicanor, le frère de Cassandre. Celui-ci réagit avec rapidité et tandis que ses officiers repoussent les Épirotes et Polyperchon, il fait le siège de Pydna où s'est enfermée Olympias. Après un long siège (hiver 317 – printemps 316 av. J.-C.), la ville est contrainte de se rendre. Cassandre, qui craint encore l'influence de la reine mère (Pella et Amphipolis résistent encore un certain temps), la fait assassiner et s'empare du roi Alexandre IV et de sa mère Roxane. Cassandre se comporte désormais en véritable souverain, sans en avoir le titre. Il est de plus lié à la dynastie d'Alexandre ayant épousé l'une des filles de Philippe II, Thessaloniké. Il fonde Cassandréia, sur l'emplacement de Potidée, peuplée de colons venant de la Chersonèse et de ce qui reste des Olynthiens, puis en 315 av. J.-C. la ville de Thessalonique, du nom de sa femme. Sa décision de rebâtir Thèbes est plébiscitée en Grèce. Enfin, dans une dernière expédition en Argolide et en Messénie, il réduit Alexandros, le fils de Polyperchon, à la possession de quelques places fortes.

Antigone s'impose en Asie (319-316 av. J.-C.)

Premier succès d'Antigone

La lutte qui s'ouvre en Asie à la mort d'Antipater est avant tout un duel entre Antigone le Borgne et Eumène de Cardia. Celui-ci, aux abois à l'été 319 av. J.-C., réussit à retourner la situation. Il reçoit de Polyperchon des fonds et le titre de stratège d'Asie. Il lève des troupes et sait habilement s'effacer devant le souvenir d'Alexandre le Grand. Pour cela, il dresse dans la tente de son état-major le trône royal, avec le sceptre et le diadème, et fait libeller les ordres à son armée au nom du roi défunt. De cette manière, il rattache ses actions à la cause officielle de défense de la monarchie tandis que se répand dans les camps le culte d'Alexandre. Eumène, un Grec, contraste fortement dans sa personnalité avec l'orgueil des diadoques macédoniens et est réputé pour le raffinement de ses mœurs et ses manières séduisantes[49]. Dans un premier temps, il descend sur la Phénicie, prudemment abandonnée par Ptolémée qui se replie sur la Syrie du sud. Il semble qu'Eumène cherche à construire une flotte pour rejoindre Polyperchon en Europe. Mais cela pose un problème majeur, il lui faut éviter la flotte lagide qui croise entre Chypre et l'Égypte. C'est alors que lui parvient la nouvelle d'un nouveau succès d'Antigone.

Polyperchon avait chargé l'amiral macédonien Cleithos, le vainqueur de la flotte athénienne lors de la guerre lamiaque, d'empêcher la jonction des forces de Lysimaque, le satrape de Thrace qui venait de se débarrasser des menaces d'invasions des peuples vivants au nord de son gouvernement et qui, de ce fait, était à la tête d'une armée aguerrie. La maîtrise des mers est vitale pour Polyperchon afin de pouvoir joindre ses efforts à ceux d'Eumène. Cleithos est vainqueur en mer mais Antigone, avec l'aide de Nicanor, l'un des officiers de Cassandre, et de la cité de Byzance réussit, le soir même de la bataille, à passer ses troupes sur la rive européenne de l'Hellespont et, comme Lysandre à la bataille d'Aigos Potamos, il détruit le camp et la flotte ennemie au mouillage (318 av. J.-C.).

Troubles dans la partie orientale de l'empire

Eumène quitte la Phénicie (sans doute à l'été 318 av. J.-C.) pour la Babylonie afin de profiter des troubles qui viennent d'éclater dans la partie orientale de l'empire. Peithon, le satrape de Médie, avait tenté de se créer une principauté sur le plateau iranien en s'emparant de la Parthie pour la donner à son frère Eudamos. Il est alors chassé par une coalition de satrapes animée par Peucestas, qui gouverne la Perse, et se réfugie auprès de Séleucos à Babylone. Eumène, qui passe ses quartiers d'hiver (318-317 av. J.-C.) en Babylonie, intime l'ordre à Séleucos et Peithon de le rejoindre dans sa lutte contre Antigone, mais ils refusent et tentent sans succès de débaucher son armée. Eumène passe alors le Tigre dans des conditions difficiles, Séleucos ayant fait ouvrir des digues. Finalement, Séleucos traite avec lui et le laisse rejoindre en Susiane, à l'est de Babylone, les diadoques coalisés. Au total son armée est estimée à 40 000 hommes et à 120 éléphants.

Victoire d'Antigone sur Eumène de Cardia (317-316 av. J.-C.)

Antigone arrive en Mésopotamie à l'été 317 av. J.-C. et reçoit l'appui de Peithon et Séleucos. Ils marchent sur Suse dont Séleucos commence le siège tandis qu'Antigone se dirige contre Eumène. La tentative de traversée du fleuve Copratès est un désastre (Antigone perd plusieurs milliers d'hommes) et le diadoque décide de remonter vers la Médie à travers le pays des Cosséens (région entre Suse et Ecbatane) sans payer le tribut à ces montagnards qui harcèlent alors les troupes. Eumène se retire vers la Perse au sud-est, ses alliés songeant d'abord à protéger leurs satrapies. La confrontation a lieu à l'automne 317 en Paratécène (région au centre-ouest de l'Iran actuel). Si Antigone reste maître du champ de bataille, ses pertes sont plus lourdes que son adversaire et il se retire en Médie.

C'est alors qu'Antigone entreprend le projet risqué de surprendre son adversaire dans ses quartiers d'hiver. Par des chemins escarpés, estimés impraticables pour une armée, Antigone tombe sur les cantonnements disséminés d'Eumène en Perside. Celui-ci réussit quand même à réunir ses troupes et une dernière bataille a lieu au début de l'année 316 en Gabiène. Antigone, profitant de la poussière qui s'élève du champ de bataille, parvient à s'emparer du camp d'Eumène. Mais les Argyraspides d'Eumène semblent irrésistibles, surtout sur l'aile gauche, renforcée pour combattre l'aile droite ennemie où se trouve Antigone. Finalement la trahison de Peucestas et de sa cavalerie qui se retirent de la bataille décide du sort des armes. Les Argyraspides livrent Eumène à Antigone contre leurs femmes et enfants pris avec leur camp. Leurs officiers Teutamos et Antigénès sont exécutés sur ordre d'Antigone, qui règle ainsi une vieille rancœur. Quant à Eumène, il est tué sur ordre d'Antigone, sans doute sous la pression de ses soldats[50]. Antigone peut se croire le maître de l'Asie.

Première coalition contre Antigone et la paix de 311 av. J.-C.

Antigone agit en maître

À peine a-t-il vaincu Eumène de Cardia, et tandis que son allié Cassandre s'impose en Macédoine contre Olympias, qu'Antigone se lance dans un vaste mouvement de réorganisation de l'Asie (316 av. J.-C.) et se comporte ainsi en souverain. Il écarte sans ménagement les divers satrapes pour les remplacer par des hommes à lui. C'est ainsi que Peucestas, à qui il doit pourtant sa victoire contre Eumène, est écarté de Perse où il est populaire. Peithon de Médie est exécuté[51] et Antigone vient à Babylone demander des comptes à Séleucos. Celui-ci ne doit son salut qu'à la fuite. Antigone, imitant en cela Alexandre, n'hésite pas à nommer des Perses. De plus il s'empare du trésor de Kyinda (Cilicie), estimé à 10 000 talents, auquel s'ajoutent ses revenus annuels d'environ 11 000 talents[52]. Il est donc en 316 le plus riche et le plus puissant des diadoques.

Première coalition contre Antigone (316 av. J.-C.)

Séleucos trouve refuge auprès de Ptolémée en Égypte. Il lui est facile de convaincre le Lagide du danger que constitue la montée en puissance d'Antigone. Le précédent de l'attaque de Perdiccas sur l'Égypte en 322 av. J.-C. démontre bien que, pour tout candidat à la restauration de la puissance impériale, l'indépendance et la richesse de l'Égypte représentent une menace. De plus Ptolémée a des visées nettes sur la Syrie, qu'il avait déjà occupée provisoirement vers 318 av. J.-C., contrôlée dorénavant par Antigone. Des ambassadeurs sont envoyés à Cassandre et Lysimaque, inquiets eux aussi des projets d'Antigone. Une coalition se forme donc avec les trois diadoques (auxquels certains historiens ajoutent le satrape de Carie, Asandros). Un véritable ultimatum est adressé à Antigone. Il réclame un nouveau partage des satrapies, ce qui reviendrait à démanteler le domaine d'Antigone, avec la Babylonie pour Séleucos, la Syrie pour Ptolémée, la Lycie et la Cappadoce pour Cassandre[53] et la Phrygie hellespontique pour Lysimaque. De plus, les diadoques réclament un partage équitable des trésors royaux. Sans considérations diplomatiques particulières, le vieux diadoque — Antigone a environ 68 ans en 316 — se déclare prêt à la guerre[54].

