Azteques

Azteques

Aztèques

Aire maximum approximative des territoires sous domination aztèque.
La vallée de Mexico à l'arrivée des conquistadors, au début du XVIe siècle.

Les Aztèques, ou Mexicas (du nom de leur capitale, Mexico-Tenochtitlan), étaient un peuple de langue nahuatl qui s'était définitivement sédentarisé dans la vallée de Mexico, sur une île du lac Texcoco, aux environs du XIVe siècle. Au début du XVIe siècle, ils avaient atteint un niveau de civilisation parmi les plus avancés d'Amérique et dominaient, avec les autres membres de la Triple alliance, le plus vaste empire de Mésoamérique. L'arrivée des Espagnols menés par Hernán Cortés en 1519 scella la fin de leur règne : après l'exécution de leur dernier empereur en 1524, leur civilisation s'est éteinte rapidement à cause du taux de mortalité extrêmement élevé de leur population à cette époque et de l'oblitération volontaire de leur culture par les colons.

Les études de cette civilisation précolombienne se basent sur les codex mésoaméricains, les témoignages des conquistadors, les travaux des chroniqueurs du XVIe et XVIIe siècle ainsi que, depuis le XIXe siècle, les fouilles archéologiques.

Sommaire

Ethnonymes

Le peuple aztèque s'est lui-même désigné, dans sa langue (le nahuatl), par plusieurs ethnonymes différents :

  • Azteca (« ceux d'Aztlan ») a servi à désigner, selon les chroniques indigènes et espagnoles, le peuple aztèque jusqu'à son départ d'Aztlan et même pendant au moins une partie de sa migration[1]. Ce terme pouvait être accompagné d'autres noms en rapport avec ce territoire originel, comme Chicomoztoca[2] (« de Chicomoztoc ») ou Teocolhuaca[3] (« de Teocolhuacan »).
  • Mexitin (« ceux de Mexitl ») fut, selon les légendes retranscrites dans les codex et les chroniques indigènes, le nom que leur donna leur dieu tribal Huitzilopochtli pendant leur migration d'Aztlan à Mexico[4].
  • Mexica Tenochca (« ceux de Mexico-Tenochtitlan »), ou plus généralement Mexica[5], servit à les désigner à partir de leur sédentarisation définitive à Mexico[6].

Les chroniques espagnoles du XVIe siècle ont le plus souvent traduit indifféremment les termes Mexitin et Mexica par Mexicanos (« Mexicains »)[7].

Histoire

Article détaillé : Époque préhispanique du Mexique.

Origines

L’origine des Mexicas demeure incertaine, aussi bien du point de vue de la chronologie que de la localisation des différentes étapes de leur migration. En effet, les récits des migrations mexicas, avant qu'ils ne fondent Mexico-Tenochtitlan et s'y sédentarisent définitivement, tels qu'ils ont été retranscrits dans plusieurs codex, se contredisent et ont été remis en cause par les fouilles archéologiques. Ces textes empreints de symboles ont certainement volontairement occulté et modifié, à des fins idéologiques, la réalité historique sur leurs origines[8].

Les codex montrent que les Aztèques revendiquaient une double origine nordique, à la fois chichimèque et toltèque, qui leur conférait le prestige à la fois de la vaillance guerrière des chasseurs-cueilleurs et de l'héritage culturel des fondateurs de Tula. Les Aztèques partageaient effectivement avec ces peuples la même langue (le nahuatl), les croyances astrales, la pratique des sacrifices humains et une organisation militariste de la société[9].

Il semble que les Nahuas avaient commencé à quitter le nord du Mexique actuel au VIe siècle de notre ère pour s’installer en Mésoamérique, au centre de l'actuel Mexique, et avaient fini par se mélanger avec les populations locales. Pendant l’époque postclassique, ils aménagèrent à Tula, à l'époque du développement de la civilisation toltèque. Il semble que c’est au XIIe siècle que les derniers Chichimèques, dont les Aztèques, ont immigré dans la vallée de Mexico, qui était alors dominée par les Tépanèques d'Azcapotzalco.

Aztlan

Détail du Codex Boturini qui représente Aztlan avec à droite le glyphe 1 Silex.
Article détaillé : Aztlan.

Les codex affirment tous que les Aztèques, comme leur nom l'indique, étaient originaires d’Aztlan.

Dans ces textes anciens, la localisation de cette cité, qui est le plus souvent représentée sous la forme d'une montagne entourée d'eau[10], n'est généralement pas indiquée, ou est vaguement qualifiée de lointaine[11]. Les sources plus précises la situent le plus souvent au nord, mais parfois aussi à l'ouest ou au nord-est[12]. On ne sait pas non plus exactement le sens du nom de cette cité mystérieuse[13]. Aucune convention pictographique aztèque ne lui a été non plus attribuée, contrairement aux autres cités qui sont toutes représentées par un glyphe spécifique[14].

Ces incertitudes et ces contradictions sont à l'origine de nombreuses hypothèses émises par les historiens[15], tandis que nombre d'entre eux tiennent pour acquis le caractère mythique de cette cité, dont la description est fortement chargée de symboles. Christian Duverger, dans sa monographie L'origine des Aztèques, considère même que la grande similarité entre Aztlan et Mexico est un indice (parmi de nombreux autres) d'une réécriture a posteriori des origines des Aztèques, qui leur aurait permis de légitimer leur occupation de Mexico, en tant que site naturel jumeau d'Aztlan[16].

Période migratoire

Leur départ semble se faire en l'an 1-couteau de silex (1116) ou peut-être au moment de la chute de Tula en 1168[17]. Guidés par le dieu Huitzilopochtli, ils erreront pendant plusieurs générations avant de se fixer sur le site actuel de Mexico.

Les Mexicas seraient passés par Chicomoztoc (« lieu des sept cavernes » en nahuatl) d'où différentes tribus seraient parties les unes après les autres, et notamment les Toltèques. Ils seraient également passés par Tula[17] avant d'arriver à Chapultepec vers 1248[18].

Au XIVe siècle, la région du plateau central mexicain comptait 28 cités-états[19] : les plus puissantes étaient Culhuacan au sud, d'origine toltèques) et Azcapotzalco à l’ouest (d'origine incertaine). Ces cités-états étaient tantôt en état de guerre, tantôt alliées. Établis à Chapultepec, les Mexicas tombèrent sous la domination des Colhuacas. Les Tépanèques d’Azcapotzalco expulsèrent les Mexicas de Chapultepec. Ces derniers ne tardèrent pas à se révolter et sauvèrent leur vie en se réfugiant dans les zones marécageuses du lac. En 1299, Cocoxtli, le dirigeant de Culhuacan les autorisa à se fixer sur les terres pauvres de Tizapan[20], où ils se mélangèrent à la culture Culhuacan.

Fondation de Tenochtitlan

Le blason du Mexique reprend le glyphe aztèque symbolisant la fondation de Mexico-Tenochtitlan.

En 1323, les Mexicas auraient vu un aigle perché sur un cactus serrant dans ses griffes une figue de barbarie (tenochtli en nahuatl)[21] (ou un serpent selon certaines sources anciennes[22],[20], qui ont peut-être cherché à occulter le symbolisme sacrificiel inhérent à la figue de barbarie[23]). Cette vision fut interprétée par les prêtres comme un message surnaturel du dieu Huitzilopochtli leur indiquant qu’il leur fallait s’établir à cet endroit et qu’ils allaient fonder un puissant empire. Les Mexicas fondèrent la ville de Tenochtitlan sur une petite île marécageuse au milieu du lac Texcoco, l'année 2-maison (1325)[24].

En 1375, ils élirent leur premier chef (Huey tlatoani), Acamapichtli, qui venait de Colhuacan et appartenait à une dynastie toltèque[25]. Jusqu’en 1428, les Mexicas restèrent soumis à l’État d’Azcapotzalco, qui était devenu une puissance régionale, sans doute la plus importante depuis les Toltèques. Le troisième chef mexica, Chimalpopoca, était un vassal d’Azcapotzalco[25].

La Triple Alliance

Symboles des États de la Triple alliance aztèque (Codex Osuna, page 34, 1565)
Article détaillé : Triple alliance aztèque.

Maxtla, fils de Tezozomoc, assassina Chimalpopoca en 1428. Son successeur, Itzcoatl, s’allia avec le chef exilé de Texcoco, Nezahualcoyotl afin de vaincre Maxtla[26]. Cette coalition, que Tlacopan rejoignit par la suite, est appelée la Triple alliance aztèque ou ligue des trois villes[27]. Elle réussit à imposer sa domination sur la vallée de Mexico et étendit son influence du golfe du Mexique au littoral du Pacifique.

Période impériale

Tenochtitlan devint alors progressivement l’État le plus puissant sur le plateau central du Mexique. Deux souverains de Texcoco surent garder son influence à la troisième ville de la Triple Alliance qui devint la capitale intellectuelle de l'empire : Nezahualcoyotl, protecteur des arts et des sciences et Nezahualpilli, qui mit en application les idéaux de son père Nezahualcoyotl. Après les règnes d'Itzcoatl et de Moctezuma Ier, puis la mort de Nezahualcoyotl en 1472, les souverains mexicas héritèrent d'un véritable empire[28].