La proclamation de Tyr (315 av. J.-C.)

Antigone souhaite porter la guerre en Europe, car c'est, nominalement du moins, la tête de l'empire. De plus il espère probablement mettre la main sur le roi survivant, Alexandre IV de Macédoine, le fils d'Alexandre. Mais il est retenu en Asie par ses adversaires et n'intervient en Grèce et en Macédoine que par l'intermédiaire de ses alliés. En effet, par un retournement d'alliance, Antigone s'est allié à Polyperchon, qui deux ans plus tôt était le principal soutien d'Eumène. Polyperchon, et son fils Alexandros, ne tiennent guère que quelques places fortes dans le Péloponnèse mais les Étoliens et le roi Éacide d'Épire, un cousin d'Olympias, sont hostiles à Cassandre. De plus celui-ci gouverne en Grèce en s'appuyant sur les factions oligarchiques des cités. Antigone cherche donc à s'allier les partisans de la démocratie en Grèce.

C'est dans ce contexte qu'il faut analyser la proclamation qu'il fait dans son camp en 315 lors du siège de Tyr, tenue par une garnison lagide. Dans ce texte[55], mélange de mauvaise foi et parfois de mensonges[56], Antigone accuse Cassandre d'avoir tué Olympias, de maintenir prisonniers à Amphipolis Roxane et son fils, d'avoir contraint Thessaloniké à l'épouser, bref d'être en train d'usurper la royauté macédonienne. Il lui reproche aussi de rétablir les habitants d'Olynthe, vieux adversaires des Macédoniens, dans leur cité en créant Cassandréia[57]. Il condamne sa décision de faire reconstruire Thèbes, détruite par Alexandre.

Il fait donc voter par ses troupes un décret aux termes desquels Cassandre est déclaré ennemi à moins qu'il ne détruise les cités en question, ne reconnaisse son titre de « stratège d'Asie[58] ». Enfin Antigone s'attribue pour la première fois le titre de régent (« épimélète »). Polyperchon, à la mort d'Antipater, avait porté ce titre sans qu'aucun des diadoques ne le lui reconnaisse. Antigone prend ce titre afin de justifier ses prétentions — bien qu'il soit dans l'incapacité d'assumer la fonction puisque le roi Alexandre IV est entre les mains de son adversaire. Cette condamnation de Cassandre, qui n'est pas l'adversaire militairement le plus dangereux pour Antigone (il opère d'ailleurs en 315 contre Ptolémée), a plusieurs causes : Cassandre reste maître de la Macédoine ce qui lui apporte une certaine légitimité et des possibilités de recrutement militaire ; de plus il tient le roi légitime en sa possession et dispose ainsi de la source de toute autorité légale, sans compter que son mariage avec une fille de Philippe II lui crée un lien familial avec la dynastie d'Alexandre ; enfin, Cassandre condamné, ses alliés ne sont plus que de simples rebelles, ce qui légitime les actions militaires d'Antigone.

Mais la décision la plus importante de cette proclamation reste le décret qui proclame « la liberté des Grecs ». Cette promesse, dont la bonne fortune va durer jusqu'à la conquête romaine, va plus loin que le décret de Polyperchon de 319 av. J.-C.[59] La paternité de cette idée revient donc à Antigone[60]. C'est pour lui une façon d'affaiblir Cassandre car les méthodes utilisées par Antipater et son fils rendent la domination macédonienne odieuse. Ils s'appuient sur les oligarques, alors même que ce mode de gouvernement est en recul dans le monde grec, persécutant les gouvernements démocratiques qui pourtant avaient les faveurs d'Alexandre lui-même. De fait, Cassandre fait régner, en s'appuyant sur les classes possédantes un climat d'« ordre moral[61] ». Le cas le plus connu est celui de Démétrios de Phalère à Athènes. Il ne faut cependant pas voir dans cette proclamation une simple manœuvre d'Antigone dans le but d'encourager les cités grecques à se révolter contre Cassandre. Mais il est le premier des souverains hellénistiques, la création plus tard du koinon des Nésiotes le prouve, à envisager les nouveaux rapports qui vont se créer entre cités et États sous un angle politique nouveau qui n'est pas uniquement fondé sur le rapport de forces.

Ptolémée n'hésite d'ailleurs pas à suivre l'exemple d'Antigone et lance à son tour une proclamation en faveur de l'autonomie des cités[62]. Cela peut sembler surprenant, car il prend son allié Cassandre à contre-pied, mais il est probable que le Lagide a une vision sur le long terme. Quel que soit le diadoque qui s'impose en Macédoine, Antigone ou Cassandre, il s'arrogerait le titre de régent et voudrait s'imposer aux autres diadoques. Ptolémée serait donc son principal adversaire et il faut voir dans l'action de celui-ci une volonté de préserver son avenir en se réservant des armes contre un adversaire encore incertain.

Les combats en Grèce (315-312 av. J.-C.)

Aristodème de Milet, l'un des généraux d'Antigone, porte le décret de son maître en Grèce. Il trouve rapidement de nombreux soutiens et en particulier celui des Étoliens. Cassandre cependant réagit avec vigueur. Il entre en campagne contre Polyperchon (dans le Péloponnèse), dont le fils Alexandros est massacré par les démocrate de Sicyone[63]. Polyperchon, acculé, finit par quitter l'alliance avec Antigone pour se rallier à son vieil adversaire, Cassandre, en 315 av. J.-C. Cassandre se retourne alors contre Aristodème, les Étoliens et les Illyriens sans succès décisifs. Mais en 314 av. J.-C., il remporte plusieurs victoires et reprend les cités de Leucade, Apollonie et Épidamne aux Illyriens. C'est alors qu'un neveu d'Antigone, Télesphore, débarque en Grèce grâce au soutien des îles de la mer Égée dont les principales (Lemnos, Imbros et Délos[64]) abandonnent la cause de Cassandre et redonnent naissance à l'antique Confédération des insulaires des Cyclades (koinon des Nésiotes). Les diverses cités aident Antigone vers 315, alors qu'il assiège Tyr, à se constituer une flotte qui permet ainsi à Télesphore de porter le fer chez l'adversaire de son oncle.

Le neveu d'Antigone remporte plusieurs succès (313 av. J.-C.), notamment dans le Péloponnèse et en Béotie, mais Cassandre écrase les Étoliens et les Épirotes (dont le roi est tué). Cependant c'est un succès sans lendemain pour le maître de la Macédoine car un autre neveu d'Antigone, prénommé Polémée, intervient en Grèce, réprime une révolte de Télesphore, lequel tentait semble-t-il une aventure personnelle, et parvient à enlever la Grèce à Cassandre. Il s'en faut de peu pour qu'Antigone ne passe lui-même en Grèce mais la défaite de son fils, Démétrios, à Gaza le contraint à rester en Asie. Si cette défaite brise l'élan de l'offensive contre Cassandre, celui-ci est néanmoins très affaibli et accepte, ainsi que Lysimaque[65], des propositions de paix (312 av. J.-C.)[66].

La guerre en Asie

En Asie cependant les combats, jusqu'en 313 av. J.-C., se limitent à un affrontement entre Antigone et Ptolémée. Le satrape d'Égypte est un général prudent, peu enclin à jouer son avenir sur une bataille, et de ce fait il répugne à s'éloigner de sa base arrière. Il est vrai que contre Perdiccas, cette stratégie lui a été bénéfique. Ainsi abandonne-t-il la Syrie, en refusant d'affronter Antigone, et laisse une importante garnison à Tyr, qui résiste près d'un an (315-314). Ptolémée confie la direction de sa flotte à Séleucos, lequel croise au large de Chypre et de l'Asie mineure[67].

Pour Antigone, la période 314-313 est une période faste. La chute de Tyr ne lui permet pas certes de partir à l'assaut de l'Égypte que son adversaire a fortifié. De plus la crainte d'Asandros, sur ses arrières en Asie mineure, le fait hésiter. Il décide alors, modifiant son ambition initiale, de s'emparer de l'Asie mineure, tandis que ses neveux Télesphore puis Polémée débarquent en Grèce. Antigone s'allie avec Zipœtès, le roi de Bithynie, ainsi qu'avec les villes de Chalcédoine et celle d'Héraclée. En -313, tandis que la Grèce échappe progressivement à Cassandre, la ville de Cyrène se révolte contre Ophellas, le gouverneur nommé par Ptolémée. Antigone parvient enfin à détacher Asandros de la coalition et s'empare des villes de la côte ionienne dont Milet.

C'est alors que Ptolémée comprend que son prudent attentisme n'est plus de mise. Aussi réagit-il avec plus de force que d'habitude. Il s'empare de Chypre et impose le pouvoir de son gouverneur, Nicocréon de Salamine. Il se retire chargé de butin. Mais Ptolémée est aussi servi par la fougue inconsidérée de Démétrios qui perd la grande Bataille de Gaza (312 av. J.-C.). La Phénicie et la Syrie retombent entre les mains du Lagide. Dans le même temps, Séleucos en 312 franchit les territoires sous contrôle d'Antigone et s'empare avec une troupe réduite de Babylone, ouvrant de fait un troisième front contre Antigone, après la Grèce et la Syrie[68]. Les événements de l'année 312 obligent donc Antigone à différer son passage en Grèce et en Macédoine. Une nouvelle armée conduite par Démétrios, puis par Antigone en personne, remporte quelques succès qui contraignent Ptolémée à évacuer une nouvelle fois la Syrie et la Phénicie. Antigone cependant ne tente pas de s'emparer de l'Égypte car préoccupé par Séleucos, il envoie son fils contre lui.

La paix de 311 av. J.-C.

En 311, aucun des diadoques n'a remporté d'avantage décisif mais la nécessité d'une trêve se fait sentir, chacun étant épuisé. C'est pourquoi les plénipotentiaires de Lysimaque et de Cassandre prennent contact avec Antigone cette année-là, après une tentative avortée en 313. Ceux de Ptolémée se joignent bientôt à eux. Cette paix nous est connue par une allusion assez brève de Diodore de Sicile[69] et par un texte épigraphique incomplet découvert sur le site de la cité de Skepsis en Troade[70]. Il semble qu'une phase d'intenses négociations ait précédé la signature du traité. Une première tentative entre Antigone et Ptolémée avait échoué en raison de l'ampleur des exigences d'Antigone[71]. En 313, la « conférence de l'Hellespont » entre des représentants de Cassandre et d'Antigone traîne en longueur puis échoue pour les mêmes raisons. Mais en 311, la situation est moins satisfaisante pour Antigone. L'expédition de son fils Démétrios contre Séleucos en Babylonie est un échec (312-311) et Antigone a besoin de la paix pour se retourner contre ce nouvel adversaire. Celui-ci d'ailleurs reste totalement en dehors des négociations. Il semble donc que se soit Antigone qui en reprenne l'initiative. Prépélaos est dépêché par Cassandre et Lysimaque, eux-mêmes en difficulté, auprès d'Antigone. Ptolémée, qui craint d'être isolé, envoie comme ambassadeur Aristoboulos tandis qu'Antigone est représenté par Aristodème de Milet.

Les deux principales dispositions du traité sont les suivantes : chacun garde ses possessions et la liberté des Grecs est proclamée officiellement. Antigone demeure ainsi le « stratège d'Asie », ce qui fait de facto de Séleucos un satrape rebelle. Effectivement, pour Cassandre et Lysimaque, Séleucos n'est rien puisqu'il était lié surtout à Ptolémée donc ils n'hésitent pas à le sacrifier. Que Ptolémée ne fasse guère plus pour soutenir Séleucos s'explique sans doute par son manque de marge de manœuvre et aussi, peut-être, par une analyse réaliste de la situation de Séleucos, à savoir que celui-ci est en train de s'emparer de toute la partie orientale de l'empire et de fait n'a pas réellement besoin d'aide. Antigone d'ailleurs, nous l'avons vu, ne se résigne à la paix que pour avoir les mains libres avec Séleucos.

Cela dit Antigone apparaît comme le vainqueur provisoire du conflit. Son empire, centré sur l'Asie mineure, est intact, si l'on excepte la Babylonie dont s'est emparée Séleucos. Il garde la haute main sur les trésors dont ses adversaires souhaitaient s'emparer et dont il n'est pas question dans les négociations de paix. La proclamation de la liberté des Grecs est l'aboutissement du processus qu'il avait initié lors de la proclamation de Tyr en 315 av. J.-C. C'est une arme qu'il estime favorable à ses ambitions car tous les diadoques ont dans leurs états des cités grecques et la moindre manifestation d'autorité de l'un d'eux contre l'une d'entre elles peut fournir le casus belli dont il aurait besoin pour une reprise éventuelle des hostilités. Il s'agit cependant d'une arme à double tranchant et qui peut se retourner contre lui. Il y a également un paradoxe car les cités sont invitées à jurer une paix à l'élaboration de laquelle elles n'ont pas participé. D'une certaine façon, et ce paradoxe se retrouve tout au long de l'époque hellénistique, elles se soumettent ainsi à la volonté du maître de l'État dans lequel elles sont incorporées et adhérent ainsi à des décisions prises en dehors d'elles. Curieuse façon d'inaugurer la liberté. Dans le texte épigraphique, Antigone insiste pour que les Grecs adhèrent à cette liberté qui leur est octroyé :

« C'est pourquoi il me paraît bon que vous prêtiez le serment que nous vous envoyons. Nous nous efforcerons dans l'avenir de vous procurer à vous et aux autres Grecs, tous les avantages en notre pouvoir[72]. »

Cependant Antigone n'a atteint aucun de ses objectifs. Aucun de ses adversaires n'est à terre et il doit reconnaître Cassandre comme « stratège d'Europe » (ce qui lui redonne pouvoir sur les cités grecques d'Europe) et tuteur du roi Alexandre IV. La majorité du roi approchant, il existe une menace que tous les diadoques redoutent, c'est qu'il mette fin à leurs fonctions, ce que légalement il peut faire. Cette paix contient en elle l'extinction de la dynastie des Argéades car, même si l'auteur en est Cassandre, la disparition de la famille royale arrange tous les diadoques. Au total cette paix est un arrangement qui maintient le statu quo ce qui, vu les circonstances ayant présidé à sa gestation, n'est guère étonnant.

L'intervention de Ptolémée en Grèce (310-308 av. J.-C.)

La reprise rapide du conflit

La paix de 311 av. J.-C. n'est qu'une simple trêve et celle-ci se révèle de courte durée. En effet Séleucos repousse les généraux envoyés contre lui par Antigone et étend son gouvernement vers toutes les hautes satrapies (Perse, Médie, Drangiane, Arie, Susiane, etc.) et jusqu'à l'Inde (entre 310 et 308 av. J.-C.). À partir de 308, il engage contre le prince indien Chandragupta Maurya un long conflit qui se règle par un traité de paix en 303 av. J.-C. : l'épigamie est reconnue entre Grecs et Indiens, Séleucos abandonne les satrapies indiennes de l'empire (Gandhara), ainsi que les parties orientales de l'Arachosie et de la Gédrosie[73], mais s'empare de la Bactriane et place le centre de sa puissance sur la Babylonie en créant sa capitale Séleucie du Tigre.

Mais c'est Ptolémée qui reprend l'initiative en mer Égée où domine la confédération des Cyclades, sous le contrôle d'Antigone. Il profite d'un conflit familial entre Antigone et son neveu Polémée qui estime ses services, lors du conflit qui vient de s'achever, insuffisamment reconnus. Il se constitue une principauté en Eubée autour de Chalcis et parvient à circonvenir Phœnix, l'officier qui dirige pour Antigone la Phrygie hellespontique (310 av. J.-C.). Ptolémée profite de cette situation, tandis que Démétrios est occupé de nouveau contre Séleucos et qu'Antigone n'a plus de flotte, celle-ci étant dans les mains de son neveu révolté.

Le satrape d'Égypte sait qu'il ne doit guère compter sur ses anciens alliés. Cassandre est occupé dans d'obscurs conflits internes à la péninsule balkanique[74] et Lysimaque est occupé de nouveau par des attaques sur ses frontières. Aussi Ptolémée agit-il seul et envoie son général Léonidès[75] en 310 s'emparer de la Cilicie. La réaction d'Antigone est rapide et ses fils reprennent la Phrygie à Phœnix qui est battu, tandis que Léonidès est vaincu à son tour. Mais en 309 av. J.-C., Ptolémée s'est emparé des villes côtières de la Carie et de la Lydie, telles Caunos, Xanthe, Héraklion et Persicon. Il connaît un échec devant Halicarnasse, qu'il avait déjà assiégée 25 ans plus tôt aux côtés d'Alexandre le Grand. Il s'installe ensuite à Cos et a l'habileté de se présenter en libérateur plutôt qu'en dominateur[76].

La fin de la dynastie royale

Tandis que Ptolémée et Antigone s'affrontent et que Séleucos est occupé en Asie centrale, la Macédoine connaît des événements tragiques avec la disparition quasi-totale de la famille royale des Argéades. Le traité de 311 av. J.-C. permet à Cassandre de garder le titre de « stratège d'Europe » jusqu'à la majorité du roi Alexandre IV. C'est condamner de façon certaine le jeune roi, qui est assassiné avec sa mère Roxane (très probablement en 310 av. J.-C.). Polyperchon, de nouveau en délicatesse avec Cassandre, prend sous sa protection le fils d'Alexandre le Grand et de Barsine prénommé Héraclès, et lève une armée de plus de 20 000 hommes. Cassandre, impopulaire jusqu'en Macédoine, s'estime incapable de tenir le choc face à son adversaire mais a l'habileté de s'entendre avec lui (vers 309 av. J.-C.). En échange d'un partage du pouvoir en Grèce continentale, il persuade Polyperchon de se débarrasser d'Héraclès. Avec cet assassinat disparaît la dynastie des Argéades, au moins dans sa parentèle masculine, et le dernier obstacle à ce que les diadoques se proclament rois.

L'échec de Ptolémée en Grèce continentale (308 av. J.-C.)