Les deux principaux architectes de l’empire aztèque furent les demi-frères Tlacaelel et Moctezuma I (1440-1469), qui étaient aussi les neveux d’Itzcoatl. Moctezuma I succéda à Itzcoatl comme Hueyi Tlatoani en 1440 ; il étendit la domination aztèque sur les états actuels de Guerrero, Puebla et Oaxaca[29]. Tlacaelel, qui était une sorte de vice-empereur, réforma l’État et la religion. Selon certaines sources, il aurait ordonné de brûler les livres aztèques au motif qu’ils contenaient des mensonges. Il fit réécrire l’histoire de son peuple qui devenait une nation mythique et qui aurait été toujours puissante. Tlacaelel serait également à l’origine des rituels guerriers (guerre fleurie) mais aussi de la nécessité de sacrifices permanents pour perpétuer la course du soleil.

L’empire aztèque connut son apogée sous le règne d’Ahuitzotl entre 1486 et 1502[29]. En moins de 200 ans, l’humble peuple nomade chassé par plus puissant que lui était devenu le maître de la vallée de Mexico et de ses environs. Les Mexicas attribuaient leur succès à Huitzilopochtli et adoraient conter la glorieuse épopée de leur longue errance dans le désert. L'« empire » qu'ils bâtirent rapidement et la soumission des nations occupant ce territoire trouvait leur légitimité dans le fait que les Tenochcas (autre nom pour désigner les Aztèques) étaient d'après eux-mêmes le peuple élu du soleil pour diriger le « monde ».

Le successeur d’Ahuitzotl, Motecuzōma Xocoyotzin (plus connu sous le nom de Moctezuma II), poursuivit l'organisation administrative de l'empire[30].

Conquête espagnole

Article détaillé : Conquête de l'Empire aztèque.
Route parcourue par Hernán Cortés et ses alliés depuis la côte de Chalchiuhcueyecan jusqu'à Mexico-Tenochtitlan en 1519.

Moctezuma II était huey tlatoani depuis 17 ans lorsque le conquistador Hernán Cortés débarqua sur les côtes mexicaines au printemps 1519. Ce dernier conclut une alliance avec la confédération de Tlaxcala qui était depuis longtemps ennemie des Aztèques. Les Espagnols et leurs alliés amérindiens arrivèrent devant Tenochtitlan le 8 novembre 1519. Moctezuma les accueillit d’abord pacifiquement ; puis la méfiance et l’hostilité s’installèrent pour culminer avec le massacre du Templo Mayor et la mort du chef aztèque. Les conquistadores durent fuir la ville le 1er juillet 1520 après les affrontements de la Noche Triste (« la nuit triste »). Ils revinrent pour assiéger Tenochtitlan avec leurs alliés amérindiens au printemps 1521. Le 13 août, ils entrèrent dans la cité et la réduirent à néant. Après la mort de Moctezuma II, l’empire aztèque tomba entre les mains d’empereurs affaiblis comme Cuitláhuac ; puis il fut dirigé par des chefs fantoches comme Andrés de Tapia Motelchiuh, choisi par les Espagnols. L'exécution de Cuauhtémoc en 1524 marque la fin de l'Empire aztèque[30]. Le déclin de l’empire aztèque provoqua la libération des autres cultures amérindiennes du centre du Mexique. Les dignitaires aztèques furent considérés comme des nobles par les conquérants et furent respectés comme tels. Les Tlaxcalans restèrent fidèles aux Espagnols et participèrent aux autres conquêtes menées par Cortés et ses hommes.

Les causes de la défaite

Espagnols jetant les cadavres de Moctezuma et Itzquauhtzin.

La rapidité de la conquête espagnole s’explique par diverses causes. Tout d’abord, les conquistadores possédaient un armement supérieur : cuirasses, épées et lances d'acier, arbalètes, arquebuses et canons (en faible quantité), cavalerie. Les Aztèques se battaient avec des armes en obsidienne et en silex, des boucliers et des protections légères ornées de plumes.

Les Espagnols étaient ensuite très supérieurs tactiquement : en effet, les conquistadors sont pour une grande partie d'entre eux des vétérans des guerres d'Italie. Ils ont une solide expérience des combats, en dépit de leur méconnaissance du terrain et de leur faible nombre (compensé en partie par leurs alliés totonaques, tlaxcaltèques, otomis, mécontents de la domination mexica).

Enfin, les buts de guerre sont différents : les Espagnols combattent pour éliminer l'ennemi du combat (de façon temporaire ou définitive), alors que les Aztèques tentent de faire des prisonniers en vue de sacrifices futurs pour les dieux. Ces derniers avaient des règles et des rituels précis liés à la guerre. Chaque faction prévenait l'autre de son attaque prochaine et lui fournissait même des armes (souvent en quantité plus symbolique qu'utile). D'ailleurs une guerre ne se terminait jamais par un massacre généralisé ou un asservissement total. Les gagnants et les perdants discutaient ensemble des conditions de soumission, des tributs à payer, etc.

Les Espagnols pratiquèrent le pillage et n'hésitèrent pas à tuer. Cette guerre fut également un affrontement idéologique entre deux cultures très différentes[31]. L'indécision initiale de Moctezuma qui croyait assister au retour de Quetzalcoatl était hanté par l'antique prophétie et par de mauvais présages, se prépara à livrer son empire : Quetzalcoatl devait revenir l'année ce-acatl (du roseau) et Cortés débarqua une année ce-acatl[32]. Le facteur de surprise et de peur n’est pas à négliger pour expliquer l’effondrement aztèque. Devant l'ennemi et leurs nouvelles technologies, les différents peuples amérindiens du continent faisaient face à une nouvelle menace. Le bruit du tonnerre entre les mains, les conquistadores maîtrisaient les foules. Devant la destruction des lieux sacrés, la profanation des cultes et l'élimination des différentes idoles, l'absence de réponse divine ne faisait qu'accentuer le pouvoir des Espagnols et la peur des conquis. Enfin, la variole, maladie transportée d'Europe en Amérique par les Espagnols, affaiblit considérablement les Aztèques.

Déclin démographique (période coloniale)

En 1520-1521, une épidémie de variole toucha les habitants de Tenochtitlan et fut l’un des principaux facteurs de la chute de la ville au moment du siège. En effet, on estime entre 10 à 50 % la part de la population de la cité morte à cause de cette maladie. Deux autres épidémies affectèrent la vallée de Mexico : la variole en 1545-1548 et le typhus en 1576-1581. Il est néanmoins difficile de dresser avec exactitude un bilan démographique au XVIe siècle. Mais les maladies apportées par les Européens et pour lesquelles les Amérindiens n’étaient pas immunisés ont provoqué des millions de morts. La population totale du centre du Mexique a peut-être diminué de 80 % en une soixantaine d’années[33].

Organisation politique

Structures de base

Comme dans les autres civilisations mésoaméricaines, l'organisation socio-politique aztèque était structurée principalement sur trois niveaux : la famille, le calpulli et l'altepetl.

Le calpulli (du nahuatl « calpōlli » signifiant « grande maison » ; autre mot : tlaxilacalli) était l'unité politique de base, composée de plusieurs groupes familiaux formant un réseau social. La nature exacte du calpolli n’est pas tout à fait claire et a pu être assimilée à un clan[29], une ville, un quartier[34], une paroisse ou coopérative agricole. Le calpolli était sous l’autorité d’un chef local (calpōleh) qui répartissait les terres pour l’agriculture (calpōllālli) ou encore les tâches non-agricoles, en échange d’un tribut et de la fidélité[35]. Chaque calpolli envoie des délégués au conseil suprême[29] et possède un temple où le culte de la divinité protectrice est rendu, ainsi qu'une école appelée telpochcalli dans laquelle les jeunes garçons s’entraînaient aux arts martiaux. Dans certaines cités-États du monde aztèque, les calpollis étaient spécialisés dans le commerce, comme Otompan, Texcoco et Tlatelolco[36] ; ces organisations aztèques peuvent faire penser aux guildes de l’Europe médiévale. Enfin, d’autres capollis regroupaient des immigrants venus d’autres régions de la Mésoamérique : à Tenochtitlan les calpollis d’Otomis, de Mixtèques et de Tlapanèques[37].

L’altepetl était une sorte de cité-État regroupant plusieurs calpollis et dirigée par un tlatoani. Le mot désigne non seulement un territoire mais aussi sa population. Ces cités-États pouvaient conclure des alliances, comme celle qui unissait Tlacopan, Texcoco et Tenochtitlan contre Azcapotzalco. Lorsqu'un altepetl étendait sa domination à d'autres altepetl, on lui donnait alors le titre de « huey altepetl » (« grand altepetl »).

Impérialisme

L'empire aztèque à la veille de la conquête espagnole.
Exemples de tributs payés au « huey tlatoani » (Codex Mendoza).

À la veille de la conquête espagnole, l'altepetl de Mexico-Tenochtitlan avait soumis à sa domination de nombreux autres altepetl, gagnant ainsi le titre de « huey altepetl » (grand altepetl).

Cet empire était divisé en 38 provinces plus ou moins assujetties, qui constituaient des cadres économiques et de perception du tribut[38]. Il était composé de plusieurs ethnies différentes les unes des autres, dont certaines ne parlaient pas le nahuatl[32]. Il ne formait pas un ensemble territorial cohérent : par exemple, la région méridionale et périphérique de Xoconochco ne se trouvait pas en contact direct avec le centre de l’empire. Tlaxcala au centre, Metztitlan au nord et Teotitlan au sud, étaient des enclaves indépendantes à l'intérieur de l'empire aztèque[39]. Les frontières étaient surveillées par des garnisons et protégées par quelques fortifications comme à Oztoman[40].

D’après Alexander J. Motyl[41], l’Empire aztèque était de nature informelle ou hégémonique car il n’exerçait aucune autorité suprême sur les territoires conquis et n’attendait qu'un tribut de leur part sous forme de balles de coton, plumes de quetzal, mesures d'or, vêtements précieux, etc.[42] Après leur défaite, les chefs héréditaires étaient en général restaurés dans leur fonction de commandement et les Aztèques n’intervenaient pas dans les affaires locales, pourvu que le tribut soit honoré[43]. Les altepetl devaient tous renoncer à leur politique militaire et célébrer le culte de Huitzilopchtli[44]. Beaucoup d'entre eux conservaient une relative autonomie de fait au sein de la confédération[45]. Ils furent l’un des rouages de la domination hégémonique des Aztèques sur les autres peuples de la Mésoamérique[46]. Les gouverneurs aztèques (tlacatecuhtli, « chef des guerriers ») résidaient dans les provinces sensibles[44].

Le tribut devait être acquitté entre une et quatre fois par an selon sa nature[47]. Il était levé par un fonctionnaire (calpixque) aidé d'une équipe de scribes. Deux registres des tributs sont parvenue jusqu'à nous  : le Matricula de Tributos et le Codex Mendoza[48]. Le tribut était en nature : il était souvent composé de coton ou de l’ixtle (fibre d’agave). Mais il pouvait également être fourni en, produits agricoles, en métaux, en turquoises, en bois, en animaux, en vêtements et en objets divers. La monnaie n'existait pas, mais le quachtli et son multiple la charge faisaient office d'étalon[49]. L'ensemble des impôts était entreposé dans le trésor (petlacalco) du palais impérial[50].

Hiérarchie de l'État

Tlatoani

Ahuitzotl : la natte, le diadème de turquoises et la volute qui s'échappe de sa bouche indiquent qu'il s'agit d'un Tlatoani (Codex Mendoza).
Article détaillé : Tlatoani.

Chaque altepetl (cité-État) nahua était dirigé par un souverain appelé « tlatoani » en nahuatl (« celui qui parle[42] » ou « celui qui commande[51] », du verbe « tlatoa », « parler »). À la veille de la conquête espagnole, le tlatoani mexica était appelé huey tlatoani (grand tlatoani), car son pouvoir s'était étendu à d'autres altepetl ; les Espagnols, en tentant d'adapter cette fonction à leurs références européennes, l'ont traduit par « empereur ».

Tous les Tlatoanis aztèques sont issus de la même famille, mais la succession ne se faisait pas nécésssairement de père en fils. Frères, neveux ou petits-fils entraient en ligne de compte. Les chroniqueurs espagnols ne s'accordent d'ailleurs pas sur l'ordre suivi[52].

Aux débuts de l'histoire aztèque, il était désigné par l'assemblée générale des guerriers[51]. En tant que huey tlatoani, son statut était devenu semi-divin mais il restait nommé par un grand conseil. Cette assemblée choisissait le membre de la famille qu'elle jugeait le plus compétent[53]. Ce choix devait être approuvé par les autres membres de la Triple Alliance, c'est-à-dire les souverains de Texcoco et de Tlacopan. L'intronisation proprement dite n'avait lieu qu'après que le souverain eut fait preuve de ses capacités en menant une série de conquêtes.

Lorsqu'il est représenté dans les manuscrits indigènes, on le distingue entre autres par la volute qui se dégage de sa bouche et qui indique la parole. Il porte un diadème d'or et de turquoises ainsi qu'un manteau bleu-vert[53].

L'empereur devait remplir ses devoirs envers les dieux et protéger le peuple aztèque. Il avait pour conseillers intimes le Cihuacoatl et certains grands dignitaires. Il avait en charge tout ce qui concernait les affaires extérieures à la cité. À Texcoco, le tlatoani régnait sans cihuacoatl mais était entouré de quatre conseils : gouvernement et justice, finances, guerres et musique.

Grands dignitaires

Le Cihuacóatl, dont le nom signifie littéralement « serpent-femme »[54] et qui représente la divinité du même nom, était le deuxième personnage de l'État aztèque après le Tlatoani[53]. Il organisait des expéditions armées, jugeait en appel et remplaçait l’empereur en son absence. C'est Itzcoatl qui avait créé cette fonction pour l'aider dans sa tâche et avait nommé son neveu Tlacaelel à ce poste[55]. Tlacaelel fut aussi le principal conseiller des deux empereurs suivants, Moctezuma Ier (son frère) et Axayacatl. La fonction resta ensuite occupée par son fils puis son petit-fils.

Quatre grands dignitaires militaires, dont le tlacateccatl (« qui commande les guerriers ») et le tlacochocalcatl (« préposé à la maison des javelines »), suivaient le Cihuacóatl dans la hiérarchie des conseillers du tlatoani mexica.

Tous les grands dignitaires faisaient partie de l'assemblée du « tlacocan » (« lieu de la parole », ou « Grand Conseil »), qui était consultée avant toute décision importante et pouvait refuser jusqu'à trois fois une proposition du tlatoani[56]. Ses membres étaient désignés par le souverain ou recrutés par cooptation.

Fonctionnaires

Moins importants que les précédents, ils s'occupaient des différentes tâches administratives concernant la police, les greniers et magasins où s'entassait le tribut. Ils dépendaient du uey calpixqui (que les Espagnols traduisaient par « grand majordome »), qui remplissait les fonctions de préfet de la capitale et de ministre des finances[56].

Armée

Article détaillé : Armée aztèque.

Hiérarchie militaire

Les « macehualtin » (plébéiens) formaient une infanterie de base équipée de frondes. Les plus efficaces d'entre eux pouvaient être anoblis au rang de guerrier jaguar ou de guerrier aigle après s'être illustré au combat en capturant plus de quatre prisonniers. D'autres ordres militaires étaient ceux des guerriers flèches et des guerriers crânes, dont le rôle était d'effrayer l'adversaire[57].

Principes guerriers

Les Aztèques se battaient pour conquérir plus de terres ou simplement pour faire des prisonniers à sacrifier à leurs dieux. C'est pourquoi ils organisaient régulièrement des chasses à l'homme appelées guerres fleuries contre les peuples périphériques de l'empire. Ces raids rapides et efficaces n'empêchaient pas pour autant l'empire aztèque, dans ses désirs d'expansion, de s'engager dans de longues guerres en territoire ennemi. Il avait donc besoin de guerriers résistants et déterminés.

Société

La page 64 du Codex Mendoza illustre une certaine mobilité sociale d'origine militaire. Du jeune guerrier (à la fin du 2° registre) au guerrier jaguar (à la fin du 3° registre), sont énumérés les différents grades et costumes correspondant au nombre de prisonniers capturés (de 1 à 4).

Groupes sociaux

À l'origine, la structure tribale des Aztèques, avant que ces chasseurs-cueilleurs chichimèques ne se sédentarisent, était égalitaire[34],[58] et basée sur l'existence de clans. En revanche, au moment de la conquête espagnole, la société était fortement hiérarchisée, même si une certaine mobilité sociale existait encore.

Aristocratie

Article détaillé : tecuhtli.

Au sommet de la pyramide sociale, on trouvait les « tecuhtli » ( « dignitaires », « seigneurs »[34]), que les chroniqueurs espagnols appelaient généralement « caciques ». En principe élus à des fonctions administratives, militaires ou religieuses, ils étaient généralement désignés à vie par leurs concitoyens, mais toujours avec l'aval du pouvoir central qui devait confirmer ce choix et les nommait parfois même directement. Pour assurer les frais souvent élevés de leur fonction, ils bénéficiaient des revenus des terres qui leur étaient attribuées et recevaient en outre une part des tributs prélevés sur les peuples de l'empire. Ils ne payaient pas d'impôts.

Article détaillé : pilli.

Au moment de l'arrivée des Espagnols, ce groupe était en voie de devenir une « noblesse » héréditaire[42],[59] : leurs enfants faisaient automatiquement partie des « pipiltin » (sing. « pilli »). À ce titre, ils étaient exemptés d'impôt[42] et ils avaient accès aux meilleures écoles, appelées « calmecac ». Comme ces écoles formaient les prêtres (« tlamacazqui »)[34], les pipiltin représentaient donc également l’essentiel de la hiérarchie religieuse, même si la prêtrise était accessible aux membres des classes inférieures. La société aztèque étant essentiellement basée sur la religion, qui nécessitait de nombreux prisonniers à sacrifier, les autres charges les plus prestigieuses étaient militaires, et seuls pouvaient y aspirer ceux qui s'étaient distingués au combat.