Pendant ce temps, Ptolémée se débarrasse du neveu d'Antigone, Polémée[77]. Il semble que le Lagide ait conclu un accord avec Antigone pour se partager la mer Égée. Les îles seraient revenues à Antigone et la Grèce continentale à Ptolémée. Cette alliance est clairement dirigée contre Cassandre et Polyperchon. Dès 308 av. J.-C., le satrape d'Égypte traverse la mer Égée et s'empare d'Andros, tenue par une garnison du défunt Polémée. Puis il débarque dans le Péloponnèse, reçoit la soumission de Sicyone des mains de Cratésipolis, occupe ensuite Corinthe et prend Mégare à Cassandre. Ses ambassadeurs appellent les Grecs à la liberté. Il est probable que Ptolémée cherche à ce moment-là à ressusciter la ligue de Corinthe. Mais les événements en Cyrénaïque inquiètent Ptolémée depuis longtemps loin de ses bases. En effet Ophellas, qui gouverne la Cyrénaïque pour le compte de Ptolémée et qui en réalité est devenu plus ou moins indépendant, s'allie avec Agathocle, le tyran de Syracuse, lors de son expédition en Afrique[78]. Ophellas est finalement éliminé par Agathoclès qui prend le contrôle de ses troupes (309 av. J.-C.). Ptolémée ne voit pas d'un bon œil l'émergence d'une nouvelle puissance sur sa frontière orientale. De plus le succès en Grèce est assez mitigé, sans compter son coût. Il est probable que c'est à ce moment que Ptolémée comprend que la lutte contre la Macédoine est inégale en Grèce continentale et qu'il est plus important de dominer les îles de la mer Égée, que l'Égypte doit être une thalassocratie. Ptolémée traite alors avec Cassandre et rentre en Égypte (vers 308) d'où son gendre, Magas, monte une expédition victorieuse sur Cyrène.

Ipsos (301 av. J.-C.)

Nouveau succès pour Antigone

Le retrait de Ptolémée de la Grèce continentale laisse le champ libre à Antigone. En effet il vient de traiter avec Séleucos, reconnaissant à ce dernier la mainmise sur les satrapies orientales, et, profitant de ce que ce dernier est occupé à la frontière orientale de son empire par la montée en puissance de Chandragupta Maurya, il tourne son activisme vers ce qui a toujours été son objectif, la mainmise sur la Grèce et la Macédoine. Il fait construire une nouvelle flotte, la précédente étant passée sous le contrôle de Ptolémée lors de son annexion des possessions de Polémée. Dans l'hiver 308-307 av. J.-C., Démétrios Ier Poliorcète part d'Éphèse et cingle vers le Sounion[79], puis il entre dans Athènes et chasse Démétrios de Phalère[80] qui gouvernait depuis 10 ans la ville au nom de Cassandre à la tête d'un gouvernement oligarchique. Il annonce sa volonté de rendre la liberté aux Grecs, poursuivant ainsi la politique entamée par Antigone depuis sa proclamation de Tyr (315 av. J.-C.) et de repousser Cassandre au-delà des Thermopyles. Démétrios pille ensuite Mégare, qui ne s'en relèvera jamais, bien qu'à la demande des Athéniens, il la déclare libre, puis assiège Munychie qui capitule. Athènes est ainsi totalement libre, mais avec un diadoque dans ses murs. Les clérouquies d'Imbros et de Lemnos sont rendues à Athènes. Les événements sont donc très défavorables à Cassandre, qui de plus perd l'Épire où le fils du roi éacide, Pyrrhus Ier, vient d'être rétabli par le roi d'Illyrie, Glaucias.

Cette situation est inacceptable pour Ptolémée, à qui la puissance nouvelle d'Antigone apparaît comme une menace. Aussi arme-t-il une flotte en vue d'attaquer la Syrie. Démétrios est alors rappelé par son père sans avoir pu prendre Corinthe ni Sicyone, toujours aux mains de Léonidès, le général de Ptolémée, depuis l'expédition de son maître en Grèce. Le fils d'Antigone fait voile vers Chypre, bloque le stratège lagide Ménélas dans Salamine de Chypre et écrase la flotte de Ptolémée en 306 av. J.-C.[81]. Celui-ci abandonne Chypre et la maîtrise des mers à son adversaire.

Les diadoques deviennent rois

Pièce à l'effigie de Démétrios Ier (ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΔΗΜΗΤΡΙΟΥ / BASILEÔS DÊMÊTRIOU, « Roi Démétrios »)

Ce succès encourage Antigone, qui vise toujours la restauration de l'empire d'Alexandre, à prendre, conjointement avec son fils, le titre de basileus (en grec Βασιλεύς, « roi ») sous le nom d'Antigone Ier et de Démétrios Ier[82]. Plutarque[83] raconte que c'est à l'initiative d'Aristodème de Milet, et à toute une mise en scène de ce dernier pour convaincre Antigone[84] qu'est prise la décision. En réalité, même si l'histoire est authentique, une telle décision politique ne peut être prise que par Antigone lui-même. C'est une façon de s'affirmer comme successeur d'Alexandre, surtout depuis la disparition des derniers héritiers de la dynastie argéade dont Antigone ne porte pas la responsabilité première[85], et de reconnaître le fait accompli. Le fait que, selon Appien[86], Démétrios soit associé au trône illustre bien cette volonté de fonder une nouvelle dynastie[87].

Les autres diadoques se doivent évidemment de réagir et adoptent successivement une attitude identique en prenant un titre royal. C'est ainsi que deviennent rois Ptolémée Ier (un an plus tard, en 305 av. J.-C., suite à l'échec de l'expédition d'Antigone sur l'Égypte car il est nécessaire pour se proclamer souverain d'attendre une victoire ce que Ptolémée ne peut faire immédiatement après sa défaite de Chypre), Cassandre de Macédoine, Lysimaque et Séleucos Ier. C'est une façon de s'opposer aux prétentions impériales d'Antigone mais aussi d'assurer une légitimité à leur pouvoir. La prise du titre royal ne vise que les Macédoniens et les Grecs car vis-à-vis des autres peuples, les diadoques se comportent comme des souverains dès l'origine, qu'ils aient ou non accompli à cette fin les cérémonies d'usage. La conséquence la plus directe est d'assurer en droit — dans les faits c'est déjà le cas depuis longtemps — le démembrement définitif de l'empire. Il s'agit là de l'acte de naissance juridique des monarchies hellénistiques.

Le siège de Rhodes (306 av. J.-C.)

Article détaillé : Siège de Rhodes.

Si Rhodes adopte dans ses relations avec les diadoques une stricte neutralité, ses intérêts économiques orientent sa préférence vers une alliance avec l'Égypte. De plus, les nombreux conflits et le développement de la piraterie accordent à la ville un rôle de gendarme des mers qui lui valent un grand prestige. Cependant, si Antigone souhaite s'emparer de la ville, c'est avant tout pour son importance géostratégique. Il dirige Chypre depuis sa victoire de Salamine de Chypre sur Ptolémée et mettre la main sur Rhodes[88], c'est contrôler l'ensemble des communication en Méditerranée orientale et en Égée. De plus Antigone vient d'échouer personnellement dans une attaque sur l'Égypte (305 av. J.-C.), il est donc nécessaire d'empêcher la naissance de cette thalassocratie que Ptolémée avait failli établir en 308 av. J.-C. Il faut remarquer cependant l'extrême mauvaise foi d'Antigone pour qui la liberté des Grecs ne pèse plus très lourd quand son intérêt l'exige, alors qu'il s'en proclame le champion.

Démétrios est donc chargé de s'emparer de la ville. Ce siège de plus d'un an est l'un des plus célèbres de l'Antiquité[89] et Démétrios y gagne son surnom de Poliorcète (« preneur de ville ») bien qu'il ne s'empare pas de la cité. Il utilise de nombreuses machines de siège auxquels les Rhodiens opposent une grande vaillance. Ptolémée, Cassandre et Lysimaque ravitaillent la ville qui est cependant sur le point de céder en 305 av. J.-C. Ptolémée lui-même conseille alors aux Rhodiens de traiter avec Démétrios. Grâce à l'entremise des Étoliens, un accord est signé. Rhodes s'engage à devenir l'alliée d'Antigone, sauf contre l'Égypte, et livre cent otages.

La guerre de quatre ans en Grèce (307-304 av. J.-C.)

Si Démétrios met fin au siège, c'est aussi parce qu'en Grèce Cassandre vient de reprendre l'offensive. Il assiège à la fin de l'année 307 la ville d'Athènes et la cité est sur le point de succomber. En 306 av. J.-C., une diversion des Étoliens contraint Cassandre à lâcher prise mais celui-ci reprend pied en Béotie, en Eubée et en Phocide. La ville de Corinthe quitte l'alliance avec Ptolémée, trop lointain, pour se rapprocher de Cassandre, et Polyperchon reprend le contrôle du Péloponnèse. En 304 av. J.-C., les Étoliens sont repoussés par Cassandre et ses alliés et l'Attique à nouveau ravagée. C'est à ce moment que Démétrios, qui vient de finir le siège de Rhodes, reparaît en Grèce. Il débarque à Aulis et s'empare de Chalcis. Puis il repousse Cassandre au nord des Thermopyles après avoir remporté une grande victoire sur ce dernier. La Béotie et la Phocide font leur soumission à Démétrios lequel, soucieux de conserver l'alliance athénienne, livre à la cité attique Phylé, Salamine et Panakton. C'est donc sur cette victoire que se termine ce conflit appelé « guerre de quatre ans » et dont la chronologie reste discutée[réf. nécessaire].