Les lignées aristocratiques commençaient même à se définir par rapport à un passé mythique rattaché à des ancêtres toltèques voire même à la descendance du dieu Quetzalcoatl[60].

Prêtres

Les prêtres étaient exemptés d'impôts et menaient une vie célibataire, rythmée par les jeûnes, les rituels et les pénitences[61]. Ils recevaient leur formation dans le calmecac. Ils avaient un rôle social en s'occupant des hôpitaux et en gardant les livres sacrés. Le clergé recevait de nombreuses offrandes gérée par un trésorier général (tlaquimiloltecuhtli).

Le clergé était ouvert aux femmes et hiérarchisé : les temples de quartiers étaient confiés à de simples desservants. Les provinces étaient sous la responsabilité de prêtres supérieurs. À Tenochtitlan, le Mexicatl Teohuatsin était une sorte de vicaire général[61]. Enfin, deux grands-prêtres s'occupaient du grand temple de la capitale.

Marchands

Quand ils ne pouvaient pas transporter leurs marchandises uniquement par voie navigable, les pochtecas aztèques utilisaient leur dos, car ils ne disposaient pas de chariot ni d'animal de trait (Codex florentin).

Les marchands, appelés « pochteca », constituaient un groupe social très distinct des autres : ils habitaient des quartiers qui leur étaient réservés, se mariaient entre eux et avaient leurs propres tribunaux[62].

C'est le caractère semi-militaire de leurs activités qui explique en partie ces particularismes. En effet, comme ils formaient des caravanes et partaient pour des expéditions lointaines jusqu'à l'isthme de Tehuantepec pour fournir Tenochtitlan en produits exotiques, ils servaient également souvent d'espions (naualoztomeca) et devaient fréquemment combattre dans les lointaines contrées hostiles où ils s'aventuraient[63].

Ce rôle important dans la société aztèque leur conférait des avantages sociaux par rapport aux autres plébéiens : ils étaient dispensés du service personnel et de la participation aux travaux publics organisés par l’État ; leurs enfants pouvaient fréquenter le calmecac, collège réservé à l’aristocratie[64] ; ils avaient également le droit de porter des bijoux en or et des vêtements luxueux lors de circonstances exceptionnelles, comme certaines fêtes.

En revanche, même si ces commerçants jouissaient de grands privilèges politiques et économiques, ils devaient éviter de faire étalage de richesse et de gloire pour ne pas heurter les pipiltin et leur donner l'impression d'empiéter sur leurs privilèges. On attendait d’eux un comportement « humble » et parfois les biens des commerçants riches étaient confisqués par l’État.

Le pochtecatlatoque était un dignitaire, généralement le plus âgé des pochteca, chargé d'organiser le commerce et d'administrer les marchés. Quant aux tlatlani, ils étaient spécialisés dans la traite des esclaves et étaient très riches.

Plébéiens

Les « macehualtin » (sing. « macehualli »), c'est-à-dire les gens du commun, formaient la majorité de la population. Ils étaient astreints au service militaire ainsi qu'aux travaux collectifs et devaient payer un tribut à l'État aztèque[58]. Groupés en « calpulli » (l'unité sociale de base dans toute la Mésoamérique), ils exerçaient différentes fonctions : artisans, artistes, paysans. Les terres appartenaient collectivement aux « calpulli » et chaque famille en recevait une parcelle en usufruit.

Comme ils accomplissaient un service militaire, il existait une certaine mobilité sociale : le guerrier qui se distinguait au combat en faisant au moins quatre prisonniers sur le champ de bataille pouvait s'élever dans la hiérarchie sociale en accédant au statut de « cuauhpilli », qui lui octroyait certains privilèges héréditaires dont jouissaient les « pipiltin ». Il s'était ainsi formé une aristocratie de rang inférieur au sein de la caste des guerriers jaguars et des guerriers aigles.

Les « macehualtin » n'avaient pas le droit de porter les mêmes vêtements que les « pipiltin » (voir image ci-contre) : si tous portaient une cape ou manteau appelé « tilmatli », celui des « macehualtin » était en fibres de maguey, alors que celui des « pipiltin » était en coton ; de plus, le « tilmatli » des « pipiltin » descendait jusqu'aux chevilles, alors que celui des « macehualtin » ne descendait que jusqu'aux genoux.

Les artisans, appelés « Toltèques » étaient organisés en corporations et avaient leurs propres dieux et lieux de culte.

Au-dessous des « macehualtin », existait une catégorie de déclassés appelés « mayeque », qui ne faisaient partie d'aucun calpulli et cultivaient les terres des seigneurs. Un « macehualli » qui ne remplissait pas ses obligations était susceptible de régresser dans cette catégorie. Les paysans sans terre (« tlalmaitl ») n'étaient pas des citoyens aztèques : ils ne payaient pas l'impôt mais devaient le service militaire[64].

Esclaves

L'esclavage existait chez les Aztèques : ils appartenaient à un maître et n'avaient pas de droits civiques. Certains esclaves, capturés à la guerre, étaient destinés à être sacrifiés. Les autres, appelés tlatlacotin, pouvaient le devenir pour des raisons diverses : pour avoir commis un délit, ou encore parce qu'ils s'étaient vendus eux-mêmes ou avaient été vendus par leurs parents, lors d'une famine par exemple[65]. Ils semblent avoir été bien traités, certains possédaient des biens, des terres et même d'autres esclaves[64]. Ils pouvaient se marier et leurs enfants étaient libres. Ils pouvaient acheter leur affranchissement ou être libéré à la mort de leur maître. Les empereurs pouvaient décider d’affranchissements massifs[64]. Au moment de la vente d'esclaves, ceux qui réussissaient à s'enfuir et à franchir la porte du palais devenaient libres.

Éducation

Le folio 60r du Codex Mendoza montre comment les parents mexicas éduquaient leurs enfants[66].

La civilisation aztèque est l’une des premières du monde à avoir imposé une éducation à tous les enfants, quel que soit leur sexe ou leur rang social.

Dans un premier temps, les enfants étaient éduqués par leurs parents dans le cadre du calpulli. Ils allaient régulièrement au temple local pour être testés. L’apprentissage de formules appelées huehuetlatolli constituait une grande partie de l’enseignement. Il s’agissait le plus souvent de formules pieuses et de proverbes basés sur les valeurs de la société aztèque. Elles étaient empruntées au fonds culturel nahua et ont évolué au cours des siècles. Les pères enseignaient à leurs filles de rester propres mais de ne pas trop se maquiller pour ne pas ressembler à des ahuianis. Les mères leur apprenaient à toujours aider leur futur mari. Les filles apprenaient les techniques artisanales et à élever les enfants. Elles n’apprenaient ni à lire, ni à écrire. Les garçons devaient être humbles, obéissants et travailleurs.

En principe, les enfants et les adolescents entre 10 et 15 ans devaient fréquenter les écoles qui étaient de deux types : les telpochcalli (« maison des jeunes ») dispensaient un enseignement de base (histoire, religion, artisanat, agriculture) et militaire. L'enseignement était gratuit pour les filles et les garçons dans collèges de quartier[67]. Les calmecac étaient spécialisées dans l’écriture, l’astronomie, l’administration et la théologie. Elles étaient fréquentées principalement par les fils des pillis. Les professeurs (tlamatimine) y imposaient une éducation sévère : bains froids le matin, punitions corporelles, saignées, tests d’endurance. Elles formaient des chefs (tlatoque), des prêtres (tlacuilo), des professeurs (tlatimini), des guérisseurs (tizitl) et des artistes (tlacuilos). Les élèves apprenaient les rituels, l’histoire, le calendrier, la géométrie, la poésie et les arts martiaux (telpochcalli).

Condition féminine

Certaines filles devenaient sages-femmes et reçevaient le même apprentissage que les guérisseurs. Des peintures représentent des femmes présidant des cérémonies religieuses, mais il n’existe aucune référence à des femmes prêtresses. Enfin, quelques-unes étaient choisies pour intégrer la maison du chant et de la danse, d’autres pour le jeu de balle, deux occupations de haut rang social.

Économie

Agriculture

Des chinampas modernes
Statue aztèque d'un homme tenant une cabosse de cacao.

La prospérité de la civilisation aztèque a en grande partie reposé sur une agriculture efficace qui a permis de nourrir des millions d’individus. Les Aztèques ont d’abord pratiqué une agriculture vivrière pluviale qui s’est améliorée progressivement. Ils ont conquis de nouveaux terroirs en aménageant des terrasses sur les pentes, au moyen de murets en pierre. Dans les vallées et les bassins, les paysans aztèques maîtrisaient les techniques de l’irrigation. Ils ont su reprendre, étendre et améliorer le système des canaux et des digues des civilisations précédentes. Une grande partie des eaux de la Cuauhtitlan ont notamment été détournées vers les champs. Dans les régions marécageuses du Lac Xochimilco, les Aztèques ont créé de nouvelles terres cultivables appelées chinampas, sortes de jardins flottants[68],[45]. Pour cela, ils prélevaient de la boue dans le fond du lac qu’ils déposaient sur de larges radeaux constitués de branches et de végétaux coupés[68],[45]. Ces îlots artificiels étaient séparés par des canaux étroits qui permettaient aux paysans de circuler en canots et en pirogues. Ces chinampas étaient très fertiles et pouvaient produire plusieurs récoltes par an. Les villes possédaient également de petits champs et des jardins : chaque famille pouvait ainsi faire pousser du maïs, des fruits, des plantes médicinales.

Parmi toutes les plantes cultivées par les Aztèques, le maïs était l’une des plus importantes et constituait l’essentiel de leur alimentation (tortilla). Cette céréale était cultivée dans les terrasses des hautes terres, dans vallées et dans les chinampas.

Les autres productions agricoles de l’Empire aztèque était l’avocat, les haricots, les courges, les patates douces, les tomates, l’amarante, le piment. Dans les régions littorales tropicales poussaient le coton, le cacao et le caoutchoutier

Commerce

Dans la société aztèque, le commerce était extrêmement développé. Une circulation de biens entre les hautes terres productrices de maïs, de haricots... et les basses terres côtières tropicales beaucoup plus riches et qui fournissaient le cacao, le coton, les plumes d’oiseaux pour les parures, l'obsidienne, donnait lieu aux activités d’une classe spécialisée de marchands, les pochteca[34]. Cette circulation marchande doublait la circulation des mêmes produits sous la forme du tribut à l’État aztèque. Dans une lettre célèbre à Charles Quint, Hernan Cortez décrivit les immenses marchés de Tenochtitlan. Sur ces marchés, chaque produit avait un lieu de vente déterminé. La vente se réalisait à la pièce ou à la mesure. Les jours de marché étaient fériés. Des tribunaux spéciaux, contrôlés par les marchands, tranchaient les conflits entre vendeurs et acheteurs et le chef des marchands fixait le prix des marchandises. Il était interdit de vendre les produits en dehors des places de marché. Sur les marchés plus petits et dans les localités de moindre envergure, le commerce était aux mains de marchands appelés tlanecuilo. Ils vendaient des produits de consommation courante et de la nourriture. Les marchés locaux étaient essentiels pour les populations étant donné que les Aztèques n’avaient pas d’animaux de trait ou de bât.

Religion

Mythologie

« La Pierre du Soleil » synthétise l'essentiel de la cosmogonie aztèque.
Représentation du dieu Quetzalcoatl (Codex Borbonicus).
Représentation de Tlaloc, divinité de la pluie.
Article détaillé : Mythologie aztèque.

Caractérisée par son syncrétisme, la mythologie aztèque était un mélange de traditions polythéistes, chamanistes et animistes héritées pour la plupart de civilisations mésoaméricaines plus anciennes. Comme la plupart des autres mythologies de Mésoamérique, donc, elle était principalement astrale et déterminée par l'observation du ciel, et, dans son panthéon, le dieu de la pluie (Tlaloc) et le serpent à plumes (Quetzalcoatl) tenaient une place très importante.

Cosmogonie

Les dieux, selon les croyances en vigueur au Mexique à l'époque aztèque (XIVe siècle de notre ère), avaient successivement créé quatre mondes ou « soleils », chaque fois anéantis[68].

Le premier, formé sous un Soleil d'escarboucles (Autre nom du rubis, pierre précieuse d’un rouge vif), disparut dans des cataractes torrentielles ; les quelques êtres humains qui survécurent devinrent poissons. Le deuxième monde, constitué sous un Soleil de feu, fut détruit par des jets de flammes, et les hommes furent changés en divers animaux. Le troisième monde, né sous un Soleil noir, fut englouti à la suite d'un tremblement de terre, et les hommes furent dévorés par les bêtes sauvages. Le quatrième monde, apparu sous le Soleil de l'air, s'acheva par la métamorphose des hommes en ouistitis. Enfin, un cinquième monde fut créé par Quetzalcoatl et Xolotl[68], qui connut le Déluge universel : seuls un homme et une femme parvinrent à gagner le sommet de la montagne et évitèrent l'extermination ; ils repeuplèrent la terre telle que devait la connaître et la travailler le peuple aztèque.

Les Aztèques se considéraient comme le peuple élu du soleil[22].

Divinités

La religion aztèque comportait un grand nombre de dieux, en particulier pour tous les phénomènes naturels, ainsi que pour la vie quotidienne. Il existait par exemple 400 dieux pour le pulque, c'est-à-dire la sève fermentée de l'agave[69] (le nombre 400 symbolisant l'infini)[69].

Mais même s'il intégrait avec une facilité exceptionnelle de nombreux dieux étrangers, le panthéon aztèque restait dominé par leur dieu tribal originel du soleil et de la guerre, Huitzilopochtli.

Avec Tlaloc, le dieu de la pluie et de l'agriculture qu'on retrouve sous différents noms au sommet du panthéon de toutes les civilisations mésoaméricaines, ils avaient leur temple sur la pyramide principale du Templo Mayor de la capitale et leurs prêtres étaient au faîte de la hiérarchie sacerdotale.

Quetzalcoatl (dieu de la civilisation, d'origine toltèque) et son ennemi Tezcatlipoca (dieu de la mort) étaient également très vénérés.

Vie après la mort

Selon les croyances aztèques, les guerriers morts au combat ou sacrifiés se rendaient au ciel oriental près du Soleil puis revenaient sous forme d'un papillon ou d'un colibri au bout de quatre ans[70],[71]. Mais les gens du commun n'échappait pas au Mictlan et disparaissaient après un voyage difficile de quatre ans[70],[72]. Les noyés allaient au tlalocan, « paradis » du dieu de la pluie Tlaloc[72].

Rites

Différentes étapes de la vie

La religion et les superstitions imprégnaient tous les aspects de la vie quotidienne des Aztèques.

Dans les quatre jours qui suivaient sa naissance, l'enfant recevait son nom par un prêtre. Il subissait un lavage rituel et la cérémonie était achevée par un banquet[73].

La cérémonie du mariage, organisée chez l'homme, donnait lieu à des rites comme le partage d'un plat commun par les époux. Après quatre jours de prières, le mariage pouvait être consommé sexuellement[74]. La polygamie était une pratique courante, surtout parmi les classes sociales élevées[75]. Certains seigneurs, ainsi que l'empereur, avaient une épouse principale et plusieurs épouses secondaires. Le divorce était autorisé et le remariage possible.

Une sage-femme s'occupait de la femme enceinte et veillait à ce que certains tabous soient respectés comme celui de ne pas regarder d'objet rouge[75].

À l'approche de la mort, le vieillard pouvait confesser ses fautes à un prêtre et devait faire pénitence (scarifications, jeûne, offrandes aux dieux)[76].

La plupart des morts étaient incinérés : les femmes mortes en couches, les noyés et les foudroyés étaient enterrés[70]. Au cours de la crémation, on brûlait de la nourriture ou un chien, car Xolotl, dieu à tête de chien avait triomphé des enfers[70]. L'esprit du chien était censé guider l'âme du défunt[57]. La famille du défunt devait encore brûler des offrandes 80 jours après le décès[77]. Le corps de l'empereur était incinéré avec un masque de pierre ou de turquoise ; ses cendres étaient placées dans jarre avec morceau de jade, symbole de vie[77]. Puis la jarre était entreposée dans le temple de Huitzilopchtli.

Sacrifices humains

La religion aztèque pratiquait le rite du sacrifice humain de manière régulière et massive : Hernán Cortés a estimé que 3 000 à 4 000 personnes étaient sacrifiées par an[78]. Le nombre de sacrifiés le plus important évoqué dans les chroniques apparaît dans le codex Durán, qui affirme qu'en 1487, pour célébrer la rénovation du Templo Mayor de Mexico-Tenochtitlan par Ahuitzotl, 80 400 captifs auraient été sacrifiés en quatre jours[79], même si ce chiffre est probablement exagéré (le codex Telleriano-Remensis évoque quatre fois moins de victimes)[80],[68],[45].

Si, probablement, ce sont au départ essentiellement des esclaves qui étaient sacrifiés, comme cela resta le cas dans la civilisation maya, le caractère expansionniste de l'Empire aztèque fit des prisonniers de guerre les principales victimes des sacrifices humains avec les esclaves[81]. Réciproquement, le besoin de captifs à sacrifier augmenta avec l'expansion de l'Empire et explique les guerres perpétuelles des souverains successifs.

On sacrifiait également des condamnés, et certains rituels exigeaient le sacrifice de nobles, de femmes vierges, d'enfants ou encore de « personnes marquées », c'est-à-dire présentant une particularité physique, comme les nains et les bossus[82]. Certains Aztèques se portaient aussi volontaires pour être sacrifiés, afin d'être ainsi divinisés[83], car ils croyaient que leur destin après la mort dépendait non pas de leurs actions sur terre mais de la façon dont ils mouraient, et les deux morts qu'ils considéraient les plus glorieuses étaient la mort au combat et le sacrifice. Cette croyance était largement répandue en Mésoamérique : cela permet d'expliquer que les ennemis capturés ne résistaient pas quand ils étaient sacrifiés, d'autant qu'ils étaient épuisés après leur voyage du champ de bataille au temple, qu'ils trouvaient dans le sacrifice un moyen digne d'échapper à une vie d'esclave et qu'ils étaient probablement, au moins parfois, drogués.