Entre 304 et 302 av. J.-C., Démétrios s'empare de Sicyone[90] (qui devient Démétrias), puis de Corinthe, et enfin du Péloponnèse à l'exception de Mantinée, qui reste fidèle à Cassandre.

La dernière coalition contre Antigone (302 av. J.-C.)

Article détaillé : Bataille d'Ipsos.

Les autres diadoques ne peuvent laisser Cassandre se faire dépouiller de son royaume sans réagir. Si Antigone et son fils mettent la main sur la Grèce, ce qui est déjà partiellement le cas, et sur la Macédoine, ils vont acquérir une légitimité encore plus forte. Aussi des tractations (dès 304 av. J.-C.) ont lieu qui aboutissent à une dernière coalition contre le vieux souverain (Antigone a près de 80 ans). Les forces sont équivalentes car l'immensité et la richesse du royaume d'Antigone lui permettent de mobiliser des effectifs considérables, sans doute équivalents à ses principaux adversaires réunis (entre 70 000 et 80 000 hommes à Ipsos). Il est donc nécessaire pour les adversaires d'Antigone de parvenir à faire la jonction de leur forces s’ils veulent l'emporter. Pour cela il faut gagner du temps, ce qui explique le plan hardi mais savant mis au point : une défense opiniâtre en Europe contre Démétrios, permettant une attaque de l'Asie par Lysimaque et surprendre Antigone, temporiser ensuite jusqu'à ce que les forces coalisées soient réunies.

Lysimaque est le premier à se mettre en branle au printemps de 302 av. J.-C. Il envahit, avec l'aide de troupes envoyées par Cassandre et dirigées par Prépélaos, la Phrygie hellespontique, prend ou reçoit la soumission de Lampsaque, Parion et Sigéion. Il ne peut s'emparer d'Abydos mais reçoit la soumission de nombreuses cités sur la côte de Lycie et de Carie. Ainsi en est-il de Colophon, Éphèse, Téos puis de Sardes. Antigone marche à sa rencontre et rappelle Démétrios.

Celui-ci avait envahi la Thessalie au printemps 302, en contournant les Thermopyles avec sa flotte. Il traite rapidement un armistice avec Cassandre et passe en Asie où il débarque à Éphèse (automne 302) qui repasse sous son contrôle[91]. Cassandre, dès le départ de Démétrios, s'empresse de rétablir son autorité en Thessalie, en Phocide (siège d'Élatée) et menace Argos dans le Péloponèse. Il renverse Pyrrhus le roi d'Épire et le remplace par Néoptolème (vers 302 av. J.-C./301 av. J.-C.).

L'arrivée de Démétrios en Asie met Lysimaque en difficulté. De plus, les renforts envoyés par Cassandre sous le commandement de son propre frère Pleistarchos sont balayés par Démétrios. Aussi Lysimaque se retire-t-il à Héraclée lors de l'hiver 302/301 av. J.-C., afin d'y attendre l'arrivée de Séleucos qui hiverne en Cappadoce. Quant à Ptolémée, il commet une erreur importante car, ayant envahi la Cœlé-Syrie et se préparant à rejoindre Séleucos, il bat précipitamment en retraite sous la fausse nouvelle d'une victoire d'Antigone. L'arrivée de Séleucos, avec environ 500 éléphants de guerre[92] obtenus après son accord avec le roi indien Chandragupta Maurya, bouleverse cependant complètement le rapport de force car il permet de réaliser enfin l'égalité numérique. Antigone se retire en Phrygie mais il est vaincu et tué en 301 av. J.-C. à la bataille d'Ipsos, l'une des plus importante de son temps[93].

Derniers conflits entre les diadoques

Le partage du royaume d'Antigone

Les royaumes des diadoques en 301 av. J.-C.

La bataille d'Ipsos est décisive en ceci qu'elle consacre définitivement le démembrement de l'empire d'Alexandre le Grand. L'idée d'unité du monde hellénistique est abandonnée même si elle traverse encore, de manière cependant épisodique, l'esprit de Démétrios, qui a échappé au désastre. Du partage du royaume d'Antigone, quatre royaumes se dégagent. Celui de Cassandre en Macédoine et en Grèce mais qu'il va falloir, pour cette dernière, en partie disputer à Démétrios. Lysimaque annexe l'Asie mineure jusqu'aux monts Taurus, à l'exception de quelques places de Lycie, de Pamphylie, voire de Pisidie, qui semblent être tombées aux mains de Ptolémée (dans la mesure où il ne les possédait pas déjà) et fonde ainsi un royaume à cheval sur l'Asie et l'Europe. Séleucos s'empare du reste de l'Asie et en particulier de la Syrie qui, promise à Ptolémée, récompense le principal acteur de la victoire tandis qu'est pénalisée l'excessive prudence du Lagide. Un petit royaume, à la destinée éphémère, est créé en Cilicie et accordé à Pleistarchos, le frère de Cassandre.

Démétrios

Le personnage central de la période qui sépare la bataille d'Ipsos de celle de Couropédion (281 av. J.-C.), qui marque la fin des guerres des diadoques, est celui de Démétrios, le fils d'Antigone. Ce sont ses ambitions, ses tentatives, ses expéditions qui déterminent fortement les réactions des autres diadoques. Mais Démétrios occupe plus qu'il ne domine la période, car son ambition est desservie par un défaut de mesure et de prudence ainsi que par son inconstance. Grand général, il remporte de nombreuses victoires sur ses adversaires mais est aussi, par sa fougue, à l'origine de désastres décisifs (Gaza en 312 av. J.-C., et Ipsos). Prompt à profiter de la moindre occasion, il n'a pas de plan réellement organisé sur le long terme et manque d'objectifs clairement définis. Séducteur (ses conquêtes féminines sont légion et célèbres dès l'Antiquité) et généreux, il adopte souvent un orgueil qui lui éloigne de fidèles soutiens. Cette vie romanesque, remplie d'actions d'éclat et de brusques retours de fortune, se termine sans gloire en captivité (285 av. J.-C.).

Au lendemain de la mort de son père et de sa défaite, la puissance de Démétrios reste importante. Il possède la maîtrise des mers, ainsi que celle de la plupart des villes côtières de Phénicie et d'Asie mineure. De plus il domine presque toute la Grèce au sud des Thermopyles. Dans un premier temps, après la défaite, il regagne Éphèse puis Athènes. Une mauvaise surprise l'attend car la cité attique décide de maintenir sa neutralité, ainsi que la Béotie et la Phocide et de nombreuses cités du Péloponnèse. Les cités ne souhaitent visiblement pas se compromettre aux yeux des vainqueurs.

Premiers conflits entre les vainqueurs

La « Grande alliance » entre les adversaires d'Antigone le Borgne ne dure pas. Très vite une brouille survient entre Ptolémée et Séleucos à propos de la Cœlé-Syrie. Promise à Ptolémée en cas de victoire sur Antigone, elle est occupée par le Lagide. Mais suite à sa peu glorieuse retraite avant la défaite finale d'Antigone, cette province est attribuée à Séleucos qui la réclame. Ptolémée refuse et Séleucos réplique que pour l'instant il n'insiste pas mais qu'il réserve ses droits pour plus tard[réf. nécessaire]. C'est ainsi que naît l'épineuse question de la Syrie méridionale qui va empoisonner les relations entre les Lagides et les Séleucides. Ptolémée décide d'anticiper la menace et se rapproche de Lysimaque, à qui il offre sa fille Arsinoé en mariage en 299 av. J.-C. Le diadoque de Thrace répudie pour cela sa femme Amastris, reine d'Héraclée du Pont[94] (en 282 av. J.-C. il marie sa fille, elle aussi prénommée Arsinoé, au futur Ptolémée II).

Cette alliance menace Séleucos qui risque d'être pris à revers en cas de conflit. Aussi celui-ci amorce-t-il un rapprochement avec Démétrios dont il épouse la fille, Stratonice, qu'il cède plus tard à son fils, le futur Antiochos Ier, profondément amoureux de la princesse[95]. Démétrios saisit cette opportunité et débarque en Cilicie (299 av. J.-C.) où il s'empare du trésor de Kyinda et renverse Pleistarchos, le souverain de cet éphémère royaume fondé à la chute d'Antigone. Pleistarchos se plaint en vain auprès de Séleucos, il semble que ce dernier se soit entendu avec son beau-père pour dépouiller le frère de Cassandre[réf. nécessaire]. Aussi Pleistarchos se réfugie auprès de son frère en Macédoine. Une ambassade est envoyée en Macédoine avec à sa tête Phila Ire, la femme de Démétrios mais aussi la sœur de Cassandre et Pleistarchos. Une alliance, ou au moins un accord tacite, est conclue. Cassandre admet la perte de la Cilicie par son frère et Démétrios ne tente rien contre lui en Grèce. Démétrios se rend ensuite en Syrie pour le mariage de sa fille avec Séleucos.