Les sacrifices avaient généralement lieu dans la cité, dans une enceinte cérémonielle, devant un temple, le plus souvent en haut d'une pyramide dont la montée symbolisait l'approche vers le dieu. Cependant, comme les lieux de culte étaient très variés, on sacrifiait également, en fonction des circonstances, sur la lagune, dans les montagnes (dont les pyramides reproduisent la forme symbolique rapprochant la terre du ciel et abritant le temple-caverne des dieux), aux croisées des chemins ou encore sur le champ de bataille[84].

Les méthodes de sacrifice étaient variées — pendaison, crémation, noyade — et dépendaient du dieu auquel on consacrait les victimes ainsi que du rituel, mais la forme la plus fréquente était la cardiectomie (extraction du cœur) et se pratiquait sur une victime encore vivante, à l'aide d'un couteau d'obsidienne ou de silex.

Dans le cas de la cardiectomie, la victime était placée sur une pierre de sacrifice (« techcatl ») de forme variable (trapézoïdale, conique ou parallélépipédique), mais presque toujours plus haute que large (sauf dans le cas de l'utilisation des grandes pierres cylindriques semblables à la pierre du Soleil ou la pierre de Tizoc), et d'une taille verticale de plus ou moins 50 cm[85] ; on utilisait aussi parfois comme support des tambours (« teponaztli ») ou le dos d'un prêtre, dont on peut supposer que les chac-mool étaient des substituts en pierre[86].

Le cœur du sacrifié était ensuite brandi ou lancé vers un symbole du dieu auquel était dédié le sacrifice, voire même frotté ou écrasé contre une représentation du dieu[87]. La plupart des sources indiquent que le cœur était finalement déposé dans un réceptacle, souvent un « cuauhxicalli » (« réceptacle de l'aigle »), pour que le dieu puisse le manger[88] ; il pouvait aussi être brûlé, enterré ou mangé[89]. Le sang et le crâne étaient aussi des éléments importants de l'offrande.

Le reste du corps des sacrifiés était généralement coupé en morceaux pour servir aussi bien de parure que de nourriture pour certaines personnes[90] ou des animaux sauvages gardés en captivité (serpents, jaguars)[91].

Jeu de pelote

Offrande de balle en caoutchouc au dieu Xiuhtecuhtli (Codex Borgia).
Article détaillé : Jeu de pelote.

Ce jeu rituel, appelé tlachtli ou ollamaliztli en nahuatl, était très répandu dans toute la Mésoamérique. Réservé aux classes supérieures de la société aztèque[69], son but semble avoir été de faire passer une grosse balle de caoutchouc dans un anneau vertical accroché à environ trois mètres de haut. Il y avait deux anneaux, accrochés à deux murs l'un en face de l'autre. Pour faire rentrer la balle dans ces anneaux, on pouvait seulement se servir de ses articulations (genoux, coudes, chevilles, hanches...), et pas de ses mains. La balle ne devait pas toucher terre, et si la balle tombait, l'équipe qui l'avait laissée tomber écopait d'une pénalité. Le jeu en soi était assez violent, car il arrivait souvent que les joueurs (tous des guerriers) prennent la balle en plein dans le ventre et tombent raides morts.

Ce jeu avait un but religieux, car à chaque partie, les spectateurs pariaient sur une équipe et tous les objets pariés étaient réunis. Plus le tas d'objets pariés était gros, plus les dieux étaient apaisés, et pouvaient ainsi libérer les pluies nécessaires.

Centres religieux

Reconstitution du Templo Mayor de Mexico-Tenochtitlan (Musée National d'Anthropologie de Mexico).
Article détaillé : Templo Mayor.

C’était à Mexico que l’on trouvait l’acropole la plus importante, le Templo Mayor. Elle était située au centre géographique de la ville, la où se croisaient les trois routes principales qui reliaient la ville à la terre et était entourée d'une muraille appelée le mur des serpents. À l’intérieur se trouvaient plusieurs pyramides surmontées de temples pour des dieux différents. La pyramide la plus haute était le temple Mayor, qui lui était surmonté de deux temples et possédait deux escaliers côte à côte. Les deux temples en question étaient le temple de Tlaloc dieu de la pluie ( à gauche) surmonté d’une crête bleu et le temple de Huizipochtli (à droite) surmonté d’une crête rouge incrustée de cranes. A droite du temple Mayor il y avait le temple de Chicomecoalt, et à gauche celui de Tezcatlipoca. En face du temple Mayor, il y avait le temple de Quetzalcoalt. Puis, à droite et à gauche du temple de Quezalcoalt se trouvaient quatre temples pour les dieux des peuples conquis. Ensuite, derrière le temple de Quetzalcoalt se trouvait le jeu de pelote (voir dernier paragraphe). A gauche de celui-ci se trouvait le temple de Xipe Totec, qui lui aussi n’avait pas la classique forme pyramidale mais était composé par un enclos de murs bas, qui renfermaient une cour dans laquelle se trouvait un petit autel pour les sacrifices. A gauche du jeu de pelote se trouvait l’autel des crânes.

Médecine

Les guérisseurs (tizitl ou ticitl) étaient spécialisés : les uns apprenaient à reconnaître et classer les plantes médicinales ; les autres élaboraient des traitements qui étaient vendus dans les tlapalli. Plus d’une centaine de préparations était connue, du déodorant à la pâte dentifrice, etc. Certains guérisseurs étaient capables d’opérer, de soigner les maladies de peau, les maux digestifs. Ils savaient poser des emplâtres et réaliser des saignées[92].

Cuisine

Des Aztèques partageant un repas (Codex Florentin, fin du XVIe siècle).
Une jarre pour le pulque, à l'effigie d'un singe. Vers 1200-1520, musée de Dumbarton Oaks, Washington D.C..

La cuisine aztèque était à base de maïs, courge, haricot agrémentés de piment et de tomate. Le maïs était consommé sous forme de galette, de pain et de bouillie. La volaille et la viande de boucherie étaient rares[42]. Les Aztèques mangeaient du dindon et du chien (Xoloitzcuintle)[42]. La dinde était associée au dieu Tezcatlipoca[93].

Le lac Texcoco fournissait également du gibier d'eau, des écrevisses, du poisson et des algues Spirulina, préparées dans une sorte de gâteau riche en flavonoides. Des poissons et des crustacés de mer étaient importés pour les classes sociales supérieures. Bien que le régime alimentaire des Aztèques était essentiellement végétarien, ils consommaient aussi des insectes comme les chapulines, des chenilles et des larves riches en protéines.

Les élites mangeaient occasionnellement de la chair humaine dans certaines cérémonies religieuses. D'après le récit de plusieurs conquistadors, après les sacrifices les soldats mangeaient la chair des sacrifiés.

Les Aztèques utilisaient également l'agave pour obtenir de l'aguamiel sucrée, des fibres pour les vêtements et les cordages ; ils buvaient le pulque (octli), un brevage fermenté employé dans les cérémonies. L'ivrognerie était interdite, sauf pour les anciens[94]. Elle était punie de mort pour les jeunes[95]. À la fin des repas, les nobles et les dignitaires fumaient la pipe (tabac, aromates) et consommaient des champignons hallucinogènes[96]. Les fèves de cacao servaient de monnaie et pour préparer le xocolatl (mot nahuatl signifiant boisson amère), éloignée de nos chocolats modernes. Les Aztèques associèrent le chocolat à Xochiquetzal, la déesse de la fertilité. Il était consommé sous forme de boisson amère et pimentée appelée xocoatl, souvent aromatisée à la vanille, au piment et au roucou. Le xocoatl était censé combattre la fatigue, une croyance qui est probablement attribuable à la théobromine. Seuls les nobles et les guerriers consommaient du chocolat, généralement à la fin du repas[94], car le cacao était une marchandise rare qu'il fallait importer depuis les vergers du Tabasco et du Soconuzco appartenant aux Mayas. Le cacao était un produit précieux dans toute la Mésoamérique. D'autres boissons chocolatées le combinaient avec des produits comestibles tels que les gruaux de maïs (qui agissaient comme un émulsifiant) et du miel.

Après la conquête espagnole, certaines plantes comme l'Amarante (huauhtli en nahuatl)[97] furent interdites à cause de leur utilisation rituelle. La baisse de la nourriture disponible posa de sérieux problèmes de malnutrition.

Loisirs

Jeu du patolli (Codex florentin).

Le patolli était une sorte de jeu de l'oie sur 52 cases, référence aux 52 années du cycle solaire[68].

Bernal Diaz rapporte que Cortés et Moctezuma II ont joué ensemble au totoloque.

Le jeu de pelote faisait l'enjeu de paris[98], ayant une fonction rituelle mais aussi de divertissement.

Littérature et arts

Article détaillé : Art aztèque.

Écriture et lettres

Exemple de manuscrit en nahuatl (Codex Mendoza).

L'écriture nahuatl apparaît au XIIe siècle de notre ère[99]. Elle servait à consigner des écrits économiques (registres d'impôts, tributs), historique (comme le Codex Xolotl) et religieux (tonalamatl). Elle combinait des éléments pictographiques, des idéogrammes et des symboles phonétiques[99]. Les livres étaient nombreux dans les bibliothèques des temples, des écoles et des résidences nobilaires[100]. Les scribes écrivaient sur des supports variés : fibres d'agave, peau de chevreuil à la manière des parchemins, écorce battue, etc[100]. Des milliers de manuscrits furent détruits par les Espagnols au moment de la conquête et de la période coloniale.

Le chant et la poésie étaient des activités appréciées par les Aztèques. Ils organisaient des concours et des spectacles. Des représentations de type théâtral mettaient en scènes des acrobates et des musiciens pour les comédies. Elles furent par la suite adaptées par les missionnaires chrétiens à des fins d’évangélisation.

Beaucoup de poèmes ont été rassemblés au cours de la conquête espagnole : la plus importante collection est celle des Romances de los señores de la Nueva España, probablement rassemblée par Juan Bautista de Pomar. Plusieurs noms de poètes sont parvenus jusqu’à nous : Netzahualcoyotl, tlatoani de Texcoco et Cuacuatzin, seigneur de Tepechpan par exemple.

La poésie était désignée par l’expression in xochitl in cuicatl signifiant « la fleur et le chant ». Elle se divisait en plusieurs genres : Yaocuicatl, consacré aux dieux et au thème de la guerre ; Teocuicatl adressé aux divinités ; Xochicuicatl pour les fleurs. La prose était quant à elle appelée tlahtolli et se déclinait en plusieurs genres. Des pièces de théâtre avec orchestre et des troupes d’acrobates divertissaient les nobles et l’empereur[101].

Peinture et enluminure

Il n'est pas douteux que les Aztèques ont revêtu de peintures les parois de leurs temples et de leurs palais. Ces œuvres ont été détruites en même temps que les édifices qu'elles ornaient. Un fragment de fresque subsiste toutefois à Malinalco[102], dans un bâtiment attenant au temple monolithique : son sujet semble être une scène où figure le dieu chasseur et guerrier Mixcoatl. Le scribe mexica portait le titre de « peintre » (tlacuilo en nahuatl). De fait, les manuscrits hiéroglyphiques et pictographiques, que leurs thèmes fussent religieux, historiques ou même administratifs, constituaient avant tout des recueils d'images, des suites de tableaux soigneusement dessinés et coloriés.

Sculpture et orfèvrerie

Ornement en forme de serpent (Bois, turquoise et coquillage, 20 X 43 cm, 1400-1521, British Museum).

La statuaire aztèque religieuse et profane, utilisait des éléments symboliques tout en faisant preuve d'un réalisme vigoureux. La plupart des œuvres ont été détruites par les Espagnols, car elles représentaient à leurs yeux des supports d'idolâtrie. Les sculpteurs aztèques ont réalisé de nombreuses statues de dieux et déesses, en respectant un symbolisme minutieux. Les dieux anciens étaient de facture archaïque (Tlaloc par exemple)[103]. L'une des œuvres les plus célèbres, conservée à Mexico, est celle du calendrier, figurant un soleil assoiffé de sang en son centre[104]. Le bas-relief en disque de la déesse Cyolxauhqui, découvert en 1978 à Mexico, est un monolithe polychromé. Des objets plus petits temoignent du savoir-faire des artistes aztèques, tels les crânes en cristal de roche conservés à Paris et à Londres[105]. Les empereurs et les souverains commandaient aussi des pièces profanes. Les bas-reliefs décorant les sanctuaires et les palais représentaient des animaux et des végétaux.

Les artisans aztèques excellaient dans l'art du masque en pierre, hérité des Toltèques, dont on faisait un usage funéraire ou religieux. Les couteaux de sacrifice ou les boucliers d’apparat couverts de plumes montrent le raffinement de l'artisanat aztèque. Les empereurs commandaient des objets somptuaires en métal précieux comme la statuette en or de l’empereur Tizoc, conservée à New York, ou encore comme les deux disques de 2,10 m de diamètre en or et en argent offert à Cortés, puis envoyé à l'empereur Charles Quint[106].

Architecture et urbanisme

Les principes de l'art aztèque reprennent les traditions de la Mésoamérique, déjà fixées pour l'essentiel à l'époque classique : pyramides à étages, panneaux et linteaux en bas-relief, autels monolithiques, murailles couvertes de fresques, etc[107]. Comme pour la religion et les techniques, les Aztèques ont emprunté aux autres cultures contemporaines de nombreux éléments.

Mexico-Tenochtitlan

Reconstitution de Mexico-Tenochtitlan.
Article détaillé : Mexico-Tenochtitlan.

Tenochtitlan, la capitale de l'Empire aztèque, comptait entre 150 000 habitants[21] et 500 000 habitants[108]. La ville s'étendait sur un carré d'environ 3 km de côté, pour une superficie approximative de 1 000 ha[109]. Elle était divisée en quatre grandes sections (campan) dont le centre était le Templo Mayor : Cuepopan au nord, Teopan à l'est, Moyotlan au sud et Atzacalco à l'ouest. Quatre grandes chaussées traversaient la ville. Bernal Díaz del Castillo rapporte que 10 chevaux pouvaient y passer de front. La ville avait une grande symétrie. toutes les constructions devaient être approuvés par le calmimilocatl, un fonctionnaire chargé de l'urbanisme de la ville. Chaque maison, même modeste possédait son jardin et son bain de vapeur (temazcalli)[110].

La ville possédait aussi des latrines publiques. Les excréments étaient recueillis pour être utilisés comme engrais. Environ 1000 personnes travaillaient de plus au nettoyage de la ville. Moctezuma Ier avait fait construire un premier aqueduc de 5 km de long[110]. Un deuxième fut aménagé sous Auitzotl entre Coyoacan et le centre[110],[45]. En 1449, une digue de 16 km a été édifiée pour protéger la ville des inondations[111].

Au nord de la place centrale, une quarantaine de bâtiments publics formaient le centre religieux (Templo Mayor). Il comptait une pyramide avec deux sanctuaires, d'autres temples (de Quetzalcoatl, de Tezcatlipoca, de Ciuacoatl, de Coacalco)[108], mais aussi un collège (calmecac), le Mecatlan (école de musique) et des arsenaux[112]. Ce centre religieux était fortifié par une enceinte crénelée de têtes de serpents (Coatepantli, « muraille de serpents ») de 300 mètres de large sur 400 de long, qui longeait le nord de la place centrale et le flanc du palais de l'empereur Moctezuma II. Le complexe platial s'incrivait dans un espace de 200 mètres de côté et comportait plusieurs bâtiments distribués autour d’un jardin : appartements impériaux, tribunaux, magasins, trésor, volière, jardin zoologique, salles de musique et de danse[112]. Il existait ailleurs dans la ville d'autres monuments prestigieux comme le temple circulaire de Quetzalcoatl. Mais ils ont tous été détruits par les conquistadores.

Autres réalisations aztèques

  • temples de Teopanzolco, Huatusco et Teayo
  • pyramide de Tenyuca complétée par les Aztèques
  • fortifications