Cette période est assez confuse et certains éléments sont difficiles à restituer dans leur chronologie exacte. Il semble que Démétrios, sans doute soutenu par son gendre Séleucos, s'attaque à Ptolémée et lui enlève Samarie et peut-être la Cœlé-Syrie dans son ensemble (vers 298 av. J.-C. Mais rapidement, une entente semble conclue entre les deux hommes par l'intermédiaire de Séleucos. Ce dernier est inquiet des volontés hégémoniques de Démétrios, qui refuse de lui vendre la Cilicie et les villes phéniciennes et la mésentente s'installe entre les deux. Quant à Ptolémée, il aurait conclu avec Démétrios un accord secret. À la mort de Cassandre, qui semble imminente, le Lagide a deviné que Démétrios va vouloir se tailler un royaume en Europe. Il lui fournit donc de l'argent que Démétrios remboursera avec quelques unes de ses possessions asiatiques. Prudent, Ptolémée signe aussi un accord avec Agathocle — qui épouse une princesse égyptienne —, le tyran de Syracuse, et garde à Alexandrie le roi d'Épire en exil, Pyrrhus, ce qui peut lui servir à l'occasion de moyen de pression.

La mort de Cassandre et les nouveaux conflits en Grèce et Macédoine (298-290 av. J.-C.)

Cassandre meurt à une date indéterminée entre 298 et 297 av. J.-C. Ce décès perturbe le fragile équilibre entre les diadoques et permet à Démétrios de relancer ses ambitions. Le fils aîné de Cassandre, Philippe IV de Macédoine, meurt au bout de quelques mois et ses deux frères — Antipater, qui est le gendre de Lysimaque dont il a épousé la fille Eurydice, et Alexandre, gendre de Ptolémée dont il a épousé la fille Lysandra — se disputent l'héritage. Sur les conseils de leur mère Thessaloniké, ils se partagent le royaume.

Démétrios a saisi la mort de Cassandre pour intervenir de nouveau et assiège Athènes gouvernée par le démagogue Lacharès. Il s'empare de Salamine, d'Égine, d'Éleusis et Rhamnonte. Cette menace affole ses adversaires et Ptolémée réagit. Il envoie en Épire Pyrrhus, avec des troupes, qui parvient à éliminer définitivement son rival Néoptolème (en 297 av. J.-C.) et expédie une flotte trop peu nombreuse au secours d'Athènes. Ptolémée parvient seulement à s'emparer de nouveau de Salamine de Chypre où se trouve Phila Ire, la femme de Démétrios. Séleucos, quant à lui, envahit la Cilicie, sans doute son véritable objectif, consacrant ainsi la rupture avec son beau-père.

Démétrios s'empare d'Athènes, dont Lacharès s'est enfui, en 294 av. J.-C.[96] mais exerce une domination assez souple, laissant aux Athéniens leur constitution et leurs lois[97]. Il se contente d'installer une importante garnison et se lance dans la conquête du Péloponnèse. Il s'empare d'une partie de ce dernier lorsqu'il est rappelé par les événements de Macédoine.

En effet les deux fils de Cassandre se sont disputés, Antipater s'estimant lésé par la partialité de sa mère qu'il fait assassiner. Son frère Alexandre V appelle à l'aide à la fois l'allié de son beau-père Ptolémée, Pyrrhus le roi d'Épire, mais aussi, et c'est plus surprenant, Démétrios. Pyrrhus, plus rapide que Démétrios, se fait accorder pour prix de son intervention plusieurs petites provinces limitrophes de ses États (la Tymphée, le Paravée, l'Acarnanie et l'Amphilochie) et contraint Antipater à traiter. Le jeune roi Alexandre V s'inquiète encore plus de l'arrivée de Démétrios et le reçoit avec faste mais en lui faisant comprendre que son intervention n'est plus nécessaire. Envisage-t-il d'assassiner Démétrios pour se débarrasser d'une tutelle encombrante ? C'est ce qu'affirme Plutarque[98]. Toujours est-il que ce dernier le devance et fait assassiner par ses gardes le jeune roi à Larissa. Il marche ensuite sur Antipater qui est défait et s'enfuit chez Lysimaque avec sa femme et la veuve de son frère, Lysandra, qui épouse Agathoclès, le fils aîné de Lysimaque. Celui-ci, gêné par un conflit contre les Gètes, n'est pas réellement intervenu pour soutenir son gendre. C'est ainsi qu'à l'automne 294 av. J.-C., Démétrios réalise le vieux rêve de son père et devient roi de Macédoine.

Lysimaque est fait prisonnier par le roi gète Dromichætès vers 293 av. J.-C. Cela facilite les projets de Démétrios qui cherche à s'imposer définitivement en Grèce. Il s'empare de la Thessalie et fonde la ville de Démétrias sur le golfe pagasétique. À plusieurs reprises, il intervient en Béotie contre Thèbes révoltée. Renonçant aux principes de libération des Grecs, il rétablit l'oligarchie à Athènes. Mais en 290 av. J.-C., son stratège Patauchos est écrasé par une coalition des Étoliens et du roi d'Épire Pyrrhus.

La chute de Démétrios (288-285 av. J.-C.)

En 289 av. J.-C., Pyrrhus lance une expédition contre la Macédoine, profitant de la nouvelle que Démétrios est malade. Mais celui-ci réagit rapidement et contraint le roi d'Épire à repasser la frontière. Ce raid révèle cependant la faiblesse militaire du roi de Macédoine et le mécontentement de la population épuisée par plus de 75 ans de guerres incessantes. De plus, la morgue de Démétrios, son allure de despote oriental et surtout ses projets de reconquête de l'héritage de son père inquiètent les autres diadoques. Ptolémée, conscient de l'affaiblissement de l'Antigonide, est alors, semble-t-il, à l'origine d'une vaste coalition qui englobe, Séleucos, Pyrrhus et Lysimaque (délivré du conflit contre les Gètes). Pyrrhus et Lysimaque envahissent en 288 av. J.-C. la Macédoine avec le soutien de la flotte de Ptolémée. Démétrios est vainqueur de Lysimaque à Amphipolis[99] mais Pyrrhus est accueilli comme un libérateur par les Macédoniens eux-mêmes et Démétrios est obligé de fuir[100]. Son épouse Phila Ire se donne la mort. La Macédoine est alors partagée entre Pyrrhus et Lysimaque. Ce partage ne peut-être que provisoire car la cohésion de la Macédoine, de ses habitants et de ses intérêts, est trop forte.

Cependant le fils d'Antigone ne se trouve pas totalement défait. Il possède de nombreuses possessions grecques. En 287 av. J.-C., il met le siège devant Athènes qui, sous la direction du stratège Olympiodore, s'est révoltée. La ville est secourue par les autres diadoques et Pyrrhus mais ce dernier, une fois la ville sauvée, reconnaît à Démétrios ses possessions de Thessalie et de Grèce (dont Le Pirée, Salamine, Lemnos, Éleusis, Skyros et Imbros qui restent détachées d'Athènes). Il semble que Ptolémée, dont Pyrrhus est l'allié indéfectible, trouve habile de gêner la puissance montante de Lysimaque par une alliance objective entre Pyrrhus et Démétrios. La politique de Ptolémée de fait est immuable. Ayant renoncé assez tôt à toute ambition impériale, il s'oppose à tout souverain qui représente une menace pour l'Égypte. Il craint en particulier un pouvoir fort en Macédoine et en Grèce (surtout en mer Égée dont l'Égypte vise à s'assurer le contrôle).

Lysimaque est, dans ses propres États, impopulaire du fait de sa fiscalité excessive et de l'autoritarisme de son gouvernement. Mais il est le maître d'une grande partie de l'Asie mineure (en fait l'essentiel des anciennes possessions d'Antigone), de la Thrace et d'une bonne moitié de la Macédoine. L'assassinat par ses propres fils de la reine Amastris, qui gouverne Héraclée du Pont, donne à Lysimaque (qui fut un temps l'époux de la reine) l'occasion d'intervenir et de s'emparer de la ville. Démétrios n'hésite pas cependant et débarque à Milet, laissant son fils Antigone Gonatas garder ses possessions grecques, afin d'en finir avec Lysimaque. Il épouse au passage Ptolémaïs, une fille de Ptolémée Ier et de sa femme répudiée Eurydice, puis s'empare de Sardes. Toutefois le fils de Lysimaque, Agathoclès, survient avec une armée plus nombreuse et contraint Démétrios à se retirer en Phrygie. Il pénètre sur les terres de son gendre, Séleucos, en Cilicie et, abandonné par ses soldats, est contraint de se rendre[101] (285 av. J.-C.). Lysimaque exige sa mort mais Séleucos refuse et se contente de le garder prisonnier jusqu'à sa mort en 283 av. J.-C. en Chersonnèse de Syrie.