Notes et références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Aztec ». (version de juin 2008)
  1. Duverger 2003, p. 130.
  2. cf. Cristobal del Castillo, Historia de los Mexicanos, p.57 (cité dans Duverger 2003, p. 130).
  3. Chimalpahin (cité dans Duverger 2003, p. 186).
  4. Duverger 2003, p. 134.
  5. Le toponyme Mexico étant probablement antérieur à l'arrivée des Aztèques, il devait déjà être entré dans les usages avant que les Aztèques ne lui adjoignent celui de Tenochtitlan (cf. Duverger 2003, p. 142-144).
  6. Codex Chimalopopoca, Annales de Cuauhtitlan, folio 26 (cité dans Duverger 2003 Note 4 p.129).
  7. Duverger 2003 Note 3 p.129.
  8. Duverger 2003 (Conclusion, p.373-387).
  9. Jacques Soustelle 2003, p. 9
  10. Duverger 2003 (chap.II, 6. Une apparente contradiction : les descriptions d'Aztlan, p.98).
  11. Duverger 2003 (chap.II, 1. Une localisation imprécise, p.83).
  12. Duverger 2003 (chap.II, 1. Une localisation imprécise, p.84).
  13. Duverger 2003 (chap.II, 2. Les approximations étymologiques, p.86).
  14. Duverger 2003 (chap.II, 3. L'absence de glyphe).
  15. Les historiens situent Aztlan parfois au nord-ouest du Mexique actuel (Michel Mourre 2004, p. 514), peut-être dans l'état de Nayarit (Mireille Simoni 2002, p. 644), parfois au sud-ouest des États-Unis actuels (Jacques Soustelle 2003, p. 7).
  16. Duverger 2003, chap.III La réintégration de l'origine (cf. en particulier p.111).
  17. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 10
  18. Smith 1984, p. 173
  19. Jacques Soustelle 2003, p. 11
  20. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 12
  21. a  et b Georges Duby 1994, p. 403
  22. a  et b Mireille Simoni 2002, p. 645
  23. « les cœurs des captifs sacrifiés, ils les appelaient « quaunochtli tlazotli » (les précieuses figues de Barbarie de l'aigle) » (citation du codex florentin in Duverger 2003, p. 348).
  24. Georges Duby 1994, p. 404
  25. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 17
  26. Jacques Soustelle 2003, p. 18
  27. Georges Duby 1994, p. 402
  28. Jacques Soustelle 2003, p. 20
  29. a , b , c  et d Michel Mourre 2004, p. 514
  30. a  et b Michel Mourre 2004, p. 515
  31. cf Les Aztèques à la veille de la conquête espagnole de Jacques Soustelle
  32. a  et b Mireille Simoni 2002, p. 648
  33. Silent Killers of the New World
  34. a , b , c , d  et e Georges Duby 1994, p. 405
  35. Rudolph Van Zantwijk, The Aztec Arrangement: The Social History of Pre-Spanish Mexico, Norman, 1985, University of Oklahoma Press. ISBN 0-8061-1677-3, pp.16-17
  36. Frances Berdan, The Aztecs of Central Mexico: An Imperial Society, Case Studies in Cultural Anthropology, New York, 1982, Holt, Rinehart & Winston. ISBN 0-03-055736-4, p.57
  37. Rudolph Van Zantwijk, The Aztec Arrangement: The Social History of Pre-Spanish Mexico, Norman, 1985, University of Oklahoma Press. ISBN 0-8061-1677-3, p.17
  38. Jacques Soustelle 2003, p. 21
  39. Jacques Soustelle 2003, p. 23-24
  40. Jacques Soustelle 2003, p. 24
  41. (en) Alexander J. Motyl, Imperial Ends: The Decay, Collapse, and Revival of Empires, Columbia University Press, New York, pp. 13, 19-21, 32-36 p. 
  42. a , b , c , d , e  et f Mireille Simoni 2002, p. 647
  43. Berdan, Frances F., Richard E. Blanton, Elizabeth H. Boone, Mary G. Hodge, Michael E. Smith, Emily Umberger, Aztec Imperial Strategies, Dumbarton Oaks, Washington, DC., 1996, (ISBN 0884022110)
  44. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 25
  45. a , b , c , d  et e Mireille Simoni 2002, p. 646
  46. Smith, Michael E.(2000), Aztec City-States. In A Comparative Study of Thirty City-State Cultures, Mogens Herman Hansen, Copenhague, pp. 581-595
  47. Jacques Soustelle 2003, p. 26
  48. Jacques Soustelle 2003, p. 27
  49. Jacques Soustelle 2003, p. 28
  50. Jacques Soustelle 2003, p. 29
  51. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 43
  52. Jacqueline de Durand-Forest, Les Aztèques, Les Belles lettres, 2008, p. 62
  53. a , b  et c Jacques Soustelle 2003, p. 44
  54. Jacqueline de Durand-Forest, Les Aztèques, p. 62
  55. Aguilar-Moreno 2007, p.87
  56. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 46
  57. a  et b Nigel Cawthorne 1999, p. 55
  58. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 31
  59. Jacques Soustelle 2003, p. 40
  60. Frances Berdan, The Aztecs of Central Mexico: An Imperial Society, Case Studies in Cultural Anthropology, New York, 1982, Holt, Rinehart & Winston. ISBN 0-03-055736-4, p.47
  61. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 41-42
  62. Jacques Soustelle 2003, p. 37
  63. Paul Hosotte 2001, p. 165
  64. a , b , c  et d Jacques Soustelle 2003, p. 35
  65. Jacques Soustelle 2003, p. 34
  66. Osvaldo Silva, Civilizaciones prehispánicas de América, Editorial Universitaria, 2006 (ISBN 9561118572) , p.142.
  67. Jacques Soustelle 2003, p. 32
  68. a , b , c , d , e  et f Georges Duby 1994, p. 406
  69. a , b  et c Georges Duby 1994, p. 407
  70. a , b , c  et d Jacques Soustelle 2003, p. 74
  71. Paul Hosotte 2001, p. 183
  72. a  et b Paul Hosotte 2001, p. 182
  73. Jacques Soustelle 2003, p. 69
  74. Jacques Soustelle 2003, p. 71
  75. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 72
  76. Jacques Soustelle 2003, p. 73
  77. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 75
  78. Charles C. Mann, Marina Boraso (trad.), 1491. Nouvelles révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb, Albin Michel, 2007, (ISBN 9782226175922), p.144.
  79. Graulich 2005, Avant-propos (p.7 et 24)
  80. Ross Hassig, Time, history, and belief in Aztec and Colonial Mexico, University of Texas Press, 2001, p.74
  81. Graulich 2005, p. 185
  82. Graulich 2005, III, 2 (Les victimes, p.203-212.
  83. Graulich 2005, p. 215-216
  84. Graulich 2005, p. 258-259.
  85. Graulich 2005, p. 271-273.
  86. Graulich 2005, p. 275.
  87. Graulich 2005, p. 314-315.
  88. Graulich 2005, p. 314-316.
  89. Graulich 2005, p. 316, 317 et 320.
  90. Graulich 2005, p. 314-316.
  91. (es) « habían de sacrificar a sus dioses nuestros corazones y sangre, y con las piernas y brazos que bien tendrían para hacer hartazgos y fiestas, y que los cuerpos echarían a los tigres y leones y víboras y culebras que tienen encerrados, que se harten de ellos » (Bernal Díaz del Castillo, Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, chap. LVI, Cómo nos dieron guerra en México, y los combates que nos daban, y otras cosas que pasamos).
  92. Jacques Soustelle 2003, p. 67
  93. (en) Ancient North & Central American History of the Wild Turkey, Wildturkeyzone.com. Consulté le 21-12-2007
  94. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 56
  95. Paul Hosotte 2001, p. 180
  96. Jacques Soustelle 2003, p. 57
  97. Jacques Soustelle 2003, p. 4
  98. Jacques Soustelle 2003, p. 61
  99. a  et b (fr) L'écriture nahuatl des Aztèques, B.N.F.. Consulté le 02-07-2008
  100. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 66
  101. Jacques Soustelle 2003, p. 114
  102. Jacques Soustelle 2003, p. 105
  103. Jacques Soustelle 2003, p. 100
  104. Jacques Soustelle 2003, p. 101
  105. Jacques Soustelle 2003, p. 103
  106. Jacques Soustelle 2003, p. 108
  107. Jacques Soustelle 2003, p. 95
  108. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 51
  109. Jacques Soustelle 2003, p. 50
  110. a , b  et c Jacques Soustelle 2003, p. 54
  111. Jacques Soustelle 2003, p. 55
  112. a  et b Jacques Soustelle 2003, p. 52

Voir aussi

Articles connexes

Sources indigènes

Liens externes

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Sources de cet article

  • Manuel Aguilar-Moreno, Handbook to Life in the Aztec World, Oxford University Press, 2007, 464 p. (ISBN 0195330838) 
  • Nigel Cawthorne (trad. Daniel Alibert-Kouraguine), L’art des Aztèques, Solar, Paris, 1999, 96 p. (ISBN 2263028609) .
  • Georges Duby et , L'Histoire du monde. Le Moyen Âge, Larousse, Paris, 1994 (ISBN 2032090023) .
  • Christian Duverger, L'origine des Aztèques, Seuil, coll. « Points Histoire », 2003, 432 p. (ISBN 2020590751) .
  • Christian Duverger, La Fleur létale, Seuil, coll. « Recherches anthropologiques », 1979 .
  • Michel Graulich, Le sacrifice humain chez les Aztèques, Fayard, 2005, 415 p. (ISBN 2213622345) 
  • Paul Hosotte, L'Empire aztèque, impérialisme militaire et terrorisme d'État, Economica, Paris, 2001 .
  • Michel Mourre et , Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire, Bordas-Sejer, Paris, 2004 (ISBN 2040270558), « Aztèques » .
  • Mireille Simoni, Encyclopædia Universalis, vol. 3, Encyclopædia Universalis, Paris, 2002 (ISBN 2852295504), « Aztèques » .
  • Jacques Soustelle, Les Aztèques, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2003, 128 p. (ISBN 2130537138) .
  • Jacques Soustelle, La vie quotidienne des Aztèques à la veille de la conquête espagnole, Hachette, Paris, 1955, 318 p.  [détail de l’édition].
  • Jacques Soustelle, L'Univers des Aztèques, Hermann, coll. « Savoir », 1997 .

Bibliographie

Chroniqueurs

Encyclopédies et dictionnaires

  • Georges Duby et , L'Histoire du monde. Le Moyen Âge, Larousse, Paris, 1994 (ISBN 2032090023) .
  • Michel Mourre et , Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire, Bordas-Sejer, Paris, 2004 (ISBN 2040270558), « Aztèques » .
  • Mireille Simoni, Encyclopædia Universalis, vol. 3, Encyclopædia Universalis, Paris, 2002 (ISBN 2852295504), « Aztèques » .

Périodiques

  • (en) Michael E. Smith, « The Aztlan Migrations of Nahuatl Chronicles: Myth or History? », dans Ethnohistory, no 31-3, 1984, p. 153-186 . (lire en ligne)


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