La fin de Lysimaque

Pièce à l'effigie de Ptolémée II et Arsinoé II

La ruine de Démétrios représente l'apogée du règne de Lysimaque. Tant que le combat contre Démétrios se poursuit, Lysimaque ménage Pyrrhus qui possède la moitié de la Macédoine et qu'il utilise pour mener la lutte contre Antigone Gonatas[102]. Ce dernier d'ailleurs fait mieux que résister puisqu'il s'empare de Démétrias et de la Thessalie, défend Le Pirée contre une attaque athénienne et est vainqueur de Sparte (vers 286-285 av. J.-C.). Une fois Démétrios mis hors de combat, en 285, Lysimaque s'empare sur Pyrrhus de la partie sud de la Macédoine. Cela ne lui est guère difficile car le roi d'Épire est abandonné pas une large partie de ses troupes macédoniennes dont la fidélité va d'abord à Lysimaque, Macédonien lui-même. Antigone Gonatas garde quant à lui les territoires au sud des Thermopyles. Lysimaque devient ainsi l'un des trois souverains prépondérants avec Ptolémée et Séleucos. Une tragédie domestique va ruiner tout cela.

Ptolémée, malade, abdique vers 285 en faveur de son fils Ptolémée II qu'il a eu de Bérénice sa seconde épouse. Il déshérite pour cela son fils aîné, Ptolémée Kéraunos, fils d'Eurydice, dont il craint la violence et la démesure. Celui-ci se réfugie alors à la cour de Lysimaque, auprès de sa sœur Lysandra qui a épousé Agathoclès, fils de Lysimaque et de Nikaia et héritier présomptif. Or la nouvelle épouse de Lysimaque, Arsinoé II, cherche à discréditer Agathoclès dans l'esprit de Lysimaque afin d'offrir la succession à ses propres fils. Convaincu que son fils complote contre lui (ce qui est faux), Lysimaque le fait assassiner en 282 av. J.-C.[103]. Cet assassinat ébranle l'armature du royaume, Agathoclès étant populaire contrairement à son père. Les cités d'Asie Mineure, qui ploient sous une lourde fiscalité, profitent de l'indignation suscitée par cet assassinat pour se révolter. Lysandra et Ptolémée Kéraunos, craignant pour leur vie, prennnent alors la fuite à la cour de Séleucos et l'encouragent à entrer en guerre contre Lysimaque[104]. À Pergame, le gouverneur de la ville, Philétairos, se révolte et livre sa forteresse et son trésor à Séleucos. La rencontre décisive entre Lysimaque et Séleucos a lieu à Couroupédion, en Lydie, probablement en février 281 av. J.-C.. Lysimaque est complètement défait et tué.

La mort de Séleucos

Séleucos Ier Nicator, fondateur de la dynastie des Séleucides, buste d'époque romaine impériale, musée du Louvre

La mort de Lysimaque et la bataille de Couroupédion sont généralement considérées comme la fin de la période des conflits entre diadoques. De ceux-ci en effet ne reste en vie que Séleucos, Ptolémée Ier étant mort en 283 av. J.-C. À la fois maître de l'Asie et de l'Asie mineure[105], il apparaît comme le grand vainqueur. Le trône de Macédoine est libre et Séleucos y voit l'occasion unique de restaurer l'unité de l'empire (si l'on excepte l'Égypte).

Séleucos oublie cependant un peu rapidement les promesses faites à Lysandra et Ptolémée Kéraunos. Ce dernier, qui espère devenir roi de Macédoine, prépare un complot et fait assassiner Séleucos à proximité de la capitale de Lysimaque, Lysimacheia, afin de s'emparer du trône macédonien (vers 280 av. J.-C.).

La mort du dernier des diadoques voit disparaître la génération des officiers d'Alexandre. Elle marque aussi un tournant car, même si la stabilisation de la situation en Macédoine se fait un peu plus tardivement, les trois grandes puissances qui dominent l'époque hellénistique jusqu'à la conquête romaine, à savoir la Macédoine, le royaume des Séleucides et l'Égypte des Lagides sont constituées.

Notes

  1. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XVIII, 2-3.
  2. Il existe même une tentative de Néarque pour faire d'Hercule, le fils illégitime de Barsine et Alexandre, l'héritier du trône. Le fait que Néarque soit le gendre de Barsine n'est sans doute pas étranger à cette proposition refusée par les soldats et les diadoques.
  3. D’après Quinte-Curce, Histoires d’Alexandre, X, 6 et Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue-Pompée, XIII, 1, 11., les fantassins prirent le parti d’Arrhidée après que le conseil eut choisi, sans les consulter, l’enfant de Roxane.
  4. Justin, XIII, 3, 1-10 et 4, 1-4.
  5. Plutarque, Vie d'Eumène, 3, 1-2.
  6. Diodore, XVIII, 2, 4  ; Arrien, Histoire de la Succession d'Alexandre, 1, 3 ; Justin, XIII, 4.
  7. Diodore, XVII, 117, 3 ; Cornélius Népos, Eumène, 2, 2 ; Quinte-Curce, X, 6, 16.
  8. Diodore, XVIII, 4, 7.
  9. Pour la répartition complète des satrapies, voir Diodore, XVIII, 3 ; Quinte-Curce, 10, 10.
  10. Voir à ce sujet Pierre Briant, Antigone le Borgne. Les débuts de sa carrière et les problèmes de l'assemblée macédonienne, Paris, 1973, p. 240.
  11. Diodore, XVII, 99, 5-6 (mouvement de 325) ; XVIII, 7 (mouvement de 323).
  12. Hypéride, Oraison funèbre, 10-19.
  13. Diodore, XVIII, 9-13 ; 17-18 ; Justin, XIII, 5.
  14. Diodore, XVIII, 24-25.
  15. Diodore, XVIII, 3, 1 ; Plutarque, Vie d'Eumène, 3, 3 ; Cornélius Népos, Eumène, 2, 2 ; Justin, XIII, 4, 16 ; Quinte-Curce X, 10 ; Photius, II, 92. Diodore indique qu’Eumène « reçut tous les territoires adjacents » à la Cappadoce et à la Paphlagonie incluant peut-être la Pisidie.
  16. Diodore, XVIII, 16, 1 ; Plutarque, 3, 12.
  17. Diodore, XVIII, 16, 2.
  18. Quinte-Curce, III, 1.
  19. Diodore, XVIII, 16, 2 ; Photius, II, 92.
  20. a  et b Diodore, XVIII, 16, 3.
  21. « Suspect à tous, il se méfiait de tous » dit Arrien, Fragmente der griechischen Historiker, 156, 1, 5.
  22. Diodore de Sicile, XVIII, 38, 2-6.
  23. Diodore, XVIII, 33-36.
  24. Diodore, XVIII, 29, 1-2 ; Cornélius Népos, 3, 2 ; Justin, XIII, 6, 10-16. À propos des décisions du conseil de Cilicie voir P. Briant, Antigone (1973), p. 192-198.
  25. Diodore, XVIII, 29, 1-2 ; Plutarque, 1, 5 ; Justin, XIII, 6, 14-15
  26. Diodore, XVIII, 29, 4, Plutarque, 5, 2.
  27. Plutarque, 5, 3. Alcétas a auparavant œuvré à une conciliation entre Antipater et Perdiccas en proposant à son frère d’épouser Nikaia la fille d’Antipater : Diodore, XVIII, 23, 1-3 ; Justin, XIII, 6, 4-7.
  28. Plutarque, 1, 6
  29. Diodore, XVIII, 29, 1.
  30. Plutarque, 8, 1.
  31. Plutarque, 6, 8-11.
  32. Plutarque, 6, 6
  33. Plutarque, 7, 1.
  34. Diodore, XVIII, 30, 4-5.
  35. Diodore, XVIII, 30, 5, écrit au contraire des autres sources que Cratère charge le premier.
  36. Diodore, XVIII, 31, 1-4 ; Plutarque, 7 ; Cornélius Népos, Eumène, 4, 2-3.
  37. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], IX, 40, 7-9. Voir en ce sens la note de Paul Goukowsky, Bibliothèque historique, XVIII, p. 47 (32, 2) et l’avis contraire de Pierre Briant, « Le cas d’Eumène de Cardia », Revue des études anciennes, no 74, 1972, p. 79.
  38. Cornélius Népos, 4, 4.
  39. Diodore de Sicile, XVIII , 31, 4.
  40. Diodore de Sicile, XVIII, 37, 1 ; Plutarque, 8, 3 ; Cornélius Népos, 5, 1. Alcétas et une cinquantaine d'officiers de Perdiccas sont également condamnés à mort. Cette condamnation est confirmée lors du conseil de Triparadisos.
  41. Diodore, XVIII, 39, 7.
  42. Arrien, Diadoques, 30-44.
  43. Diodore, XVIII, 41 ; Plutarque, Vie d'Eumène, 10.
  44. Les principales sources utilisées concernant le personnage d'Antigone sont :
  45. Diodore, XVIII, 56.
  46. Diodore, XVIII, 57-58.
  47. Diodore, XVIII, 53 et 58.
  48. D'après Pierre Jouguet, L'Impérialisme macédonien et l'Hellénisation de l'Orient, Albin Michel, 1972, p. 151.
  49. Plutarque, Vie d'Eumène, XI, 2.
  50. Pierre Briant, « D'Alexandre le Grand aux diadoques : le cas d'Eumène de Cardia », dans Revue des études anciennes no 75 (1973), p. 74-79.
  51. Diodore, XIX, 46.
  52. Diodore, XIX, 56.
  53. On a parfois voulu corriger Kasandros en Asandros, nom du satrape de Carie ; Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.), Seuil, coll. « Points Histoire », p. 55-56, met en évidence les raisons de conserver le nom du maître de la Macédoine. Voir également Maurice Sartre, L'Anatolie hellénistique de l'Égée au Caucase (334-31 av. J.-C.), Armand Colin, 2003, p. 29.
  54. Diodore, XIX, 57.
  55. Diodore, XIX, 61.
  56. Jean Delorme, Le Monde hellénistique, événements et institutions, S.E.D.E.S, coll. « Regards sur l'Histoire », 1975.
  57. Ce qui est faux puisque Cassandréia est construite sur l'emplacement de Potidée et que les anciens Olynthiens ne constituent qu'une partie de la population de la nouvelle cité.
  58. Ce titre ne lui avait été conféré à Triparadisos en 321 av. J.-C. que pour la lutte contre Eumène, mais Antigone continue de se l'attribuer car en théorie il lui donne des pouvoirs sur les autres diadoques et le met sur un plan d'égalité avec Antipater, « stratège d'Europe ».
  59. Le décret de Polyperchon était surtout un décret d'amnistie pour les participants à la guerre lamiaque et qui correspondait en fait à revenir à la situation à la mort d'Alexandre. Il n'est question ni d'autonomie ni de liberté.
  60. Sur la politique d'Antigone à l'égard des cités, cf. C. Werhli, Antigone et Démétrios, 1968, p. 103-129.
  61. Jean Delorme, op. cit., p. 43.
  62. Diodore (XIX, 62) affirme qu'il désirait « que les Grecs sussent qu'il n'avait pas moins de sollicitude qu'Antigone au sujet de leur autonomie ».
  63. La veuve de celui-ci, Cratésipolis, parvient cependant à réduire la révolte.
  64. Délos est ainsi délivré de la domination athénienne.
  65. Lysimaque intervient peu aux côtés de son allié Cassandre lors de cette période car les villes grecques du littoral de la mer Noire qu'il contrôle, soutenues par les généraux d'Antigone, sont en révolte.
  66. Cassandre avait fait parvenir, sans succès car Antigone faisait traîner les choses, des offres de paix dès 313 av. J.-C. après la campagne de Télesphore (conférence de l'Hellespont).
  67. À Chypre, Séleucos soutient Nicocréon de Salamine, le seul souverain qui ne soit pas rallié à Antigone.
  68. Diodore, XIX, 90-92
  69. Diodore, XIX, 105, 1.
  70. Il s'agit d'une lettre d'Antigone aux habitants de la cité et, plus vraisemblablement, d'une lettre « circulaire » adressée aux habitants des cités de ses États.
  71. En 314 av. J.-C. à Ecregma.
  72. Lettre à la ville de Skepsis, Orientis Graeci Inscriptiones selectae 5 = (en) C.B. Welles, Royal Correspondence in the Hellenistic Period no 1.
  73. Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne], XV, 2, 9 ; Justin, XV, 4, 12-21 ; Appien, Syriaca, 55.
  74. Cassandre soutient le roi des Péoniens, Audoléon, en lutte contre un peuple illyrien, et commence à connaître quelques problèmes avec les Celtes.
  75. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] « Vie de Démétrius, Chapitre 15 »,
    La version de Robert Flacelière et Émile Chambry (1977) l'appelle Léonidès
    (voir : Plutarque, Vies parallèles, vol. 2, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2001 (ISBN 978-222109393-1) ).
    Dans la version de Dominique Ricard (1883) on trouve Cléonidas, le texte grec en regard comporte Κλεωνιδας
    (voir : Vie de Démétrius, Chapitre 15 sur Université de Louvain).
  76. C'est sans doute à ce moment qu'il faut placer l'intrigue, politique plus qu'amoureuse, entre Ptolémée et la sœur d'Alexandre, Cléopâtre. Pour éviter de donner des droits à l'empire à son adversaire, Antigone fait exécuter la princesse.
  77. Il le condamne à boire la ciguë.
  78. A. Laronde, « Observations sur la politique d'Ophellas à Cyrène », dans Historia no 498 (1971), p. 300-306.
  79. Avec une flotte de 250 navires et une somme d'environ 5000 talents.
  80. Démétrios Poliorcète, qui se distingue des autres diadoques par un moindre recours à la violence et à l'assassinat politique, le fait raccompagner jusqu'à Thèbes avec courtoisie[réf. nécessaire].
  81. Diodore, XIX, 47-52 ; Plutarque, Vie de Démétrios, 15
  82. Diodore, XX, 53 ; Justin, XV, 2.
  83. Plutarque, Vie de Démétrios, 17-18.
  84. Ainsi Aristodème, chargé par Démétrios d'apporter la nouvelle de la victoire, prend une mine sinistre et refuse de répondre aux envoyés d'Antigone le pressant de dévoiler l'issue de la bataille. Finalement, il ne le fait que lorsque Antigone lui-même se précipite au devant de lui le saluant d'un sonore « Salut, roi Antigone ! Nous sommes vainqueurs de Ptolémée ». Ce à quoi répond le nouveau roi : « Toi aussi par Zeus je te salue ! Mais puisque tu nous a mis à la question, tu le paieras : tu attendras plus longtemps ta récompense. »
  85. Si l'on excepte l'assassinat de la sœur d'Alexandre, Cléopâtre.
  86. Appien, op. cit., 54.
  87. De plus Antigone est le lointain descendant des premiers rois argéades.
  88. Rhodes, que Démétrios avait en vain tenté d'entraîner contre Ptolémée après sa victoire.
  89. Diodore, XX, 81-88 et 91-100 ; Plutarque, Vie de Démétrios, 21-22.
  90. Diodore, XX, 100 et 102-103 ; Plutarque, Vie de Démétrios, 23-27.
  91. Diodore, XX, 107.
  92. Chiffre considérable pour l'époque quand on songe aux quelques éléphants de Pyrrhus ou d'Hannibal Barca et qui pourtant terrifient les Romains.
  93. Le caractère très fragmentaire du livre XXI de Diodore de Sicile ne peut être que déploré.
  94. Ces deux reines vont connaître un destin tragique.
  95. Stratonice est, par sa mère Phila Ire, la petite-fille d'Antipater, et par son père celle d'Antigone le Borgne. Elle est aussi la nièce de Cassandre et la sœur du futur roi de Macédoine Antigone II Gonatas.
  96. Après une longue famine durant laquelle Épicure partageait ses fèves avec ses disciples afin de ne pas mourir de faim.
  97. Plutarque, Vie de Démétrios, 33-34.
  98. Ibid., 36.
  99. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], I, 10, 2.
  100. « Il prit peur et s'éclipsa subrepticement, un grand chapeau sur la tête et une capote miteuse autour du corps », précise Plutarque[réf. nécessaire].
  101. Plutarque, Vie de Démétrios, 49.
  102. Celui-ci est installée dans les possessions grecques de son père Démétrios.
  103. (de) Heinen, dans Untersuchungen zur hellenistichen Geschichte des 3. Jahrhunderts v. Chr., zur Geschichte des Zeit des Ptolemaios Kéraunos und zum chremonideischen Krieg (Steiner, Wiesbaden, 1972), montre l'absurdité de la version de Memnon (dans F. Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker, 434 F 5-6), qui fait de Ptolémée Kéraunos le meurtrier, la phrase le désignant ainsi pouvant être une glose.
  104. Séleucos a promis à Ptolémée Kéraunos la couronne d'Égypte.
  105. À l'exception d'Héraclée du Pont, qui profite de la mort de Lysimaque pour proclamer son indépendance, avec le soutien du roi du Pont et de Byzance.

Bibliographie

  • Claire Préaux, Le Monde hellénistique. La Grèce et l'Orient de la mort d'Alexandre à la conquête romaine de la Grèce (323-146 avant J.-C.), tome 1, Presses Universitaires de France, collection « Nouvelle Clio. L'histoire et ses problèmes », 2003, 398 p. ISBN 2-13-042619-0
  • Maurice Sartre, L'Anatolie hellénistique de l'Égée au Caucase (334-31 av. J.-C.), Armand Colin, collection « U », 2003, 318 p. ISBN 2-200-26574-3
  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.), préface inédite de Pierre Cabanes, Éditions du Seuil, collection « Points histoire », 2003, 650 p. ISBN 2-02-060387-X
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